Je me souviens, beaucoup trop parfaitement, de cette journée. À tout à l'heure. le coeur de maman déchirée par la première matinée de séparation, d'adaptation comme on l'appelle. le premier message au bout de trente minutes, puis les autres, la voiture, le radar qui s'affole quand je la retrouve moins d'une heure après l'avoir laissée. Ce radar, cette sensation de chutes qui se rapprochent, cette alarme sourde et stridente qui hurle en moi qu'un danger imminent arrive. À tout à l'heure, je lui avais dit. À tout jamais, elle a essayé de me répondre, une trentaine d'heures plus tard.
Ces milliers d'heures de couloirs, de machines à café, de salle d'attente, de larmes, d'appels des proches, de prières, je les ai vécus. J'ai marché sur le fil de sa vie retenu par une magie imperceptible pendant huit jours. Et Dieu que vous n'imaginez pas comme c'est long huit jours. Trente sept mois plus tard, le fil est devenu un petit chemin, mais encore loin d'être une route solide. Les mots de
Laure Adler ont résonné si fort. La quatrième de couverture m'avait induite en erreur. Je pensais à une femme ayant perdu son mari. J'ai rencontré, heurté une mère qui a perdu une partie de son âme dans ces couloirs, ces machines qui ont fait mon quotidien pendant quatre mois. Trente sept mois, ce n'était pas assez pour lire ce cri du coeur sans y laisser quelques plumes, larmes, souvenirs.
Mais au delà du souvenir et de l'histoire, il y a une écriture percutante. Les mots choisis si éloquents. Bravo, et merci, d'avoir pu écrire des lignes qui me paraissent encore aujourd'hui impartageable, trop inimaginable malgré les avoir vécues de plein fouet. Merci d'avoir exorcisé ce tabou d'un talent salutaire.