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EAN : 9791021058958
688 pages
Tallandier (17/08/2023)
3.6/5   5 notes
Résumé :
Sévigné (1626-1696), célèbre sans avoir jamais rien publié, demeure sans doute l’écrivain français le plus cité et le moins connu. Seules ses lettres adressées à sa fille seront révélées plus de trente ans après sa mort.

Rien de moins monotone pourtant que l’existence de la célèbre marquise, tout en contrastes. Orpheline et enfant gâtée, jeune femme trompée et pourtant enjouée, veuve courtisée, frondeuse et proche du pouvoir, parisienne et provinciale... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Madame de Sévigné naît en 1626, d'un gentilhomme bourguignon et d'une fille de financier parisien. Elle est le premier enfant du couple, mais elle sera vite orpheline. Son père meurt sur le champs de bataille lorsqu'elle a tout juste un an. Sa mère décède à son tour six ans plus tard. La petite Marie de Chantal-Rabutin sera élevée par sa famille maternelle, d'abord par ses grand-parents, et eux décédés, par la famille de son oncle, Philippe de Coulange. La grand-mère qui lui reste, Jeanne de Chantal, qui sera canonisée après sa mort, est bien occupée à fonder l'ordre de la Visitation, et ses nombreux couvent, et même si elle s'intéresse à Marie, la laisse au quotidien aux Coulange. Marie sera une petite fille choyée, élevée au sein d'une parentèle nombreuse et aimante, et elle gardera toute sa vie des liens privilégiés avec ses parents du côté maternel.

Elle recevra une éducation moderne, à base de lectures et de conversations, elle a aussi appris l'italien. Elle n'ira pas au couvent, c'est à la maison qu'elle suivra l'enseignement de maîtres : le conseil de famille fixe de sommes rondelettes pour leurs rémunérations. Tout cela lui permettra d'être très à l'aise dans les salons, de briller par son esprit et sa conversation.

A dix-huit ans on la marie, avec Henri de Sévigné, qui lui donnera deux enfants, avant de mourir en duel pour une autre femme. On sait peu de choses de ce que fut ce mariage, le mari était dépensier et infidèle, pas forcément plus que les hommes de son milieu en général. le jeune couple paraît avoir mené joyeuse vie à Paris, et l'enjouement de la marquise semble apprécié. Nous sommes pendant les années de la Fronde, de son agitation, son nom est mentionné dans les gazettes. La marquise est aux premières loges. Après le décès de son mari, elle partagera sa vie entre Paris, où elle aime briller dans les salons, s'amuser, et les terres bretonnes de son mari. Elle doit faire attention à son budget, et veiller à ses intérêts. Sa fille Françoise-Marguerite est une véritable beauté, elle sera même surnommée « la plus belle fille de France » le temps d'une ou deux saisons, où elle danse à la cour. Mais il s'agit de la marier, après différentes possibilités, ce sera François de Grignan. Françoise-Marguerite semble s'être beaucoup attaché à ce mari, avec qui elle aura plusieurs enfants. Charles, le fils, semble avoir hérité la tendance à la dépense excessive et aux amours nombreuses de son père et essaie de faire carrière dans l'armée avant de se ranger en Bretagne sur les terres familiales.

La marquise De Sévigné aura été sans doute bien oubliée, un personnage très secondaire de l'histoire, une spectatrice, certes bien placée pour observer, mais sans aucune influence sur les événements, ni talent particulier. Mais cette femme qui paraît peu passionnée, appréciant la sociabilité des salons et des fêtes, dans une sorte de bonne humeur raisonnable, va se découvrir des sentiments très forts pour sa fille, dont elle sera séparée. François de Grignan, va en effet occuper la charge de lieutenant-général en Provence, et donc la famille y résidera. Madame de Sévigné vivra mal les séparations, voudra le plus possible faire venir sa fille à Paris, mais Françoise-Marguerite préférera visiblement la compagnie de son mari à celle de sa mère. Les relations des deux femmes ne semblent pas avoir été simples : la marquise démonstrative et charmeuse, et sa fille beaucoup plus réservée, souhaitant visiblement une distance avec cette mère parfois envahissante. Pendant les longues périodes de séparation, il n'y aura donc que les lettres, pour combler l'absence, pour savoir ce qui arrive, pour dire les sentiments, pour partager le quotidien. La marquise attend avec grande impatience celles de sa fille, et écrit les siennes : lire et écrire les lettres sera sa grande occupation, en particulier en Bretagne. Une lettre à chaque service postal : deux puis trois fois par semaine. Cela fait une grande quantité. Il y a aussi les lettres qu'elle a écrites à d'autres, mais dont la plupart se sont perdues. Nous n'avons pas non plus les lettres de Madame de Grignan, c'est donc un monologue.

Les lettres de la marquise De Sévigné paraîtront seulement après sa mort. D'abord des lettres qu'elle a adressé à son cousin, Roger de Bussy-Rabutin, homme de lettres, qui publie certaines missives de la marquise, mais uniquement parce qu'elle lui avait donné la réplique : les écrits de sa cousine ne sont là que pour mettre en valeur l'esprit de l'auteur reconnu qu'est Bussy-Rabutin. Mais ce sont les lettres de la cousine qui attirent l'attention et provoquent l'édition des certaines lettres adressées à Mme de Grignan. Il y aura quelques parutions désordonnées, et à un moment Mme de Simiane, la petite fille de la marquise, chargera un certain Perrin, d'en faire une édition plus complète, qui comptera 8 volumes. Malheureusement, Perrin va remanier le texte, prendra beaucoup de libertés avec les lettres d'origine. Il essaie surtout de faire entrer le texte très libre de Mme de Sévigné dans les canons de l'époque. Et les originaux seront détruits. Les éditions précédentes, plus restreintes, ainsi que la copie faite de certaines lettres, permettront toutefois des comparaisons, tout au moins avec une partie des textes.

Et c'est ainsi que cette femme qui n'a jamais eu l'ambition d'être une écrivaine va rentrer dans le Panthéon de grands auteurs classiques. Par hasard, sans l'avoir voulu, ni même considéré comme possible, ni souhaitable.

Roger Duchêne restitue cette vie, qui est au final assez représentative d'une femme de sa condition, de sa position sociale, qui reflète son époque. J'avais presque par moment la sensation de me retrouver dans Vingt ans après de Dumas, tant les personnages historiques du roman, sont tout simplement les amis et relations de Mme de Sévigné. Sa vie à elle n'a pas été à proprement parlé romanesque, mais illustre un certain nombre de processus à l'oeuvre à son époque. Par exemple la vie de cette classe privilégiée qu'est la noblesse. Qui vit clairement au-dessus de ses moyens, qui s'endette en permanence. Pour acheter une charge, cette dernière amenant souvent plus de dépenses pourtant que de revenus. Mais il faut se faire voir, essayer d'attirer l'attention du roi, être quelque chose. Il faut aussi doter les enfants, pour faire un beau mariage, indispensable pour exister socialement. Une vie de paraître, de mondanités, que la marquise appréciait visiblement beaucoup. Sa situation de veuve lui aura laissé beaucoup de liberté, ce qui semblait très bien lui convenir : c'était le seul état pour une femme de son époque permettant une telle marge de manoeuvre. Une vie en somme heureuse.

La biographie de Roger Duchêne est très complète, elle brosse un portrait aussi précis que possible de la marquise, compte tenu de nos connaissance, ainsi que de l'époque et du contexte historique. L'auteur connaît parfaitement l'oeuvre, il a édité les lettres en Pléiade, et on sent la familiarité qu'il entretient avec les écrits de la marquise. Sans oublier une visible sympathie pour cette femme, dont il s'ingénie à nous donner l'image la plus fidèle, avec empathie et bienveillance, mais sans déroger à la vérité.

Très intéressante lecture.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Au-delà de la flatterie à un public espéré, l'auteur que Molière a ridiculisé sous le nom de Trissotin [Ménage] souligne une des grandes nouveautés de son temps : la formation intellectuelle donnée aux femmes par la rencontre, dans les salons, d'auteurs à la fois savants et galants comme Ménage ou lui-même. Cette méthode peut échouer, et l'on a des Précieuses ridicules ou des Femmes savantes. Elle peut aussi réussir. Cela donne des Mme de La Fayette et des Mme de Sévigné.
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Ce qu'il faut retenir, c'est que, pour l'épistolière, l'esprit de la jeune fille se forme par la lecture de ce qui se lit alors dans le monde, romans ou livres sérieux. Point d'enseignement spécialisé, point de programme scolaire : à la différence des garçons qui reçoivent dans les collèges un enseignement humaniste se déroulant selon une progression définie (le ratio studiorum des jésuites par exemple), c'est un enseignement tout moderne que reçoit un enfant comme Pauline, à partir de libres réflexions sur les livres à succès, ceux que pratiquent en même temps qu'elle les adultes qui l'entourent.
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Pendant toutes les séparations, écrire a toujours été pour la marquise l'activité prioritaire, celle pour laquelle elle abandonnait au besoin ses amis ou ses autres obligations. La longueur de ses lettres et leur nombre prouvent l'importance de cette occupation à laquelle elle a consacré beaucoup de son temps préférablement à tout le reste. Mais cette préférence traduit le choix de son coeur, non une vocation d'écrivain. Dans la lettre, elle ne cherche et ne trouve ni les plaisirs ni les affres de l'écriture, mais la consolation de dialoguer malgré l'absence. C'est pourquoi recevoir les lettres de Mme de Grignant lui importe autant, sinon plus, qu'écrire les siennes.
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En un temps où la différence de comportement des sexes est presque toujours considérée comme une différence de nature et non de culture, la marquise se montre singulièrement moderne en posant comme essentielle l'influence de l'éducation sur la conduite. On devient homme ou femme selon que l'on se conforme au modèle de l'homme ou de la femme qu'enseignent l'époque et le milieu.
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