Même si nous avons la chance de pouvoir nous marier pour fonder une famille à notre guise, l'homophobie continue hélas ses ravages chez les jeunes LGBT. La haine prend le visage de la fourberie, de la fausseté, pour mieux camoufler sa violence destructrice.
En écrivant le roman "
Le requiem du danseur", j'ai souhaité aborder une facette peu abordée de l'homophobie : le viol au sein de la communauté. Autrefois, les homosexuels formaient une communauté unie ; or désormais, c'est l'inverse : l'individualisme poussé à son extrême mène à l'indifférence vis-à-vis de ceux qui souffrent de leur différence.Les LGBT sont divisés : les lesbiennes n'aiment pas les gays, les gays n'aiment pas les transgenre, les trans n'aiment pas les bisexuels... La haine prend la forme d'une division, d'une guerre intestine entre membres de cette communauté qui devrait, si elle était fidèle à son idéal, rester soudée contre l'intolérance extérieure.
L'homophobie se retourne contre nous, incitant au mépris du corps des autres et de soi. Nous nous heurtons à cet égoisme forcené qui nous pousse dans nos derniers retranchements, celui de la drogue pour oublier et celui de la haine de soi, du silence. C'est contre cette nouvelle forme d'homophobie intestine que j'ai écrit ce livre. Car au-délà de la simple romance gay, il y a en deça un engagement profondément humain contre cette division au sein de la communauté LGBT. Voilà pourquoi j'ai développé deux histoires parallèles, celle de camille et celle de géraldine. Camille, un jeune homme de 20 ans qui se drogue pour oublier les abus sexuels dont il est victime, tandis que géraldine, enfant de 11 ans surentraînée au patinage artistique, manifeste sa transidentité avec naiveté.
Camille, c'est l'histoire de tant que jeunes gays qui ne se sentent plus chez eux et cherchent désespérement à se raccrocher à quelque chose, sous peine de se suicider. C'est l'histoire de ces jeunes qui camouflent leur détresse derrière un état de noceur effrené, collectionnant les comportements à risque, la fête devenant lieu de perdition de leurs âmes enfiévrées par le mal-être. C'est l'histoire aussi de ces adolescents que l'on veut remettre dans le droit chemin, quitte à les "reconvertir" de force, parce que la transidentité est encore perçue comme une tare psychiatrique. Depuis quelques décennies, nous avons fait du chemin, nous avons acquis des droits que nous n'espérions pas il y a 60 ans, lorsque l'homosxualité était considérée comme un crime contre-nature, mais la lutte pour couronner notre fierté n'est pas finie.
Ce livre est un cri basé sur des histoires vraies , une alerte contre une réalité qui dérange : celle du viol d'homme. Nous savons tous qu'il existe, mais nous n'en parlons pas car c'est vu comme une honte aussi gênante que l'anorexie masculine.
Le rapport au corps est complexe. Il s'inscrit souvent dans une logique de honte qui nous vole l'honneur de connaître la tendresse de la sexualité. Or, avec ce livre j'ai souhaité montrer que le sexe est avant tout un partage. Dans notre société d'urgence où le plaisir orgasmique est scénarisé partout sur internet comme la condition indispensable de notre épanouissement, le sexe est réduit au corps de manière mécanique. Or, l'éros est justement là pour développer notre capacité à aimer, à toucher, à sensualiser notre perception. le personnage de camille connaît les déboires des orgies pour mieux savourer l'amour d'un homme qui lui apporte sa douceur, son humanité.
"
Le requiem du danseur" est également une mise en garde contre un mal qui sévit énormément dans la communauté : la drogue. Qu'il s'agisse du poppers, de la cocaine ou du cannabis, la drogue circule avec banalité, presque comme un rite de passage. Sauf qu'on ne pense pas aux effets sur sa vie future, quand on y survit. J'ai décrit avec force détails les sensations dûes à la prise de drogue dure, les effets dévastateurs sur le quotidien. On voit camille s'affaiblir, sa vie ici-bas devenant son requiem, son enfer. Lui qui rêvait de se professionnaliser dans la danse classique voit son avenir se compromettre à cause de la drogue dure. de même pour son couple qui est mis à rude épreuve. Cette romance érotique est avant tout un roman social et psychologique, engagé contre les dégâts du viol, de la drogue et de l'homophobie. Ecrit avec pudeur, j'ai tenté de rendre ce récit accessible à tous ( dont la suite à été publiée sous le titre "La destinée du cygne noir").
Ce que j'aimerais, c'est que ce roman soit un tremplin pour aider les victimes de viol à manifester leur colère contre cette injustice. le silence tue, il est temps de parler de cette réalité. Trop de personnes LGBT se suicident à cause de l'homophobie, dont le visage fourbe prend des formes parfois inattendues. Dans un monde régi par l'ultraconsommation, la fête et le plaisir , nous nous bandons les yeux au sujet du viol. Dans une société où l'hypersexualisation des gays est chose courante, mettant en avant des corps forcément jeunes, musclés, sexy, nous dénaturons la beauté , la sensibilité de l'homosexualité et de la transidentité en faisant des LGBT... des objets. Or, être gay, c'est avant tout être Humain. Tel est le message de mon roman, qui a reçu le prix du roman gay 2022, dans la catégorie érotique, grâce à son engagement social, destiné principalement à la jeune génération.
Aborder le thème du viol d'homme dans la communauté LGBT était risqué. Or, si le jury a aimé, c'est que notre société est
plus ouverte qu'auparavant pour parler de ce sujet si douloureux. J'ai placé mon récit il y a 20 ans pour mieux saisir l'embarras de l'indifférence à laquelle nous nous heurtions à cette époque quand nous parlions du viol d'homme gay.Notre société ne ferme plus les yeux sur ce problème réel et accorde la reconnaissance tant espérée à ceux dont le corps fut volé, bafoué, humilié. Enfin.
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