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Evidemment la grande force du Nageur, c'est son histoire, l'histoire exceptionnelle d'Alfred Nakache ( 1915-1983 ), tellement romanesque qu'aucun écrivain n'aurait osé imaginer un scénario aussi tragiquement débridé : un garçon juif né à Constantine devenu champion d'exception ( recordman du monde du 200 m brasse, quintuple champion de France entre autres ), représentant la France aux Jeux olympiques berlinois de 1936 puis ceux de Londres en 1948 après avoir résisté, été dénoncé et finalement déporté plus de seize mois à Auschwitz puis Buchenwald, décédé suite à un malaise alors qu'il nageait au large de Cerbère à 67 ans.

Le talent de biographe de Pierre Assouline n'est plus à prouver. Il excelle à raconter le parcours inouï d'Alfred Nakache avec un foisonnement de détails tous plus passionnants les uns que les autres : sur l'entrainement natatoire ( n'y connaissant rien au départ, j'ai eu l'impression de tout comprendre ), sur la France de l'Occupation et notamment la place du sport avec le ministre pétainiste Jean Borotra, sur la Résistance dans la région toulousaine. Y compris sur Auschwitz où je n'avais jamais lu certains faits relatés comme les combats de boxe qui y étaient organisés, déportés vs kapos voire soldats de la Wehrmacht auxquels participa le champion du monde Young Perez; ou encore le fonctionnement du Revier ( « l'hôpital » où Nakache fit office d'infirmier.

Pour autant, même si rien n'est romancé - cela aurait été indécent - tout est véridique. le Nageur n'est pas une biographie classique, c'est le récit biographique proposé par un écrivain, une mise en scène littéraire de l'Histoire absolument remarquable. A la rigueur biographique répond une intimité, une osmose, une empathie que Pierre Assouline crée pour totalement emporter le lecteur aux côtés de ce nageur.

Il lui imagine pensées et émotions aux différentes étapes de sa vie, comblant ainsi les trous laissés par les silences d'un homme qui a toujours été pudique et s'est toujours refusé à raconter les épreuves de sa vie. Il y a des scènes inoubliables dans ce livre. Si je devais en choisir une, ce serait celle où Alfred Nakache parvient à nager clandestinement dans un des bassins-réservoirs d'Auschwitz-Monowitz ( prévus initialement pour pomper l'eau en cas d'incendie, pleins d'une eau sale et stagnante ), un projet fou pour se prouver qu'il est encore un homme car « pour un nageur, c'est un moyen de survie que de retrouver l'eau, même cette eau-là », et oublier qu'il n'est ici que le matricule 172763.

Et puis il y a ce fil conducteur parfait pour donner une vraie dynamique romanesque au récit : « si je le revois, je le tue », première phrase du livre, leitmotiv que scande le Nakache d'Assouline à maintes reprises après son expérience concentrationnaire. Ce «le », c'est Jacques Cartonnet soupçonné d'être celui qui a dénoncé Nakache, sa femme et sa fille ( toutes deux décédé ), un rival jaloux devenu ennemi. Son opposé polaire. Autant Nakache apparait comme un homme exemplaire, modeste, travailleur dont l'intégrité force l'admiration, autant Cartonnet dégoute, se vautrant dans la Collaboration, intégrant la Milice et participant au journal antisémite Je suis partout.

La natation comme sport de combat. En offrant à Alfred Nakache une vie éternelle littéraire, ce magnifique récit biographique résonne comme un appel à se dépasser et à résister en toutes circonstances.
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La rivalité sportive mène parfois au pire, surtout en période de guerre et d'Occupation ! le nageur juif Alfred Nakache, arrivé en France de Constantine en 1933 pour s'imposer multiple champion, en fait la terrible expérience lorsque, engagé dans la Résistance et dénoncé par Jacques Cartonnet – un autre membre de l'équipe française de natation, lui aussi recordman confirmé mais enrôlé dans la Milice et ardent propagandiste antisémite –, il est déporté à Auschwitz avec sa femme et sa fille âgée de deux ans, aussitôt gazées. Il survit, réussit à se remettre à niveau malgré les séquelles, et, même si un autre homme depuis sa participation aux Jeux Olympiques de Berlin, revient tel un phénix défendre les couleurs françaises à ceux de Londres. Quant à lui condamné à mort par contumace pour collaboration, Cartonnet est arrêté à deux reprises en Italie, mais chaque fois évadé, n'est plus jamais retrouvé.


Ecrivain confirmé en même temps que biographe émérite, Pierre Assouline excelle à faire palpiter la vie sur l'ossature d'une parfaite rigueur biographique. Aussi, quelle figure de roman que cet Alfred Nakache ! Phobique de l'eau, on lui apprend à nager parce que prescrit dans le Talmud. L'enfant vainc sa peur lorsque, pour s'épargner une raclée de son grand-père, il réussit à plonger pour récupérer ses chaussures jetées à l'eau par des galopins. A défaut de style à ses débuts – lors de sa première compétition, il finit même dans le couloir de nage du voisin –, sa force et son entraînement acharné dans les bassins lui valent bientôt le surnom d'Artem : le poisson en hébreu.


Il est acclamé champion à une époque où la persécution contre les Juifs ne cesse de croître, et, le premier camp de concentration déjà ouvert depuis trois ans à Dachau, il porte haut les couleurs de la France aux Jeux Olympiques de Berlin. Interdit de souiller l'eau des piscines françaises par sa « youtrerie », « ce vil personnage » qui, selon une certaine presse, « relève pour le moins du camp de concentration », continue jusqu'en 1942 à battre les records et à maintenir sa popularité auprès de la majorité du public. Finalement « déporté politique » pour « propagande antiallemande », il doit sa survie à son exceptionnelle condition physique, à son mental de résistant – il devient le « nageur d'Auschwitz » parce qu'un jour contraint par ses gardiens de plonger dans le bassin de rétention du camp, il les défie ensuite en continuant à venir y nager à leur insu –, et aussi à son affectation à l'infirmerie plutôt qu'aux kommandos de travail. Comble du comble, cela lui vaudra après-guerre des soupçons de servilité envers les Allemands. Il se sera même jamais reconnu déporté-résistant comme ses camarades de combat.


Avec un sens du détail qui nous en apprend encore à chaque page sur ces terribles années trente et quarante, en particulier sur la France antisémite, sur les enjeux politiques des Jeux Olympiques de Berlin et sur l'inconcevable réalité des camps de concentration, Pierre Assouline rend un hommage aussi saisissant que bouleversant à cet homme hors du commun si injustement oublié, un homme-poisson qui vaut l'occasion à l'écrivain de passages magnifiques sur l'art de nager et de vivre.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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« Rome : Si je le revois, je le tue ». Ainsi s'ouvre la première page de cette biographie qui est à la fois, une leçon de vie et un hommage au courage d'un grand nageur qui repose en paix dans le cimetière de Sète !

Comment ne pas être fasciné par le destin de ce nageur exceptionnel, Alfred Nakache.
Né dans une famille juive de Constantine en Algérie, en 1915, cet adolescent, contrairement à tous ses camarades, a une peur bleue de l'eau. Il guérit de cette phobie a treize ans, chez les scouts, lorsqu'après une partie de foot, ses camarades jettent sa paire de chaussures au fond de la piscine. Motivé par la peur d'une correction s'il rentre en chaussettes, il va plonger à plusieurs reprises, prenant ainsi conscience qu'il peut immerger sa tête hors de l'eau sans risque de se noyer.

Avec l'un de ses camarades, il assiste à un championnat de natation à Constantine où deux militaires y font l'admiration pour leurs performances. Enthousiasmé par l'ambiance qui règne autour de ces deux nageurs, Alfred Nakache plonge dans « le grand bain » du sport et choisit la natation. « Artem » est né. Il nage comme un sac mais son entraîneur à la Jeunesse nautique constantinoise remarque chez ce nageur foutraque « « un je ne sais quoi » de subtil, d'invincible. La légende est en marche !

Avec la rigueur d'un biographe, la curiosité du journaliste, la créativité, le style d'un écrivain accompli, des mots justes, Pierre Assouline rend un vibrant hommage à ce sportif de haut niveau, Alfred Nakache. Il s'intéresse à la destinée hors du commun de ce nageur plusieurs fois champion de natation dans les années de l'entre deux guerres. Ce récit passionnant met à la fois en exergue le talent d'Artem, son tempérament méditerranéen, sa jovialité, mais aussi cette période de l'entre deux guerres tant en Algérie qu'en France. Très tôt, devenu champion de France et d'Europe, recordman du monde du 200 mètres nage libre, il va participer aux Jeux Olympiques de 1936 à Berlin, dans un climat d'antisémitisme, pour terminer sa carrière à Londres en 1948.

A Berlin, avec l'équipe de France, il termine quatrième du relais 4 x 100 m nage libre, devant l'équipe allemande. Pour signifier son opposition à Hitler, sur le podium, il baisse la tête pendant que les autres font le salut nazi. Fidèle à ses principes, en 1942, il refusera de porter l'étoile jaune.

Devant ses performances et l'admiration qu'il suscite, Artem ne sent pas le danger arriver. Professeur d'éducation physique, c'est en zone libre qu'il prend ses quartiers avec sa femme et sa fille, à Toulouse où il s'entraîne avec les Dauphins du TOEC. Son entraîneur, Alban Minville, devant sa puissance musculaire, le persuade de pratiquer la brasse papillon.

« Tu resteras une savate en nage libre avec ton battement de pieds toujours défectueux ! Par contre en papillon, tu seras recordman du monde ».

Jacques Cartonnet qui pratique la brasse papillon, prend ombrage des performances d'Artem. La rivalité s'installe entre les deux nageurs. Cartonnet, collaborateur en herbe, dénonce Alfred en tant que Juif et résistant. Arrêté par la Gestapo, il est déporté avec son épouse Paule et sa petite fille Annie dans le camp d'Auschwitz. La notoriété d'Artem dépasse les frontières. Reconnu par ses tortionnaires, il va subir leur sadisme tout au long de sa captivité. Doté d'un instinct de survie, forgé dans le métal du dépassement de soi, auquel vient s'ajouter l'espoir de retrouver celles dont il n'a plus aucune nouvelle, son matricule gravé sur son avant bras « 172763 », il n'aura de cesse de lutter contre sa mort. Transféré à Buchenwald, il sera libéré par les américains. Terriblement diminué, il ne pèsera plus que 40 kg.
Seul un entraîneur tel qu'Alban Minville peut l'aider à se reconstruire. Pour un nageur, la sensation de l'eau peut l'amener à ressentir de nouveau son corps, ses cinq sens vont petit à petit renaître à la vie et c'est cette endurance, cette volonté, ce combat prodigieux qui suscite l'admiration. La nage va lui permettre de se reconnecter à son propre moi intime, loin du bruit, de l'agitation du monde. Evidemment, ses fantômes vont l'accompagner, se cristalliser au fond de lui, il réapprend à vivre, il résiste à la mort, domine ses pulsions, le récit est intense sous la plume de Pierre Assouline.

J'ai beaucoup aimé ce livre qui permet, à la fois de découvrir cet homme exceptionnel de courage mais aussi d'en apprendre encore un peu plus sur cette période. J'y ai découvert Constantine et les manipulations politiques, pénétré les coulisses de l'assemblée Nationale avec les débats où seule la voix de Pierre Mendes France s'opposera à la participation de la France au Jeux Olympiques de Berlin, observé l'attitude des sportifs devant la montée du nazisme, assisté aux discriminations dans les clubs sportifs, les rivalités mais aussi la solidarité.

Je pratique la natation depuis toujours même si aujourd'hui, je suis beaucoup moins assidue, Pierre Assouline m'a parlé. En suscitant ma sensibilité, il a provoqué un lien à travers son oeuvre par sa manière de décrire parfaitement la volonté et la force du travail qu'il faut pour parvenir à un objectif. J'y ai retrouvé les sensations de la natation et de l'entrainement. Ses profondes connaissances de l'histoire de l'occupation et du sport ont abouti à un récit passionnant de bout en bout. de nombreuses piscines portent aujourd'hui le nom d'Alfred Nakache et d'Alban Minville, nous leur devons bien cet hommage.

Pierre Assouline est un auteur que j'apprécie tout particulièrement. En séance de dédicace dans la librairie de mon quartier, je me suis offert ce livre sans hésitation et sans connaître le sujet de ce livre. Ce fut une très belle surprise !

Une autre surprise m'attendait. Un hommage à Léon Lehrer qui a été le compagnon d'infortune d'Alfred Nakache à Auschwitz mais qui est aussi le papa d'un ami très proche et dont j'ai le livre dans ma bibliothèque « Un poulbot à Pitchipoï ». Beaucoup d'émotions dans ce livre.

« le nageur est capable d'avancer dans la direction de son choix, si nécessaire à contre courant. Un nageur est maître de son destin ».
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Alfred Nakache, né le 18 novembre 1915 à Constantine et mort le 4 août 1983 à Cerbère, est un nageur et joueur de water-polo français. Surnommé « Artem », il est aussi connu sous le surnom de « nageur d'Auschwitz », où il a été déporté durant la Seconde Guerre mondiale.

J'ai pêché cette petite intro sur Wikipedia mais il est clair qu'une fois lu la biographie que nous propose Pierre Assouline, on ne peut que la trouver beaucoup trop restreinte, tellement sa vie personnelle et sa carrière professionnelle ne se résument pas uniquement à ça. Sportif de haut niveau, juif, résistant, mari et père de famille, on fait ici la connaissance d'une personnalité rayonnante.

Alfred Nakache est ce qu'on peut appeler un homme simple, toujours souriant, qui nage avant tout parce qu'il aime ça. Il a remporté de nombreuses médailles et titres (et quand on sait qu'il était aquaphobe tout gamin, on comprend à quel point il cherche toujours à se surpasser). C'est un homme brisé qui est revenu des camps de concentration, et c'est l'eau qui l'aura aidé à se relever.

Sans doute faudrait-il que j'attende un peu pour exprimer mon ressenti sur cette lecture. Je peine en effet à trouver mes mots, je ne sais comment commencer...

Je connaissais dans les grandes lignes l'histoire d'Alfred Nakache, à savoir qu'il était un grand nageur et qu'il était un rescapé d'Auschwitz. Mais ça s'arrêtait là. Pierre Assouline en fait ici une biographie complète et dès les premières lignes, j'ai su que j'aimerais beaucoup la personnalité de ce nageur hors pair.

Pierre Assouline commence son récit par son aquaphobie, jusqu'à sa notoriété et ses résultats performants. Il nous parle de sa relation avec Jacques Cartonnet, nageur lui aussi avec qui le courant n'est jamais passé, milicien et collabo qui n'est sans doute pas pour rien dans l'arrestation d'Alfred et de sa famille, qui leur a valu d'être déportés à Auschwitz. Il nous parle ensuite de son retour de cet enfer, seul, sans sa femme et sa fille qui ont été gazées à peine arrivées dans ce camp de la mort.

Et c'est là que ça devient compliqué pour moi. Jusque-là, même alors qu'Alfred tente de survivre à Auschwitz, je trouvais la plume de l'auteur certes très belle et élaborée mais plutôt impersonnelle. Mais alors comment se fait-il que l'homme brisé au retour d'Auschwitz ait pu me toucher à ce point ? Finalement peut-être pas si impersonnelle que ça... Puissante en tous les cas.

Raconter le repli d'Alfred sur lui-même, son mutisme, sa colère, son sentiment de culpabilité d'être revenu sans sa femme et sa fille. Ses proches qui ne le reconnaissent pas et ne savent comment réagir... Tout ça m'en a mis les larmes aux yeux et voyez, rien que d'écrire ces quelques mots me les redonne à nouveau...

Pierre Assouline écrit les choses telles qu'elles se sont passées. Très minutieux, il use de mots bien plus forts qu'ils n'y paraissent et nous pond un récit aussi réaliste que poignant. Aujourd'hui, grâce cette biographie, j'ai fait la connaissance d'un homme bien, bon, simple, altruiste, dont la douleur et la détresse m'ont touchée en plein coeur.
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Pierre Assouline, biographe, membre de l'académie Goncourt, retrace le destin tragique d'Alfred Nakache, juif, né à Constantine (Algérie) en 1915, mort en 1983 à Cerbère (Pyrénées Orientales).
Ce champion de natation, recordman du monde, qui a représenté la France aux jeux olympiques de Berlin en 1936 et de Londres en 1948, a vu sa fulgurante ascension brusquement interrompue fin 1943, suite à une dénonciation.
Il a été déporté à Auschwitz Birkenau, par le Convoi no 66 du 20 janvier 1944, avec sa femme Paule et sa fillette Annie de deux ans qui ont été placées dans un autre camp et sont mortes gazées. Albert Nakache est resté interné deux ans et a survécu grâce à son endurance physique.
Le nageur démarre de façon menaçante : « Si je le revois je le tue ». C'est le fil rouge de l'intrigue, nous remontons le temps dans l'attente de la vengeance d'Alfred Nakache contre Jacques Cartonnet. Je vous laisse découvrir le dénouement.
À travers Alfred Nakache, Pierre Assouline va aborder les thématiques liées à la seconde guerre mondiale, les juifs et la natation, d'un point de vue historique et philosophique.

« Un mot d'ordre : on ne mélange pas le sport et la politique « (p.207). Moi je pense qu'il ne faut pas mélanger littérature et politique mais je crois surtout que le problème c'est qu'on ne sait pas communiquer et qu'on se laisse manipuler.

L'auteur commente les jeux olympiques de Berlin en 1936 : « Hitler avait promis qu'il n'y aurait pas d'exclusion raciale et ils l'ont cru » (p. 66). le Comité international olympique a fait retirer tous les panneaux d'accès aux lieux publics qui portaient la mention : « Interdit aux chiens et aux Juifs ». « Les Jeux leur ont permis de diffuser la fallacieuse image d'une Allemagne tolérante éprise de pacifisme ».

Ce passage me fait penser à nos oiseux débats sur l'écriture inclusive : « Pendant ce temps, au micro de Radio-Paris, on se demande s'il faut prononcer « israélite » en appuyant sur le s ou « izraélite » en insistant sur le z étant entendu que l'une des deux manières de dire est péjorative » (p.94).

Pierre Assouline retranscrit la lettre pastorale du 23 août 1942 signée par l'archevêque, Mgr Saliège (p.113), que Pierre Laval fait interdire. le clergé manifeste une forte opposition au nazisme et réclame le droit d'asile dans les églises.

Alfred Nakache nous questionne : l'oubli, le pardon ou la vengeance ?

Le nageur regorge de considérations sur la natation.

« le bon nageur, c'est celui qui oublie l'eau, dit Confucius » (p.69).

« Nager pour ne pas couler » (p.221).

Le nageur est le dernier titre de la liste de mon programme de travail en groupe. La lecture s'est avérée intéressante mais laborieuse et douloureuse, en résonance avec la situation anxiogène actuelle et mon passé familial.
C'est une autofiction factuelle qui laisse peu de place à l'interprétation. Ce n'est pas ma tasse de thé, pour moi ce n'est pas de la littérature.
Pierre Assouline nous ressert une énième description de l'indicible horreur de la Shoah mais ne mouille pas le maillot. Il nous présente Alfred Nakache mais ne le fait pas vivre.
Je recherche des tentatives d'explications : comment est-ce possible que des hommes ordinaires soient devenus des criminels ? Je pense que tout un chacun ne souhaite qu'une chose : la paix, l'harmonie entre les peuples.
Où sont passés Julien Sorel, Emma Bovary, Raskolnikov ? Morts et enterrés pour laisser la place à une génération de personnages désincarnés qui ne nous font pas vibrer.
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Suivre ce nageur, dont Pierre Assouline nous raconte le parcours, est impossible dans sa ligne d'eau. Il nage trop vite. Pourtant tout gamin, à Constantine, il avait dû lutter contre sa phobie de l'eau... Et si c'était ça le secret du livre, la capacité d'Alfred Nakache à se battre contre l'adversité en mobilisant les valeurs inculquées par ses parents et sa volonté de vaincre. Je trouve que c'est une excellente idée d'aborder le sujet difficile de la déportation à travers un sportif adulé, ayant fait partie de l'élite sportive avant la seconde guerre mondiale. L'opposition frontale entre forces de vie et forces de mort atteint son plus haut niveau, plongeant le lecteur dans l'horreur du crime et des criminels mais aussi au coeur des forces individuelles permettant une résilience.

Nous faisons la rencontre d'un sportif hors-norme que nous suivons dès son enfance en Algérie jusqu'à son décès en 1983 dans le port de Cerbère en Pyrénées-orientales, alors qu'il boucle comme chaque jour son kilomètre à la nage. Entre les deux époques, il a été champion de France et d'Europe avant d'être sacré recordman du monde, puis déporté à Auschwitz et Buchenwald suite à une dénonciation. Il a 28 ans quand il est arrêté avec sa femme et sa fille de deux ans et demi. Pierre Assouline écrit qu'on n'arrête pas les enfants de résistants mais on arrête, on déporte et on gaze les enfants juifs.

« Le convoi numéro 66 s'arrête en pleine nuit trois jours après avoir quitté Drancy. Trois jours et deux nuits de cauchemar. […] Paule et sa fille sont envoyées dans la file de gauche pour être embarquées dans un camion avec d'autres mères, des infirmes, des vieux. Alfred dans celle de droite avec des hommes valides, robustes, ainsi que quelques femmes qui le paraissent tout autant et même le vieux Ruben Job, qui a tout de même soixante-quinze ans, mais qui est médecin. »

Il sera le seul à revenir à la fin du printemps 1945, parvenant à reprendre le chemin de la piscine et à participer en 1948 aux Jeux de Londres, premiers jeux après ceux de Berlin de 1936. Tout un symbole ! A travers la vie de ce nageur, l'auteur donne la parole à toutes celles et tous ceux qui dérangeaient (ou dérangent), que ce soit par leur opinion, leur religion, et dont l'existence en tant que telle est remise en cause directement. On observe le passage de la célébrité à la haine absurde, criminelle, contre un compétiteur qui fait de l'ombre à ses rivaux de club, notamment le sinistre Jacques Cartonnet, très actif dans la collaboration. Les nazis, également, n'ont pas oublié que Nakache a battu leurs nageurs aux jeux de Berlin en 1936. Sous le nazisme et le régime de Vichy, le sport est une affaire d'État.

Alfred Nakache, à son retour, rêve de vengeance contre les délateurs sans avoir de preuve irréfutable de la culpabilité de Cartonnet. Celui-ci, double champion du monde du 100 et 200 m brasse, membre de la milice, a été condamné à mort à la libération, mais sa trace se perd dans des couvents en Italie... Roland Gibel autre nageur en eau trouble qui venait à la piscine à Toulouse en uniforme de milicien muni d'un revolver passera devant les juges.

Des passages émouvants évoquent la vie dans les camps de concentration dont il est rappelé que les opposants ont été les premiers à y être regroupés, parvenant à une certaine entraide et solidarité, quelquefois, en plein cauchemar...

C'est un récit parfaitement mené, l'évocation d'une résilience exceptionnelle, de celle qui force le respect, la juste mémoire d'un sportif ayant connu la gloire à l'égal d'un Zidane ou d'un M'Bappé, brusquement plongé dans l'horreur du racisme, de l'antisémitisme. le nom Alfred Nakache a été donné à de nombreuses piscines (Paris, Toulouse, Montpellier…) et une pièce de théâtre intitulée « Sélectionné » a connu un beau succès cette année au théâtre Marigny. La déportation, les camps d'extermination, la Shoah ont été le fait des nazis mais Pierre Assouline rappelle que Pétain a décidé spontanément d'ouvrir en grand les vannes de l'antisémitisme en abrogeant le décret Crémieux dès l'instauration du régime de Vichy en 1940, les juifs algériens perdant alors la nationalité française, rabaissés au rang d'indigénat.

Pierre Assouline a été responsable du magazine Lire. Il siège au comité de rédaction de la revue L'Histoire et est membre de l'Académie Goncourt depuis 2012. Il a écrit de nombreux romans, biographies, articles et chroniques radio.
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Sur Bibliofeel ou Clesbibliofeel : chronique complète avec photo du livre sur fond de la piscine Alfred Nakache de Toulouse (plus grand bassin extérieur de France...). Lien direct ci-dessous.

Lien : https://clesbibliofeel.blog/..
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Si je le revois, je le tue.

Un simple petite phrase qui scelle la relation qui ‘existe' entre les deux protagonistes de ce récit biographique qui ne se contentera pas de ne parler que du personnage principal.

Algérie, Constantine : Alfred Nakache, gamin né en 1915 dans une fratrie juive recomposée de onze enfants est aquaphobe.
Difficile d'imaginer qu'il deviendra champion de natation.
Pour l'enquiquiner, ses potes de foot précipitent ses chaussures au fond d'un oued. Pas le choix, c'est ou plonger ou attraper une rouste paternelle en rentrant à la maison.
La rouste est plus effrayante !
Ce sera plonger !

Le contact avec l'élément liquide est établi.

Resituant cet épisode fondateur dans le contexte historico-politique de la ville de Constantine, Pierre Assouline démarre un récit à la fois individuel (les malheurs d'Alfred) et plus généralement collectif en contant la genèse de la ville et plus précisément de son quartier juif (le cul de la ville).

Le pli est pris, l'eau maîtrisée mais pas le style. Si d'autres glissent dans l'onde, lui s'agite dans le tourbillon mais avance et, après tout, c'est ce qu'on lui demande, à Alfred.
Et pour avancer aussi dans la technique de sa discipline, il lui faut traverser la Méditerranée et investir la capitale.
C'est le déracinement.

Paris vaut bien une brasse !

Au JO de 32, un autre nageur français  balbutie quand Johnny Tarzan Weissmuller triomphe. C'est Jacques Cartonnet qui deviendra le grand adversaire d'Alfred et pas uniquement dans l'eau chlorée des bassin faïencés.

La tragédie est en marche, on est dans les années 30, Alfred est juif, Jacques un grand blond, on devine la suite.

Les deux athlètes se haïssent autant qu'ils sont dissemblables. Comme un yin et un yang ne réussissant pas à s'assembler ou les deux pôles d'un même générateur qui se rejettent.

L'auteur entremêle les deux parcours pour tresser la lutte qui va déchaîner les deux hommes au-delà des remous bleu-turquoise, surtout même dans l'absolue noirceur d'une époque qui montrera combien l'homme peut s'avilir et descendre dans des profondeurs jusque-là inimaginables.

Ce sera la déportation pour Nakache comme pour son épouse et leur fille. Reconnu à son arrivée à Auschwitz, il sera soumis à un sort légèrement moins épouvantable que d'autres ce qui lui permettra de s'en sortir, sa force de caractère dans la pire des adversités ayant été essentielle dans sa résistance.

Ce sera la milice pour Cartonnet et l'infamie à la fin de la guerre quand il sera condamné à mort par contumace pour avoir, entre-autre, dénoncé Nakache.

Un simple récit, une biographie romancée, une biographie introspective ?
Partant du parcours humain de son héroïque nageur, Pierre Assouline nous propose un récit biographique qui s'attache à restituer ce qu'il suppose être le ressenti du nageur aussi bien au niveau de son ascension dans son sport de prédilection qu'il élève au rang d'art que de son aversion pour son concurrent qui sera rendu responsable de la tragédie dont, seul, il a pu survivre.
De ce fait, je ne saurais parler de simple biographie. Il y a un parti pris, un point de vue romanesque pour ce qui est de cette relation (que l'on pourrait presque qualifier de fratricide, de quasi Shakespearien) qui extraient cet ouvrage de la catégorie pur récit.

Certaines descriptions (techniques de natation, sport (foot, boxe…) organisé au sein du camp d'extermination d'Auschwitz) m'ont, par ailleurs, semblé un peu surabondantes voire même ennuyeuses (si ce n'est hors-sujet) et m'ont un peu pollué le sujet principal du destin de Nakache, qui, la guerre terminée, au hasard d'une compétition italienne retrouvera trace de son délateur.

Afin de compléter cette lecture, je vais maintenant lire ‘le nageur d'Auschwitz' de Renaud Leblond (estampillé ‘Roman') qui s'intéresse à ce même destin pour comparer les approches des deux auteurs sur ce personnage hors du commun pour qui on aurait pu inventer le mot de résilience.
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"Si je le revois je le tue."
C'est par cette phrase terrible, qui reviendra à plusieurs reprise, que débute le livre.
Mais que s'est-il donc passé pour en arriver là ?

Le nageur, c'est Alfred Nakache dont Pierre Assouline nous offre la biographie.
À la lecture de l'ouvrage, on comprend parfaitement pourquoi l'auteur a voulu raconter la vie de ce champion : c'est qu'Alfred Nakache n'est pas un nageur ordinaire et qu'il a connu un destin exceptionnel.

De natation, il en est naturellement largement question, et cet aspect du livre a ravi la nageuse passionnée que je suis.
J'ai appris beaucoup de choses sur les compétitions du début du vingtième siècle, sur les techniques de nage et d'entraînement utilisées.
Alfred Nakache aurait pu vivre une vie "ordinaire" de champion, vivre à fond sa passion de la natation, écumer les bassins et accumuler les médailles.
Il aurait vécu cette belle vie sportive s'il n'avait eu le malheur d'être né au mauvais moment.
Au moment où un totalitarisme fou s'est abattu sur le monde : le nazisme. Et Alfred Nakache est juif...

Dénoncé par un adversaire jaloux, notre nageur est déporté avec sa femme et sa fille. S'ensuit le calvaire que l'on connaît, hélas, trop bien pour avoir lu de nombreux récits similaires.
"Si je le revois je le tue."
Sa survie, Alfred Nakache la doit à la natation : il la doit à une condition physique et une volonté exceptionnelles qu'il s'est forgées en tant qu'athlète de haut niveau.
Cette volonté qui lui permettra de surmonter toutes les souffrances endurées et après guerre de se projeter vers l'avenir.

Un destin hors du commun qui méritait d'être raconté, merci à Pierre Assouline de l'avoir fait, et de l'avoir si bien fait.
Le nageur, c'est une biographie vivante et fort bien écrite. Un récit captivant qui mêle habilement sport, Histoire et politique.
Un très bel hommage, amplement mérité, rendu à un homme terriblement attachant, qui fut un magnifique sportif, un résistant très impliqué, un homme bon.

Tapez "Alfred Nakache images" dans un moteur de recherche : vous ne pourrez qu'être frappé par ce qui se dégage de cet homme toujours souriant.
Vous pourrez alors, peut-être, imaginer ce qu'il a dû subir pour en arriver à dire ce terrible "Si je le revois je le tue.".
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Un couloir de nage.
Pour ceux qui n'aiment pas nager, c'est un calvaire subi pendant la scolarité. Pour ceux qui ont des gènes de poisson planqués dans leurs cellules, des branchies cachées par le bonnet de bain, c'est la liberté. Un chemin vers le dépassement de soi. Avec cette sensation de fluidité, de puissance et d'apesanteur. La nage : c'est la vie. La piscine c'est le cocon. En peu frais parfois certes, mais où l'on a à la fois la sécurité et l'infini. Les soucis fondent dans l'eau. Il reste la coordination des mouvements qui fait croire pendant quelques brasses, que le monde est harmonieux et immuable. La nage, c'est une méditation. C'est une compétition.
Et pour ce nageur historique, c'est la survie.
Encore un autre aspect historique de la 2nde Guerre Mondiale qui est sorti de l'obscurité par la littérature. L'histoire de ce nageur pris dans la tourmente de l'Histoire. Encore un qui, juste parce qu'il était juif, a vu son destin sombrer dans la tragédie. Avant, il nageait. Après, il a renagé. Si on peut dire qu'il a survécu, on peut donc aussi dire qu'il a surnagé non ?
Le récit est factuel mais aussi très humain, lumineux, et passe avec beaucoup d'aisance des considération politico-sportives aux anecdotes amicales et familiales. On sent la saine envie de vivre, la franche envie de gagner. On sent la rage de survivre, puis la difficulté extrême de la vie après.
C'est une lecture d'une grande humanité, qui brosse le portrait d'un champion de la nage et de la vie. Qui pointe aussi du doigt ceux qui de près ou de loin ont tenté de le couler.
Alors, faut-il le lire ? Oui. En bonus vous allez renforcer votre culture générale sur la natation en compétition.
Effets désirables possibles post lecture : vous risquez d'avoir envie d'enchainer quelques longueurs pour méditer sur la vie de cet homme.
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Une biographie intéressante, Pierre Assouline retrace la destinée tragique d'un jeune homme juif , né à Constantine , heureux de vivre mais ayant une peur bleue de l'eau avant de se consacrer à sa passion, la natation , participant aux Jeux olympiques de Berlin en 1936 sous les yeux rageurs d'Hitler. Après cette célébration, Fred Nakache décroche cinq titres de champion de France, et un record du monde sur 200 mètres.
Arrêté par la Gestapo sur dénonciation probable d'un rival, Jacques Cartonnet , il sera déporté à Auschwitz puis à Buchenwald .
Sa jeune femme Paule et sa fillette Annie, elles ne reviendront pas.
Ce livre met aussi en évidence les compromissions du régime de Vichy et les arrangements après la guerre.
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