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EAN : 9782916207803
222 pages
Editions Ca et Là (23/02/2013)
4.14/5   616 notes
Résumé :
Derf Backderf a passé son enfance à Richfield, petite ville de l’Ohio située non loin de Cleveland. En 1972, il entre au collège, où il fait la connaissance de Jeffrey Dahmer, un enfant solitaire au comportement un peu étrange. Les deux ados se lient d’amitié et font leur scolarité ensemble jusqu’à la fin du lycée. Jeffrey Dahmer deviendra par la suite l’un des pires serial killers de l’histoire des États-Unis. Son premier crime a lieu à l’été 1978, tout juste deux ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (140) Voir plus Ajouter une critique
4,14

sur 616 notes
Dahmer, on le sait désormais, pratiquait assidûment le tueur en sérisme...
Mais quid de son bilan comptable une fois sa révérence tirée ? Réel petit artisan besogneux qui aura oeuvré au max de ses capacités où réel dilettante n'y voyant qu'un hobby à défaut d'une réelle passion ?
Alors Dahmer, Dahmer, de quoi t'as l'air ? Lamentable blague lactée 100 % bio.
Mort ( la ) : 100 % de réussite, indétrônable.
Variole ( la ) : plus de 300 millions de victimes, pas mal, devra faire des efforts au second semestre
Dion ( Céline) : fournisseur officiel chez Audika avec près de 240 millions de commandes déjà passées, série en cours...
Cinéman : Gérard d'or à vie du film pour lequel avant d'y aller t'avais un doute et après, une certitude. Près de 300000 gastro dénombrées à ce jour.
Andreï Romanovitch Tchikatilo surnommé l'ogre de Rostov, 52 victimes avouées.
Aaaaah, Dahmer, 17 égarements notoires qui lui vaudront de tirer sa révérence en tôle à l'âge de 34 ans sous les coups mortels d'un co-détenu peu enclin au fraternalisme. Bien fait !

Mais avant de pratiquer le viol, le cannibalisme, le démembrement et la nécrophilie, Dahmer fut un adorable bambin comme un autre. N'était un alcoolisme galopant, une propension à récupérer des cadavres d'animaux pour les collectionner dans des bocaux d'acide et un mutisme plus qu'inquiétant, ce petit bonhomme ne dépareillait alors pas dans l'univers si hostile de l'adolescence.
Et c'est ce que va s'évertuer à nous démontrer l'auteur qui l'aura côtoyé au gré des bancs de classe partagés, avant que le Cannibale de Milwaukee ne soit méchamment taxé de psychopathie.

D'un trait bicolore presque minimaliste car essentiellement focalisé sur les personnages, Backderf, prix révélation d'Angoulême 2014, s'cusez du pneu, s'essaye brillamment au récit cathartique. Il y décrit un personnage déjà complexe et torturé totalement dévasté par les scènes de ménage journalières et viscéralement incapable de développer la moindre relation avec ses congénères. Âge ingrat s'il en est, il sera celui d'une solitude abyssale pour ce futur chouchou des gazettes nationales. S'appuyant sur ses propres souvenirs, des recherches approfondies et des entretiens prolixes glanés par le FBI, Backderf restitue à merveille un environnement familial et scolaire particulièrement étouffant tout en se voulant le plus factuel possible. Ni jugement, ni interprétation d'aucune sorte mais la volonté affichée de présenter ce terrifiant galopin de Dahmer sous un autre jour.
Intelligent et brillant.

Mon ami Dahmer...il ne vous veut pas que du bien...
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Derf Backderf habite une petite ville tranquille dans l'Ohio. C'est au cours des dernières années de collège, dans les années 70, qu'il va faire la rencontre de Jeff Dahmer. Adolescent solitaire, peu sociable, il n'aura quasiment aucun véritable ami au cours de sa scolarité. Il faut dire qu'il a un drôle de passe-temps:il aime dissoudre les animaux dans l'acide, acide qu'il récupère auprès de son père, chimiste de profession. Il les garde précautionneusement dans sa hutte, dans les bois, à l'abri de tous les regards. Il se fait souvent railler par ses camarades d'école mais il ne pipe mot. Il se fait remarquer par Derf et ses amis un jour où il imite, selon ses dires, le décorateur qu'a employé sa mère. Handicapé moteur, pris de tressaillements, et sujet aux crises d'épilepsie celui-ci l'imite à la perfection, faisant sourire les autres collégiens. Voilà comment est né le "Dahmerisme". Dahmer devient un peu plus populaire, même un fan-club en son honneur est créé. Mais, sous ses airs timides et étranges se cache un adolescent très mal dans sa peau, se cherchant sexuellement et très solitaire. Ses parents qui se disputent sans arrêt, sa maman étant de surcroît dépressive et son papa plus attiré par ses tubes à essai que l'éducation de son fils, ne voient pas le mal-être de leur enfant et encore moins la descente aux enfers dans laquelle il se dirige sournoisement...

Derf Backderf a réellement fait un travail époustouflant, tant sur le fond que sur la forme. Ayant côtoyé quelques années Dahmer, connu également sous le nom du «Cannibale de Milwaukee», auteur de 17 meurtres, accusé de cannibalisme, de nécrophilie et de viols et condamné à 957 ans de prison, l'auteur s'est penché sur les années précédant ses crimes et a tenté d'en expliquer, pour peu qu'on puisse le faire, le pourquoi et le comment Dahmer en est arrivé là. Pourquoi a-t-il sombré progressivement dans les ténèbres, comment personne ne s'est rendu compte de rien, à commencer par ses parents et les professeurs, pourquoi s'est-il isolé à ce point pour finalement perdre tout contact avec la réalité? Autant de questions qui sont soulevées ici auxquelles l'auteur tentera d'y répondre. Cet album riche et très bien documenté permet d'éclaircir le lecteur sur la personnalité froide et inquiétante de Dahmer. Témoin de cette déchéance, il ne porte aucun jugement pour autant, la voix-off lui permettant ainsi de se détacher. Ce dessin si particulier, au trait parfois grossier parfois anguleux et souvent agressif, rend parfaitement compte de l'état d'esprit des protagonistes et nous plonge dès les premières pages dans cette Amérique des années 70. La préface de Backderf et d'un écrivain spécialisé en criminologie ainsi que plusieurs pages de notes se référant au déroulement de l'histoire donnent encore plus de poids et de gravité à cet album à la fois troublant, tragique et captivant.

Mon ami Dahmer... Damned!
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Il y a quelques années (doux euphémisme) je lisais pas mal de livres sur les tueurs en série. Un peu par voyeurisme (on va pas se mentir hein). Et surtout parce que depuis longtemps je m'intéresse à la frontière entre la normalité et la folie. Frontière parfois très mince. On est tous plus ou moins névrosés. On s'est tous dit un jour « je deviens dingue » sans que cela soit vrai mais parfois on s'approche tellement près de la folie que le vertige guette… Et on se demande « mais qu'est-ce que la folie ? », question qui me fascine. C'est ce questionnement qui m'avait amenée à m'intéresser aux tueurs en série. Dans la grande majorité des cas, la folie n'est pas retenue lors des procès des tueurs en série. Officiellement, ces types ne sont donc pas fous. Même s'ils font des trucs complètement barjos. Même le fils de Sam, le type qui parlait avec le chien du voisin (c'est même lui qui lui disait de tuer). Cela m'a toujours paru invraisemblable, inconcevable. Pour moi, ils sont complètement pétés de la tête. Et le cas Dahmer ne fait pas exception. Pour moi, un type qui nique des cadavres, en bouffe des morceaux et garde des têtes dans son frigo en souvenir, il est cinglé. Et salement cinglé ! Mais il parait que non… J'avais déjà rencontré Dahmer au cours de mes lectures, Bourgoinesques notamment, mais cette B.D promettait un point de vue inédit qui pourrait peut-être éclairer ma lanterne et me permettre de concevoir la non-folie de l'individu. En effet, l'auteur a fréquenté Dahmer lorsqu'ils étaient élèves dans le même lycée. J'allais donc découvrir la jeunesse de Dahmer, être témoin du point de basculement, assister à la naissance d'un monstre… Et bien non. « Mon ami Dahmer » ce n'est pas ça. Et c'est tant mieux !

Tout d'abord, je voudrais évoquer ce titre qui n'est pas, à mon avis, vraiment approprié. « Mon ami Dahmer » ? L'auteur, Backderf, n'a pas été l'ami de Dahmer. D'ailleurs, personne n'a été l'ami de Dahmer. Pour Backderf, comme pour d'autres garçons du lycée, Dahmer a juste été un mec qu'ils ont côtoyé. Ce qui m'a frappée c'est le décalage total de Dahmer par rapport à tout ce qui l'entoure. On a un lycée, tout ce qu'il y a de plus banal avec des élèves, certains un peu plus bizarres que d'autres, mais tous banals. Et puis il y a Dahmer, extérieur à tout et à tout le monde. Peut-être même à lui-même. Il semble toujours posé là sans y être réellement, absent. Où est-il vraiment ? Ailleurs, nulle part. Tout au long de la B.D j'ai eu le sentiment que Dahmer était étranger à tout, au monde et aux autres. Backderf dit ne pas s'être tout de suite rendu compte de l'existence de Dahmer. Même sa mère ne semble pas le voir. En fait la plupart du temps, on le remarque à peine et lorsqu'il cesse d'être invisible aux yeux des autres, est-il vraiment perçu comme une personne ? J'ai plutôt eu le sentiment que ses « camarades » de lycée le voyaient comme une sorte d'abstraction que comme une vraie personne. Backderf et ses potes créent le « fan-club de Dahmer » mais jamais ils ne l'incluent réellement dans leur groupe, ça n'est même jamais envisagé. Dahmer ne semble pas affecté par cette exclusion de fait. Rien de ce qui est externe à lui-même ne semble l'atteindre. Seuls ses démons intérieurs semblent l'affecter. Si le départ de sa mère, qui donne une réalité à sa peur de l'abandon, l'affecte ce n'est pas par amour envers elle mais bien parce que ce départ signifie que Dahmer va se retrouver seul avec lui-même, seul avec les fantasmes tordus qui l'habitent. de temps en temps il va tenter de singer ce qui s'apparenterait à une interaction sociale, lorsqu'il mime les crises d'épilepsie en public par exemple. A chaque fois, ces tentatives sonnent faux, il ne s'agit pas de véritables interactions avec autrui mais bien d'imitation, ce que Dahmer ne peut ignorer comme le montre la scène où il se rend au bal de promo qu'il quitte immédiatement, n'y ayant pas sa place. Au cours de ma lecture, Dahmer m'est apparu comme quasiment vide, le peu de sa personne humaine étant en équilibre au bord d'un abîme insondable. le néant portant un masque d'Homme.

Je vais arrêter là la psychologie de bazar, j'en ai déjà trop fait étalage dans les lignes qui précèdent. Est-ce que cette B.D m'a fait admettre l'idée que Dahmer n'était pas fou ? Non, je reste persuadée qu'il était fou. L'incapacité de ressentir des émotions n'est-elle pas une forme d'aliénation mentale ? Ah zut, je recommence avec ma psychologie de bas étage… Je vais finir là-dessus, « Mon ami Dahmer » est une oeuvre très intéressante narrativement et visuellement. de plus Backderf réussit le prodige de ne pas tomber dans le voyeurisme racoleur en proposant un récit subtil et très humain qui amène le lecteur à se questionner encore et toujours sur la folie.
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Tout dans cette BD fait froid dans le dos : la solitude et le mal-être de Dahmer, l'indifférence de tous face à sa cruauté et ses bizarreries de monstre en devenir, le trait assez dur et froid du dessin, et surtout le fait que l'histoire soit vraie...

L'auteur Derf Backderf a côtoyé le tueur en série Jeff Dahmer pendant ses années collège et lycée, il a même (presque) été son ami et le 'ministre de la propagande' de son fan-club, groupe de lycéens à l'affût de ses imitations caricaturales de handicapés et des autres dahmerismes... Il raconte ici ses souvenirs, relatant d'abord les anecdotes tragiques ou inquiétantes de son adolescence, s'arrêtant au moment où Dahmer tue pour la première fois et terminant par une notice rédigée sur ses recherches et les protagonistes.

Si sa volonté de se dédouaner, lui comme ses jeunes camarades, de n'avoir rien vu, rien compris, rien dénoncé, au prétexte qu'ils étaient jeunes et bêtes, m'a semblé un peu agaçante, la misère profonde de Dahmer et l'aveuglement des adultes face à sa maladie sont proprement hallucinants. Non seulement Dahmer n'a pas d'amis, mais son hobby est de feindre des crises d'épilepsie ou de démence, quand il n'est pas occupé à tuer des animaux, à se saouler ou à fantasmer sur des meurtres... Tout ça sans que personne remarque que quelque chose cloche ou s'occupe de lui le moins du monde, pas même ses parents.

Le récit fait vraiment bien passer cette atmosphère malsaine et dérangeante, et m'a beaucoup intéressée en cela. Un bémol toutefois : à cause du format BD et du point de vue retenu (celui de Derf), on reste assez loin de Dahmer lorsqu'il bascule dans le mal. C'est pourtant ça que j'aurais aimé 'comprendre', pour autant que ce soit possible...

Mon ami Dahmer... si seulement Dahmer avait eu un ami, peut-être que cela aurait tout changé...
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Prêter attention
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Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. Il comprend 188 pages de bande dessinée en noir & blanc avec des nuances de gris. La première édition en VO date de 2012, et une première version différente avait été réalisée en 1997, par l'auteur Derf Backderf, scénariste et dessinateur. La présente édition commence par de nombreuses citations extraites de journaux louant les qualités de cette oeuvre. Il se termine avec une vingtaine de pages explicitant les sources utilisées pour chacune des scènes et indiquant ce que sont devenus Jeff Dahmer, et ses parents Joyce Dahmer et Lionel Dahmer.

Jeffrey Dahmer marche le long de la route qui dessert plusieurs pavillons espacés, à l'extérieur de Bath Township, Summit County, Ohio. Il avance d'un bon pas, ses chaussures faisant un petit crissement chaque qu'il pose un pied sur le gravier. Dans l'axe de ses pas se trouve le cadavre d'un chat autour duquel virevoltent quelques mouches. Il le pousse un peu du bout du pied pour vérifier qu'il est bien mort. Puis il se baisse et le ramasse. Il est fasciné par la consistance du cadavre. Il finit par le prendre d'une main et le ramener derrière la maison de ses parents, dans les bois. Il croise trois autres adolescents qui ont décidé de couper par là pour arriver à l'heure pour l'épisode Monthy Python. Ils remarquent que Jeffrey tient le cadavre d'un chat à la main : celui-ci leur explique qu'il va le dissoudre dans de l'acide. Son père est un chimiste et il se procure facilement de l'acide. Il leur propose de les accompagner dans un petit cabanon qu'il qualifie de hutte s'ils ne le croient pas. Ils lui emboîtent le pas et à l'intérieur il leur montre ses bocaux à cornichons avec des cadavres d'animaux en cours de décomposition : raton laveur, lapin, corbeau. Ça l'intéresse de savoir ce qu'il y a l'intérieur d'un corps. L'un d'eux rétorque que ce n'est que de l'eau boueuse à l'intérieur des bocaux. Jeffrey en prend un et le jette sur le sol avec force où il se fracasse : il s'en dégage une odeur pestilentielle et ils sortent en courant pour vomir dehors. L'un d'eux le traite de taré.

Beck a rencontré Jeff Dahmer pour la première fois en cinquième dans l'établissement scolaire Eastview Junior Higg. Jeffrey était un anonyme, un de ces enfants qui devient un handicapé social avec l'adolescence, acceptant docilement son destin, devenant invisible. Ce n'est qu'après plusieurs mois de cette année scolaire que Derf a fini par le remarquer. Les autres collégiens qui l'avaient remarqué le méprisaient, et le bousculaient dans les couloirs. En classe de biologie, Dahmer avait repéré le foetus de cochon conservé dans du formol. Ce collège était en sureffectif du fait du baby-boom et les adolescents timides et lents à se faire des amis, se faisaient littéralement marcher dessus. Alors que tout le monde se faisait des copains en grande quantité, Jeffrey était un solitaire, l'enfant le plus solitaire que Derf ait jamais rencontré. Ce jour-là après les cours, Jeffrey récupère subrepticement le foetus de porc dans le flacon. Dans le car scolaire qui ramène les collégiens chez eux, il regarde avec insistance le jogger qui court le long de la route.

Certes il est possible d'être attiré par cette lecture, sur la base de l'auteur, bédéaste à la forte personnalité. Il est plus vraisemblable que le lecteur soit attiré par la perspective d'en découvrir plus sur l'un des tueurs en série américain les plus médiatiques et les plus horribles : dix-sept meurtres reconnus à son actif, aggravés par des viols, des démembrements, de la nécrophilie et du cannibalisme. Comment devient-on un monstre, une abomination ? Dans l'introduction, l'auteur met les choses au clair : l'objet de son ouvrage n'est pas de raconter les meurtres, mais de retracer la vie du futur tueur, pendant les années où il l'a côtoyé au collège, puis au lycée. Backderf raconte ses souvenirs et il a pris soin de les confronter à ceux de ses copains de l'époque. Il a complété ces éléments, en lisant les articles de journaux de l'époque, ainsi que les rapports officiels accessibles au public pour s'en tenir aux faits, et reconstituer cette époque avec précision. Il n'y a donc pas de voyeurisme morbide à craindre, ou de sensationnalisme : ce n'est pas l'objet du récit. En outre, l'auteur précise qu'il ressentait un minimum d'empathie pour Jeffrey Dahmer, essentiellement de la pitié pendant ces années-là, mais que cela ne constitue nullement une excuse pour les atrocités qu'il a commises par la suite. le lecteur se lance donc dans une chronique de la vie dans cette région du monde à cette époque-là. Pour autant, l'auteur raconte ses souvenirs à la lumière de ce que Dahmer va devenir, comme si une forme de destin inéluctable s'accomplissait au travers de chaque souvenir reconstitué. Cela donne une vision orientée de cette partie de sa vie.

L'histoire s'ouvre avec un dessin en pleine page : un ruban de route tout droit se déroule du bas de la page vers le haut, ondulant avec le relief du terrain, avec de la végétation de part et d'autre, et trois ou quatre pavillons le long. le lecteur se retrouve un peu décontenancé par la manière de représenter les éléments de cet environnement. D'un côté, l'angle de vue est particulièrement bien choisi et les détails abondent. Il en est ainsi tout du long de cette bande dessinée. le bédéaste impressionne par la clarté de sa mise en page, simple et efficace, montrant avec évidence chaque situation, chaque posture, chaque geste. Il apporte un soin appliqué et soutenu pour monter chaque lieu dans le détail : les couloirs de l'établissement scolaire avec les casiers des élèves, la cantine avec les tables communes et les emplacements pour une personne, l'intérieur des pavillons dont celui de la famille Dahmer, la chambre de Jeffrey, les bois alentours, les voitures, le bord du lac, le bureau du vice-président des États-Unis, une salle de cinéma, les alentours du lycée, le bus scolaire, etc. À chaque fois, le lecteur peut prendre le temps de regarder les détails, d'absorber la texture de tel ou tel élément. Dans le même temps, certaines représentations présentent des caractères naïfs : une géométrie trop parfaite ou trop appliquée, une perspective scolaire, un élément avec beaucoup de détails mais chacun d'entre eux détouré avec une forme simplifiée. Cela confère un aspect un peu étrange à ces dessins, pouvant donner une sensation artificielle, d'environnements manquant de naturels. Par exemple, lorsque Dahmer massacre un poisson qu'il vient de pêcher avec un couteau, c'est un poisson dessiné de manière un peu enfantine.

Cette sensation d'étrangeté, d'une fibre pas toujours naturelle se retrouve à l'identique dans les personnages. Ils sont tous incarnés, avec une morphologie différente, un visage différent, une tenue vestimentaire spécifique conforme à leur personnalité et à leur statut social. Les expressions de visage sont très réussies, concordant bien avec le langage corporel, expressif sans être exagéré. Pour autant, les visages sont un peu carrés, les lèvres un peu trop grosses, ou au contraire totalement inexistantes, les chevelures assez figées. Il peut falloir un temps d'adaptation au lecteur pour se faire à cette personnalité graphique, peu commune. Il remarque également que le dessinateur se repose à quelques reprises sur une posture ou un cadrage dramatisé, ce qui apparaît totalement forcé en comparaison du naturalisme de la majeure partie de l'oeuvre, comme une béquille visuelle pour un narrateur pas tout à fait assez confiant en ses capacités. Sous réserve qu'il ne soit pas allergique à ces caractéristiques sortant de l'ordinaire, le lecteur se laisse vite emporter par la narration visuelle simple et évidente, fluide et sans chichi.

Berf Backderf a donc choisi de commencer par une anecdote singulière : la récupération d'un cadavre de chat pour le faire mariner dans un bocal rempli d'acide, peut-être pas l'entrée en la matière la plus subtile qui soit. En effet le lecteur n'est pas bien sûr de l'utilité de pointer du doigt ces moments clés, ou plutôt révélateurs et annonciateurs, car il sait par avance qu'il s'agit de quelques années de la vie d'un tueur en série, avant qu'il ne commence à commettre des atrocités. Une fois qu'il a accepté cette façon de faire, il suit la vie très banale d'un adolescent mal dans sa peau, inadapté social, vivant dans un foyer où la relation de couple de ses parents part en déliquescence. L'auteur a choisi d'éluder la relation avec le petit frère de Jeffrey, car elle n'a pas été mise en avant par Jeffrey dans ses interrogatoires, et peut-être pour ne pas en rajouter une couche pour l'adulte qu'il est devenu, vraisemblablement encore en vie. D'un côté, le récit montre les indices patents de la déshérence de Jeffrey : cela apparaît comme une évidence qu'il va mal tourner, que ses démons intérieurs vont le pousser à commettre le pire, mais c'est une évidence qui émane de la connaissance a posteriori. D'un autre côté, c'est une reconstitution d'une vie misérable : une incapacité à éprouver un sentiment d'amitié, une incapacité à établir ce type de relation sociale, et un foyer insupportable avec des parents totalement accaparés par leur propre mal-être, incapables d'accorder assez d'attention à leur fils ainé. Au-delà de cela, avec cette connaissance de l'avenir, Backderf met en lumière toutes les occasions manquées de déceler la souffrance et la désocialisation de Jeffrey Dahmer. Il se dit que lui-même adolescent, il n'a jamais été en mesure de faire preuve du recul nécessaire pour se rendre compte à quel point les symptômes étaient présents et évidents a posteriori. Mais il pose également une terrible question : où étaient les adultes ? Il n'y a aucune réponse satisfaisante à ce constat accablant d'absence d'aide ou d'un minimum d'attention de la part des parents, du corps enseignant, des autres adultes travaillant dans l'établissement scolaire.

Cette bande dessinée réussit son pari d'évoquer l'adolescence d'un tueur en série, sans être jamais racoleuse ou pontifiante. La narration visuelle est évidente, même si certaines caractéristiques peuvent décontenancer de prime abord. Les pages se lisent aisément et se tournent rapidement. le lecteur sent bien que par moments l'auteur insiste un peu plus lourdement que nécessaire, soit visuellement, soit par un effet de dramatisation. Dans le même temps, il mesure à quel point cet adolescent est livré à lui-même, sans jamais qu'un seul adulte ne relève quoi que ce soit, ne détecte un des signaux alarmants bien présents. de ce point de vue, l'auteur fait oeuvre de prévention en attirant l'attention de ses lecteurs, ce qui a manqué à Jeffrey Dahmer, et par voie de conséquence à ses victimes.
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critiques presse (4)
Actualitte
23 avril 2013
Ce qui transparait avant tout dans une bande dessinée rétrospective qui met en avant des étudiants insouciants et absolument incapables de déceler et surtout de révéler les petits et gros travers annonciateurs, c'est la culpabilité d'un homme qui n'a pas vu les appels de "son" ami Dahmer.
Lire la critique sur le site : Actualitte
ActuaBD
12 mars 2013
Les faits sont réels, les personnages aussi, et cette chronique psychologique nous offre une puissance rare. Un album qui reste en mémoire, et une plongée dans la déviance psychiatrique qui vaut bien un rayonnage entier de criminologie.
Lire la critique sur le site : ActuaBD
BoDoi
05 mars 2013
Sobre, précis, parfois clinique, mais avec une certaine empathie aussi, Mon ami Dahmer est un prodigieux travail de reconstitution, qui assume sa subjectivité, pose les bonnes questions et ne prétend jamais apporter de réponses définitives.
Lire la critique sur le site : BoDoi
BDGest
25 février 2013
Cette genèse d’un futur meurtrier isolé dans son mal-être s’avère finalement aussi passionnante que dérangeante. Accompagné d’un dessin noir et blanc qui évoque le style underground de Robert Crumb, cette tragédie abandonne le lecteur avec un intense sentiment de gâchis.
Lire la critique sur le site : BDGest
Citations et extraits (46) Voir plus Ajouter une citation
(extrait en américain traduit ensuite en français)

It was 1975, my sophomore year at Revere High School.
My friends and I, a small group of band nerds and advanced-placement brains, became fascinated by this strange guy who threw fake epileptic fits and mimicked the slurred speech and spastic tics of someone with cerebral palsy.
[...]
Looking back on it now, knowing what we know, it seems incomprehensible that Dahmer could get away with such bizarre behavior. But it's not as if he was the only freak at school.
- Dahmer is normal compared to that maniac, Lloyd Figg !

C'était en 1975, mon année de terminale à Revere High School.
Mes amis et moi-même, un petit groupe de bande de têtes d'ampoules à lunettes et de cerveaux surdoués, devinrent fascinés par cet étrange type qui se mettait à faire de fausses crises d'épilepsie et imiter le discours mal articulé et les tics spasmodiques de quelqu'un atteint de paralysie cérébrale.
[...]
Regardant en arrière, sachant ce qu'on sait, il paraît incompréhensible que Dahmer s'en soit tiré avec un tel comportement. Mais ce n'est pas comme s'il avait été le seul type bizarre à l'école.
- Dahmer est normal comparé à ce maniaque, Lloyd Figg !
(en parlant d'un élève bizarre, hurlant et gesticulant, s'énervant pour rien à la cafétéria. ndt)
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Cinquième, quatrième, troisième… au cours des années collège, Dahmer ne s’était pas trop fait remarquer. Il se fondait dans la masse adolescente, faisait partie des meubles. Il parlait peu, travaillait, jouait de la trompette dans l’orchestre, était membre de l’équipe de tennis… Il ne faisait jamais parler de lui. Et puis… il changea.
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Je n’ai jamais pu trouver une quelconque signification à ma vie et la prison n’y a rien changé. Mon existence a été insignifiante et la fin en est encore plus déprimante. Tout ça peut se résumer en quelques mots : malade, pathétique, misérable, un point c’est tout.
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p.209.
Pages 121-123 : Cette agression particulière par les brutes épaisses du lycée est relatée dans plusieurs interrogatoires enregistrés (FBI). Dahmer prétend, à plusieurs reprises, qu’il a été frappé à coups de matraque, de batte de et de poings. La date précise n’est pas claire, et Dahmer lui-même situe l’incident à diverses dates. J’ai vu Dahmer se faire harceler par ce genre de personnages à plusieurs occasions pendant nos années de collège et de lycée ; on peut donc considérer que cet incident n’est pas un fait isolé.
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C'était un être insignifiant. Un de ces gamins timides qui, submergés par la masse adolescente, se transforment en handicapés sociaux, se résignent à leur sort et deviennent invisibles. Plusieurs mois s'étaient écoulés depuis la rentrée sans même que je le remarque. Et ceux qui remarquaient Dahmer... n'avaient que mépris pour lui.
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Videos de Derf Backderf (11) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Derf Backderf
Rencontre avec l'auteur John « Derf » Backderf, auteur reconnu et incontournable, plusieurs fois récompensé aux États-Unis et en France. Observateur aiguisé de l'Amérique, il en pointe les dérèglements avec une subtilité et une sensibilité unique. Une rencontre en écho à l'exposition qui lui est consacrée. Une rencontre traduite par Serge Ewenczyk, éditeur français des livres de Derf Backderf (Cà et Là) et animée par Xavier Guilbert (journaliste).
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