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Cucurrucucu paloma….

Mélangez Shakespeare, Tarentino et Faulkner, secouez bien, et…tadam ! Vous voilà avec ce roman, « Sauver le feu », le roman le plus incandescent que j'ai pu lire ces derniers temps, une vraie déflagration, un roman d'amour en milieu carcéral sur fond de violence mexicaine que le lecteur prend en pleine face, comme projeté au lance-flamme. Une source d'eau bouillante qui échaude toutes celles et ceux qui s'en approchent pour le lire.

Je ne connaissais pas ce nom, Guillermo Arriaga, l'histoire dès le départ est d'une telle puissance, d'une telle force brute, qu'il est impossible de ne pas se pencher sur cet auteur mexicain, tant nous pressentons que nous avons entre les mains une bombe dont la déflagration sera à la fois immédiate et à retardement. Mais qui est-il ? Grande fut ma surprise en découvrant qu'il est scénariste de trois films que j'ai beaucoup aimé, à savoir Amours chiennes, Trois enterrements mais surtout le brillant et inoubliable Babel que je ne me lasse pas de voir et de revoir. Quant à son oeuvre de romancier elle m'est inconnue, pas pour longtemps remarquez, car après ce livre il est certain que je vais me jeter sur le bison de la nuit ainsi que Sauvage, entre autres livres.

Onee, grâce à laquelle j'ai eu la chance de découvrir ce livre (mille fois mercis Onee, tu viens de me procurer un grand bonheur de lecture), parle d'une romance pour celles et ceux qui n'aiment pas les romances. Mais oui, c'est exactement cela, nous sommes dans un roman d'amour certes, mais à l'exact opposé d'une bluette douce, voire mièvre, c'est du chaud, du très chaud, du pimenté, une émulsion baroque à la sauce mexicaine…
La plume de l'auteur pour narrer cette histoire d'amour improbable est aussi fluide que tous les fluides qui traversent ce livre. C'est percutant, cru, piquant, odorant, authentique, sensoriel, échevelé, excitant…L'auteur appelle un chat un chat. Impossible de lâcher le livre, impossible de ne pas penser à cette histoire, elle touche aux tripes.

C'est bien simple, pendant une semaine, avec ou sans le livre d'ailleurs, j'ai mangé avec Arriaga, je me suis douchée avec Arriaga, je me suis endormie avec Arriaga, j'ai travaillé avec Arriaga, je parlais aux autres avec Arriaga en tête. Ce livre m'a tour à tour hantée, secouée, fait rire, écoeurée, touchée. Divertie et ébranlée en même temps, évitant « d'un poil de sourcil de lièvre » d'être brûlée vive.

Cette myriade de sentiments variés qu m'a tenu en haleine une semaine durant fut nourrie par une plume haut en couleurs, percluse de douleurs tout en étant riche en humour comme cette présence saugrenue d'expressions anglaises en langage phonétique (« ouatedefeuk »).
J'en profite pour souligner l'admirable travail de traduction, car vu la panoplie des émotions suscitées par ce livre, l'objectif de fidélité à la version originale semble admirablement atteinte, je serais néanmoins curieuse d'avoir un retour d'une lecture en version originale…


Quelle est donc l'histoire ? Alors accrochez-vous : c'est « tout simplement » une histoire d'amour, l'histoire d'amour entre Marina, une riche chorégraphe de la bourgeoisie mexicaine, bien rangée, directrice d'une troupe de danse, mariée et mère de trois enfants, et un homme du peuple, José, aux origines indiennes qui purge 50 ans de prison à la maison d'arrêt d'Ixtapalapa, pour avoir brûlé son père et tué deux hommes. Deux fortes personnalités. Ils se sont rencontrés lorsque Marina a décidé de faire une représentation de danse pour le moins audacieuse et originale en milieu carcéral.

Bon dit comme ça, ce livre ne semble pas particulièrement captivant, j'en conviens. Sauf que…Sauf que les personnalités de chacun sont narrées de façon tellement pittoresque que vous vous attachez presque instinctivement à eux, sauf que c'est un amour viscéral, torride, c'est une passion dévastatrice qui plonge Marina dans un milieu où la violence, le marchandage, la misogynie, les dangers sont omniprésents. Au fur et à mesure de la lecture, nous nous demandons jusqu'où la belle jeune femme est prête à aller. Va-t-elle oser tout plaquer ? On découvre les étapes de leur idylle en ce milieu clos, depuis les premiers contacts, aux premiers parloirs, aux premiers baisers, jusqu'à l'amour dans les chambres conjugales sordides, une idylle surréaliste dont nous partageons l'intimité et qui monte crescendo. Jusqu'au feu. Jusqu'à l'évasion. « La vie est un animal rouge et implacable ».
Et quelles seront les conséquences, notamment pour elle, on ne cesse d'y penser tant les dangers sont réels et les enjeux énormes. le récit est totalement haletant.

« Tu ne seras pas la première femme de ma vie, mais tu seras la dernière. Il n'y aura rien après toi. Je ne veux pas les mots d'une autre femme que toi. Je ne veux pas verser mon sperme dans un autre vagin que le tien. Quand tu reviendras en prison, regarde autour de toi. Observe les murs, les tours, les barbelés. Tu verras qu'il n'y a pas d'issue. Mets-le toi dans le crâne, je n'ai aucun endroit où aller à part toi. Alors si tu vas me quitter, Marina, dépêche-toi ou bien reste et ne me quitte plus jamais ».

Cette histoire est d'autant plus captivante qu'elle est narrée sous la forme d'un roman choral, un roman à plusieurs temps, les chapitres ne cessant d'alterner, avec parfois de petits décalages temporels laissant entrevoir les mêmes faits sous un autre angle. Les faits vécus dans l'enfermement, et les mêmes vécus à l'extérieur de la prison.
Une ronde endiablée où l'on suit tour à tour la vie de José, celle de Marina avec ce léger décalage temporel mentionné, le frère de José (le seul en écriture en italique) qui parle et se confesse au charismatique et effroyable père carbonisé laissant entrevoir sa personnalité, et enfin le déroulement d'une terrible vengeance qui oppresse le lecteur tant elle laisse présager le pire pour nos deux tourtereaux. le tout entrecoupé des récits des prisonniers écrits en ateliers d'écriture, brefs récits d'une puissance folle, parfois d'une extrême violence et parfois terriblement poétiques.
Cette structure narrative en ronde est bien vue, elle apporte rythme et respiration sans compliquer le récit, et chaque voix a son ton, son style, son charme, sa singularité, et surtout sa cinégraphie. Je voyais les scènes, je me les projetais et d'ailleurs, je ne serais pas étonnée si ce livre était porté un jour à l'écran.

De plus, derrière cette « simple » passion, que de thèmes abordés, creusés, fouillés…C'est toute la société mexicaine scindée en deux qui est mise sous les feux du projecteur d'Arriaga, sa violence quotidienne, sa corruption, son organisation en gangs, sa délinquance organisée et ses politiciens corrompus, ses multiples trafics et ses cartels de cellules cancéreuses métastasées dans toutes les couches sociales ; c'est le milieu carcéral, qui est décrit dans toute son organisation et sa crudité ; c'est le rôle de la littérature et des arts, c'est la créativité qui sont également passés au crible. Avec mention à de grands auteurs, certainement ceux aimés par Arriaga, comme Pessoa ou Borgès.
La transmission filiale aussi est superbement abordée, tant le père de José, indien autochtone, a transmis certes des valeurs fortes à ses enfants mais d'une manière effrayante et brutale.
Dans ce livre, nous plongeons à la fois dans les milieux sordides où l'insécurité la plus totale règne en maître, et dans les milieux bourgeois où le personnel de maison s'occupe de la maisonnée pendant que les maîtres des lieux peuvent se concentrer sur la culture, l'art et la façon de faire fructifier leur argent, dans les milieux politiques qui font la jonction entre les deux premiers.
Le fossé entre les deux mondes, entre les misérables et les privilégiés, est vertigineux dans un tel pays. Et cela rend cette histoire d'autant plus passionnante car miraculeuse.

Et, enfin, cette sensation de lave incandescente provient du pays même, ce Mexique caniculaire où les figuiers de barbarie se portent comme un charme, où la poussière s'installe à chaque repli, où les cigales cymbalent à tue-tête au milieu de la végétation tropicale.


"Si le feu brûlait ma maison, qu'emporterais-je ? J'aimerais emporter le feu."
Voilà la phrase de Jean Cocteau qu'Arriaga a choisi de citer en préambule de son sulfureux roman. Et, en effet, elle donne le ton à ce livre torride, palpitant et passionnant, baroque par moments, bestial aussi à d'autres moments, qui est tout simplement une tragédie romantique à la sauce mexicaine…A découvrir mais âmes sensibles s'abstenir !

Ay, ay, ay, ay, ay, ... cantaba,
Ay, ay, ay, ay, ay, ... gemia,
Ay, ay, ay, ay, ay, ... cantaba,
De pasión mortal... moria


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L'histoire d'un amour brûlant, pour ceux qui n'aiment pas les romances.
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J'ai passé un excellent moment avec ce roman : assez prenant pour me remettre à la lecture après une période de fatigue, mais assez léger pour ne pas m'en décourager malgré ses 760 pages. Un peu comme dans Les Veuves du jeudi de Claudia Pineiro, j'y ai trouvé un équilibre entre la noirceur, inhérente ici au milieu carcéral et aux narco-trafiquants, et le divertissement, émanant de l'histoire d'amour et de l'humour perçant la narration. L'ensemble m'a donné de nouveau l'impression d'un Desperate Housewives sauce mexicaine, relevée bien comme il faut.
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J'y ai également trouvé avec un plaisir immédiat une belle écriture, des mots précis et un rythme sensuel, entrainant qui, de divertissant, deviendra vite urgent et vital. Cette sensation émerge autant des phrasés que des paragraphes alternés : Marina, le frère de JC, les écrits de prisonniers, de-mistériouss-bro-of-JC-qui-écrit-en-funcking-italique (mais pourquoi diable est-ce le seul en italique ?! se demande-t-on jusqu'au dénouement…), Marina de nouveau et ainsi de suite jusqu'à l'étourdissement, jusqu'à ce que toutes les voix se mêlent dans une même urgence lorsque l'histoire s'accélère, et nous laisse de moins en moins de temps pour nous permettre de deviner dans la peau de quel personnage la narration nous glisse, tellement les transitions sont subtiles et réussies entre chacun d'eux.
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L'alternance est pourtant tranquille au départ, qui nous permet d'assimiler beaucoup d'informations sur le contexte à la fois du pays et des personnages, mais aussi de l'histoire de cette rencontre et du scénario qui suivra. Marina, la belle desperate-housewives des quartiers bourgeois et directrice d'une compagnie de danse, est sollicitée par de riches mécènes amis pour animer des ateliers dans une prison des quartiers chauds. Elle y rencontre José Cuauhtémoc, ses cinquante ans de réclusion pour crimes multiples et son sex-appeal charismatique irrésistible. L'attirance est immédiate ; Leur amour impossible. du moins, c'est ce que tout le monde croit. Mais au moment où Marina hésite à envoyer valdinguer sa sécurité, sa réputation, son mari aimant et ses deux enfants, les narco s'enflamment et foutent le feu à la prison. Tout fout le camps et tout le monde aussi. Pour comprendre ce qu'il se passe et savoir comment une telle histoire peut bien finir entre ces personnages auxquels on s'attache assez vite, le lien entre les trafiquants, les prisonniers, Marina - et le fameux frère écrivant en italique ! - il faudra patiemment écouter chaque voix raconter ce qu'elle vit de l'intérieur. C'est ce qui donne toute l'humanité à ce roman et, associé à la jolie plume, son intensité.
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Un peu avant la moitié du roman, les alternances s'accélèrent : les points de vue et sentiments de Marina, JC, Marina, JC s'interposent, s'entrecoupent et s'entremêlent pour finir dans une danse virtuose et folle, séduisante et bestiale, nous impliquant de plus en plus profondément, corps et âme, dans cette lecture et dans leur drame. Soufflant le chaud et le froid, mêlant le blanc et le noir, ce livre à la couverture grise et aux lettres de feu est délicieusement envoûtant. « Puisque notre maison est en flamme, profitons-en pour nous réchauffer »…!
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Aussi prenant que divertissant.
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Une passion dévorante et charnelle qui transforme toute une existence en terre brûlée, c'est ce que va connaitre Marina, chorégraphe issue de la grande bourgeoisie mexicaine, en participant à un atelier au sein de la prison Oriente. José Cuauthémoc, rejeton d'un militant indigéniste qui a épousé par « vengeance » une fille d'immigrants espagnols, est un grand blond cultivé et charismatique qui purge une longue peine pour homicides. Entre eux, le courant passe si fort qu'il pourrait alimenter la ville pendant des semaines. Et Marina, consumée physiquement et intellectuellement, plonge tête baissée dans l'amour, au risque de tout perdre.
Sauver le feu, c'est la déflagration que font deux mondes différents lorsqu'ils se fracassent l'un contre l'autre, celui des riches blancs du D.F et celui des Narcos, des pauvres, des Indiens.

L'oeuvre de Guillermo Arriaga ne cesse de monter en puissance: trois romans noirs , L'Escadron Guillotine , Un doux parfum de mort, le Bison de la nuit , puis le tentaculaire Le Sauvage, et enfin Sauver le feu, monumental.
Le roman polyphonique, déploie ses ailes, et à partir d'une histoire d'amour brosse un portrait juste et corrosif de toute une nation. Sauver le feu est n'est pas seulement le récit d'une intense histoire d'amour et de sexe, c'est aussi un roman social. La langue d'Arriaga , percutante, effrénée, comme le rythme de son roman, ne s'embarrasse pas de descriptions, elle va à l'essentiel, reflète les différentes strates d'une population hétérogène, c'est une langue miroir, celle châtiée de Marina, celle de la rue, celle d'une population tiraillée entre deux Amérique qui « spanglish » à tout va, et enfin, celle, familière, imagée, savante, subtile de José Cuauthémoc, l'intellectuel des bas-fonds.
L'histoire d'amour improbable et tragique n'est pas dénuée d'espoir. Pour Arriaga , la rédemption, ou la renaissance sont possibles, grâce à l'amour, à l'écriture. Sauver le feu consume son lecteur, c'est l'un des meilleurs romans lus cette année.
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Marina est riche, belle, talentueuse. Mère de trois enfants, mariée à un homme aimant, cette chorégraphe reconnue mène une vie paisible et sans heurts, jusqu'au jour où, ayant donné une représentation avec sa troupe dans la prison d'Oriente, elle fait la connaissance de José Cuauhtémoc Huiztlic. Ce géant blond aux allures de viking, écroué pour les cinquante prochaines années en raison d'homicides multiples, dont celui de son propre père, va exercer sur la belle danseuse une attraction immédiate, quasi animale. C'est alors la rencontre de deux univers, celui de la bourgeoisie, de la propreté, de la culture, avec celui de la rue, de la misère et de la colère. Un choc des cultures duquel va naître une incroyable histoire d'amour, digne des plus grandes tragédies shakespeariennes!


Wahou, quelle claque! Avec son résumé qui annonçait une histoire d'amour passionnée sur fond de narcotrafic et d'univers carcéral, on pouvait redouter le pire…Et bien, il n'en est rien! C'est même plutôt le meilleur qui nous est offert! Déjà parce que c'est raconté par le talentueux Guillermo Arriaga à qui l'on doit les scénarios de “Amours chiennes”, “21 grammes”, “Trois enterrements” ou encore “Babel”, un homme issu des quartiers chauds de Mexico, habité par la rue et capable de rendre avec le plus grand réalisme l'atmosphère de ce milieu. Mais aussi grâce à l'excellente traduction proposée par Alexandra Carrasco, qui permet une immersion totale dans ce Mexique des bas-fonds, où une infidélité peut vous valoir une vendetta sanguinaire, capable de mettre le pays à feu et à sang! le recours à un vocabulaire argotique ainsi que les anglicismes traduits de manière phonétique du type: “ces brozers” “ton bizness” “feuking”, etc, témoignent d'une traduction qui a dû être délicate, voire carrément casse gueule et qui pourtant offre un résultat sans fausse note, rendant à merveille la puissance du texte et de la langue!


Avec son histoire d'amour impossible, quasi shakespearienne, Guillermo Arriaga nous offre une véritable déflagration littéraire. Dans ce récit dense et tumultueux, quatre narrateurs se succèdent, offrant des temporalités et des points de vue différents, entrecoupés de temps à autre par la voix d'un prisonnier, invité à s'exprimer sur son incarcération. C'est brut, brutal, porté par une écriture incandescente et dévastatrice, qui embrase tout sur son passage. Pour autant, malgré toute la violence qui ressort du texte, difficile de ne pas se laisser emporter par son incroyable puissance érotique. Les personnages, en se révélant l'un à l'autre, laissent s'exprimer leur part animale la plus pure, loin des faux semblants et des bonnes moeurs et c'est cette impression de vérité et d'authenticité, dans un monde qui s'effondre, souillé par la corruption et la violence, qui demeure à la fin! Un roman coup de point haletant et intense, dont on ne ressort pas indemne! Un gros coup de coeur pour ma part!
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Guillermo Arriaga est d'abord connu pour ses scénarios de films : Amours chiennes, Babel et Trois enterrements, notamment. Son oeuvre de romancier n'est pourtant pas négligeable avec le bison de la nuit et Le Sauvage, entre autres, d'une force brute impressionnante. Mais ce n'est rien comparé à la déflagration de Sauver le feu, un livre fleuve aussi monstrueux que la violence quotidienne au Mexique. "Si le feu brûlait ma maison, qu'emporterais-je ? J'aimerais emporter le feu." La phrase de Jean Cocteau, citée en préambule du roman, donne le ton exact de ce maelström littéraire, de cette histoire d'amour improbable racontée au lance-flammes. Qui se lit aussi comme une sorte d'hommage révulsé au pays de l'auteur "divisé en deux : ceux qui ont peur et ceux qui ont la rage." L'idylle qui nait entre une chorégraphe symbole de la bourgeoisie mexicaine et un homme du peuple emprisonné pour avoir tué son père est de ces amours viscérales et intolérables pour la société, qui ne peuvent que consumer des vies, et pas seulement celles de ses tourtereaux damnés. C'est le point nodal de ce livre polyphonique qui suit les parcours de ses deux héros principaux, avec un léger décalage dans le temps, très troublant, entre les deux narrations. Mais le récit haletant, aux allures de thriller, nous offre aussi la confession du frère de l'assassin et une intrigue parallèle et néanmoins concomitante d'une vengeance en cours. Comme si cela ne suffisait pas, Arriaga entrelarde son roman de brefs textes, poétiques et/ou violents de détenus, sans que le lecteur n'y perde son latin pour autant. le style de l'auteur est haut en couleurs et en douleurs, baroque, échevelé et souvent cru, avec la présence "grotesque" d'expressions anglaises régurgitées phonétiquement (ouatedefeuk). Sans conteste, Il faut féliciter chaudement Alexandra Carrasco pour la qualité de sa traduction, à l'aune d'un texte que l'on devine quasiment impossible à rendre avec toute sa puissance et sa verdeur originelles. Au fond, Sauver le feu est avant tout une tragédie romantique, aux allures shakespeariennes, mais avec des narcos, des corrompus, des privilégiés et des misérables qui s'affrontent sur fond de misère sociale et de violence endémique. Et sous la plume dévastatrice de Arriaga, c'est à la fois atroce et sublime. Un coup de maître qui fait passer les autres romans contemporains pour des bluettes inoffensives.

Je remercie NetGalley et les éditions Fayard.
Lien : https://cinephile-m-etait-co..
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Voici un sacré texte et un très beau travail de traduction qui m'a permis d'apprécier au mieux ce texte, avec ses pages de violence, de sexe, d'argot mais aussi de poésie pure.
Eh oui, ce texte est tout cela à la fois.
La description du Mexique et de sa société si violente, si séparée. L'auteur nous le dit si bien : « Ce pays est divisé en deux : ceux qui ont peur et ceux qui ont la rage. »
Nos deux personnages principaux, José et Marina n'ont pas peur et ont parfois la rage, le feu.
Pour avoir tué son père, qui l'avait élevé à la dure, puis éliminé un policier corrompu, José Cuauthémoc, "l'aigle qui descend" purge une longue peine dans une prison du Mexique. Charismatique, intrépide, il s'y découvre une passion pour l'écriture lors d'un atelier mené par des artistes. de son côté, Marina, mère de famille bourgeoise et chorégraphe controversée, s'ennuie dans la routine de son couple, jusqu'à ce qu'elle aille présenter son travail à la maison d'arrêt. le feu qui naît entre les protagonistes justifie tous les excès. Leur rencontre et leur histoire d'amour va enflammer leur vie mais aussi celle de leur entourage.
Guillermo Arriaga est l'auteur des scénarios de “Amours chiennes”, “21 grammes”, “Trois enterrements” ou encore “Babel”, et nous retrouvons sa verve dans la description de certaines scènes (une chasse à l'homme dans le désert mexicain, la description des couloirs de la prison), le portrait de personnages haut en couleurs mais aussi touchants. Ce récit est émaillé de sexe, de bagarres et de vengeances − notamment entre bandes rivales de narcos mais aussi de belles pages sur le travail de la chorégraphie, de la relation entre les deux protagonistes. Il y a aussi de belles pages sur l'écrit, sur la littérature (un projet de créer une bibliothèque et des ateliers d'écritures pour des condamnés de longue peine, mais aussi leur proposer des spectacles, même des chorégraphies modernes (de belles pages sur la chorégraphie de Marina et que j'aimerai aussi découvrir)
Un sacré travail de traduction de Alexandra Carrasco, qui nous entraîne dans ces mondes qui se croisent, s'entrechoquent, que ce soit celui des prisons, des gangs, des milieux plus bourgeois et intello. Des termes comme “ces brozers” “ton bizness” “feuking” permettent d'appréhender la société mexicaine et le choc de certains milieux.
"Si le feu brûlait ma maison, qu'emporterais-je ? J'aimerais emporter le feu." La phrase de Jean Cocteau, citée en préambule du roman, résume bien ce texte, qui nous transporte, nous enflamme.
Je connaissais cet auteur pour les films et ses scénarios mais je vais lire les autres textes traduits car il m'a ému, choqué, bouleversé. Ce texte nous fait passer de l'effroi, aux larmes. Il nous questionne sur nous et nos comportements et ce que nous ferions ou pas dans certaines situations.
Un roman policier, une histoire d'amour, de haine, de violence...
#Sauverlefeu #NetGalleyFrance
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J'ai beaucoup aimé ce livre parce qu'il est écrit dans un espagnol parlé au Mexique, ce qui fait qu'on doit bien maitriser diverses tournures et expressions sinon on ne comprend pas les subtilités du texte. J'ai choisi l'audio livre en espagnol, lu par des différents lecteurs, alors très vif et dynamique, parfois c'est la lecture de plusieurs personnages qui fait default dans d'autres audio livres. L'histoire est un peu atypique mais reflète parfaitement les contrastes entre les classes sociales au Mexique, d'une part une fille fière de son père et de son héritage culturel et social et de l'autre un fils qui termine en prison parce qu'il a tué son père. José Francisco et son frère avaient reçu des mauvais traitements de son père Seferino. Par des hasards du destin « improbable » Jose Francisco rencontre Marina et ils tombent amoureux. L'un en prison commencent un torride romance et puis sont persécutés. Pourquoi j'ai aimé cette histoire de feuilleton de tv parce que c'est tellement bien écrit, je me suis transporté au Mexique juste à écouter cet audio livre. J'ai appris que cet écrivain est l'auteur des fameux scenarios au cinéma. Je me demande comment pouvoir le faire traduire en français, ça sera très difficile !
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Une lecture qui m'a emportée dans son sillon, tel un fleuve rugissant. La langue est belle, espiègle, changeante, attirante, fascinante. le rythme est effréné, une tentation insoutenable de découvrir encore une péripétie, encore une révélation, encore un événement, encore, encore, encore. On y parle d'amour, de classe, d'art, de prison, d'aspirations, de recherche de soi, de guerres de bandes rivales, de persévérance, de drogue, de complots, d'enfance, de traumatismes, de guérison, d'espoir. Un vrai coup de coeur, lu avec avidité et au prix de quelques moments d'inattention envers mes enfants!
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Voici un livre choquant. Choquant par son sujet, par les choix de Marina, par la crudité de certaines scènes, par l'inconscience , par le sacrifice exigé plus qu'esperé, l'abandon de tout à commencer par soi. Mais jamais je n ai réussi à te détester Marina, parce que: qu est ce que c est beau …
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Le Mexique qui fait le grand écart. D'un côté une riche bourgeoisie qui se protège dans des résidences sécurisées, de l'autre les plus pauvres dont beaucoup tombent dans la criminalité, tout en sachant que leur vie sera courte et violente.
Ces deux mondes se croisent lorsque Marina, à la tête d'une compagnie de danse, tombe folle amoureuse de José, incarcéré pour trois meurtres dont un parricide (il a mis le feu a son père invalide). L'occasion de décrire l'enfer carcéral mexicain, géré davantage par les cartels que par les autorités corrompues, où tout s'achète, où un mot de trop vous condamne à être assassiné dans les douches. Mais certains taulards préfèrent rester en prison, tant ce qui les attend à l'extérieur est infernal.
On a son lot de cruautés, dans les luttes entre cartels ou entre individus (un narcos torture, empale et décapite vivante sa femme infidèle), mais aussi des scènes de sexe très crus et sans tabou, et un regard sur la condition indienne via la voix off du frère de José, qui comme lui a souffert d'un père abominable et despotique, et pourtant salué hors du foyer comme un intellectuel de renom.
Beaucoup de bonnes choses donc dans ce roman, servi par une magnifique écriture, comme dans ces lettres de taulards emplies de rage. Reste l'écueil des 760 pages qui amène forcément des longueurs et des redites, avec des retours en arrière redondants et des atermoiements sans fin de Marina, écartelée entre son rôle de mère et d'épouse et celui de maîtresse d'un assassin enflammé. 200 pages de moins auraient pu offrir un coup de poing encore plus radical.
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