Dès le début on pense à L'Amie prodigieuse d'
Elena Ferrante … tout en sachant quelque part que ce sera différent.
Dès le début, on sent que l'humour n'aura pas de place dans ce monde. Les rêves, si !
Dès le début, on est dans le vif du sujet : ces pères, à l'autorité toute puissante, qui annoncent d'emblée le lieu, l'époque, le milieu.
Autorité toute puissante dont on comprend de suite qu'elle ne sera jamais bienveillante ni sereine, mais coléreuse, violente, ignoble voire barbare, jamais sensée ni réfléchie, mais brute, rétrograde.
Car, pour le père, c'est la seule façon d'un peu exister.
Le récit se poursuit, conduit par le Rêve.
Ceux des pères mafieux, ou démissionnaires; ceux des mères dépassées, courbées sous l'atavisme, ou à l'arrogance débridée.
Et tout autant, ceux des ados : les garçons, dopés à la cocaïne, qui, dès le plus jeune âge, s'imaginent chefs de bandes, de gangs; les filles qui, du haut de leur à peine quatorze ans, se voient écrivain, célèbres, reconnues, adultes.
Le Rêve, cristallisé par l'ile d'Elbe, à une petite encablure de chez eux, sur laquelle personne n'a jamais débarqué, mais que tous portent en eux comme l'Eldorado, passage magique qui saura les dédouaner de la banlieue sordide, de la dope soi-disant salvatrice, des rigides barres de béton, de la promiscuité lourde, des aciéries dévorantes, de leur non-existence actuelle.
Livre sans concession, dur, "
d'acier", où la vie subit le rythme impérieux des fonderies, celui de la chaleur exacerbée des hauts-fourneaux et du métal en fusion;
et où, seule, l'amitié passionnée de deux lolitas, les très jeunes adolescentes Anna et Francesca, saura introduire fraîcheur et espoir.
A l'image de l'acier, alliage, d'atavisme et de modernité, de rigidité et de malléabilité, de corrosion et d'espérance, de rigueur et de laisser-aller, de dur et de doux.
Voie enfin royale vers l'ile d'Elbe !