Je me souviens du jour de printemps 1975 où la ville de Phnom Penh est tombée aux mains des Khmers rouges. Pour nous, cela apparaissait comme la fin d'une guerre coloniale ou d'un conflit entre communistes et anticommunistes. Nous étions bien loin de nous douter de ce qui se passerait réellement.
Ce livre est la version corrigée du commentaire du documentaire du même nom de Ritty Pahn.
L'image manquante dont il parle est multiple. La première qu'il mentionne en déroulant le « film » de ses souvenirs, c'est justement celle de la déportation des habitants de Phnom Penh en avril 1975. Et mon souvenir est directement confronté à toute la violence du réel.
Avec une grande sensibilité et même avec de la poésie, Ritty Pahn arrive à témoigner de cette barbarie qui prétendait rendre l'homme meilleur et plus heureux, en le « ré-éduquant » : comment a-t-on pu, en pervertissant notamment Marx et Rousseau, faire à ce point le malheur d'un peuple ? L'auteur a réussi à survivre en côtoyant quotidiennement la mort et l'horreur des camps de travail. Pendant tout ce temps-là, il a gardé au coeur les souvenirs du monde d'avant, celui "de la musique, de la douceur, de la famille". Ce texte où alternent les souvenirs, la description de l'enfer, la poésie est vraiment une oeuvre superbe.
Maintenant, il me reste à regarder le film. « Ses minuscules poupées d'argile, animées d'une étonnante humanité, restituent toute l'inhumanité des quatre années de terreur khmère rouge. » (critique de Arte vidéo)