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EAN : 978B0014K9VZU
Fata Morgana (30/11/-1)
4.6/5   5 notes
Résumé :
Marcel Loth, peintre et ami, réserve un numéro spécial de ses Cahiers de Bospicat pour une première édition des Noces avec l’Occident, dont il détenait le manuscrit (tirage limité et hors commerce). Puis Fata Morgana reprend l’ouvrage en édition publique.
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Les noces avec l'Occident décrivant l'aura en flammes du colonel, futur père mythique de François, constituent un puissant appel de magicien.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
La nuit d’Août

Une nuit d’Août il quitta la salle basse où tous dormaient sur les matelas.
Il vit un château de pierre avec deux ailes plus élevées, chacune terminée par une toiture pointue, et parce que la lune était haute les toits d’ardoise noires brillaient et les sapins donnaient des ombres.
Un prêtre breton dormait ici et possédait à demi le domaine. L’adolescent vit la passerelle de fer qui va d’un étage à l’autre et les girouettes de zinc.
Le ciel éclairait cette belle demeure blanche. Étaient à côté d’elle des arcs d’acier avec des rosiers dessus, aussi un potager et un réservoir en métal avec de l’eau dedans, et l’eau reflétait.
D’un bond l’adolescent traversa les allées bordées de milliers d’œillets, et il distingua ce jardin avec netteté car c’était une nuit claire.
La terre craquelée de chaleur d’un sentier en France résonna au bruit de ses pas.
Il franchit un pré avec des arbres en petit nombre, ronds et verts. Ses chevilles nues s’ensanglantèrent aux tronçons des tiges sèches. L’adolescent marcha à côté du ciel bleu et un sourire étincelant vint sur sa bouche rouge. Ses jambes se raidirent de joie, et voulurent danser, à cause de l’amour.

Une lumière brûlait dans une cour où un juif de son âge travaillait jusqu’à minuit et se cachait. L’adolescent entra dans la porcherie et s’assit près de la lanterne. Les deux se regardèrent et s’embrassèrent tendrement.
Lorsque l’adolescent rentra dans la salle basse, ceux que son passage éveilla dirent : « il connaît une fille, il est allé faire l’amour avec elle. »
D’un matelas à l’autre il parla à son voisin, dans l’obscurité, les mains unies, avec la douceur des confidences qu’échangent les marins avant de s’endormir à bord des navires.

Mais il ne put dormir, se retournant sans cesse, songeant à tant de choses.

Il pensa :

Rien n’est plus beau que l’amour,
rien n’est plus doux,
rien n’est plus fort,
rien ne s’élance plus loin.
Non pas l’amour de tous les hommes,
mais celui des compagnons d’aventure ;
l’amour né dans les bois et dans les camps de travail de ce siècle
l’amour rend immortel
l’amour délivre
l’amour efface toute pensée particulière
l’amour me fait oublier jusqu’au nom de ma naissance
l’amour est pur
l’amour gorge les yeux de larmes
l’amour est ma patrie
l’amour brille dans la nuit.
l’amour me fait haïr mes ennemis et imaginer des tortures.
L’amour est partial
l’amour est un chant de guerre
l’amour oppresse la poitrine
l’amour se moque de la mort.
D’où me viennent mes pensées,
si ce n’est de tous…
que suis-je d’autre que mes pensées ?

Ma vie ne fut qu’un seul amour :
lorsque je m’interroge,
hors de lui je ne m’imagine pas.
Jadis j’ai galopé sur les plaines de l’Orient ;
demain où planterai-je ma tente ?
Quelles villes seront bâties par mes compagnons…
Je ne les abandonnerai pas dans leur marche,
durerait-elle mille ans.

J’ai retrouvé mon frère Abd Allah.
Comme ses joues sont belles et son corps chargé d’odeurs.
Combien nos corps sont semblables.
Nous n’avons pas besoin des mots pour savoir toutes choses.
Me voici de retour après une longue absence.

Nous avons planté nos tentes aux portes de l’Europe.
Nous la convoitons et nous la méprisons.
Nous lui donnerons l’assaut.
Nous n’avons que faire de l’Art, des demeures luxueuses et des dieux !
L’amour nous tient lieu de tout et nous l’emportons dans nos bagages.
L’amour est pareil aux danses autour d’un feu.

Mon cœur n’a été souillé par rien.
Les êtres étrangers à ma patrie
je les ai méprisés et détestés.
J’ai haï les villes.
Nous briserons vos dieux
avec des incantations nouvelles !
Et vos citadelles par la magie et les danses.

J’ai retrouvé mon cœur et mon immortalité.
Ma patrie éternelle m’a envoyé un ambassadeur :
Abd Allah je sais d’où tu viens ;
tu es beau lorsque tu parais au soleil levant.
Je n’ai d’autres dieux que mon frère Abd Allah.

Si je ne chantais pas je mourrais.
J’ai regagné ma patrie, voici le compagnon des années anciennes.
Je sais où sont mes frères et mes ennemis.
J’ai le secret de ne pas mourir.
Je n’oublierai jamais ce que je sais
car je deviendrais comme un cadavre.

J’ai été comblé au-delà de mes désirs.

– Mon cœur, pourquoi pleures-tu ces larmes brûlantes ?
– C’est de joie !

(p. 32-36, Éditions Fata Morgana, 1981, 72 pages, livre épuisé)

http://le-semaphore.blogspot.com/2015/05/francois-augieras-la-nuit-daout.html?m=1
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Mais il ne put dormir, se retournant sans cesse, songeant à tant de choses.

Il pensa :

Rien n’est plus beau que l’amour,
rien n’est plus doux,
rien n’est plus fort,
rien ne s’élance plus loin.
Non pas l’amour de tous les hommes,
mais celui des compagnons d’aventure ;
l’amour né dans les bois et dans les camps de travail de ce siècle
l’amour rend immortel
l’amour délivre
l’amour efface toute pensée particulière
l’amour me fait oublier jusqu’au nom de ma naissance
l’amour est pur
l’amour gorge les yeux de larmes
l’amour est ma patrie
l’amour brille dans la nuit.
l’amour me fait haïr mes ennemis et imaginer des tortures.
L’amour est partial
l’amour est un chant de guerre
l’amour oppresse la poitrine
l’amour se moque de la mort.
D’où me viennent mes pensées,
si ce n’est de tous…
que suis-je d’autre que mes pensées ?

Ma vie ne fut qu’un seul amour :
lorsque je m’interroge,
hors de lui je ne m’imagine pas.
Jadis j’ai galopé sur les plaines de l’Orient ;
demain où planterai-je ma tente ?
Quelles villes seront bâties par mes compagnons…
Je ne les abandonnerai pas dans leur marche,
durerait-elle mille ans.

J’ai retrouvé mon frère Abd Allah.
Comme ses joues sont belles et son corps chargé d’odeurs.
Combien nos corps sont semblables.
Nous n’avons pas besoin des mots pour savoir toutes choses.
Me voici de retour après une longue absence.

Nous avons planté nos tentes aux portes de l’Europe.
Nous la convoitons et nous la méprisons.
Nous lui donnerons l’assaut.
Nous n’avons que faire de l’Art, des demeures luxueuses et des dieux !
L’amour nous tient lieu de tout et nous l’emportons dans nos bagages.
L’amour est pareil aux danses autour d’un feu.

Mon cœur n’a été souillé par rien.
Les êtres étrangers à ma patrie
je les ai méprisés et détestés.
J’ai haï les villes.
Nous briserons vos dieux
avec des incantations nouvelles !
Et vos citadelles par la magie et les danses.

J’ai retrouvé mon cœur et mon immortalité.
Ma patrie éternelle m’a envoyé un ambassadeur :
Abd Allah je sais d’où tu viens ;
tu es beau lorsque tu parais au soleil levant.
Je n’ai d’autres dieux que mon frère Abd Allah.

Si je ne chantais pas je mourrais.
J’ai regagné ma patrie, voici le compagnon des années anciennes.
Je sais où sont mes frères et mes ennemis.
J’ai le secret de ne pas mourir.
Je n’oublierai jamais ce que je sais
car je deviendrais comme un cadavre.

J’ai été comblé au-delà de mes désirs.

– Mon cœur, pourquoi pleures-tu ces larmes brûlantes ?
– C’est de joie !
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Une nuit d’Août il quitta la salle basse où tous dormaient sur les matelas.
Il vit un château de pierre avec deux ailes plus élevées, chacune terminée par une toiture pointue, et parce que la lune était haute les toits d’ardoise noires brillaient et les sapins donnaient des ombres.
Un prêtre breton dormait ici et possédait à demi le domaine. L’adolescent vit la passerelle de fer qui va d’un étage à l’autre et les girouettes de zinc.
Le ciel éclairait cette belle demeure blanche. Étaient à côté d’elle des arcs d’acier avec des rosiers dessus, aussi un potager et un réservoir en métal avec de l’eau dedans, et l’eau reflétait.
D’un bond l’adolescent traversa les allées bordées de milliers d’œillets, et il distingua ce jardin avec netteté car c’était une nuit claire.
La terre craquelée de chaleur d’un sentier en France résonna au bruit de ses pas.
Il franchit un pré avec des arbres en petit nombre, ronds et verts. Ses chevilles nues s’ensanglantèrent aux tronçons des tiges sèches. L’adolescent marcha à côté du ciel bleu et un sourire étincelant vint sur sa bouche rouge. Ses jambes se raidirent de joie, et voulurent danser, à cause de l’amour.

Une lumière brûlait dans une cour où un juif de son âge travaillait jusqu’à minuit et se cachait. L’adolescent entra dans la porcherie et s’assit près de la lanterne. Les deux se regardèrent et s’embrassèrent tendrement.
Lorsque l’adolescent rentra dans la salle basse, ceux que son passage éveilla dirent : « il connaît une fille, il est allé faire l’amour avec elle. »
D’un matelas à l’autre il parla à son voisin, dans l’obscurité, les mains unies, avec la douceur des confidences qu’échangent les marins avant de s’endormir à bord des navires.
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Vidéo de François Augiéras
François Augiéras (1925-1971) : Une vie, une œuvre [2000 / France Culture]. Par Christian Giudicelli. Réalisation : Marie-Andrée Armynot. Équipe technique : Christian Fontaine et Stéphane Desmond. Émission “Une vie, une œuvre” diffusée sur France Culture le 6 août 2000. François Augiéras est un écrivain français, né à Rochester (État de New York) le 18 juillet 1925 et décédé à Périgueux le 13 décembre 1971. François Augiéras est le fils de Pierre Augiéras, un pianiste français renommé, et d'une mère peintre sur porcelaine d'origine polonaise. Pierre Augiéras, installé aux États-Unis pour raisons professionnelles, meurt d'une appendicite deux mois avant la naissance de son fils. Revenu en France quelques mois après sa naissance, François Augiéras passe son enfance seul avec sa mère. À Paris, qu'il trouve sinistre, il étudie au collège Stanislas. Il vit ensuite à Périgueux, où il s'installe à l'âge de huit ans. À l'âge de treize ans, à la bibliothèque municipale, il découvre André Gide, Nietzsche et Arthur Rimbaud. Attiré par l'art, il quitte l'école à l'âge de treize ans pour suivre des cours de dessin. En 1941, il s'inscrit dans un des mouvements de jeunesse qui prolifèrent sous le régime de Vichy, mais dès 1942 il s'en détache pour devenir acteur dans un théâtre ambulant. Il s'engage, en 1944, au dépôt de la flotte à Toulon, puis passe en Algérie où il se retrouve à Alger. Il ne s'y attarde guère, pressé d'aller vers le Sud qu'il pressent être son véritable pays, et où il rejoint son oncle Marcel Augiéras, militaire colonial en retraite, qui vit à El Goléa, dans le Sahara. Augiéras s'inspire de cet épisode pour écrire en 1949, “Le Vieillard et l'Enfant”, qu'il publie à compte d'auteur sous le pseudonyme d'Abdallah Chaamba. L'ouvrage retient l'attention d’André Gide qui, quelques mois avant son décès, rencontre le jeune écrivain après que ce dernier lui a envoyé deux lettres. Augiéras décrit plus tard un Gide manifestement ému par sa rencontre avec lui, et s'imagine comme le « dernier amour » du grand écrivain. “Le Vieillard et l'Enfant” est publié en 1954 par les Éditions de Minuit et une rumeur prétend alors qu'« Abdallah Chaamba » est un pseudonyme posthume de Gide. Solitaire et révolté, Augiéras multiplie les voyages, parcourant notamment l’Algérie et la Grèce, et faisant retraite au mont Athos. En 1957-1958, il participe à la revue “Structure”, que dirige Pierre Renaud à Paris, puis s'engage dans une compagnie de méharistes du sud algérien. Ses livres s'inspirent de sa vie mouvementée. Lui-même écrit : « J'ai accepté – ou appelé – de dangereuses aventures, toujours avec cette arrière-pensée : ça deviendra des livres ! » D'un tempérament panthéiste, Augiéras évoque ouvertement dans ses écrits l'attirance sexuelle à la fois pour les garçons et les jeunes filles, mais également pour les animaux. En 1964 paraît sans nom d'auteur, aux éditions Julliard, “L'Apprenti sorcier”, un texte peu connu, sauvage, d'une force peu commune, où un adolescent entretient des rapports masochistes avec le prêtre chez qui il est placé, puis vit une histoire d'amour avec un jeune garçon. En 1967, Augiéras achève le premier livre qu'il signe de son véritable nom, “Une adolescence au temps du Maréchal et de multiples aventures”. Les errances, la précarité, l'extrême solitude aggravent son état de santé. Les séjours à l'hôpital de Périgueux se succèdent. À la fin des années 1960, il réside un temps dans les grottes de Domme pour échapper aux conditions de vie dans les hospices, et y écrit sur des cahiers d'écolier. Son livre “Domme ou l'Essai d'occupation”, qu'il ne parvient pas à faire éditer de son vivant, est inspiré de sa vie dans les grottes. Miné par la pauvreté et la malnutrition, prématurément vieilli par ses conditions de vie, il s'installe dans une maison de repos à Fougères, puis dans un hospice pour indigents à Montignac. “Un voyage au Mont Athos” est publié en 1970. Usé du cœur, François Augiéras meurt le 13 décembre 1971 à l'hôpital de Périgueux. Il est inhumé à Domme le 18 décembre 1971. L'un de ses rares amis, l'instituteur Paul Placet, s'emploie ensuite à faire connaître l'œuvre d'Augiéras en organisant des expositions de ses peintures et en diffusant ses manuscrits. Avec la participation de :
Jean Chalon, écrivain et exécuteur testamentaire de l’œuvre de François Augiéras Michel Mardore, romancier, critique de cinéma, réalisateur, photographe, auteur d’un projet de film inabouti, d’après le livre “L’Apprenti sorcier” de François Augiéras Paul Placet, écrivain et ami intime de François Augiéras, auteur d’une biographie intitulée “François Augiéras, un barbare en Occident” (La Différence) Stéphane Sinde, auteur d’un film documentaire sur François Augiéras : “François Augiéras, un essai d’occupation” Textes lus par Fabrice Eberhard Sources : France Culture et Wikipédia
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