Erdogan : Le nouveau sultan

Voici une biographie qui est consacrée à Recep Tayyip Erdoğan qui dirige la Turquie depuis 2003 de manière assez autoritaire voir dictatoriale.

Je sais qu'il a été victime d'une tentative de coup d'état en 2016 qui l'a rendu complètement paranoïaque au point de conduire à des purges avec plus de 50 000 arrestations dont des députés de l'opposition et au licenciement de plus de 100 000 employés du secteur public, ainsi qu'à la mise en place de réformes sécuritaires et à une forte présidentialisation du régime. Bref, il en est ressorti très renforcé.

Le scénariste Can Dündar est un journaliste turc qui a été contraint de fuir le pays car opposant au régime. En effet, il a été menacé de mort et condamné en Turquie à 27 ans de prison pour avoir dévoilé un trafic d'armes coordonné par les services turcs à destination de factions islamistes en Syrie. Il s'est installé à Berlin où il vit sous haute protection. Il a eu l'idée de faire un roman graphique avec un dessinateur turc lui aussi exilé. Il a constaté que le roman graphique commençait à prendre de l'ampleur au niveau des rayons de librairie à juste titre.

Par ailleurs, il a décidé d'être objectif dans son travail en ne révélant que les faits qu'ils soient en faveur de cet homme ou pas même si on a bien compris qu'il ne le porte pas dans son coeur.

La deuxième chose intéressante est de nous présenter le passé de cet homme politique et de s'arrêter au moment où il va prendre les rênes du pouvoir en Turquie car l'auteur considère qu'on connaît l'histoire. C'est un peu dommage car il est vrai qu'en tant qu'occidentaux, je n'ai pas vraiment suivi son parcours politique.

Mais bon, c'est intéressant tout de même de voir comment cet homme a gravi les échelons du pouvoir en ne partant de rien. La démarche est de savoir ce qui a pu le guider et comment il s'est imposé sur la scène politique.

Au départ, on découvre un enfant miséreux battu par son père vivant au bord de la Mer Noire. Puis, il fera des études dans un lycée religieux où l'on forme des imams et des prédicateurs ce qui sera plus tard fort utile pour faire des discours politique haranguant la foule.

Il parviendra péniblement à obtenir un diplôme de la faculté des sciences économiques et commerciales de l'université de Marmara. Il fera en même temps un parcours de joueur de football semi-professionnel de 1969 à 1982. Bref, cet ouvrage nous livre quand même pas mal de surprises pour ceux qui ne connaisse pas particulièrement cet homme.

Je me rends compte également que cet homme a traversé pas mal d'épreuves avant d'arriver au sommet. Il a même été emprisonné après avoir lu un poème lors d'un discours. C'est incroyable de voir comment on peut parfois passer de statut de victime d'un système à oppresseur une fois l'objectif atteint. C'est comme s'il n'avait rien appris et qu'il prenait une revanche haineuse. Oui, il faut se méfier des autocrates. Il n'y a pas que la Russie de Poutine !

J'ai vu également comment il a utilisé les femmes dont il avait assez peu de considération afin de les séduire à des fins politiques. Il s'est servi de la démocratie en cachant ses intentions profondes qui n'étaient pas forcément compatible avec le féminisme ou les libertés individuelles.

Le dessin en noir et blanc est parfaitement lisible et colle plutôt bien à ce type de BD documentaire. On frise parfois l'image d'Epinal dans la caricature.

Enfin, je voudrais remercier les éditions Delcourt ainsi que « Babélio » de m'avoir adressé cet ouvrage dans le cadre d'une opération masse critique. J'avoue que cette lecture m'a réellement plu sans vouloir tomber dans la complaisance.

Un roman graphique à déclarer d'utilité publique …
De la rencontre d'un journaliste et d'un dessinateur, tous deux exilés à Berlin à la réalisation de l'album en 2021, décrivant d'avril 1954, jusqu'à l'an 2000 … la conquête du pouvoir.
Rien ne nous sera épargner sur l'ascension de cet individu … le parcours de ce gamin nous est restitué de ses addictions au foot et à la mosquée … en passant par ses premiers pas en politique … et sa capacité à utiliser le mensonge, le cynisme, la dissimulation pour se venger de son origine modeste.
La Turquie avait eu comme héros, Atatürk », littéralement le « Turc-Père », au sens de « Turc comme l'étaient les anciens » (1), Erdogan veut lui succéder … il prétend défendre la laïcité, la liberté et la démocratie … il jouera de ces valeurs pour écarter tous les obstacles qui se dressent devant son ascension … un individu opportuniste, calculateur … un despote moderne qui s'est servi de nos valeurs pour accéder au pouvoir qu'il ne veut pas lâcher.
Une grande maîtrise du scénario qui relate des faits avérés …
Un dessin qui accompagne avec beaucoup de justesse les faits et nous permet de nous sentir en immersion avec les événements décrits …
Merci aux auteurs, Can Dündar (2) et Anwar (3) d'avoir réussi à nous informer sur les méthodes qu'a utilisées Recep Tayyip Erdoğan pour gravir les marches du pouvoir et sur les risques que représentent cet homme pour nos valeurs « liberté, égalité et fraternité » des mots bien éloignés de lui.

(1)
Atatürk, après la proclamation de la république, il déplace la capitale d'Istanbul à Ankara et occidentalise e pays à travers plusieurs réformes radicales dans une volonté farouche de rupture avec le passé impérial ottoman et islamique. Ainsi, il inscrit la laïcité dans la constitution, supprime l'islam en tant que religion officielle, abolit les instances chariatiques, donne le droit de vote aux femmes, et remplace l'alphabet arabe par l'alphabet latin. Sous sa présidence autoritaire dotée d'un parti unique, la Turquie a mené une révolution sociale et culturelle sans précédent généralement appelée « révolution kémaliste ».

(2)
Can Dündar, est un journaliste et documentaliste turc. Il est spécialiste de la critique des médias en Turquie, engagé dans la défense des libertés publiques, pacifiste et favorable à une résolution politique du conflit kurde en Turquie. Entre 2013 et 2016, il est directeur de la rédaction du quotidien turc laïc et progressiste Cumhuriyet. En novembre 2015, il est emprisonné pour avoir révélé que les services secrets turcs effectuaient des livraisons d'armes à des groupes rebelles en Syrie.

(3)
Mohamed Anwar est un caricaturiste et illustrateur de romans graphiques égypto-soudanais. En 2006, quelques années avant la chute du dictateur Hosni Moubarak, il est l'une des figures de proue de la jeune génération de caricaturistes qui se dressent contre le pouvoir dans les médias indépendants égyptiens. Anwar a commencé sa carrière d'illustrateur en 2007, en dessinant pour le quotidien Al-Badeel, parallèlement à ses études d'ingénieur biomédical. Il a ensuite collaboré avec un grand nombre de journaux et revues en Égypte et dans le monde arabe.

Une biographie en roman graphique sur le vie de Erdogan, président Turc. L'auteur est un grand journaliste turc exilé en Allemagne parce que sa vie est menacée par le régime Erdogan.

Le livre couvre la vie de Erdogan de sa naissance jusqu'à son ascension au pouvoir. C'est très bien mais je crois qu'il aurait été plus pertinent de continuer au delà de ce point pour voir les dommage qu'il a causé à la démocratie et la laïcité turque.

On y voit un stratège manipulateur, menteur, prêt à tout pour prendre le pouvoir. Ne connaissant pas tellement le politique turque, je n'ai pas pu m'empêcher de trouver que les tactiques de Erdogan des années 90 d'une exactement les mêmes que les tactiques du Parti Républicain Américain des dernières années.

Vouloir censurer les opinions contraires. Puis, si on nous critique sur ce point, se présenter en chevalier de la liberté d'expression en disant que l'on veut vous faire taire.

Déshumaniser les gens qui ne partagent pas notre foi, promettre de réglementer leur vie. Puis, si on est attaqué sur ce point, dire que l'on bafoue notre liberté religieuse.

Présenter les gens qui veulent améliorer la société comme des élites corrompues et déconnecté, malgré sa propre richesse et son propre pouvoir.

Jouer des médias en dénonçant leurs biais à chaque critique, et les voir tomber dans le panneau de ne plus oser critiquer au nom de l'impartialité.

Etc.

C'est plutôt effrayant, pour être honnête.

L'objectif de cet ouvrage est détaillé dès les premières planches : fournir une biographie objective et factuelle du président turc, avant sa pleine accession au pouvoir.

On plonge donc dans l'enfance compliquée d'un jeune turc originaire de Rize, entre père exigeant et violent, passion pour le football jamais démentie et grande piété raffermie par son passage au Lycée religieux, seul établissement accessible aux populations les plus démunies.

Passée cette première mise en bouche, l'histoire s'accélère, entremêlant adolescence du jeune Erdogan et évènements politiques qui ont marqué la Turquie (pendaison de Menderes en 1961, manifestations de 1968, affrontements entre étudiants gauchistes et étudiants conservateurs du mouvement MTTB, assassinats des années 1993...), mais aussi le monde arabe jamais bien loin (importance croissante des frères musulmans, révolution iranienne, invasion russe en Afghanistan, accession au pouvoir des partis islamistes en Algérie, Tunisie et Égypte...).

En parallèle de ces secousses géopolitiques, on suit la progression politique d'un Erdogan impulsif, mauvais perdant, et qui s'emporte facilement...mais au flair politique inné, puisqu'il réussit à élargir la base électorale du parti conservateur aux femmes et à une classe moyenne peu regardante sur le respect des moeurs religieuses : l'issue de la bataille entre modernistes et traditionalistes lui permet de prétendre à la mairie d'Istanbul, avant de subir des revers de la part de sa propre famille politique, qui lui reproche son ambition démesurée.

L'auteur et le dessinateur excellent dans ce portrait d'une Turquie en pleine mutation, et d'un homme qui, malgré ses nombreux échecs, finit par obtenir Istanbul, puis la présidence turque. On y apprend plus sur les liens paradoxaux qu'entretient Erdogan avec Güllen, sur la place cruciale de l'armée qui n'hésite pas à piétiner la démocratie pour préserver la laïcité des institutions turques, mais aussi sur l'influence américaine en toile de fond, qui apporte son soutien à un homme qu'elle considère comme providentiel pour conserver la Turquie dans le giron occidental.

Une bande dessinée qui fournit une introduction tout en finesse à l'histoire contemporaine turque et à l'ascension d'un homme que l'Occident voit désormais comme une menace pour les valeurs qu'il défend ; un album soulignant aussi le terrible cynisme dont fait preuve Erdogan qui use et abuse des principes démocratiques pour consolider son propre pouvoir, sans jamais perdre de vue son objectif final, bien éloigné de celui des Européens.

Une bande-dessinée, véritable documentaire sur l'accession d'Erdogan au pouvoir. Réalisée par deux opposants au régime turc et exilés, elle a pour but de retracer son parcours de son enfance empreinte de violence avec un père exigeant et de religion avec son passage au Lycée religieux, seul établissement accessible aux populations les plus démunies. Plus globalement, nous découvrons ou re-découvrons l'Histoire de la Turquie avec la pendaison de Menderes en 1961, les manifestations de 1968, les affrontements entre étudiants gauchistes et étudiants conservateurs du mouvement MTTB, ou encore les assassinats des années 1993. Tout cela avec la montée des frères musulmans, la révolution iranienne, l'invasion russe en Afghanistan, l'accession au pouvoir des partis islamistes en Algérie, Tunisie et Égypte... Cela s'entremêle avec le destin du jeune Erdogan, décrit comme impulsif et surtout très mauvais perdant. Nous en apprenons beaucoup sur la géopolitique grâce notamment aux dessins épurés. Une bande dessinée de 320 pages de très bonne qualité. j'ai beaucoup apprécié le fait que l'auteur et l'illustrateur s'arrêtent à l'accession au pouvoir. de cette manière, cette bande-dessinée joue sur l'objectivité à la lumière de l'Histoire même si elle est à charge, bien évidemment. #Erdogan #NetGalleyFrance