Merci aux éditions Delcourt de m'avoir permis de découvrir, grâce à une Masse Critique spéciale, cet album d'Alfred, avec en plus en cadeau une carte postale et un médiator. J'avais découvert (et apprécié) cet auteur avec "
Come prima" et je ne savais pas qu'il avait réalisé une trilogie italienne. Il ne me reste plus qu'à lire "
Senso" !
C'est l'histoire de quatre jeunes qui montent un groupe de musique, mais pas vraiment des jeunes gens dans le vent ou des Fab Four ! Il y a d'abord Mimmo qui vit seul avec son père et qui rêve de quitter son village grâce à la musique, alors qu'il n'a même jamais pris le train. Puis Gennaro, dit Mortadelle, le fils de l'épicier qui répète souvent les critiques de son père, contre les migrants ou d'autres personnes, sans se poser de questions. Ensuite Guido qui traficote avec des amis pas très nets et qui fait le malin en racontant ses soirées avec des filles alors que tous les soirs il va à l'hôpital pour veiller sa mère mourante. Et enfin Cesare que son père a mis dehors et qui regrette le saccage de la nature car il aime les arbres,… au point de plastiquer des chantiers de construction d'hôtel !
Ils vivent dans un village imaginaire du sud de l'Italie, Scamorza (un nom qui parlera aux amateurs de fromage !) Mais leur village est à l'unisson avec les maux bien réels de l'Italie actuelle : la mafia avec ses trafics et ses règlements de compte violents, le retour du fascisme et la xénophobie, les installations touristiques qui sont construites aux dépens des forêts et des jardins, des jeunes qui ne voient pas quel pourrait être leur avenir "à part magouiller ou crever la misère sur les chantiers"…
Autour des quatre musiciens, il y a une belle galerie d'autres personnages. le petit Lupo qui a l'air de toujours jouer, mais qui est en fait très attentif à tout ce qui se passe et qui n'hésite pas à venger Mimmo quand les apprentis fascistes du village cassent sa guitare. le groupe des filles, et particulièrement Alba, qui accompagne les rêves de tous les garçons, encourage Mimmo et va finalement l'accompagner à Rome."L'innocent du village" qui mendie, dont presque tout le monde se moque et qui finalement va permettre à Mimmo, qui se retrouve seul du groupe des quatre musiciens, de remporter le casting de musique.
Les dessins d'Alfred et les couleurs de Laurence Croix nous offrent plusieurs univers graphiques : de belles planches sur la nature, des nuits bleutées calmes ou très agitées, les visions oniriques ou fantastiques des chiens de Mimmo, des silhouettes avec des traits multicolores pour montrer la force de la musique. Dans ce style, les pages 82 à 86 sont vraiment superbes … Il y a vraiment de belles trouvailles, comme ces planches "sans paroles" où notre esprit peut vagabonder à sa guise en suivant les personnages ou en se promenant dans les paysages. Les pages du casting musical où les paroles et la musique rejoignent tous les paysages du village sont aussi remplies de poésie et d'émotion. Mes deux planches préférées sont la première avec cette belle vue du village au bord de la mer et les pages 178-179 où Mimmo et Alba (qu'on ne voit pas !) parlent d'avenir sur fond de mer et de ciel étoilé, avec ce message "Fais-moi confiance, on va se débrouiller…"