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EAN : 9782258115989
320 pages
Presses de la Cité (26/02/2015)
4.04/5   37 notes
Résumé :
Comment on peut vivre encore quand on est la seule habitante d'un village déserté (Une pomme oubliée, Le tilleul du soir). Comment, revenus mutilés et décorés du Chemin des Dames, de jeunes élèves instituteurs peuvent être traités en enfants dans leur Ecole normale, jusqu'à ce qu'ils aient l'intelligence de jeter leur directeur dans le bassin aux poissons rouges (Le tour du doigt). Comment les habitants de Thiers vivaient du couteau, par le couteau, pour le couteau ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (22) Voir plus Ajouter une critique
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Jean Anglade n'est pas un petit nouveau dans le monde de la littérature française. J'aime énormément, ce n'est un secret pour personne, les romans de terroir. Pourtant, je n'avais pas encore lu de roman de cet auteur. Lacune comblée ! Il faut préciser que ce texte ne vient pas de voir le jour. Il a déjà été publié, en fait, en 1977, et il vient d'être réédité.

On assiste à l'entrée de Jules Vendange dans la vie active. Et comme celui-ci, pour l'anecdote, n'aime pas le fromage - ce qui est perçu comme scandaleux lorsqu'on habite en Auvergne - il ne pourra pas devenir paysan. Il ne pourra pas non plus devenir carrier comme son père car sa constitution ne le lui permet pas. Pour rattraper le déshonneur, il deviendra instituteur, c'est décidé ! Il entre ainsi comme élève-maître, en 1913, à l'École Normale. La Première Guerre Mondiale le propulse sur le devant de la scène, devant enseigner à des jeunes ayant à peu près le même âge que lui. À ses 18 ans, il est envoyé sur le front. Il y perdra sa jambe. le retour à la vie civile ne sera pas si facile. de retour à l'école, Jules est transformé. La guerre a fait de lui un insurgé, un écorché vif ne supportant plus aucun ordre. Il le paiera cher car la société ne supporte pas la rébellion...

J'ai lu d'une traite ou presque ce roman dans lequel sont associés terroir et Histoire. On a de l'empathie envers ce pauvre Jules, broyé par la société dès le départ. On se rend compte à quel point, parfois, l'être humain peut être oublié au profit d'un ensemble. Comme beaucoup de soldats, il s'est battu avec courage pour la Mère-Patrie. Comme beaucoup, il en est revenu abîmé physiquement et moralement. Et comme souvent, s'est-on préoccupé de leur réinsertion dans la vie civile ? A-t-on soigné leurs blessures psychiques ? Les médailles suffisent-elles ? Jean Anglade nous invite à réfléchir sur tout ceci.

Un grand merci à Babelio, à l'auteur ainsi qu'aux Éditions Presses de la Cité pour cette belle découverte.
Lien : http://www.lydiabonnaventure..
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"Le tour du doigt" est un roman de 395 pages de Jean-Anglade, auteur auvergnat renommé et prolifique dont j'avais déjà lu et apprécié "La-soupe à la fourchette". Dans "Le-tour-du-doigt", l'auteur nous conte l'histoire de Jules Vendange, personnage imaginaire. Issu d'un milieu paysan, Jules pouvait vendre du fromage, travailler aux champs, être artisan, curé ou instituteur. Il choisira l'enseignement : il sait qu'il doit réussir le concours d'entrée à l'École normale et décrocher son Brevet Supérieur. Ayant fait son service militaire (3 ans), Jules entre péniblement à l'École normale (25ème et dernier) et en suit les cours jusqu'à ce que la Grande Guerre éclate. Mobilisé en juillet 1916 au 121° RI à Montluçon, Jules est envoyé au front. le 4 juillet 1917, blessé à Craonne par une grenade à manche, Jules est amputé : dorénavant, il aura une jambe de bois. Qu'à cela ne tienne : il reprend ses cours à l'École normale, échoue au Brevet Supérieur et est nommé par l'Académie comme instit' d'une classe unique pour un petit hameau sis à quinze kilomètres de Thiers, sous-préfecture de l'Allier. Il y restera jusqu'à ce qu'il atteigne 58 ans, âge de départ à la retraite, après avoir connu déceptions et joies. Ce livre est l'histoire de sa vie. "Le tour du doigt" constitue pour Jean Anglade un prétexte à plusieurs analyses : celle de la guerre, celle de la formation des maitres, celle de l'enseignement donné aux enfants et celle de la vie. Sur un ton simple, et usant quand il le faut d'expressions populaires de l'époque, l'auteur met en évidence certaines vérités criantes. Il ne dénonce pas : il donne à lire et à réfléchir sur la base d'éléments tirés de sa propre expérience. le trait n'en est pour autant pas moins acide et percutant !

Concernant la guerre, Jean Anglade ne fait pas les choses à moitié : « les généraux y lancent à pleines mains leurs régiments ainsi que des confettis sur le carnaval » (page 132) ; La guerre ? Un hachoir géant : on peut y débiter 200 000 bêtes par mois ». C'est que la guerre, il l'a vue de près (cf. plus haut) et ça n'était pas du joli joli, pour lui comme pour les autres : « des Sénégalais avec des gelures multiples ne pouvant monter à l'assaut qu'en criant faute de pouvoir tirer. Avec leurs mains pleines de pansements, c'était comme vouloir coudre avec des gants de boxe » (page 153). Planeurs allemands en observation, gaz moutarde ou au chlore, lance-flammes, baïonnettes semblables au rostre du poisson scie, crapouillots, hurlements, infirmiers rouges du sang des blessés qu'on ampute à la hâte, rats déchiquetant les charognes encore chaudes, puanteur, rationnement, explosions assourdissantes. Les gradés ? Des « buveurs de sang » (page 167) qui commandent par téléphone : « Attaquez ! Attaquez ! Quel qu'en soit le prix » et qui vont ensuite se mettre les pieds sous la table : « Baptiste ! A table ! Et servez chaud ! » Dans ce contexte, certains refusent d'obéir, désertent, se rebellent : ils seront exécutés par des français.

Concernant la formation des maitres, Jules Vendange et ses pairs étaient pris en mains par « de braves gens sans éclat mais sans reproche, qui faisaient ce qu'ils pouvaient pour nous décrouter » (page 79). le français repoussait le patois auvergnat dans ses retranchements. L'enseignement était solide : les punitions n'étaient pas rares (on vous donnait à recopier plusieurs dizaines de fois la même phrase), on apprenait la discipline et la morale, on ne prenait la parole que si on y était autorisé par le maître, lequel pouvait frapper les élèves (gifle, coup de baguette de coudrier) en cas de nécessité, avec la bénédiction des parents. Les maitres ne pensaient pas exclusivement à l'épanouissement de l'enfant : avant l'arbre, il y a le plant qui est d'abord une graine qu'on sème et qu'on entretient. Chaque chose en son temps ! Alors la méthode globale, la course aux programmes qui n'ont plus grand-chose à voir avec la vie, l'indiscipline généralisée, le respect des consignes syndicales avant toute démarche pédagogique ? A dégager ! O tempora, o mores !

Concernant la vie, elle irrigue tout l'ouvrage avec des personnages hauts en couleurs : Mrs Berlieux, Pamaret dit le Zig (ma citation), Gagneraud (ah, sa jolie femme : « elle me trouble » page 106), et tant d'autres dont Mrs Gatignol, Pinaud et Rossignol. La description de la vie rudimentaire de cette époque est quasi-cinématographique : un monde à 90 % rural, des échoppes d'artisans le long des rues municipales, des métiers et des jeux aujourd'hui disparus, une espérance de vie plutôt courte, le cinéma avec son jongleur à l'entracte et le triangle symbolique (église-école-cimetière). Jules Vendange traverse le cours de cette histoire, avec Vendredi, son chien, Automne, sa jolie Antillaise et son fils, Raoul. Vieillissant, il se retourne sur son passé et nous raconte ses souvenirs, une vie qui a filé à toute vitesse, à la même vitesse que celle qu'il faut pour faire le tour d'un doigt. Superbe mais raconté avec simplicité et authenticité : je mets 4 étoiles. Merci à Babelio et aux Presses de la Cité pour cette découverte.


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Tout d'abord, un grand merci aux éditions Presses de la Cité et à Babélio sans qui je n'aurais certainement pas découvert Jean Anglade… Anglade : le nom ne m'est pas inconnu, mais le prénom ? Jean ? Jean-Hugues ? Rien à voit, bien entendu…
Quoiqu'il en soit, c'est avec regret que je referme ce magnifique roman, "Le tour du doigt". Un roman à plusieurs niveaux de lecture :
Tout d'abord, l'histoire auvergnate de Jules Vendange, un fils de carrier que son aversion pour le fromage (un comble, voire un crime pour un auvergnat) prive de la possibilité de devenir agriculteur ; et sa faible constitution de la possibilité de suivre les traces du père…Il sera instituteur.
Ensuite, vu la période concernée, juste avant la Grande Guerre, un témoignage de la vie des poilus dans les tranchées d'où il sortira unijambiste, ainsi qu'un témoignage sur la dure réinsertion dans la vie civile des « Gueules Cassées ».
Enfin, et peut-être surtout, un témoignage sur la formation des enseignants de l'époque et sur l'enseignement tel qu'il était donné entre les deux guerres.
Tout cela porté par un style fluide et efficace qui n'est pas sans me rappeler Genevoix…ou Bazin… ou Bernard Clavel. Bref, une plume qui sent l'humus… Remarquable.
Une très bonne idée des éditions Presses de la Cité que cette réédition (première parution dans les années 70) à l'occasion du centième anniversaire de l'auteur. Je cours acheter son dernier opus : « le grand dérangement » qui vient tout juste de sortir.

Voilà !
C'est fait !
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Jean Anglade est centenaire, et auvergnat. Né en 1915, il fut successivement instituteur, professeur de lettres puis agrégé d'Italien, enfin, romancier.
Fils d'un maçon et d'une servante, boursier, orphelin de père, cet homme fleure bon la 3ème république, la mixité sociale et l'ascenseur du même nom.
Un monument à lui tout seul.
Son ouvrage «le tour du doigt» (il vous faudra attendre la page 208 pour connaître l'origine de l'expression) m'a été envoyé dans la cadre d'une masse critique Babelio, et je ne le regrette pas.
Il raconte l'histoire du petit Jules Vendange, poilu de 1914-1918, élève de l'Ecole normale de Clermont-Ferrand, et rebelle à l'ordre établi depuis son plus jeune âge, bine qu'Auvergnat il n'aime pas le fromage et s'en vante !
Je n'ai pas boudé mon plaisir, je n'aurai jamais acheté ce livre, mais j'ai découvert un auteur prolixe avec plus de 100 ouvrages à son actif, bien dans sa tête et dans son écriture, une écriture orale, celle d'un conteur, d'un raconteur un peu farceur, qui le soir au coin du feu captive son auditoire et l'emporte sans l'assommer, jusqu'au petit matin, parlant sans discontinuer, d'une voix grave et envoutante qui n'hésite jamais et tire avec élégance le fil de l'histoire tout en faisant griller des châtaignes accompagnées d'un petit Chanturgue ou d'un côtes d'Auvergne au goût fumé et minéral ; peut-être même que vous aurez droit à un morceau de Saint-Nectaire vieux, servi sur des tranches de pain pétri dans une farine de froment de Limagne.
Trêve de balivernes, réduire l'oeuvre de Jean Anglade à celle d'un romancier de terroir, comme le prétendent les thuriféraires d'un antropomorphisme parisien de bon aloi, encore que détestable, relève d'une posture accommodante mais arrogante.
Le roman relate la vision d'un jeune auvergnat de 17 ans, ambitieux mais non rastignacien, sur la société française sortant avec difficulté du XIXème pour entrer pesamment dans le XXème en s'offrant une bonne guerre.
Au-delà de la description minutieuse de l'horreur de la guerre, j'ai retenu à la page 143 « Après une heure ou deux d'attente, c'est nécessairement du mort. On essaye quand même de les récupérer la nuit. Dans les cas les plus difficiles, on recourt à des spécialistes qui s'efforcent de les crocheter avec des grappins, qui les tirent à eux comme les pêcheurs bretons leurs filets. On ne peut les abandonner, cela fait mauvais effet et mine le moral de la troupe.»
On trouve dans le roman, une foison de constats , de faits, d'anecdotes, c'est cruel, toujours drôle, raconté avec la passion qui anime Jules et nous font toucher du doigt (gag !) ce qu'était le France de 1914 :
Une France rurale : «La bouée du boulanger», page 130, une tradition collective, le village se mobilise pour «chercher tout le bois nécessaire pendant un an à la cuisson du pain...»
Une France où la langue officielle a du mal à s'imposer : page 96 «Plusieurs ne connaissent pas un mot de la langue officielle et seule autorisée» et répètent «Compregne re do to !», Jules les questionne dans leur patois qu'il connaît « Abez comprengu ? » pour s'assurer que son enseignement porte ses fruits.
Une France où les femmes sont assujetties : page 99 «Jeanne Gaillard me sera particulièrement précieuse. Elle a douze ans quand elle devient mon élève. Moi dix-sept. Dans trois ou quatre ans je pourrais l'épouser. Elle a le front large et lisse, le teint un peu pâle, des yeux e velours qui m'emplissent d'un étrange douceur chaque fois qu'elle les tourne vers moi.» ; page 105, « Et je sais aussi que Muguette Gagneraud est une vieille femme, vingt-six ans, deux fois mère de famille, et qui pleure quand elle lit les cartes-lettres de son mari absent. Mais justement, lorsque l'on pleure devant témoin, c'est peut -être pour chercher des consolations »
Une France catholique qui veut s'émanciper de la religion : page 195, leur directeur les incite à porter l'uniforme de normalien «Mais c'est aussi une manière de propagande pour l'école de Jules Ferry. Voyez les élèves des curés, comme ils s'affichent en grande tenue ! Allez-vous leur laisser le Champ libre ? Vous devriez être fiers de porter cet uniforme, vous, les futurs hussards de la République !»
La guerre a déstructuré la société, en faisant travailler les femmes, en leur donnant une liberté inconnue jusqu'alors ; en mettant au centre du jeu les oubliés de l'histoire, en leur donnant le titre de héros, en les valorisant face aux embusqués qui se cachent loin du Front.
L'après-guerre, comme toujours, est difficile, il faut à nouveau rentrer dans le rang après avoir versé son sang pour la patrie.
C'est cette histoire que raconte autour du doigt, celle de l'ingratitude de la mère patrie pour ses héros.
Le roman est un assemblage d'histoires courtes, sans ordre chronologique, que l'on pourrait presque lire comme des petites nouvelles, l'ensemble constitue l'histoire de Jules Vendange.
Pour planter le décor, le premier chapitre restitue l'ambiance de l'école normale de Clermont-Ferrand qui accueille, pour rafraichir leurs connaissances, les élèves-instituteurs de la classe 1913 dont la formation a été interrompue par la guerre. Partis adolescents, ils reviennent en poilus, sûrs d'eux, bardés d'une expérience que l'Ecole Normale n'aurait jamais su leur donner.
Dès août 1914, ils ont exercé pour remplacer les instituteurs vétérans, mobilisés, une histoire que la grande histoire a peu développée, celle de Jules Vendange, par exemple, nommé à Aulhat à l'âge de dix-sept ans pour enseigner à des jeunes à peine plus jeunes que lui, et dont les pères sont partis à la guerre.
Passé dix-huit ans, ils se sont retrouvés au front, plusieurs années sous la mitraille.
Le chapitre 1 «Les canaques», (je vous laisse découvrir pourquoi on les appelle ainsi), raconte leurs retrouvailles, de 23 au départ ils se retrouvent à 15.
Ils sont peu enclin à rentrer dans le moule qu'on veut leur imposer et se voient contraints de jouer les potaches iconoclastes pour des pions qui eux sont restés à l'arrière. Drôle d'époque. Ca vous forge le caractère. Jules a perdu une jambe au front.
Il en entend sur sa jambe :
Page 183 et 184 « Eh bien ! Mon cher Vendange, mieux vaut revenir aux trois-quarts que pas du tout, n'est-ce pas ?» «J'entendrai ce compliment dans la bouche des uns et des autres : je ne sui plus que trois-quarts d'homme.»
Alors pour montrer qu'il avait le caractère forgé dès sa plus tendre enfance, il nous conte par le menu comment il décida de devenir instituteur. Il n'avait le choix qu'entre curé et instituteur, je ne dévoile pas pourquoi, et finalement les circonstances le poussent vers le noble métier d'enseignant. C'est l'objet du chapitre 2 «Enfantines».
Le livre démarre vraiment à partir du chapitre 3 «Ceux de la 13», où Jules passe de la guerre contre l'inculture à la guerre tout court.
De nombreux passages à souligner :
Page 147 et suivantes : La préparation de l'offensive Nivelle «Le boucher de Craonne» au Chemin des Dames, par l'état major, un jeu de rôles où l'on assiste à la bataille d'ego entre Poincaré, Nivelle, Ribot, Micheler, Franchet D'esperrey, Castelnau, dont la conclusion est « le grand patron refuse tout net d'accepter la dite démission, vous avez toute la confiance du gouvernement, nous en reparlerons après le déjeuner. Après quoi, il pousse ses invités vers le wagon-restaurant.»
Le chemin des Dames : «Le long du plateau court une route presque droite, de Condé à Craonne. Dans le passé elle a été empruntée par plusieurs princesses royales qui venaient en villégiature dans les châteaux de la région. c'est pourquoi elle porte ce jloi nom : le Chemin des Dames.»
Les mutineries, la boisson, les tirailleurs sénégalais envoyés en éclaireurs contre la mitraille, les profiteurs : page 215 «je me rappelle les profiteurs du Soissonais, leur vin bouché à trois francs le litre, mit en bouteille la nuit précédente, entre deux et quatre heures du matin, à la lueur d'un rat-de-cave.»
Une somme de détails, d'indices, de connaissance, délivrés par Jules Vendange, une analyse méticuleuse de la société dans laquelle il vit qu'il rejette et qui le rejette également.
Le livre se lit avec avidité et sans relâche jusqu'à l'avant dernier chapitre, Jules est un pédagogue accompli, il «sauve» des générations d'élèves, leur transmettant du savoir mais aussi des clefs pour se comporter en citoyen responsable.
Les dernier chapitres «Pédagogies» et «Dialogues» sont décevants, l'échelle du temps change et les années défilent trop vite.
Derrière la parole de Jules, on entend celle de Jean Anglade, elle se charge de regrets, elle parle de l'incompréhension des nouvelles générations devant les anciens combattants.
De rebelle, Jules Vendange devient conformiste et désabusé, je serai tenté de dire il vieillit : « Il ne nous arrive désormais rien d'heureux ni de malheureux, je dois mettre au compte de mes plaisirs, une bonne digestion, une sieste reposante, une carte postale inattendue, une violette prématurée, une mouche bleue que j'écrase d'un coup de journal.»
Malgré ce bémol, le tour du doigt est un livre à découvrir.


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Je remercie les éditions Presse de la Cité et Babélio pour ce partenariat et ce roman qui m'ont permis de découvrir un auteur que je ne connaissais pas, un roman qui, par certains épisodes n'est pas si loin d'une sorte d' autobiographie de l'auteur qui s'est certainement beaucoup inspiré de son propre parcours si on ne tient compte des années de décalage dans le temps : mort de son père dans la somme alors que Jean Anglade avait un an, cours complémentaire, école normale…un parcours riche au coeur de son Auvergne natale, ce qui en fait un également un roman de terroir très intéressant. Jules Vendange, qui n'aime pas le fromage, de faible constitution, devra envisager un avenir différent de celui de son entourage : il ne peut pas être fermier et encore moins carrier comme son père. Il décide de devenir instituteur. Ainsi commence son parcours avec le cours complémentaire puis l'école normale, études interrompues en raison de sa mobilisation et de son départ pour le front. Après cette « grande guerre » il reprend ses études et après bien des péripéties, il débute comme instituteur, avec son passé, ses attentes, ses questions, ses projets, sa jambe laissée sur le chemin des dames… Un histoire passionnante avec des épisodes que j'ai vraiment appréciés, la partie enseignement dans une classe unique qui me rappelle sans cesse aujourd'hui , on nous demande de différencier l'enseignement, ce qui n'est pas toujours simple, et qu'à l'époque on le faisait naturellement mais ça on pourrait en parler pendant des heures, des parents qui faisaient confiance à l'enseignant … les chapitres dédiés à la guerre dans lesquels L'auteur transmet parfaitement l'horreur de ce front sur lequel on a envoyé de la chair à canons, la fin, pleine de nostalgie d'une vie d' homme qui attend avec philosophie que la pendule s'arrête, très belle fin au cours de laquelle, Jean Anglade parvient à merveille à faire partager ce qu'il ressent au crépuscule de sa vie.
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Citations et extraits (49) Voir plus Ajouter une citation
Pendant quatre ans, des hommes avaient souffert et espéré entre ces murs, percés, amputés, émasculés, la figure ravagée par les lance-flammes, les poumons brûlés par l'ypérite. Cela me rappelait mon séjour à Dinan. Un brouillard dont j'avais mis longtemps à émerger. L'immense salle commune, puante de chloroforme et d'éther, pleine de gémissements, de délires, de râles, de fureurs. Les vieux médecins barbus et hautement galonnés, indifférents et sourds. Mais je n'ai que vingt ans ! Comment avez-vous pu me couper la jambe pour une simple rotule qui manquait ? L'urgence mon ami, l'urgence. Tu es vivant, pour toi la guerre est finie, de quoi te plains-tu, biquet ? On te fera cadeau d'une médaille en bronze. Et aussi d'une superbe prothèse toute neuve, en bois de châtaignier, celui qui résiste le mieux aux vermoulures, avec rondelle en caoutchouc et changement de vitesse. Comme tu seras admiré, quand tu circuleras dans les rues de Clermont, exhibant cette preuve de ton héroïsme !
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page 78 [...] "M. Pamaret, dit le Zig [...] a un défaut de prononciation. Des anecdotes courent sur son compte. On raconte qu'un jour il a interrogé une jeune candidate au concours d'entrée à l'Ecole normale ; sa question portait sur la baleine. Il demande à la demoiselle à quoi servent les fanons. Elle, intimidée, ne sait que répondre. Il essaye de la guider :
- T'est-ce te vous avez dans votre torset ?
Elle croit avoir mal entendu, le prie de répéter.
- Dans votre torset, t'est-ce te vous avez ?
Comme il a promené ses mains sur son propre buste par raison démonstrative, cette fois elle est bien obligée de comprendre. En cas temps-là, les jeunes filles, même avant d'être en âge, s'efforçaient de suivre la mode vulgarisée par les cartes postales. Ce que j'appelle la mode-sablier : volumineuses par le haut et par le bas, étranglées par le milieu. Quand elles manquaient un peu de subsistance, elles y remédiaient au moyen de rembourrages. Voici donc la jeune candidate qui rougit jusqu'aux cheveux, et avoue en baissant les paupières :
- Du coton.
Lui, au lieu de rire du quiproquo, comme aurait fait tout homme d'une taille et d'une importance ordinaires, s'en irrite :
- Du toton ! Du toton ! Je ne vous parle pas du tontenu mais du tontenant !
La malheureuse ne savait pas qu'à cet endroit-là elle avait des fanons de baleine."
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Les seules chansons que M. Chevalerias nous enseignait étaient des chants patriotiques : le Chœur des girondins, le Chant du départ, la Marseillaise. Sans oublier un seul couplet. Celui des enfants me remplissait d'orgueil : il avait de toute évidence été composé pour le fils d'un carrier, rare privilège, puisque l'auteur n'avait rien prévu pour les autres corporations.

Nous entrerons dans la carrière
Quand nos aînés n'y seront plus.
Nous y trouverons leur poussière,
et la trace de leur vertu...

Cette trace de leur "vertu" me laissait perplexe. S'il m'arrivait, le Dimanche après -midi de rendre visite à la carrière au repos, j'y trouvais certes, une poussière abondante; mais la trace de leur vertu ne m'apparaissait pas clairement.
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"Toi aussi tu mouriras un jour ?
- Il faut dire : tu mourras. Oui, moi aussi, je mourrai un jour.
- Oh ! c'est dommage ! Et... maman ?
- Et maman aussi, puisque tout le monde meurt. Non seulement les personnes, mais les animaux et les plantes."
Peut-être aurais-je dû l'envelopper dans le coton des mensonges, lui laisser croire en un monde meilleur qu'il n'est, comme on fit, parait-il, au Bouddha enfant. Mais ma mission de maitre d'école est d'enseigner la vérité, en toutes circonstances, ce que je crois être la vérité, rien que la vérité, sinon toute la vérité, avec les réserves nécessaires en cas de doute. Je suis prêtre de la Vérité. Je crois en la Vérité toute-puissante. Je vous salue, Vérité pleine de grâce. Que Votre nom soit sanctifié, que Votre règne arrive sur la terre comme au ciel. Ainsi soit-il.

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La première nuit, je tiens à la Mère de Dieu ce raisonnement : "Bonne Vierge, merci de m'avoir protégé dans mon écrit. Encore que, dans l'accident de la montre, il y aurait bien de quoi dire. Mais je me rends compte que vous avez beaucoup à faire et qu'il est difficile d'avoir les yeux partout. Passons. Vous m'avez donc, comme qui dirait, fait un très joli cadeau en m'accordant le succès aux premières épreuves. A présent, si vous entendez me laisser échouer aux secondes, je considérerai que vous m'aurez donné le manche d'un couteau sans me donner la lame. Que voulez-vous que je foute du manche d'un couteau ? Ce serait vraiment vous moquer de ma figure. Alors je vous en prie, Bonne Vierge, faites que je sois également reçu à l'oral. Sinon je ne vous parle plus de toute ma vie !"
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Videos de Jean Anglade (13) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jean Anglade
A l'occasion du centenaire de l'écrivain auvergnat Jean Anglade, les éditions Presses de la Cité proposent un cycle de lectures dans la régions. Elles ont confié à "Acteurs, Pupitres et Compagnie" la mise en place de ces lectures et la sélection des extraits de textes parmi les plus remarquables de Jean Anglade. En savoir plus : http://bit.ly/1KPtMBy
Sa première ?période bleue? de romancier social des années 50 à 70, sera particulièrement mise en lumière avec ses oeuvres plus littéraires (Des chiens vivants) puis ses textes populaires dans sa veine auvergnate à partir de 1969 (La pomme oubliée). Ces lectures donneront à découvrir ou redécouvrir un grand auteur qui a su fédérer un public nombreux, fidèle, transgénérationnel. Il est un homme aux valeurs humanistes et son oeuvre considérable aborde des genres et des sujets très différents: romancier, essayiste, traducteur (de Boccace et de Machiavel), biographe, mais surtout intarissable conteur, Jean Anglade est l?auteur d?une centaine d?ouvrages.
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