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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Ce livre, au départ, je l'ai emprunté à une collègue à qui, honte à moi, je ne l'ai jamais rendu. Je l'ai lu, relu et re-relu, j'ai parcouru des cartes de Biélorussie et d'Ukraine à la recherche de tous les lieux cités. Il faut dire que Tchernobyl est un sujet qui me tient à coeur, quelques années avant j'avais visité une petite ville à une soixantaine de kilomètres de là, en fait actuellement très près de la Zone interdite. Et la nuit de la catastrophe, à l'heure de l'explosion, j'aurais du me trouver dans le train Paris-Moscou (en fait, je ne l'ai su qu'au mois d'août suivant, le temps que l'invitation nécessaire à l'obtention d'un visa me parvienne ... avec la date fatidique comme début de l'invitation). C'est bien l'unique fois où je me suis réjouie de la bureaucratie soviétique !
Ce livre, toujours interdit en Biélorussie (un quart des sols de la Biélorussie est gravement contaminé), est un livre nécessaire, salutaire, indispensable. On y découvre la méthode très particulière de Svetlana Alexievitch : journaliste, elle enquête, interviewe, puis elle rassemble les discours en effaçant totalement ses questions, laissant totalement la parole aux témoins, même si, bien sûr, elle a mis ces récits en forme. Tout son talent est dans cette mise en forme qui rend la parole aux simples gens, je trouve que c'est assez cinématographique comme procédé.
Ce livre ne raconte absolument pas ce qui s'est passé, ce n'est pas du tout son propos, ce qui l'intéresse c'est ce qui est arrivé aux gens qui vivaient là, les habitants de Pripiat, ceux des villages aux alentours, … et que ce soit dit avec leurs mots, avec leur perception des choses, leur pudeur, leurs silences. C'est très respectueux et c'est un véritable travail de recueil de la mémoire.
Le témoignage le plus fort est celui du début, celui d'une jeune femme, enceinte, dont le mari a été un des premiers pompiers intervenu sur la centrale … mais les autres sont tous poignants, à leur manière : ceux des évacués manu militari quoique un peu tard, ceux qui n'ont pas voulu partir (essentiellement dans les villages), ceux de liquidateurs, et surtout, tous ces témoignages montrent la difficulté à comprendre la radioactivité, qui ne se voit pas, ne se sent pas … En filigrane on comprend qu'avant il y avait d'un côté les habitants de la ville qui croyait en l'atome "pacifique" et en la science, et ceux de la campagne, d'une campagne qui ressemblait un peu dans la vie quotidienne aux campagnes françaises d'avant-guerre (un peu seulement, parce que nous on n'a jamais eu de kolkhozes! ). Ils ne peuvent évidemment rien comprendre à cette menace invisible, insidieuse. Certains témoignages sont terriblement touchants, je pense à ceux-ci en particulier (mais tous sont poignants) : la terre que l'on enterre, au sens propre - quelqu'un qui pense aux vers de terre qui ne sont pas au courant et que personne n'a songé à sauver (cela m'a fait penser à la scène des vers de terre dans Sept ans au Tibet qui résume la philosophie des moines tibétains) – une petite fille qui songe à son album de timbre oublié – des petits vieux obligés de laver leurs bûches avant de les brûler – les cimetières dans lesquels on ne peut venir se recueillir qu'une fois par an, au mieux – des forêts interdites alors que la cueillette des champignons, des airelles, des framboises était une part non négligeable de l'alimentation. Et bien sûr tous les mensonges, l'héroïsme des liquidateurs, l'abnégation au service des autres, parce qu'ils croyaient à l'Union Soviétique qui allait disparaître en les oubliant pour oublier avec ce qui n'est pas dicible, et surtout pas audible…
A lire et relire, pour ne jamais oublier.
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Tchernobyl. Ou la première catastrophe nucléaire à l'échelle de l'humanité. Cet échec dont on ose à peine prononcer le nom, qui sonne comme une malédiction.
Un sujet entouré d'une chappe de silence plus hermétique que la chappe de plomb qui tente de contenir la radioactivité du réacteur.

Je me souviens précisémment de ce jour d'avril où des bribes d'informations nous parvenaient. Mais un accident nucléaire c'est comme un tsunami, tant que ce n'est pas encore arrivé, on a du mal à imaginer que ce soit possible. Pire qu'un tsunami d'ailleurs, puisque le mal est invisible.
Fort heureusement en France, le nuage s'est arrêté à la frontière. Vous ne vous souvenez-pas ? Il freinait dans le ciel avec ses petites pattes de nuage.

Ce livre est un véritable témoignage pour les générations futures. Il explique l'indicible, l'incompréhensible. On y retrouve toute la pudeur slave, une sacré dose de radioactivité et des vapeurs de vodka. On y retrouve des héros condamnés, des vieux à qui l'on dit de laver les bûches avant de les mettre à brûler dans la cheminée, des chasseurs embauchés pour tuer les animaux domestiques livrés à eux-même dans les villages désertés. Et toute la souffrance, l'absurdité de la tragédie, la destinée qu'il faut accepter et la peur de donner la vie , une vie contaminée.
Les témoignages sont poignants et sobres. Plein d'amour et d'espérance, malgré tout.
C'est un cri de tout une population sacrifiée, décimée, déplacée, déboussolée, qui ne comprend pas pourquoi du jour au lendemain, le jardin, les animaux, la maison, ses vêtements, deviennent des ennemis mortels.
Certains passages sont particulièrement incroyables : cette petite fille qui raconte que sa maison a été enterrée et qu'elle n'a pas pu récupérer son album de timbres. Cette mamie qui dit adieu à sa maison en s'inclinant devant et saluant chacun des arbres de son jardin.

J'ai mis du temps à lire ce livre qui est comme une prière. Dense et tragique.

Alors, faut-il le lire ? Oui. C'est un texte important. Il faut lui accorder du temps et du respect. Pour ceux qui souhaitent poursuivre sur un écran, je recommande l'excellente série Chernobyl.

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Le premier témoignage m'a déjà foutu par terre : c'était celui de l'épouse d'un des pompiers envoyés sur la catastrophe au tout début.

On les a appelés pour un incendie, ils sont partis le coeur tranquille, pensant n'avoir affaire qu'à un simple feu qu'ils maîtriseraient facilement. Il n'en était rien, mais ils ne le savaient point.

Partis sans protection, ils revinrent ensuite sous totale contamination.

Quatorze jours, c'est le délai maximum de votre existence après avoir été soumis à des radiations comme ils le furent.

L'épouse d'un est allée à l'hôpital, s'est occupée de son mari, qui avait été transformé en mini centrale nucléaire. La dégradation du corps est horrible. Son amour était immense, peu de femmes seraient restées auprès de leur mari. Hélas, le prix à payer était le plus fort. L'épouse était enceinte de 6 mois… Je n'en dirai pas plus.

Ce roman est composé de multiples témoignages, que ce soit ceux des habitants, des soldats, des liquidateurs, des témoins, des déplacés… Tous ces témoignages sont ceux et celles des suppliciées de Tchernobyl.

Ceci n'est pas une fiction, rien n'est romancé, ce sont des témoignages bruts. Les gens racontent, se souviennent et chaque récit semble plus glaçant que le précédent.

Ces villages vidés de tous leurs habitants, où sont resté uniquement les animaux domestiques. Tous ces gens qui pensaient revenir ensuite et qui sont parti avec le minimum…

Certains sont revenus, en douce, pour cultiver leur jardin, reprendre leurs affaires, ou pour voler ce que les militaires enterraient, les objets contaminés… Sans penser qu'ils allaient se contaminer encore plus.

Les dirigeants ont sacrifié les populations et les liquidateurs envoyés sur le toit pour enlever le graphite, sans protection.

Parfois, on leur en donnait, mais puisque les chefs minimisaient les effets et payaient bien, les hommes y sont allés, le coeur léger, les tire-au-flanc étant très mal vu, chez eux. Ils avaient une autre mentalité, ils servaient la patrie, ils obéissaient et surtout, la vodka coulait à flot, alors, il ne pouvait rien leur arriver de grave !

Avec le recul et les maladies arrivant, bien des soldats ou des liquidateurs, comprendront les risques qu'on leur a fait prendre au mépris de tout danger. Les roubles qu'on leur donnait en plus, les salaires triples, ne valaient pas les conséquences qu'ils ont subies ensuite.

Il fallait ne rien dire, mettre une chape de plomb sur l'incident (un incident, rien de plus) et brosser les merdes sous les tapis. C'est ce qu'ils ont fait et on devrait les en remercier, car ils ont pris des risques énormes pour les autres.

Le problème étant que la radioactivité, ça ne se voit pas, ça n'a pas d'odeur, alors, comment y croire ? Comment arriver à comprendre qu'il ne faut pas manger les fruits de son verger, cultiver sa terre ou boire le lait de sa vache ?

Les différents témoignages sont bouleversants, ils sont bruts de décoffrage, ils expriment la souffrance, l'incompréhension, les départs pour d'autres lieux, la perte de tout, ainsi que l'exclusion par les autres, puisqu'ils venaient de la zone.

Durant ma lecture, l'émotion m'a souvent submergée, me forçant à faire des pauses et à lire autre chose, afin de ne pas sombrer totalement.

Ceci n'est pas un roman, ni une fiction, ce sont des portraits de gens réels, de personnes fracassées, arrachées à leurs terres, à leurs vies. Des gens que l'on a sacrifiés, des vies que l'on a considérées comme sans valeur. Des victimes à qui on a jamais donné la parole.

Ce sont aussi des soldats (liquidateurs) qui ont été envoyés en première ligne, sans connaître vraiment les risques et certains, même en les connaissant, on tout donné, afin d'épargner des vies. Des liquidateurs qui ne savaient pas qu'ils étaient déjà morts, à force de respirer et de manger des röntgens.

Dame Ida va encore me traiter de "Glauque-trotter" et elle n'aura pas tort…

Pourtant, je ne regrette pas d'avoir osé lire ce recueil de témoignages afin de savoir, de rendre un hommage silencieux à ces femmes, à ces hommes, ces enfants, morts ou déplacés, ces gens à qui on n'a rien voulu dire. À ces gens dont on ne parle jamais.

Et puis, malgré le fait que j'avais 10 ans lors de la catastrophe, il ne m'en restait aucun souvenir, comme si ma mémoire avait tout oublié. On ne peut pas oublier.

Lien : https://thecanniballecteur.w..
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Une lecture tellement éprouvante, difficile, dure, mais nécessaire. Un essai coup de point sur la tragédie survenue à Tchernobyl. Ce fameux soir du 26 avril 1986, tout était contrôlé, préparé, étudié. Les scientifiques étaient confiants.... mais il a fallu que de quelques petites secondes, et l'explosion. Fumée bleue, propagation, radiation. On dit même que le nuage est venu jusqu'aux États-Unis et au Canada... Incroyable. Nobélisé, cet essai laisse la parole à différents témoins. Des paroles empreintes de souffrance, de douleurs, de pertes, de rage... C'est difficile à lire. Bouleversant.
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Il me fallait choisir une autrice parmi les lauréates du prix Nobel et ayant lu il y a peu un roman qui menait ses personnages dans la zone interdite, mon attention a été retenue par le sous-titre: Tchernobyl, chroniques du monde après l'apocalypse.

J'avais des réserves, comme je ne lis que rarement les résumés j'avais la crainte d'être perdue dans un récit scientifique ou un roman trop descriptif.

Or La supplication regroupe des témoignes recueillis par Svetlana Alexievitch auprès de personnes ayant vécu la catastrophe de très près : liquidateurs, scientifiques, soldats, villageois, médecins, pères, mères, enfants... A travers leur regard, leurs souvenirs, leurs séquelles, l'autrice donne à comprendre l'ampleur des événements dans le quotidien des biélorusses depuis ce 26 avril 1986.
Le livre est construit en trois parties qui peuvent se résumer par la catastrophe, la vie d'après et les conséquences.
Chaque témoignage plonge le lecteur un peu plus dans l'horreur, la stupéfaction (ou la stupeur) et le questionnement. L'autrice masque sa parole pour ne transcrire que celle des personnes interrogées. Certaines gardent l'anonymat, expriment leur colère mais les autres sont dans le récit des faits, le concret de la situation. Partager leur vécu face à l'ampleur de la situation sans précédents. le silence des autorités, la discipline des soviétiques solidaires et patriotes en vers et contre tout. Les conséquences d'un point de vue sanitaire, économique...

J'ai souvent fait des pauses dans cette lecture. Les mots sont durs, ils m'ont interpellée sur de nombreux aspects différents de la situation. J'ai toujours vu cette catastrophe pour l'Ukraine et l'Europe dans sa globalité. Mais la Biélorussie a énormément été touchée par la catastrophe. le travail d'écriture de Svetlana Alexievitch m'a plu. Je vais d'ailleurs profiter que le livre est composé d'autres textes de l'autrice et me lancer dans Derniers témoins.
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On ne ressort pas indemne de cette lecture.

Recueillis dix ans après la catastrophe, ces témoignages sont plus poignants les uns que les autres. Par petites touches, ils nous disent l'indicible, nous font concevoir l'inconcevable…

Comment peut-on continuer à vivre ? La réponse réside sans doute dans le fatalisme et la longue tradition d'endurance à la souffrance qui caractérise si bien le peuple russe.

Altruisme et abnégation de l'homo sovieticus. le collectif qui prime sur l'individuel. Que se serait-il passé si cela s'était produit de l'autre côté du rideau de fer ?

Un livre indispensable qui préfigure « La Fin de l'homme rouge »
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Pour cet essai Svetlana Alexievitch est partie à la rencontre de ceux qui ont vécu la catastrophe de Tchernobyl. Elle en tire un texte bouleversant. La force de ces lignes tient, à mon avis, qu'elle nous livre ces témoignages sans les commenter. Peut-être y a-t-elle ajouté une certaine poésie car, étonnamment, certains passages sont beaux.
Ce que je retiens de ces témoignages c'est la force de ces peuples slaves. Force ou inconscience, on se pose parfois la question. La plupart des gens n'ont pas les clés de compréhension à l'époque mais ils obéissent aux ordres soviétiques et souvent par conviction. Les quelques-uns qui alertent se heurtent souvent à un mur.
J'ai trouvé tout particulièrement marquants et touchants les témoignages des femmes en prologue et en conclusion. de vrais témoignages d'amour.
Un livre à lire même si c'est parfois dur car ce sont des témoignages qui racontent une réalité récente et impitoyable.
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Tchernobyl. Ce mot évoque dorénavant une catastrophe écologique majeure. Mais que savons-nous du drame humain, quotidien, qui a suivi l'explosion de la centrale? Svetlana Alexievitch nous laisse entrevoir un monde bouleversant: celui des survivants, à qui elle cède la parole.
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5 étoiles pour ce texte, difficile de dire un coup de coeur vu la gravité du récit mais je dirais 5 étoiles pour le fait de dénoncer, de donner la parole à toutes ces victimes.
J'avais 4 ans au moment du drame donc j'ai appris bien plus tard la catastrophe de Tchernobyl. Au-delà de l'accident nucléaire qui a impacté le monde entier, il y a toutes ces vies bouleversées à qui on n'a pas laissé le choix où pire qu'on a laissé vivre sur une terre complètement irradiée.
Ces témoignages montrent avec une certaine pudeur la méconnaissance de la population mais également les manipulations du gouvernement pour minimiser la gravité de la situation. le narration permet aussi de comprendre la mentalité des soviétiques et l'attachement au "parti".
C'est une nécessité que de lire ce livre.
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Comment rendre hommage à ces gens ordinaires qui ont vécu cette catastrophe écologique extraordinaire si ce n'est qu'en lisant ce livre de Svetlana Alexievitch, il faut porter une attention particulière à tous ces noms mentionnés et les répéter haut et fort, prendre un verre de vodka et espérer que la contamination ne nous atteigne pas. La vodka aidant à lutter contre les effets des radiations, à ce qu'on dit…

«  Dans la vie, des choses horribles se passent de façon paisible et naturelle…»

L'auteure nous fait voir ce drame de l'intérieur, celui des survivants, des acteurs bien malgré eux d'une grande mascarade soviétique. Ces personnes pieuses qui ont eu une confiance aveugle dans leurs gouvernants.

« Parce que, dès que l'on perd la foi, on n'est plus un participant, on devient un complice et l'on perd toute justification. »

Des personnes témoignent d'un événement pour lequel leurs références ne sont pas bonnes. Ils connaissent la guerre, ils y sont même habitués mais ce qui arrive à Tchernobyl dépasse l'entendement.

« Mais nous avons toujours vécu dans l'horreur et nous savons vivre dans l'horreur. C'est notre milieu naturel. Pour cela, notre peuple est sans égal… »

Cette lecture n'est pas facile. Est-elle nécessaire? Oui, mais cela dépend de chacun. Pour moi, elle confirme que notre connaissance de la radioactivité a évoluée, que les centrales nucléaires ont moins la cote, que nous savons mieux nous protéger mais, que l'humain est toujours aussi fragile. Et que la peur est toujours présente.

« Je n'ai pas peur de la terre ou de l'eau, j'ai peur de l'homme. »

J'ai vu la série que j'ai trouvé excellente. Ce livre de témoignages qui l'a inspirée est tout à fait exceptionnel. Il brasse fort l'émotion c'est certain mais surtout, démontre un univers terrifiant que trop de gens vivent toujours après toutes ces années.
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