Quatrième livre que je lis de
Jane Austen après
Orgueil et Préjugés, Northanger Abbey et
Mansfield Park, je connaissais déjà l'histoire à travers les adaptations de 1995 et de 2008 (j'avais d'ailleurs adoré cette dernière !!). A ce propos, je pense que l'emprise de la mini-série et le jeu des acteurs ont été tels qu'en passant à la lecture, l'histoire m'a paru moins convaincante.
Mais revenons au roman qui relate la destinée de deux soeurs, Elinor et Marianne, qui, privées de la pension qu'avait promis de leur verser leur demi-frère à la mort de leur père, sont obligées de quitter le château familial avec leur mère et leur soeur cadette pour se réfugier dans une chaumière que leur loue généreusement un cousin éloigné, Sir John Middleton.
Audacieuse et romantique, Marianne tombe amoureuse du charmant Mr Willoughby, tandis qu'Elinor, sensible et raisonnable, soupire en secret pour Edward Ferrars, le frère de sa belle-soeur. Malheureusement, aucun des deux hommes ne sont ce qu'ils semblent et les deux jeunes filles ont bientôt le coeur brisé...
Ce roman est le premier écrit par
Jane Austen, ce qui peut expliquer certaines longueurs : en effet, j'ai trouvé que l'auteure s'attardait trop à la description d'événements banals, alourdissant ainsi le rythme du récit.
Par contre, elle excelle comme à son habitude dans la peinture des moeurs des castes supérieures où elle met en lumière les travers et les incohérences de cette société britannique qui juge une personne à sa richesse et où le travail est impensable; dans ces conditions, le mariage est de la plus haute importance, et hommes et femmes recherchent à tout prix le confort matériel et la sécurité, quitte à faire fi de leurs sentiments !
Jane Austen emploie l'humour et la satire pour dépeindre ces pratiques sociales, mais je les ai trouvés moins présents que dans
Orgueil et Préjugés et
Northanger Abbey; je dois avouer que l'humour grinçant d'un Mr Bennett et les taquineries spirituelles d'un Henry Tilney m'ont manqué...
Mais encore une fois, la fine connaissance qu'a
Jane Austen de la nature humaine lui permet de dresser une galerie de portraits savoureux qui a retenu mon intérêt.
Mrs
Jennings est une femme un peu envahissante, une bavarde impénitente qui passe son temps à vouloir jouer les marieuses mais qui se révèle une femme généreuse soucieuse du bonheur des autres. le quiproquo entre elle et Elinor dans son salon de Londres est très drôle.
Le couple formé par
Thomas Palmer, qui passe son temps à se moquer de sa femme, et par Charlotte, qui ne s'en émeut guère mais s'esclaffe au contraire de la mauvaise humeur "cocasse" de son mari, m'a bien fait rire également.
Lucy Steele apparaît d'abord ambivalente, jusqu'à ce que son hypocrisie et son côté manipulateur ne laissent plus de place au doute ! C'est l'archétype de la jeune fille pauvre mais intelligente, prête à tout pour s'élever dans la société par le biais d'un riche mariage...
Elinor et Marianne sont deux soeurs dont la complicité et l'attachement sont très touchants et qui se complètent à merveille : elles tombent toutes les deux amoureuses de deux hommes d'un statut social élevé et qui semblent éprouver les mêmes sentiments qu'elles, mais avec lesquels tout mariage devient impossible pour des raisons différentes. Tout au long du livre,
Jane Austen va mettre en parallèle la naissance de leurs sentiments et la manière différente dont ils s'expriment (calme et raisonnable pour Elinor, passionnée et imprudente pour Marianne), ainsi que leur manière de vivre leurs déboires amoureux... Comme pour
Mansfield Park, j'ai trouvé la volte-face amoureuse de Marianne peu crédible (je l'ai plus ressenti comme le renoncement de ses rêves irréalisables de jeune fille que comme l'expression d'un sentiment amoureux); d'ailleurs, Elinor et le colonel Brandon aurait formé un couple plus assorti à mes yeux !
Concernant les trois prétendants masculins, ils me paraissent plus fades et moins fouillés que dans
Orgueil et Préjugés et
Northanger Abbey. le colonel Brandon sort un peu du lot, son côté taciturne et secret l'entourant d'une aura mystérieuse...
Pour conclure, une lecture agréable, servie par une belle prose mais ralentie dans la première partie par quelques longueurs qui auraient pu être évitées. Malgré tout, mon intérêt s'est focalisé avec beaucoup de plaisir sur la condition intenable des femmes de l'aristocratie britannique dont la sécurité financière dépend entièrement des hommes et que l'auteure dénonce avec finesse, ainsi que sur les personnages succulents dépeints d'une façon vivace et tellement réaliste...
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