En 1612, à Paris, le jeune Nicolas Poussin est un peintre encore inconnu. Désirant ardemment devenir l'élève de Maître Porbus, peintre du roi Henri IV, il décide de se présenter à son atelier. C'est dans ce lieu que le jeune homme rencontre Maître Frenhofer, un peintre obsédé par le désir de représenter la beauté féminine dans sa pureté élémentaire. Frenhofer tente en effet depuis dix ans d'achever son oeuvre « La Belle Noiseuse » qui pour lui n'est jamais assez parfaite et qu'il garde jalousement secrète. Porbus et Poussin vont alors lui proposer un marché : lui offrir le modèle idéal en échange d'un regard sur son chef d'oeuvre inconnu.
La peinture est bien entendue le thème central de ce court récit de Balzac, ou plus précisément une réflexion sur la beauté esthétique avec la recherche de l'idéal, moteur de la création artistique.
De grands noms de la peinture apparaissent tout au long du récit : Mabuse, Giorgione, Raphaël, Titien, Véronèse ou encore Dürer et Rubens. Pour autant, Balzac ne nous noie pas dans un vocabulaire spécifique à l'art pictural et son écriture reste abordable par tous.
Dans son récit, Frenhofer, peintre imaginé par l'auteur, a un idéal bien précis, celui de donner une âme à la peinture, de la rendre vivante. C'est l'accomplissement de cette obsession qui va mener le vieux peintre à la folie. C'est également autour d'une réflexion sur l'art et la création que reposent les dialogues et les nombreux débats des différents peintres en présence, réels et fictif.
Les nombreuses descriptions ensuite, des oeuvres d'art d'une part, des lieux et personnages d'autre part, donnent au lecteur une très bonne représentation des oeuvres citées ainsi que beaucoup de réalisme à l'histoire. Balzac écrit comme il peindrait un tableau. Il donne « à voir » au lecteur des scènes et des personnages.
Enfin, l'auteur sait savamment apporter suspense et fantastique à son récit. Au-delà des précisions et de l'accumulation de détails, c'est en effet une relation trouble, sensuelle et irréelle qui se tisse entre le peintre et son oeuvre. Que voit-il que les autres ne voient pas si ce n'est « dans un coin de la toile le bout d'un pied nu […] sortait de ce chaos de tons, de nuances indécises, espèce de brouillard sans forme ; mais un pied délicieux, un pied vivant » ? Ce pied apparaît comme la relique de l'Idéal tant convoité par Frenhofer mais tout le reste n'est que chaos.
« Le chef d'oeuvre inconnu » nous plonge donc dans une histoire énigmatique, fantastique et « esthétique » au sens où l'auteur procède à une picturalisation du langage qui transforme ses descriptions en tableaux. Ce texte majeur dans l'oeuvre De Balzac offre une belle réflexion sur l'art et la création, le tout dans un style agréable. Une histoire qui se lit les yeux grands ouverts.
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Pour être un artiste, il faut du travail, du travail sans cesse - ce qu'illustre le jeune apprenti, Nicolas Poussin, plein de bonne volonté mais qui doit apprendre à contrôler son talent. Il faut aussi de la reconnaissance, c'est Porbus, maître connu et reconnu, qui monnaye son art auprès de la cour - même s'il est effacé par Rubens ; celui-ci n'apparaît pas, et semble n'être cité que pour donner un cadre temporel au récit, ainsi qu'un contexte : celui où le pouvoir commande à l'art et à l'artiste par ses commandes, par son mécénat qui permet aux peintres de vivre. Et il faut enfin du génie, c'est maître Frenhofer qui se rêve Pygmalion, seul capable d'animer une statue : l'art ultime devrait donner forme et vie à l'oeuvre.
Une pensée pour la belle et tendre Gilette, la femme réelle sacrifiée à la femme peinte, qui disparaît même du récit une fois que l'oeuvre est dévoilée.
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J'ai lu ce roman parce que je devais l'étudier. Très cours mais pas si facile à lire car l'auteur multiplie les références à la peinture de son siècle. Cependant le roman est intéressant car il met en rivalité la femme peinte et la femme réelle. Il démontre aussi de la folie de l'homme à vouloir atteindre sans cesse la perfection.
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A une époque où on compte plus de "génies" de l'art que de champignons dans les forêts en automne, la lecture du Chef-d'oeuvre inconnu nous décrit avec une précision remarquable la quête de l'absolu dans l'acte créateur.
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Grâce à Babelio, j'ai découvert cette petite nouvelle que je ne connaissais pas et dont je me suis régalée.
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