J’ai appris sur les pentes de l’Everest à reconnaître la valeur des hommes et des femmes. Il me semble. Dans ce territoire où l’on rejoint l’état du fœtus, puisque dit-on, le bébé dans le ventre obtient à peu près l’oxygène que l’on rencontre à 7000 mètres, les êtres sont nus. Ils laissent leur nature profonde venir à la surface. Ils perdent les masques qui leur permettent de ne pas s’exposer. A l’Everest, les êtres s’exhibent.
Un ersatz de cime, un sommet au rabais, à 8400 mètres. On méritait au moins ça. A l’Everest, on ne mérite rien. Nous montions, pilotage automatique. Même pas la force de compter les pas, même pas la force de s’arrêter. Et puis ce fut une illumination. D’un coup, dans la gloire du jour, l’immense étendue du paysage. Les glaciers, les déserts, la montagne au loin, les vallées encore assoupies dans la nuit. J’en pleurais. Je pleurais de cette beauté offerte. Jamais je le jure, je n’avais éprouvé cela. Contempler le monde, à bout de souffle. J’étais littéralement envahi par la beauté et la bonté du monde.
On n’explique pas le désir de grimper une telle montagne. On s’en tire avec des pirouettes. On reprend les mots des pionniers, ceux de Mallory « Pourquoi monter sur les montagnes ? Parce qu’elles sont là ». On n’a rien d’autre à dire.
Himalaya : le pays d’où l’on ne revient pas. Je remercie la vie qui m’a conduit là où mes rêves d’enfants m’ont amené jadis. Ce n’était pas des lieux cernés par des frontières, je n’en connaissais ni la longitude, ni la langue, ni les mœurs, ni les paysages. J’en pressentais l’âme.
Sur un étagère dans la maison, une pierre du sommet. Quand je l’approche, je retrouve l’image de sa cueillette et j’ouvre grand mon cœur aux chants de Milarepa : « Dans les grands déserts de pierre des montagnes, il existe un négoce étrange, on peut troquer le tourbillon de sa vie contre l’infinie paix de l’âme. » Peut-être Milarepa ne l’a-t-il jamais écrit ?
Peut-être est-ce cela l’or de la montagne.
70 ans après la 1ère ascension accomplie en 1953, l'Everest continue de fasciner et de nourrir les imaginaires. Entre conquêtes idéologiques et exploits humains, les auteurs et alpinistes Jean-Michel Asselin et Cédric Gras sont les invités de Nicolas Herbeaux pour livrer les secrets du toit du Monde.
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