Un sentiment d'irréalité finit par gagner la société : à force de aire de "non-êtres" le centre de ses intérêts, l'Ancien Régime jeta un trouble sur l'identité de ses acteurs, mais aussi la sienne propre : sur quoi reposait encore la légitimité d'une société à ordres qui, en fêtant des contrebandiers, frappait d'un virus dérisoire ses prétentions hiérarchiques ? De quel poids pesait encore l'héritage généalogique, quand une part de la noblesse ne pensait plus qu' à monter sur les planches pour se faire applaudir dans des rôles souvent situés aux antipodes de son rang - Marie-Antoinette allant jusqu'à tenir celui de Rosine, une femme voulant s'unir au jeune plébéien qu'elle désire, dans "le Barbier de Séville" ? Devant l'essor de cette "Dramomanie", l'opinion s'habitua à ne voir dans les tires de comtes ou de marquis qu'une convention dramatique (...)
Chacun se voulant une entité porteuse de sa propre finalité, notre existence est de moins en moins collective, dans les faits; la codépendance, et la structuration qu'elle assurait, a laissé place à une indépendance déstructurante; qu'on ne s'étonne pas de voir le monde insensible se vider, sous l'effet d'invisibles fuites symboliques, et notre individualité flotter dans une réalité fantomatique.
Notre liberté se paye donc par un sentiment croissant d'irréalité; jamais on n'a eu autant le souci de sa personne, et jamais l'identité n'a paru si fragile; la croyance en soir, là l'étude, pourrait même se révéler aussi irrationnelle et plus désespérante que la croyance en Dieu; tout tourne à la fiction, à l'intérieur de nous aussi.
Reste que Hume aura soulevé les difficultés inhérentes à la capture de cette substance qui n'en est pas une : plus facile de dire ce que le "moi" n'est pas, que l'inverse.
La Grande Librairie reçoit Fabrice Luchini, un amoureux des auteurs qui met en scène leurs textes depuis quelques années.
Avec lui le philosophe Alain Finkielkraut. Également en plateau, Claude Arnaud dont l?anthologie « Portraits crachés. Un trésor littéraire de Montaigne à Houellebecq », publié chez Robert Laffont est un véritable régal...