Pour les enfants, il existe des petits dieux en pain au lait qu'ils peuvent manger; car les enfants avec leurs petites bouches avides, représentent l'avenir, lequel, pareil au temps lui-même, dévorera tous ceux qui sont en vie aujourd'hui.
P166
Lorsque les puissants tombent, c'est un plaisir notable que d'en faire des paillassons.
P155
Je déteste la gentillesse. Je déteste les gens qui se targuent d'être gentils. Des morveux, piliers de bonnes œuvres à trois balles qui distribuent leur gentillesse à la louche. Ils sont méprisables.
P137
J'aurais dû hurler. J'aurais dû piquer des crises. C'est sur le rouage qui grince qu'on met de l'huile, comme disait Reenie.
P112
L'ingratitude irréfléchie est l'armure des jeunes; sans cela, comment traverseraient-ils jamais l'existence ? Les vieux souhaitent que ça se passe bien pour les jeunes, mais ils leur souhaitent aussi que ça se passe mal : ils aimeraient les dévorer, absorber leur vitalité et demeurer immortels eux-mêmes. S'ils ne se protégeaient pas derrière une façade revêche et la désinvolture, tous les enfants seraient écrasés par le passé - le passé des autres, qu'on leur collerait sur les épaules. C'est l'égoïsme qui les sauve.
Les voix ancestrales prophétisaient la guerre parce que les voix ancestrales ne se taisent jamais, qu'elles ont horreur d'avoir tort et que la guerre est une chose inévitable, tôt ou tard.
Les enfants se croient plus ou moins responsables de toutes les mauvaises choses et, en cela je ne faisais pas exception à la règle ; mais ils croient aussi aux dénouements heureux, même si tout penche en faveur du contraire et, en cela non plus je ne faisais pas exception à la règle.
Quand on est jeune, on croit que tout ce qu’on fait est jetable. On va de maintenant en maintenant, en froissant le temps qu’on a en main, en s’en débarrassant. On est son propre bolide. On croit qu’on peut se défaire des choses et des gens aussi - les laisser. On ne sait pas encore qu’ils ont la manie de revenir.
Chaque vie est un dépotoir déjà du temps où elle est vécue, et ça devient encore pire après.
Maintenant me voici immobilisée. Et furieuse contre moi. Ou pas contre moi_contre ce mauvais tour que mon corps m'a joué. Après s'être imposé à nous en égocentrique qu'il est, à réclamer à grands cris qu'on satisfasse ses besoins, à nous imposer ses désirs sordides et dangereux, l'astuce finale du corps consiste tout simplement à s'absenter. Juste quand on a besoin de lui...