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Génies précoces et excessifs objets d'un amour maternel étouffant, mondains inquiets d'être préférés des meilleurs, animés par une curiosité dévorante et le même désir de plaire et de dominer, Proust et Cocteau, séparés de vingt ans, ne manquent pas de points communs. Mais cette communauté d'esprit, d'intérêt et de moeurs qui rapproche les deux hommes n'est pas sans rivalité, jalousie, déception, surtout de la part de Proust.

Une affection teintée de jalousie et une admiration trop exclusive de son aîné, avec lesquelles Cocteau prend ses distances, même s'il revient vers « ce ratiocineur avide d'offenses » (ainsi que le nomme Claude Arnaud) qui le met en garde contre trop de dispersion. Car Cocteau vit dans l'instant présent. À vingt ans il s'essaie (avec succès) à tout, au moment où Proust, doutant encore de ses propres capacités créatrices, s'enferme dans sa chambre pour écrire la Recherche. Mise en évidence avec subtilité et intelligence par Claude Arnaud dans ces deux beaux portraits entrecroisés, une différence majeure de conception créatrice qui se retournera contre Cocteau et donnera raison à Proust. 

« Pourquoi sa cathédrale de lumière vaut-elle à Proust toutes sortes de pèlerinages tandis que les pauvres Cocteaux continuent de courir de livre en film et de chapelle en ballet derrière la reconnaissance ? Ses hors-bord, ses avisos et ses vedettes ne forment-ils pas une flottille aussi imposante que la nef surchargée de Proust ? »

(Merci Alzie)
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A ma droite, Marcel Proust, surnommé le petit Marcel par toute une faune qu'il décrit si bien dans ses chroniques mondaines, 40 ans asthmatique, reclus, effrayé par le monde extérieur et dont le tout Paris littéraire attend la grande oeuvre promise depuis des années.

A ma gauche, Jean Cocteau, jeune farfadet de 20ans, poète précoce hyper doué, rivalisant d'éloquence et de bons mots dans tous les salons littéraires de ce début du XXe siècle.

Leur rencontre sera déterminante pour l'un comme pour l'autre, de suite, ils se reconnaissent comme des jumeaux nés avec 20 années d'écart et, jusqu'à la mort de Proust en 1922, ils n'auront de cesse de mettre en oeuvre une relation d'amour/haine que seule la gémellité peut engendrer.

Jalousie amoureuse, jalousie littéraire, complicité amoureuse, complicité littéraire. Combat à fleurets mouchetés entre un écrivain : Proust, fossoyeur d'un monde aristocratique d'un siècle passé et un poète : Cocteau, écrivain, auteur dramatique, déjà moderne alors que le terme même n'existait pas encore.

Une chose est sûre à la lecture de cet ouvrage : on ne peut que louer l'idée de Claude Arnaud à l'origine de cet essai, car, grâce à l'auteur, nous entrons dans l'intimité de la vie culturelle et intellectuelle de la fin du XIXe et du début du XXe siècle.

Bienvenue dans les arcanes des maisons d'éditions parisiennes, bienvenue dans la guerre de velours entre Grasset et Gallimard. Valses de promesses entre éditeurs et critiques littéraires, il y a de véritable exécutions capitales dans les antichambres s et les salons mondains. Formidablement écrit , ne vous laissez surtout pas impressionner par le titre un peu théorique « Proust contre Cocteau », cet essai nous livre des clés et c'est justement une très bonne introduction à l'oeuvre de ces deux écrivains .

Une fois terminé ce livre, on n'a qu'une envie, celle de plonger « du coté de chez Swann », de rencontrer « Thomas l'imposteur » ou de savourez la biographie de Cocteau écrite par le même Claude Arnaud parue en 2003 et qui, dix ans après sa publication, reste une référence incontournable en la matière.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Au-delà de la rencontre entre Proust et Cocteau magnifiquement restituée, du plaisir qu'il y a à lire l'histoire complexe d'une relation de douze ans, Claude Arnaud se fait le passeur de deux oeuvres exceptionnelles et l'explorateur subtil et pénétrant des “ateliers de la fabrique de soi” qu'il annonce dans l'avant-propos. Proust et Cocteau sont nés à presque vingt ans d'écart. La “Cathédrale” de l'aîné a éclipsé les “chapelles” du cadet et la postérité semble avoir tranché dit-il, entre "l'investigateur" et le "touche à tout", en faveur de l'oeuvre totale du premier face à l'éclatement artistique du second (écriture, danse, graphisme, cinéma). Pourtant, raconte encore Claude Arnaud, rien n'était joué à leur rencontre en 1909/1910, moment clé dans leur évolution littéraire ultérieure. Car le jeune poète prodige adulé pour ses recueils de poésie, le “Prince frivole” vient d'être publié, part favori dans la course à la gloire devant le chroniqueur mondain un peu stérile. Proximité de caractère pour ces deux chéris de leurs mamans (hypersensibilité, goût de l'imitation et du pastiche et donc même férocité à l'égard de celles et ceux qu'ils côtoient) mais, pour être rapide, divergences de stratégies créatrices n'excluant pas la fascination réciproque qu'ils se portèrent.

Cocteau s'expose grisé par ses dons ; il veut vivre ET créer en même temps. Proust prévient son cadet des risques de la dispersion, il sait de quoi il parle, tant il doute lui-même de sa capacité à écrire ; il est en passe de renoncer à vivre pour entrer en écriture comme on entre en ascèse lorsque Reynaldo Hahn et Lucien Daudet introduisent ce très brillant jeune homme dans leur cercle d'intimes. Entre attirance personnelle et entreprises de séduction Belle Epoque en direction De Montesquiou, “la Chevigné” et “la Noailles”, où les deux rivalisent, quelques anecdotes irrésistibles font rire ; le style de Claude Arnaud fait mouche lorsqu'il (r)approche ces deux êtres semblables que tout oppose dans cette formidable chambre d'échos début de siècle. Il décrypte le jeu de miroir entre eux et documente merveilleusement leurs “mécaniques” de maturation créatrice ; lente pour Marcel, héritier d'un modèle littéraire ultra classique (Racine et Mme de Sévigné...) ; fulgurante et par mues pour Jean, issu d'un milieu valorisant fantaisie artistique et éclectisme ; l'amitié qui les lie, leurs fous-rire, leurs amours contrariés, désespérés (Agostinelli, Radiguet) puis, les doutes respectifs et successifs qu'ils auront l'un et l'autre, mais surtout l'un vis-à-vis de l'autre, jusqu'en 1922 (mort de Proust). Proust n'était pas le "héros littéraire de son cadet". Cocteau ne croyait pas son aîné écrivain.

Très bien écrit, très bien construit l'essai est aussi très incarné. Il brosse un fin portrait de Cocteau en illusionniste talentueux et pressé (devenu le discret "Octave" de La Recherche) à côté de celui, plus acéré, du génial et infernal créateur asthmatique, « l'abeille tueuse » ( l'hypothèse étayée ici pour Proust est celle d'un "cannibalisme" de création) dont la métamorphose puis l'aura posthume puissante poursuivra pendant quarante ans le papillon Cocteau et dont le “miel noir” nourrira des générations entières de lecteurs énamourés.

Rien d'étonnant à ce que “La Recherche” soit le pivot de ce livre : elle est l'avant et l'après de leur commune histoire ; puisque Jean, témoin privilégié de sa genèse et auditeur de morceaux du manuscrit que lui lisait Marcel dans la chambre de liège du Bd Haussmann (on entend presque la voix de Proust), fut l'une des cinq plumes à avoir vanté “Swann” et à avoir cherché un éditeur à son ami. Après 1913 et le ralliement tardif de Gallimard et de la NRF à Proust, les malentendus, reproches, rancoeurs et griefs partagés sur fond de rivalité éditoriale (Gallimard refuse longtemps Cocteau dans son écurie), assombrissent la relation. Mais, plus encore, l'attribution du Goncourt à Proust (1919, “A L'ombre...”) est une césure dans la relation. Distance et éloignement. Sa position littéraire établie Proust devient le moderne incontournable face à Cocteau moins célébré désormais qui renie ses premiers recueils poétiques. Ayant rejoint l'avant-garde avec Diaghilev et Picasso (“Parade”), c'est à lui maintenant de "se réinventer". Il le fera... Plus critique dans les années suivantes envers ce Narrateur qu'il identifiait avant tout à l'être social et affectif qu'il avait connu masquant, selon lui, les désirs obscurs de son créateur "encensé" maintenant par la critique. Une manière de "saintebeuviser" dissonante dans le concert d'éloges.

Peut-être Claude Arnaud écrit-il ici le prolongement inspiré du travail de proximité entrepris par l'écriture de la biographie de Cocteau en 2003 ? Il confie (« La seconde vie », p. 245-246) : « Reconstituer la vie d'un autre écrivain est une expérience étrange. Il faut sortir de soi pour s'insinuer en lui, sacrifier une part de sa personnalité pour mettre ce moi en jachère, à son service. A force d'assimiler l'oeuvre de Cocteau et de m'imbiber des journaux et des lettres, j'acquis l'impression de le connaître de l'intérieur. Il me semblait en savoir plus sur cet être étrange que sur la plupart de ceux et de celles avec qui j'avais pu vivre – y compris moi-même. L'ayant vu naître, s'épanouir, briller haut et fort dans le ciel de la capitale, souffrir en amour et s'exténuer à écrire, de 1889 à 1963, il me semblait le connaître du berceau à la tombe ». mais si son empathie pour Jean transparaît rapidement dans l'essai la position de recul qui lui permet aussi de faire exister Marcel jusque dans ses penchants les plus dissimulés donne un bel équilibre à ce passionnant moment de lecture où se dessine, à une génération d'écart, la quête sublime et divergente de deux artistes dans la recherche de leur être véritable, grâce au talent d'un écrivain qui sait les rendre profondément humains.
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Pendant une courte période de notre histoire contemporaine, au moment de la fin des états-nation et l'avènement de l'impérialisme, la croissance économique en France dégage de toutes obligations de revenus des milliers de bourgeois leur permettant de consacrer leur temps à vivre à l'écoute des musiciens, des poètes et des peintres. Ils se lanceront à leur tour dans la création. Paris devint capitale de la sainte trinité laïque : littérature, peinture et musique.
Fin connaisseur des deux oeuvres et de l'époque, Claude Arnaud réussit à entrer en empathie pour Marcel Proust (1871 – 1922) et Jean Cocteau (1889 – 1963), deux personnages gémellaires partageant une curiosité dévorante, un désir de plaire et de dominer aussi abrité sous une commune courtoisie.
Nos esprits, ces miroirs jumeaux dira Proust.
Marcel Proust : valétudinaire à l'oeil de mouche pensant l'écriture comme hors du monde et seul moyen d'échapper au néant de l'existence.
Jean Cocteau : le génie polymorphe. Les miroirs se contentant de le réfléchir sans le penser, il s'en voit sans cesse renvoyé au mystère qu'ils démultiplient.

Le livre détaille au fil des époques les succès et les oublis et plonge dans l'intimité des artistes pour tenter de mieux les connaître sans jamais les juger. L'auteur tente de comprendre comment, dans une sorte de renversement de l'histoire, l'oeuvre d'une vie de l'un, la Recherche, fut installée au panthéon de la littérature française par la postérité et la multiplicité des créations géniales de l'autre presque oubliée de nos contemporains.

Mise en garde de Proust contre l'idolâtrie, l'érudition et le mimétisme : Vos vers sont comme déjà écrits, conformes à ce qui se publie de mieux. Vous ne pensez pas votre art, c'est l'époque qui le conçoit ; comme la lune et les miroirs, vous brillez d'un éclat second.

• Relire la Recherche comme un accouchement interminable, regarder Cocteau de nouveau, le tout grâce à Claude Arnaud.
• Faut-il connaître les oeuvres des deux créateurs pour mieux goûter de cet ouvrage ? Surement.
• Toutefois cette clé de 200 pages pour rouvrir l'accès à deux génies d'hier est à la portée de tous.

Lien : http://quidhodieagisti.over-..
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Passionnant ! Et le sujet est inattendu. Marcel Proust et Jean Cocteau, complices malgré la distance d'une petite génération, établirent une relation affective qui naquit de l'admiration du premier pour celui qu'il appelait "Cocto". Claude Arnaud en décrit la nature conflictuelle et observe comment Proust y fit figure d'assassin au point que le cadet aurait aujourd'hui "besoin de nous" pour rendre justice à son talent. Alors que l'on voit le "saint littéraire", que la postérité a fait de l'auteur de la "Recherche", descendre de son piédestal et prendre une figure plus humaine mais redoutable.

Claude Arnaud possède bien la vie de Jean Cocteau, il est l'auteur d'une biographie notable d'où il garda l'impression de connaître l'artiste "de l'intérieur" : "il me semblait en savoir plus sur cet être étrange que sur la plupart de ceux et celles avec qui j'avais pu vivre". Il jugeait nécessaire, à travers une sorte de seconde vie, de rendre à Cocteau une cohérence éparpillée parmi les multiples formes et métamorphoses de l'art du créateur pluriel. On comprend combien "Proust contre Cocteau" s'inscrit dans le prolongement de cette volonté de résurrection. le procès est-il vain ? Car si on découvre encore Cocteau au hasard d'une balade chez les bouquinistes, le public continue à vénérer la "Recherche" : "Héritier d'un imaginaire monarchique et chrétien, il restera plus sensible à ce monument conforme à ses attentes centralisatrices".
Malgré le grand nombre de lettres dispersées ou volées qui permettraient d'établir une correspondance entre les deux artistes, l'enquête de Claude Arnaud s'appuie sur des sources textuelles variées pour conférer une allure de comédie dramatique à cette relation tortueuse. Il est peu explicite toutefois sur la nature concrète de l'affection qui les lia : il est clair que Proust ne fut jamais un Radiguet pour Cocteau alors que Proust fit tôt place à un sentiment d'envie envers le prodige : "Incapable de ramasser littérairement sa sensibilité, le petit Marcel envie l'intelligence cursive de Cocteau, qui perçoit d'emblée ce qu'il percevra toujours".

"Tout sépare le cadet qui aime prendre des photos, de l'aîné
qui peut rester des heures à contempler l'image d'êtres aimés."

Avec un esprit synthétique engageant, Arnaud choisit les détails marquants des parcours initiaux pour brosser séparément en quelques traits des psychologies jumelles : dévotion pour une mère éclairante et étouffante, une sensibilité à fleur de peau, le désir de gloire, l'homosexualité. "La conscience de Proust est une serre démesurée que le moindre rai de soleil aveugle et où le plus petit son trouve un écho horrible, tel un rapide violant un tunnel. [...]. Tout comme l'élu la colonise entièrement, dans l'attente amoureuse, la plus petite réserve a l'effet d'un séisme sur elle [...]". L'attention de Cocteau est plus "détailliste" : "Elle enregistre avec la même acuité les gestes et les intentions mais elle tend à réduire les êtres à des silhouettes, sinon des caricatures [...]". Chez Cocteau les personnages de la "Recherche" passent en un éclair, d'ailleurs Proust lui écrira : "Vous qui pour les vérités les plus hautes vous contentez d'un signe flamboyant qui les rassemble".

[...].

Les masques – qu'ils soient justifiés ou forcés –, à travers lesquels le livre de l'excellent Claude Arnaud propose de nous faire regarder, enchantent. Ne boudons pas ce plaisir.

Citique complète sur "Marque-pages" (lien ci-dessous)
Lien : http://christianwery.blogspo..
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« Cocteau ne sut jamais où il avait vu la première fois Proust » Cocteau avait vingt et un ans, Proust quarante. Proust est dans le tout début de son Oeuvre et commence à se fermer. Cocteau, lui batifole.

Proust et Cocteau eurent une relation des plus houleuses. L'un taciturne et enfermé « un grand navigateur du dedans », l'autre brillant et exubérant. L'un suant pour écrire son oeuvre, l'autre touche-à-tout de génie, « un génie polymorphe ». Bref, tout les différencie si ce n'est l'amour exclusif de leur mère et pour leur mère quoique, même dans ce registre, Proust en rajoute « On aurait tort de croire que Proust aima sa mère : au sens plein du terme il n'aima jamais qu'elle et se sera véritablement aimé de personne d'autre ».
Proust a aimé Cocteau d'un amour, qu'il rendit impossible, Il était fasciné par son aisance, sa facilité, son brio, sa séduction, son intelligence.

Claude Arnaud nous plonge dans leur amitié amoureuse malheureuse, de temps à autre haineuse. Il appuie là où ça fait mal dans leur relation ou dans leur relation aux autres. Pourtant ils ont en commun, outre leur amour maternel exclusif, une grande souffrance, le recours à des « aides » Véronal pour Proust et opium pour Cocteau.

Claude Arnaud nous promène dans le monde frivole de la haute société de ce début de siècle au rythme des allures lente de Proust et vive de Cocteau. Nous traversons cette époque au rythme des querelles, des réconciliations, des jalousies, des tromperies…. de ces deux hommes qui ont joué à « je t'aime mon non plus » tout au long de leur existence, Mais également, de leur admiration commune. L'un est en phase descendante, l'autre ascendante « La santé de Proust est en train de l'arracher à l'attraction toxique du monde ; celle de Cocteau le propulse toujours plus haut dans le cercle enchanté dans la Recherche fera un royaume du néant ».

Comme une sensitive, Proust se referme sur lui. Son oeuvre se nourrit de sa vie, de ses rencontres. Ainsi Laure de Chevigné deviendra Oriane de Guermantes « le cadet espère encore faire de son destin une ouvre à la Oscar Wilde ? L'aîné sait déjà qu'il lui faudra sacrifier bien plus pour aboutir au Livre. »

Cocteau explore la Recherche à l'aune de leur amitié, à l'aune de la vie de Proust « …Si encore il avait l'impression d'être dans un « vrai » roman ! Mais il est bien placé pour savoir que Proust n'a pas inventé grand-chose, tout juste transposé, pour avoir connu tous ses « modèles » et très tôt admiré ses dons mimétiques. »

Cet essai, très agréable à lire nonobstant les brouilles, trahisons entre ces deux grands génies qui m'ont fait penser à des disputes de gitons. Entre la mante religieuse et la phalène, entre le lièvre et la tortue, le premier, Proust, a gagné au titre de la postérité. Ce chef d'oeuvre, La Recherche du temps perdu, dont tout le monde parle et que peu (dont je fais partie) on lu dans sa totalité. Cocteau a eu contre lui cette activité débordante vers tous les arts majeurs. Je me souviens avoir vu, en son temps, un de ses films qui m'avait totalement dérouté.

Maintenant arrive le temps de la réconciliation de ces deux monstres sacrés par l'entremise de la Pléiade qui publie les deux auteurs.

Un livre très bien documenté, un essai très agréable à lire, un désir de redécouvrir Proust mais, hélas, toujours aucune attirance vers Cocteau.

Lien : http://zazymut.over-blog.com..
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J'ai choisi ce livre dans la liste proposée par Babelio à l'occasion d'une de leurs Masse Critique. J'avais envie de connaître un peu plus la vie de ces auteurs.
Quelle lecture enrichissante. J'ai fait plus que connaissance avec eux. Nous rentrons dans leur intimité, leurs tourments, leurs conflits. Nous suivons leur vécu depuis leur enfance jusqu'à leur mort. Des personnalités complexes et différentes mais qui se complètent. Des je t'aime, moi non plus.
L'auteur nous offre également une rétrospective du Paris de la première moitié du XXème siècle. La vie des salons, l'exhibitionnisme, la réprobation de l'homosexualité.
Quelle coïncidence d'y lire que Proust écoutait certains spectacles d'opéra depuis son domicile grâce au théâtrophone dont j'ai appris l'existence il y a quelques jours dans une émission de Stéphane Bern. C'est un appareil qui transmettait le spectacle par le réseau téléphonique.
C'est un livre très accessible et qui m'a donné envie de connaître les oeuvres de ces auteurs. Je vous le conseille fortement.
Merci à Babelio et aux éditions Arléa.
Lien : http://unlivreunwakanda.cana..
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La quête de l'immortalité chez Proust et Cocteau

"Proust contre Cocteau"

***

Ce titre nettement tranché pourrait laisser croire que Proust et Cocteau se sont opposés en tout. En réalité Claude Arnaud montre ce que la gémellité a comporté en expressions différentielles, marquant ainsi le caractère unique de l'un et l'autre.

Tous deux progénitures de mères qui craignent de ne pas les avoir tout à fait finis, d'une sensibilité extrême - comme Romain Gary qui évoque après eux la promesse d'un absolu d'amour jamais tenue en comparaison de l'amour inaugural maternel -, homosexuels, ayant usé les bancs du lycée Condorcet, bourgeois adorant les mondanités, habités par la création, tiraillés par le besoin de reconnaissance, Proust et Cocteau à première vue se reconnaissent, semblables à s'y méprendre.
Mais leurs esthétiques diamétralement opposées, l'une minimaliste, sans cesse désépaissie, moderne, l'autre accueillie d'abord comme une prose documentaire verbeuse tout juste publiée à compte d'auteur, ne font déjà pas mystère. C'est la fin d'une époque que retranscrit l'un qui ne connaîtra que la IIIe République et cultivera une fascination pour l'atmosphère second Empire, son aristocratie qui lui semble un apogée social, et l'appel du futur pour l'autre qui traversera à pas de course deux Républiques et la naissance du 7ème Art.

De 1909 ou 1910 jusqu'à la mort de Cocteau qui survit à son aîné presqu'un demi siècle, Arnaud retrace les contours d'une relation faite tantôt de communion et d'admiration, tantôt engluée dans la matière d'un amour collant à l'odeur suffocante de vapeurs de reproches, ou qui ne tient qu'à l'invocation du spectre de l'autre, disparu.

Avec la manière gracile de celui qui s'est beaucoup frotté au beau et à ses techniques, Claude Arnaud démontre que le point final de la relation n'a jamais pu être posé, et qu'entre Cocteau et Proust la théorie de la brouille littéraire est infiniment mince devant les sacrifices qu'imposent la création littéraire anthropophage, et la conception toute personnelle de l'Art. Pour avoir été les meilleurs amis, s'aidant, se lisant, se cooptant, se cajolant, Proust et Cocteau se devaient d'être les meilleurs ennemis extravagants, passionnés, vindicatifs, jaloux, mesurés à dessein quand l'autre attendait de l'exaltation … comme un vieux couple en crise, en proie à des différends irréconciliables.

En effet, si Cocteau est l'enfant radieux du couple, un éthéré protéiforme, à la vingtaine créative, qui incarne la modernité dans les salons mondains de l'époque, sa précocité artistique renvoie Proust au temps précieux de sa jeunesse (il a alors quarante ans) qu'il n'a pas su saisir. Voilà donc les Origines du projet de reconquête obsessionnelle des strates temporelles que nous connaissons aujourd'hui sous le nom de « La Recherche du temps perdu ». La ligne de faille de l'amitié est donc la temporalité, le rythme.
Quand l'un est dans l'immédiateté, la sociabilité et semble percer le mystère de l'Art total en saisissant sans distinction et avec un talent égal la poésie, le dessin, la musique et la danse, l'autre, envieux, décide de s'ensevelir dans une chambre capitonnée pour se recentrer sur lui-même et faire jaillir des souvenirs révolus et susciter la Littérature.

Alors c'est la théorie de l'immortalité littéraire qui finit par s'imposer. Proust, largement promu par son ami Cocteau abondant dans l'éloge, commence à connaître le succès avec "Du côté de chez Swann". le renvoi d'ascenseur est glaçant : Proust s'assure son immortalité en tuant éditorialement celui qui le premier crie à son génie, laissant Jean inconsolé de l'antique Petit Marcel si peu sûr de lui.

Un essai tout à fait passionnant murmurant, à côté de ces portraits croisés, la petite histoire du « Contre Sainte-Beuve » qui a planté les jalons du structuralisme en Littérature.
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Les oeuvres de Proust et de Cocteau n'ont jamais été ma tasse de thé, avec ou sans madeleine. L'épaisseur de "La recherche" du premier m'a toujours rebuté. Je n'ai approché le second que par le biais de ses "Enfants terribles" et ses lettres enflammées à Jean Marais.

Cependant, les deux personnages m'ont toujours intéressé, voire intrigué, de par la réputation sulfureuse qu'ils ont en commun. Proust par son aspect "honteuse" non assumée, souffreuteux et poussiéreux. Cocteau par son aspect exhibitionniste marginal assumé, hétéroclite (dans son oeuvre !). Ma préférence ne pouvait aller qu'au second.

La confrontation proposée par Claude Arnaud m'a passionné. Elle m'a permis de découvrir "La recherche" sous un angle objectif, qui m'autorisera à en parler sans pour autant avoir "perdu mon temps" à la lire. Elle m'a conforté dans ma préférence à Cocteau, sans doute parce qu'il semble être le perdant de ce match à rebondissements multiples.

Malgré le style un brin ampoulé de Claude Arnaud, ce livre m'a donné envie de me plonger dans sa biographie de Cocteau, qu'il évoque dans les dernières pages de façon très intriguante, dans l'espoir d'y découvrir une confrontation Cocteau v/s Jean Marais tout aussi passionnante.
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Aujourd'hui, tout le monde ou presque connaît Proust - de nom, grâce, le plus souvent, à une certaine madeleine. Presque personne ne le lit, pourtant. Je me demande si la situation n'est pas pire pour Cocteau - reste son adaptation de la Belle et la Bête, qui continue de plaire aux plus jeunes, et à être vaillamment étudier en 6e.
Je vous l'avouerai volontiers, il ne m'est pas venu à l'esprit que ses deux auteurs s'étaient côtoyé. J'ai ainsi découvert l'amitié, puis la rivalité des deux hommes, leur jeunesse respective, le réseau social dans lequel ils étaient insérés - ou plutôt, dans le cas de Proust, dans lequel il essayait de s'insérer, fasciné. C'est à un véritable panorama de la littérature du début du XXe siècle que nous convie l'auteur, une petite société dans laquelle l'homosexualité n'était pas un problème (elle ne devait le devenir qu'avec Vichy).
Cet essai fait la part belle à leur vie privée plus qu'à leur oeuvre, comme si, prenant le contrepied du structuralisme, uniformément utilisé pour enseigner les lettres, l'oeuvre pouvait s'expliquer en partie par l'homme. J'ai cependant eu l'impression que Proust était privilégié par rapport à Cocteau - parce que l'auteur a déjà consacré un essai entier à cet auteur, je devrais dire artiste prolifique ?
Proust contre Cocteau est un essai intéressant, qui m'a tout de même laissé un peu sur ma faim.
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