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sur 358 notes
La femme des sables fait partie de ces romans qui me laissent l'impression curieuse de ne vraiment les lire qu'à la seconde ou troisième lecture. de la première, je garde le souvenir d'avoir éprouvé une certaine résistance malgré sa force méditative et sa qualité littéraire. Ou peut-être à cause d'elles.
L'âge aidant, aujourd'hui j'ai pris plaisir à relire ce texte d'une incroyable densité qui voit un homme se débattre avec le sable qui le retient prisonnier dans un village singulier.
J'aime ce genre de littérature qui nous plonge dans un monde romanesque dont l'intense étrangeté vous saisit sans que vous y preniez garde. Kôbô Abe sait naviguer aux frontières du surréalisme avec un personnage profondément cartésien qui se retrouve coincé dans un monde en apparence irrationnel.
On a ainsi affaire à un narrateur entomologiste qui, à travers une observation minutieuse et un incessant flux mental, tente opiniâtrement de trouver un sens à un environnement hostile et absurde. Les réflexions bondissent, se ramollissent, puis repartent puiser dans le cerveau la force de combattre la condition de prisonnier de ce «mur de sable souverainement dressé» qui corrode tout, les usages de la vie ordinaire n'ayant plus court. Rien ne semble interrompre le monologue intérieur de cet homme réfléchi, si ce n'est les révélations fortuites lâchées au cours des rares dialogues avec la femme qui l'héberge.
Le récit est donc celui d'un homme qui consacre toute son énergie à élaborer un plan d'évasion... et si la libération était d'abord intérieure ?
Avec un texte qui se concentre sur une description minutieuse du processus psychologique et réflexif du héros, on est facilement tenté d'y déceler de multiples interprétations symboliques de la condition humaine. Et c'est tout l'intérêt de ce roman inclassable dont l'écriture baroque est néanmoins susceptible d'en décourager quelques uns.
Roman passionnant.
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La Femme des sables (1962) est un livre saisissant et marquant, qui attire et repousse tout autant. Il a reçu le prix Akutagawa.
Kobo Abe emprunte la forme d'un récit d'aventures pour tracer le portrait d'un individu pris dans le piège de la société et de son sentiment d'impuissance quand il cherche à l'affronter.

Un professeur, passionné d'entomologie, est parti à la recherche d'un coléoptère rare qui vit dans le sable. Il arrive un soir dans un petit village enfoui au fond des dunes. le sable s'infiltre partout, envahit tout et il faut sans cesse le rejeter. Il descend dans le trou où est tapie une maisonnette qui abrite une femme. Les villageois retirent l'échelle qui lui a permis de descendre. le voilà condamné à pelleter le sable jour après jour…
A chaque étape, le lecteur est amené à se poser des questions. le début prend la forme rassurante d'une enquête policière. Mais à mesure que le texte avance, on est de plus en plus désorienté. le sens nous échappe.
Le parcours du protagoniste a donné lieu à des interprétations variées :
Des critiques ont souligné que cette histoire tragique met en lumière le sort des Burakumins, une tribu appartenant à la caste inférieure, historiquement discriminée au Japon en raison des emplois pénibles occupés (bourreaux, tanneurs..). Comme les Burakumins, les villageois du livre survivent à peine en vendant du sable pour la construction. le sable salé est vendu à très bas prix. Les villageois peuvent avoir choisi de punir ce citadin en le maintenant en esclavage.
Plus largement, la société japonaise est fondée sur le sacrifice de l'individu pour le bien commun. Après la guerre, il faut reconstruire le pays. Les Japonais sont-ils condamnés à pelleter, génération après génération ?
D'autres ont fait de ce livre une allégorie de la condition humaine dévorée par le Temps. L'homme se débat en pure perte, conscient de son impuissance mais continue jour après jour.
On pense beaucoup au mythe de Sisyphe, à Kafka ou à Dostoïevski. Ce qui est le plus marquant, c'est l'évolution des rapports entre la femme et l'homme à l'intérieur de la tanière. On se retrouve à les observer et à étudier leur comportement comme s'il s'agissait d' insectes, à chercher des lois qui nous permettraient de les comprendre et de les épingler une bonne fois pour toute.
Et en même temps on a la gorge nouée et on pleure.
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Je ne savais pas à quoi m'attendre en débutant ce roman. Quand j'ai vu cet homme, collectionneur d'insectes, partir à la recherche d'une cicindèle-de-jardin dont le nom scientifique est Cicindela japonica Motschulsky, j'ai pensé que l'histoire allait être basée sur cette quête du miniature, une version « dunes de sable-movie » où le héros part et se perd dans le sable ; un être infiniment petit par rapport à la force et à l'immensité du sable.

Mais finalement, l'homme, un monsieur tout-le-monde porté disparu depuis, ne se perd pas mais découvre une cabane isolée, et une femme à l'intérieur. Il ne sait pas encore que cette rencontre fortuite va le perdre à tout jamais, qu'il ne pourra plus ressortir de cette cabane. Car là-bas, commence un étrange manège, un éternel travail qui consiste à enlever tout le sable qui s'amoncelle sur et autour de cette cabane…

Derrière cet étrange labeur se cache un sujet essentiel, le temps : ce temps qui file et qui défile, et face au temps, l'homme qui n'est qu'un minuscule grain de sable perdu dans l'éternité. Face au temps qui défile, l'homme n'a plus aucun recours si ce n'est le travail, le travail et le recommencement de ce travail jusqu'à l'abrutissement total. le travail est là uniquement pour faire passer le temps et pour ne pas voir que l'homme est enchaîné malgré lui à sa vie. Quoi qu'il tente de faire, au final, il ne restera que le travail dans un perpétuel recommencement…

L'homme me fait penser à ce grain de sable qu'on enferme dans un sablier. Une fois que le sable est tombé, on retourne le sablier, et le sable continue à nouveau de retomber. L'homme, une fois son travail terminé, n'a d'autres choix que de recommencer à travailler…

Autre point : la relation qui petit à petit s'instaure entre l'homme et la femme. Avec une sensibilité toute japonaise, les deux êtres enfermés dans une même cabane (que l'on pourrait assimiler à une prison) gardent leur distance, se méfient et s'épient. Je sens le rapprochement venir, je le souhaite même, mais l'homme a encore des velléités de départ, une fuite de ce qu'il considère une injustice et ne comprend pas que la femme continue à travailler inexorablement pour rien et pour un éternel recommencement. Mais homme et femme éprouvent des sentiments indéniables, c'est dans la nature et face à une promiscuité aussi rapprochée…

Le rapprochement entre ces deux êtres est formidablement décrit, et l'humanité qui s'y dégage apporte un sentiment de plus en plus uni et une mobilisation plus efficace dans l'effort pour combattre ces terrifiants grains de sable…

Pour conclure, je ne m'attendais pas du tout à ce genre de scénario, mais le cauchemar est là (non, je ne suis pas un numéro, je suis un homme libre !), et le roman devient effectivement un indispensable de la littérature japonaise. « La femme des sables » est incontestablement l'un des plus grands romans de la littérature japonaise contemporaine, couronné au Japon par le prix Akutagawa (1962) et, en France, par le prix du Meilleur Livre Étranger (1967). Ce roman a été classé par l'Unesco parmi les « Oeuvres représentatives » du patrimoine littéraire universel.

[...]
Lien : http://leranchsansnom.free.f..
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Abé Kôbô, né en 1924, est un romancier japonais d'exceptionnelle vocation puisqu'on lui doit le prix Akutagawa (1951), équivalent du Goncourt de découverte, pour « Kabé » (Le Mur) et le prix de Littérature de l'Après-Guerre, équivalent du Goncourt des Jeunes, pour « Akaï Mayu » (Le Cocon rouge). D'autres romans suivront et consacreront sa réputation d'écrivain puissant, en pleine ascension : « Baberu no Tô no Tanuki » (Le blaireau dans la Tour de Babel), « Noa no Hako-Bune » (L'Arche de Noé), « Suichû-Toshi » (La Ville au milieu des Eaux), « Dorei-Gari » (La Chasse aux esclaves) puis « Kemono-tachi wa Kokyô wo mezasu » (Les Bêtes tournent les Yeux vers le Lieu où elles sont nées). En 1962, dès sa sortie, « Suna no Onna » (La Femme des sables) reçoit le prix du Yomiuri, équivalent du Goncourt de consécration, pour ce roman qui s'impose comme le chef d'oeuvre d'Abé Kôbô. Classé par l'UNESCO parmi les oeuvres représentatives du patrimoine littéraire universel, traduit dans le monde entier, « Suna no Onna » a été couronné en France par le prix du Meilleur Livre étranger (1967).

« Suna no Onna » nous conte l'histoire étonnante d'un petit professeur, entomologiste à ses heures, et qui, parti à la recherche d'une cicendèle-de-jardin, insecte des sables assez rare et vivant en bordure des côtes, échoue dans un petit village perdu au fond des dunes – petit village dont il ne pourra plus sortir. Comme les autres habitants, notre professeur va en effet se retrouver prisonnier du sable : hébergé par une paysanne dans une cabane de bois située à vingt mètres sous la ligne de crête des dunes – une cabane qui pourrit lentement, envahie par le sable humide qui s'infiltre dans la moindre fissure - il doit se résigner à vivre comme un animal, tapis dans un trou, et à rejeter ce sable, aidé par cette femme, jour après jour, mois après mois, par seaux entiers et indéfiniment. Cet esclavage est la condition de leur survie : pas de travail, alors pas d'eau et pas de nourriture. Lassé, accablé, désespéré, notre professeur tentera de s'évader. En vain. Et quand la liberté sera à portée de main, il la refusera, préférant retourner à sa vie, en vase clos, dans ce trou qui lui est devenu étrangement familier.

Dans cet ouvrage qui passe pour l'un des plus grands romans de la littérature japonaise contemporaine, l'homme est surprenant de fragilité : il est impuissant face au sable qui, bien que plus petit que lui, bouge et ne cesse pas de bouger, balayant tout devant lui et résistant au temps ; il est impuissant face au travail qui revient irrémédiablement et qui, au-delà des souffrances endurées, devient une vraie nécessité pour lutter contre l'ensevelissement programmé – jusqu'à l'abrutissement total - ; il est impuissant face au regard des autres, un regard qu'il ne comprend pas bien et dont il ne perçoit plus l'humanité ; il est impuissant devant sa propre dépersonnalisation, lui qui se prend à être tantôt le maitre, tantôt l'esclave de la femme, parfois désirable, qui l'héberge ; il est impuissant à raisonner - si ce n'est déraisonnablement – puisqu'il se surprendra à tenter d'évoluer et de se dépasser, abandonnant tout espoir de libération alors que la liberté lui tendait les bras. Cauchemar ! L'angoisse est très présente dans ce livre absurde, lent, complexe, ambigu, déroutant, constellé de longs monologues, déprimant et pas toujours évident à lire compte tenu de son écriture raffinée, fouillée et détaillée, soulevant le moindre grain de sable de nos interrogations existentielles. Très original, assez prenant (le livre ne fait que 271 pages), construit autour de deux personnages principaux, « Suna no Onna » est un livre qui suscite des critiques de toute nature, mais généralement assez tranchées : bref, on aime ou on n'aime pas. Posant plus de questions qu'il n'apporte de réponses, l'ouvrage se prête en effet à une multitude d'interprétations. Que souhaitait nous montrer Abé Kôbô ? Que le monde réel n'est qu'une illusion ou un cauchemar qui ne peut être vécu que grâce à l'évasion que procure le rêve ? Que la liberté n'est qu'une illusion puisque nous sommes « enfermés » sur cette Terre et dans une condition (vaguement) humaine (bien qu'un tantinet animale) ? Que nous sommes fragiles (devant le sable, devant nos instincts sexuels, devant la brutalité dont les autres peuvent faire preuve, devant la douleur de cette femme qui a perdu sa fille et son mari, ensevelis lors du dernier typhon), inconstants (nous hésitons entre la fierté de notre identité et le refuge douillet de l'anonymat, entre nos bonnes vieilles habitudes et la satisfaction que peut procurer toute découverte, entre individualisme et collectivisme), plein de contradictions (pressé de s'évader, notre professeur se sent coupable d'abandonner sa compagne) ?

Pour Abé Kôbô, l'existence (page 255) est un incompréhensible rébus, une absurdité (page 72) qui présente bien des degrés, un tissu de contradictions (refuser de s'alimenter – page 74 – certes, mais la faim abolit toute volonté), un théâtre de marionnettes, d'ombres et de lumières (page 107), un ruban de Möbius (page 120) sans envers ni endroit. Dans cette existence où l'ordre est forcément liberticide (page 166), travailler c'est dépasser sa propre condition, c'est lutter contre la fuite du temps (page 184). Alors, faut-il sortir de cette geôle humaine (page 188) ou y rester ? Et si l'on choisit de rester, (page 249) quelles sont les vraies raisons d'exister ? La vie serait-elle une punition ou une joie ? Les dunes de sables offre la perspective d'un univers monochrome, monolithique, détaché, déshumanisé, désintégré, aliénant, où l'identité de l'être humain a disparu. La réalité que nous offre Abé Kôbô est celle d'un monde polychrome, plein de reflets, où l'homme qui n'est pas qu'un simple insecte est capable d'éprouver de la compassion pour autrui, de faire preuve de générosité, de mettre en oeuvre une morale et de chercher à s'élever, à atteindre un idéal. A une pensée occidentale, rationnelle, très horizontale, Abé Kôbô oppose une pensée japonaise, symbolique, toute en creux et en bosses. Il brouille nos repères, nous déroute et nous incite, comme dans un caléidoscope, à identifier d'autres mondes possibles. Ainsi, ce trou dans le sable n'est pas une chose mais … toutes les choses : il nous reste à prendre un peu de notre temps pour le découvrir !

Un livre singulier, à relire ou à découvrir.
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Fabuleux tour de force d'Abé Kôbô, on est soi-même pris au piège dans ce sable mouvant, on angoisse, on a du mal à respirer, on cherche l'issue, l'échelle pour remonter, on sent l'absurdité de la situation. Mais petit à petit on est fasciné on s'intéresse...on aime... une femme étrange, résignée, érotique et attirante... l'espoir renait ?
Admirablement écrit ce roman ne cesse de m'interroger et a un gout entêtant !
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Nous sommes en plein mois d'août, un professeur prend trois jours de congé pour aller à la chasse aux insectes ; il espère trouver des Cicindèles-de-Jardin, nom scientifique Cicindela-japonica-Motchulsky mais son rêve d'entomologiste est de découvrir une espèce inconnue à laquelle il pourrait donner son nom. Après être descendu du train, il se dirige vers les dunes, en direction de la mer, où il a décidé de concentrer ses recherches. Il a fait grand mystère sur sa destination et sur le but de son escapade auprès de ses collègues qui, dès lors, penseront à une fugue sans que cela ne les inquiète lorsque la police les interrogera sur la disparition de celui-ci. Notre professeur en totale ignorance de ce qui l'attend, le soir venu accepte avec bonheur l'hébergement qui lui est offert auprès d'une jeune veuve du village enfoui dans le sable. Le lendemain il découvre avec horreur la vie qui sera la sienne, tous les jours il lui faut avec la femme, désensabler la maison. Kôbô Abé, d'une très belle écriture, au fil des jours, révèle les pensées profondes du professeur. Kôbô Abé a obtenu pour La femme des sables le prix Akutagawa en 1962 au Japon et le prix du Meilleur Livre Étranger en 1967.

Challenge Atout Prix 2015-2016
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Un maître d'école japonais, entomologiste amateur se rend pendant ses loisirs dans une petite ville côtière d'une province reculée, à la recherche d'une variété non répertoriée de cicindèle, qu'il a autrefois entrevue.

Les habitants du cru semblent bien étranges et arriérés. le soir arrive et aucune solution de logement temporaire n'est possible. Il insiste pourtant auprès de locaux. Ce sera le début de son enfermement dans une sorte de maison délabrée, habitée par une jeune veuve en contrebas d'un trou dans une dune. Il descend grâce à une échelle de corde mais ne pourra plus remonter, à l'image de certains insectes qui creusent des entonnoirs de sable pour y attirer leurs victimes...

Il y a indéniablement un arrière-plan fantastique dans ce roman qui évoque le glissement incessant et étouffant du sable. Je le classerai néanmoins plutôt dans les romans philosophiques. Paru en 1962 au Japon (et en 1967 en France) ses thèmes sont plus proches de ceux de l'Existentialisme, voire d'un certain théâtre de l'absurde, que de l'imagination pure et horrifique.

Ce n'était pas de mon point de vue une lecture toujours très plaisante. Impossible toutefois de ne pas être fasciné par ce texte unique en son genre.

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Il est fin ce sable pour se glisser entre les pages de ce livre (un huitième de millimètre le grain). Omniprésent et au coeur du récit, il s'incruste dans tous les objets de la cabane et l'on ressent sa présence mouvante.
L'entomologiste se débat avec lui comme Sisyphe avec son rocher. Il réalisera que le salut n'est pas dans la fuite mais dans le fait de se donner un but social.
On ressent longtemps, collant au corps et jusque dans la bouche, le goût du sable...

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Être au fond du trou, dans tous les sens du terme, c'est le résumé ancienne version de Twitter de ce roman curieusement nommé, puisque la femme du titre est loin d'en être le personnage principal.

En effet, le roman fait la part belle au héros, entomologiste amateur, qui vient sur une plage du Japon chercher la forme de cicindèle-des-jardins qui lui vaudra de laisser son nom à la postérité. Victime de son manque d'anticipation, en fin de journée il sera invité par un local à passer la nuit dans une maison du village des alentours ; proposition qui se révèlera être un piège puisque, s'il est bien hébergé par une veuve dont le logement est au fond d'une vallée sablonneuse, il lui sera désormais impossible d'en partir… et forcé de s'adapter à une vie de labeur absurde, qui consiste à désensabler les abords de la maison, pour éviter que le sable ne la détruise sous son poids.

Ce roman d'Abé Kobo, publié pour la première fois au Japon en 1962 et traduit en France en 1967 où il a reçu le prix du meilleur livre étranger, a été d'emblée un immense succès mondial. Cela se comprend tant ce roman est profondément japonais, mais marqué par de profondes influences européennes modernes, qui se retrouvent dans la structure même de l'histoire : difficile de ne pas penser que la situation du héros, à laquelle il va se plier difficilement, est une métaphore de la condition humaine, souvent absurde et sans logique.

C'est d'ailleurs ce sentiment qui m'a poursuivie pendant toute la lecture de ce roman à l'ambiance énigmatique : le héros se rebelle face à sa nouvelle condition, mais sans vraiment se renseigner sur les contours de ce qui est désormais sa vie : dans quel but est-il coincé ici ? Pourquoi ces règles ? Puisqu'apparemment il s'agit d'un village, pourquoi ne s'intéresse-t'il pas aux habitants qui pourraient l'aider ? Question ambitieuse puisqu'il ne s'intéresse pas davantage à son hôtesse, autrement qu'en la jugeant de haut, et bien décidé à voir, de manière agaçante, dans toutes les gentillesses et bizarreries de cette dernière une invitation au rapprochement.

Tout est ainsi décrit depuis la perception égocentrique de l'homme. Il juge en fonction du monde d'où il vient, sans comprendre encore qu'il se trouve dans un monde où les règles sont différentes. Il est dans un monologue permanent, très verbeux, qui m'a rendu la lecture du roman pénible, parce qu'il ne s'agit pas d'un personnage tellement sympathique. Sa manière de traiter la femme des sables en fonction de son état mental (de la séduction à la paranoïa, quand il imagine qu'elle a fait exprès de le piéger pour avoir un nouveau mari) est assez difficile à lire. Les réactions de la femme, toujours dans une espèce de servilité résignée, est assez difficile à comprendre d'ailleurs, et m'a empêchée de me plonger pleinement dans le roman.

Le héros espère s'évader, et cherche d'ailleurs par tous les moyens à le faire, comme un insecte coincé dans une boîte (comparaison qu'Abé Kobo fera subtilement, en comparant à un moment son personnage à l'araignée, qui fait la morte en cas de danger). Mais le lecteur sait dès le début s'il réussira ou pas, ce qui jette une étrange tension sur le récit.
Il ne veut pas se rendre compte qu'il est piégé et qu'il ne pourra en sortir. Et quand il s'en rend compte, il rejette la faute sur la femme comme si c'était de sa faute. Comme si elle avait ourdi une machination pour avoir un nouveau compagnon suite à son veuvage.

« La femme des sables » a donc été une lecture à l'ambiance intrigante, de mauvais rêve, mais qui m'a laissée, pour toutes les raisons évoquées ci-dessus, à distance. Ce roman a la complexité certaine mériterait d'être lu plusieurs fois pour appréhender tous ses niveaux de lecture. Pas sûre cependant que je retente le coup.
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Je me suis longtemps demandé et me demande encore le sens de ce roman magistral. Sorte de "mythe de Sisyphe" réactualisé. Dans chaque alvéole d'un terrain sablonneux, des gardiens surveillent que chaque occupant de son trou en évacue correctement le sable pour maintenir en vie cette sorte de village alvéolaire. Bien malgré lui, le protagoniste va échoir dans un de ces trous déjà occupé par une femme qui ne peut plus, à elle seule, en évacuer le sable. Et notre homme s'aperçoit vite que le piège s'est refermé sur lui. Après l'échec d'une évasion, il comprendra que son avenir sera de rester avec cette femme à travailler à extraire le sable. le sable s'infiltre absolument partout. Peu à peu va naitre une relation plus attendrie au sein du couple, moins conflictuelle.
Je me souviens du magnifique film éponyme de Teshigahara sorti peu de temps après le roman. Une des première images est celle où l'on voit cet homme capturer des insectes et les enfermer dans un bocal. Peu de temps après, il tombera dans le trou, se transformant donc lui-même en l'un de ses insectes dans son bocal. Ce constat amène plusieurs réflexions. L'homme est aussi un animal pris dans son piège. Notre existence se limite-t-elle à celle de Sisyphe, sans cesse recommencer la même tâche ? Accepter consciemment que ce soit le sens de notre existence, comme le pense Camus ? A relier au sens de l'absurde, cher à Kobo. L'absurdité de notre vie.
Abe Kobo, avec ce livre pose une des conditions essentielles du sens de la vie. de plus l'écriture est magistrale. On sent littéralement le sable s'infiltrer par tous les interstices.
On oublie trop souvent Abe Kobo dans les romanciers japonais à retenir.
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