Sénèque (vers 4 av. J.-C. — 65 apr. J.-C.) est l'un des principaux représentant du stoïcisme, cette école philosophique est née au 3e siècle avant J.C et c'est prolongé jusqu'au 2e ou 3e siècle apr. J.-C. sous l'influence de l'empereur
Marc-Aurèle.
La devise des stoïciens est « Suis la nature », autrement dit les stoïciens nous conseillent de vivre en accord avec la nature ». La connaissance des lois de la nature est essentielle pour distinguer ce qui dépend de l'homme et ce qui survient quoi que l'on fasse. On représente métaphoriquement le stoïcisme par « une vache sous la pluie » qui accepte son sort sans se révolter, impassible. On donne aussi l'exemple d'un chien attaché à un chariot qui peut : soit se rebeller et chercher à aller dans le sens inverse de celui qu'on lui propose, soit accepter sans se révolter de suivre le chariot. Dans le premier cas, il souffrira en permanence d'être tiré, dans le deuxième cas, s'il accepte son sort, il pourra vivre sa vie. Certains ont critiqué cette école en la qualifiant de philosophie de la soumission ou de l'esclavage. le bouddhisme et le spinozisme posent des problèmes analogues. Mais on ne peut réduire l'enseignement de
Sénèque à ces seules préconisations.
Sénèque n'est pas un philosophe à système comme
Aristote ou
Platon, il veut transmettre un art de vivre, un modèle de sagesse qui consiste à connaître la nature et à vivre en harmonie avec elle, c'est-à-dire à appréhender la vie et la destinée en s'appuyant sur la connaissance de l'Univers. de cette approche découlent les valeurs éthiques développées par le philosophe, comme l'égalité entre les êtres humains et le respect de toute personne humaine, quel que soit son statut social. Les premiers chrétiens trouvèrent chez
Sénèque des principes que leur religion nouvelle pouvait adopter sans contradiction.
Sénèque considère que l'être humain se consume dans une insatisfaction chronique qui l'empêche d'être heureux. Il situe l'origine de cette frustration dans le désir d'accumulation des biens et de richesses, la recherche du plaisir, la douleur causée par la perte d'un être cher, ainsi que dans la non-acceptation des préceptes de la nature et du destin.
De mon point de vue
Sénèque se présente comme un philosophe humaniste, en avance sur son temps sur le plan de la morale. Il cherche à améliorer la condition des classes sociales les plus défavorisées, comme les esclaves et les gladiateurs. Il critique l'amour de l'argent, du pouvoir et du luxe. Sur ce thème il semble toutefois qu'il n'a pas été d'une rigueur parfaite et beaucoup de commentateurs lui ont reproché de ne pas avoir suivi ses propres enseignements.
Russel dans son ouvrage sur la philosophie occidentale ne manque pas de faire remarquer que
Sénèque était très proche du pouvoir (d'abord précepteur puis conseiller de Néron) et avait accumulé une fortune considérable ce qui est contradictoire de la part d'un philosophe qui prône l'austérité.
Sa doctrine est bien connue, car il est l'un des rares auteurs latins pour lequel la plupart de ses
oeuvres ont été conservées intégralement. Il est aussi l'auteur de plusieurs tragédies.
Selon la pensée stoïcienne, le sage, à la différence de l'individu commun, devait accepter sans se révolter la maladie ou le malheur puisque tous les évènements externes — inscrits dans l'ordre naturel des choses et donc, non liés à l'action humaine — devaient être considérés avec indifférence (Page 32). Quiconque accepte de reconnaître que l'homme n'est qu'un grain de sable dans
L Univers, jouit des bienfaits de la sérénité et reste impassible face à l'effusion des passions et les plaisirs matériels (Page 37). Pour
Sénèque, l'un des principaux objectifs de la vie doit être d'apprendre à mourir, car c'est la façon de se libérer d'une angoisse inutile et paralysante (Page 59).
J'ai été particulièrement séduit par la clarté du texte qui propose à la fois des éléments biographiques et de contextes historiques pour présenter les idées du philosophe. On retrouve chez
Sénèque des principes chrétiens, bouddhistes et une vision de l'humanité qui est reprise naguère et aujourd'hui par de grands humanistes (Gandhi,
Pierre Rabhi,
Mathieu Ricard). Les relations qui unissent les Hommes doivent être fondées sur des valeurs telles que la solidarité, la clémence, l'affabilité, la justice ou l'amour du prochain. Les liens les plus forts qui unissent ce que
Sénèque nomme la « société humaine » sont les bienfaits, c'est-à-dire l'entraide (Page 74).
Sénèque considère également nécessaire de ressentir envers les autres ce que nous appelons aujourd'hui de l'empathie (voir
Mathieu Ricard «
plaidoyer pour l'altruisme »). Il désapprouve le comportement de ceux qui dépensent sans compter pour acheter d'inutiles objets de grande valeur ou des mets raffinés et de ceux qui dominés par la cupidité, désirent toujours plus d'argent (Page 89). À l'égard des femmes
Sénèque était opposé aux tendances de son époque et faisait l'éloge de la femme, même s'il se montrait parfois un peu misogyne sous l'influence de ses contemporains. S'il est une constante dans l'histoire et jusqu'à une époque très récente (même parmi les plus grands esprits), c'est bien la misogynie et le maintien de la femme dans un rôle mineur.
Les règles de vie proposées par
Sénèque ne sont pas toujours faciles à mettre en pratique et il est difficile d'admettre avec lui que les dieux mettent à l'épreuve les gens qu'ils aiment le plus, leur offrant l'occasion dans l'adversité de prouver leur vertu. Il y a tant d'injustice et d'évènements dramatiques qui arrivent sur terre et qui représentent des épreuves tellement insurmontables qu'on ne peut imaginer qu'un dieu bienveillant en soi à l'origine.
Concernant l'immortalité
de l'âme,
Sénèque émet des doutes. le philosophe déclare, dans certains de ses écrits, qu'après la mort l'âme est libérée du corps pour s'unir au dieu, c'est-à-dire à l'ordre rationnel de l'Univers. L'âme n'aurait donc pas de survie individuelle.
Le rôle politique de
Sénèque auprès de Néron est plutôt positif, mais il y a une ombre au tableau, il fut sans doute mêlé à des assassinats politiques pour raison d'État. Au minimum il semble qu'il ait couvert Néron qui était à l'initiative de ces assassinats (notamment le meurtre de la propre mère de Néron qui complotait contre lui).
Malgré les liens qui l'unissaient à
Sénèque, Néron obligea celui-ci à se suicider, car il le soupçonnait d'avoir pris part à la conjuration instituée par le sénateur Pison.
Un dernier conseil des stoïciens :
« Ne cherche pas à ce qui arrive arrive comme tu le veux, mais veuille que ce qui arrive arrive comme il arrive, et tu seras heureux. » Ce principe à conduit
Sénèque à accepter sa mort.
Il y aurait encore beaucoup à dire sur
Sénèque et le stoïcisme, j'envisage comme suite à cette introduction de lire le
manuel d'
Epictète, les « pensées pour moi-même » de
Marc Aurèle et bien sûr les « Lettres à Lucilius » de
Sénèque dans la collection Bouquins Robert Laffont.
Encore une fois je confirme l'excellente qualité des petits volumes de la collection RBA « Apprendre à philosopher » et je suis conforté dans l'idée que l'étude des philosophes de l'antiquité peut conduire plus sûrement à une vie équilibrée et sage que l'étude des philosophes modernes qui ont perdu de vue que la philosophie doit proposer des règles de vie plutôt que de se couper les cheveux en quatre en dissertant sur des concepts abstraits.
– «
Sénèque »,
Jaime Moreno, Collection RBA « apprendre à philosopher », 159 pages.