Mademoiselle Aïssé, baptisée sous le nom d'Élisabeth-Charlotte après son arrivée en France à l'âge de quatre ans environ, avait été achetée sur le marché aux esclaves de Constantinople par Charles de Ferriol, un diplomate français chargé en 1696 d'une mission auprès du grand vizir. M. de Ferriol avait déjà, par le passé, ramené en France une enfant de cinq ans qu'il offrit à l'un de ses amis. À la fin d'un long séjour dans la même ville, en qualité d'ambassadeur cette fois, il revint au pays avec une autre esclave, arménienne, qui était sa maîtresse. Ce fut aussi la destinée d'Aïssé quand son protecteur s'établit à Paris, après la fin de sa carrière. La chose advint sans discussion, et lorsque le coeur de la jeune femme se mit à battre dix ans plus tard pour le chevalier d'Aydie – dont elle eut une fille – leur liaison resta secrète, de crainte d'encourir les foudres de M. de Ferriol. N'oublions pas que les mésaventures de la belle Circassienne ont lieu sous la Régence, période propice au libertinage.
Les lettres à Mme Calandrini évoquent souvent le chevalier mais surtout parce que cette amie genevoise, autoritaire, entichée de vertu, exigeait d'Aïssé qu'elle abandonnât son grand amour. Leur correspondance donne à la jeune femme l'occasion de lui raconter mille potins sur le cercle des Ferriol (
Mme de Tencin était la soeur de Mme de Ferriol), sur des membres de la Cour ou encore sur le monde du théâtre. le ton des lettres est plein de spontanéité, d'élégance mais, si elles sont un témoignage intéressant sur les moeurs de l'époque, elles ne possèdent pas une grande profondeur. La charmante épistolière se montre parfois naïve, sans doute complexée par sa position sociale incertaine, et sa vision des êtres ne dépasse souvent pas l'anecdote.