Les yeux d'Albert

Quand elle vient me chercher le mercredi, mamy Marcelle klaxonne trois fois. Je sors en courant.
Mamy ne descend pas de voiture. Elle ne monte jamais chez nous.
Maman et elle ne parlent pas beaucoup ensemble, et rien qu'au téléphone.

Dans la vieille voiture de mamy, il y a un bazar incroyable, des papiers par terre : des choses entassées à l'arrière parce que son coffre est toujours rempli à bloc et tout un tas d'objets attachés au petit miroir devant, comme un piment d'Espelette rabougri et des petites poupées folkloriques.
Avec mamy Marcelle, on fait n'importe quoi, c'est ça qui est super.
On chante des chansons idiotes comme celle qui dit «Si tu vas à Rio, n'oublie pas de monter là-haut !» ou encore "Etoile des neiges, mon coeur amoureux ..."

Eh bien non, elle ne change pas d'avis.
Le mercredi, je vais au centre de loisirs.
C'était plus drôle dans la vieille bagnole pourrie de mamy quand on chantait des chansons idiotes et qu'elle fumait des cigares qui puent.
Maintenant, le mardi, j'ai mal au ventre.
Et le mercredi matin, je pleure.