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sur 894 notes
Voici une brève nouvelle, au sens strict, de par sa construction, mais que Balzac lui-même a placé dans la section "études philosophiques" de sa comédie humaine, et l'on comprend pourquoi.
En réalité il s'agit d'une parabole, sur la forme ultime de l'art, sur la quête évanescente et infinie des artistes. Balzac pose (ou repose car elles ont été formalisées bien avant lui) les fameuses et protéiformes questions : Qu'est-ce que l'art ? Qu'est-ce que le beau ? Qu'est-ce qu'une oeuvre d'art ? Que recherche l'artiste ? Où se situent les limites ?
Balzac avec la lucidité prophétique qu'on lui connaît évoque ici, dès les années 1830, les brûlantes controverses qui agiteront la peinture au tournant du XXème siècle et jusqu'à nos jours avec l'abstraction, la subjectivité et l'incompréhension du spectateur ainsi que la notion même d'oeuvre d'art.
En somme, pas le meilleur Balzac qu'on puisse rêver, mais pas inintéressant, loin s'en faut. Néanmoins, tout ceci n'est que mon avis, c'est-à-dire, pas grand chose.

P. S. 1 : Il fut tiré de cette nouvelle le film de Jacques Rivette intitulé La Belle Noiseuse (nom du tableau controversé dans la nouvelle) avec Michel Piccoli dans le rôle du vieux peintre Frenhofer et Emmanuelle Béart dans celui de Gilette.

P. S. 2 : J'en termine en vous offrant ces deux extraits, le premier reprenant un thème fort chez l'auteur, notamment dans son sublime Illusions perdues :

"Enfin, il y a quelque chose de plus vrai que tout ceci, c'est que la pratique et l'observation sont tout chez un peintre, et que si le raisonnement et la poésie se querellent avec les brosses, on arrive au doute comme le bonhomme, qui est aussi fou que peintre. Peintre sublime, il a eu le malheur de naître riche, ce qui lui a permis de divaguer, ne l'imitez pas ! Travaillez ! Les peintres ne doivent méditer que les brosses à la main."

"- le jeune Poussin est aimé par un femme dont l'incomparable beauté se trouve sans imperfection aucune. Mais, mon cher maître, s'il consent à vous la prêter, au moins faudra-t-il nous laisser voir votre toile. (...)
- Comment ! s'écria-t-il douloureusement, montrer ma créature, mon épouse ? Déchirer le voile sous lequel j'ai chastement couvert mon bonheur ? Mais ce serait une horrible prostitution ! Voilà dix ans que je vis avec cette femme, elle est à moi, à moi seul, elle m'aime. Ne m'a-t-elle pas souri à chaque coup de pinceau que je lui ai donné ? Elle a une âme, l'âme dont je l'ai douée. Elle rougirait si d'autres yeux que les miens s'arrêtaient sur elle. La faire voir ! Mais quel est le mari, l'amant assez vil pour conduire sa femme au déshonneur ? Quand tu fais un tableau pour la cour, tu n'y mets pas toute ton âme, tu ne vends aux courtisans que des mannequins coloriés ! Ma peinture n'est pas une peinture, c'est un sentiment, une passion !"
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Balzac nous transpose au XVIIe siècle dans le monde artistique des peintres. Un jeune homme alors inconnu, Nicolas Poussin, discute avec deux autres de ses pairs : Porbus et un personnage un brin mystérieux, haut en couleurs, maître Frenhofer. Porbus vient de peindre Marie L'Egyptienne mais aussi beau et intéressant que soit ce tableau, Frenhofer ne peut s'empêcher d'y mettre sa touche, au point que la toile est sublimée. Il leur explique qu'il est en train d'achever un tableau un peu particulier, La belle Noiseuse, un chef-d'oeuvre. Cependant, pour cela, il lui faudrait comme modèle une femme parfaite…

J'ai déjà eu l'occasion de le dire, je préfère nettement Balzac dans ses nouvelles que dans ses romans. Et là encore, cela s'avère vrai. le lecteur plonge dans cet univers pictural, se régale avec ce peintre génial ou fou (c'est selon) qu'est Frenhofer. Celui-ci veut comprendre tous les rouages de la création et faire une peinture plus vivante que nature.

Entre moments sensuels et passages culturels et philosophiques, nous nous transformons, en l'espace de quelques pages, en un disciple du peintre… mais attention à la chute !
Lien : https://promenadesculturelle..
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Honoré de Balzac a écrit plusieurs versions de ce court roman de la taille d'une nouvelle, le Chef-d'oeuvre inconnu, l'écrivain hésitant entre le conte fantastique et la parabole philosophique, ayant à coeur de le retoucher, le déplier, le remodeler, l'amener à une forme de perfection, remettant sans cesse l'ouvrage sur l'établi, de sorte que le projet de l'écrivain ressemble étrangement à une mise en abyme entre le travail de ce texte et son propos.
Mais que dit ce récit que j'ai beaucoup aimé ?
Balzac nous invite à une magnifique leçon de peinture, qui en dit beaucoup aussi sur l'art, la création, le génie, la folie... Plus qu'une leçon de peinture, n'est-ce pas une leçon sur la vie, tout simplement ?
Suivons Balzac et entrons dans l'atelier d'un peintre...
À la fin de 1612, un jeune peintre encore inconnu, mais qui se révèle être Nicolas Poussin, rend visite dans son atelier au peintre Porbus qu'il admire, celui-ci est célèbre notamment pour avoir réalisé le portrait d'Henri IV. Il est accompagné du vieux maître Frenhofer, personnage imaginé par Balzac et que j'ai cru tout droit sorti de la boutique maléfique de la peau de chagrin. Dans l'atelier, Nicolas Poussin est fasciné par un tableau commandé par Marie de Médicis, Marie L égyptienne, mais maître Frenhofer tout en faisant l'éloge du tableau, ne manque pas d'exprimer son opinion, teintée de reproches et de sarcasmes, le trouvant incomplet :
« Vous colorez ce linéament avec un ton de chair fait d'avance sur votre palette en ayant soin de tenir un côté plus sombre que l'autre, et parce que vous regardez de temps en temps une femme nue qui se tient debout sur une table, vous croyez avoir copié la nature, vous vous imaginez être des peintres et avoir dérobé le secret de Dieu !... Prrr ! Il ne suffit pas pour être un grand poète de savoir à fond la syntaxe et de ne pas faire de fautes de langue ! »
Nous sommes conviés à la première leçon de peinture de Nicolas Poussin.
Puis, ajoutant un peu plus loin comme une sentence irrévocable et humiliante, il s'empare des pinceaux de Porbus :
« La mission de l'art n'est pas de copier la nature, mais de l'exprimer ! »
En quelques coups de pinceau, le vieux peintre insuffle la vie dans l'oeuvre qui se dresse devant lui, métamorphose le tableau de Porbus au point que Marie L Égyptienne semble renaître après son intervention. Toutefois, si Frenhofer domine parfaitement la technique, il lui manque, pour son propre ouvrage, La Belle Noiseuse, toile qui monopolise l'essentiel de son art depuis dix ans, mais sans atteindre à cette perfection absolue qui est son idéal artistique, travail qui doit montrer l'âme du modèle, tout en reflétant celle de l'artiste. Ce futur chef-d'oeuvre, que personne n'a encore jamais vu, serait le portrait d'une certaine Catherine Lescault.
Nicolas Poussin s'accorde alors avec le vieux maître dans une sorte de contrat digne d'un pacte faustien : faire poser la femme qu'il aime, la belle Gillette, dont il a toujours su cacher au monde la beauté, mais en échange elle entrera dans la célébrité d'une oeuvre et Nicolas Poussin en profitera pour parfaire son éducation de jeune peintre en prenant une leçon de peinture décisive ; voilà que les deux hommes s'entendent sans avoir pensé une seule fois demander le consentement à la principale intéressée. Mais la future Belle Noiseuse fait des noises, réagit, s'insurge, c'est pas que Gillette trouve ça rasoir car elle a déjà posé pour celui qu'elle appelle Nic, elle s'indigne tout simplement du procédé, elle a bien raison de comparer cela à une forme de prostitution, c'est d'ailleurs tout à l'honneur de Balzac de l'avoir suggéré ainsi et j'ai rendu grâce à l'écrivain de cette indignation. Gillette finira malgré tout par poser pour Frenhofer ...
La beauté de Gillette inspire Frenhofer à tel point qu'il termine La Belle Noiseuse très rapidement.
Plus tard, nous sommes conviés à voir le résultat. J'ai accompagné dans l'atelier de maître Frenhofer nos deux comparses, Nicolas Poussin et Porbus. J'ai déploré que la belle Gillette ne soit pas présente. Mon coeur a tremblé lorsque Frenhofer s'est avancé pour soulever la toile de serge, son oeil ressemblait à celui qui a fait un mauvais coup s'apprêtant à montrer à d'autres larrons son butin.
Puis, le drap de serge verte fut enfin levé devant nous...
Je vous laisse imaginer la chute finale, terrible !
Permettez-moi cependant de soulever peut-être ce même drap pour vous dévoiler à présent mon ressenti.
C'est un texte court qui porte l'essentiel de ce qu'il faut dire, entendre, deviner sur la beauté du monde et sur l'art qui va y poser son regard...
Ici, les protagonistes sont au service de de la seule question qui vaille peut-être : comment donner à l'art le mouvement de la vie ?
Et s'il fallait retenir qu'une seule idée : le rôle de l'art n'est pas d'imiter, bien entendu, mais d'exprimer. On est tous d'accord, enfin presque j'imagine... Mais cela suffit-il à exprimer l'art ?
Donner à l'oeuvre, à ce qu'on peint la saveur de l'existence, ne pas réduire la peinture à une tentative stérile d'imiter les choses, mais au contraire en faire le message d'une expression, le rôle de l'art n'est pas d'imiter mais d'exprimer la nature, c'est l'une des leçons de Frenhofer à Porbus et à celui dont il ignore encore qu'il s'agit déjà de Nicolas Poussin...
Le chef d'oeuvre inconnu, c'est l'histoire d'un échec sublime et dont survit malgré tout quelque chose après...
C'est le roman de l'imperfection et de l'inaboutissement, de l'inachèvement, de la difficulté dans laquelle se trouve le peintre quand il veut non pas représenter ce qu'il a sous les yeux mais exprimer ce qu'il a dans le coeur. Cette difficulté est vraiment dans le noeud du récit. Je l'ai senti ainsi.
On pourrait rapprocher le propos de l'analogie de l'écrivain qui veut se servir des mots pour représenter quelque chose ou plutôt pour donner à sentir et à voir quelque chose, ou plutôt à sentir plus qu'à voir quelque chose... Sentir plus que voir, sentir plus que comprendre...
Tout le chef d'oeuvre inconnu tourne autour de quelque chose d'ineffable, indicible.
Quelque chose qui dévore aussi.
À travers la démarche de Frenhofer, je me suis alors rappelé le personnages d'Elstir, le peintre d'À la Recherche du temps perdu, qui exprime la nature et la réalité en se donnant comme voie royale d'accéder à la sensation. Il faut passer par les effets et non pas par les causes, c'est le filtre de l'impression qui doit nous révéler la teneur de l'objet que nous avons sous les yeux, peut-être pas forcément sa réalité.
Du moins, j'ai compris cela...
Sentir avant de savoir.
Il y a ici une quête de l'absolu où Frenhofer va se perdre à vouloir créer une peinture plus vivante que nature, mais surtout accomplir à toutes forces la synthèse entre ce qui peut être vu et ce qui peut être senti.
Ce texte nous porte sur une crête, une frontière entre l'expression et la représentation, qui oblige la déprise de l'artiste au profit de l'oeuvre et son abandon. Qui oblige aussi à toujours hésiter.
C'est vrai, c'est comme je l'ai dit au début, mais aucun maître ne pourra enseigner à Nicolas Poussin ce qu'il doit sentir en lui-même, ce n'est pas la transmission d'un savoir ici, l'enseignement c'est l'éveil miraculeux de quelque chose d'autre qu'un savoir en un autre lieu que soi-même...
C'est le récit d'une fascination qui devient obsession.
J'ai trouvé qu'à le relire plusieurs fois, ce récit exerce sur moi un réel magnétisme.
Regarder, c'est sombrer. La compréhension de ce qui est vu, aimé, peut-être compris ou pas, posé sur une toile, une page d'écriture ou une partition musicale, ne relève plus de l'intelligence, c'est peut-être ça qui est beau et puissant, malgré toute l'attention qu'on peut porter au monde qui nous entoure.
Il y a sans doute un vertige pour un artiste à entrevoir l'infini et sentir brusquement toute l'impuissance de pouvoir l'atteindre. C'est comme une obsession de l'absolu qui devient une folie. Ce récit dit cela aussi.
C'est le roman d'une oeuvre qui dévore celui qui a voulu la conduire à la perfection.
Il y a plusieurs histoires qui se déplient ici, on pourrait découvrir et raconter plusieurs histoires à partir de ce récit, c'est sans doute aussi une autre de ses richesses.
Balzac nous dit l'altération du trait au profit de l'existence, de la vie, c'est comme une invitation à sortir de soi et pour moi c'est comme une invitation à aimer encore un peu plus Balzac, comprendre son intériorité.
Il y a le trait qui s'imprime dans la matière et le trait qui s'exprime dans le regard.
La question de tout créateur est la suivante : à quel moment l'artiste pose-t-il la touche finale, le coup de pinceau ultime, le dernier mot de la dernière phrase de la dernière page...
À quel moment Marcel Proust décide-t-il de poser le mot fin à sa Recherche, à quel moment Balzac cesse-t-il de recommencer son oeuvre... ? À quel moment certains pseudos écrivains auraient-ils dû conclure dès la première page ? Peut-être dès la première phrase ? Qu'en est-il d'un écrivain, d'un peintre, d'un musicien, celui qui meurt au milieu d'une oeuvre et qui n'avait pas encore tout dit ?
Le monde regardé est un monde pénétré par les désirs et les rêves du regardeur. Entre le peintre et le tableau, lequel regarde l'autre ?
Est-ce qu'un petit pan de pied nu, délicieux, bien vivant pourrait survivre malgré tout à un tsunami de couleurs ?
Derrière le chaos qui emporte la fin de l'histoire, se cache une incroyable sensualité.
Je me souviens d'un formidable professeur de dessin au collège, il avait un côté un peu fou, pantagruélique. Il s'appelait Heurtebise et ce n'était sans doute pas un hasard. En cours de dessin, un élève l'interpela : « Monsieur, j'ai fini mon dessin ! » Il se retourna et entra dans une vive colère à la fois sauvageonne et tendre : « Mais qu'est-ce que j'entends, malheureux ! Un dessin n'est jamais fini ! » Je m'en souviendrai à jamais. J'ai appris qu'il est mort il y a six ans, il peignait la mer d'Iroise, des rochers et des femmes aussi, ce qui n'est pas du tout contradictoire, continuait de peindre, sans doute sans jamais finir ses toiles...
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La vision De Balzac sur la peinture est la vision "romantique" de son époque qui amènera les révolutions artistiques à suivre. Une grande leçon sur l'art en quelques pages, et une prémonition sur les 200 ans d'histoire de la peinture qui suivront…
J'ai lu là un des plus beau texte qui soit sur la peinture. Pourquoi ai-je donc attendu si longtemps ? (J'en veux un peu à mes professeurs de français si ennuyeux qui m'ont fait passer Balzac pour un auteur rébarbatif)
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Le chef d'oeuvre inconnu, très courte nouvelle, ou comment un vieux peintre est entraîné par son art à la recherche de la perfection, frisant là la folie. Ecriture et sujet d'un grand classicisme. Un texte qu'il est bon d'avoir lu pour son enrichissement personnel, sa culture générale.
Lien : http://araucaria.20six.fr
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Il est drôle d'observer Balzac, qui aimait tant peindre les hommes avec des mots, se projeter parmi ceux qui le font avec des pinceaux. Voilà qu'il se plonge dans la jeunesse de Nicolas Poussin ! Une période de sa vie qu'on connait fort peu, renseignements pris. Notre écrivain préféré en profite sans vergogne pour laisser libre cours à son imagination, en mettant notamment en scène une rencontre entre lui et le peintre brabançon Frans Pourbus. Si ce dernier s'était bien fixé en France à la période qu'il évoque, le tableau qu'il lui attribue de ‘Marie l'égyptienne' a l'air bel et bien imaginaire.

Par un soir glacial aux alentours de 1613, nous suivons donc celui qui n'est encore qu'un très jeune homme misérable, aux poches vides mais à la tête pleine de formes et de couleurs, vivant dans un galeta aux murs lépreux noyés sous une forêt de dessins. Il se présente chez Frans Pourbus, grand peintre alors très en vue, mais il se trouve que celui-ci reçoit déjà. Un homme âgé, à la mine et à l'allure étrange. Pourbus vient d'achever un magnifique portrait de la sainte Marie l'égyptienne. le jeune Poussin le trouve parfait, mais le vieillard ne s'en satisfait pas.

Ce moderne Pygmalion veut voir le vent circuler dans les cheveux de la sainte, un volume à la place de quelques lignes ; bref une forme vivante jaillir de la toile ! Et en quelques touches de peintures à peine, il réussit à créer une illusion de vie. Mais c'est au tour de Pourbus de ne pas être satisfait. Son apprentissage irait plus vite, dit-il, si le vieillard acceptait enfin de lui montrer son chef-d'oeuvre, la toile sur laquelle il travaille depuis plus de dix ans et qu'il n'a jamais permis à personne de contempler…

Étonnante plongée historique et picturale De Balzac, plus de deux-cents ans avant l'époque à laquelle il a consacré l'essentiel de la ‘Comédie humaine'. Une courte nouvelle sur un thème assez classique, mais écrite avec faconde et élégance, et rapide et agréable à lire.
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Deux auteurs découverts pour le prix d'un.

Maurice Bruézière a eu du nez en rassemblant dans ce petit livre deux nouvelles qui se ressemblent : le Chef-d'Oeuvre Inconnu d'Honoré de Balzac et La Leçon de Violon d'Ernst Theodor Amadeus Hoffmann. le but était de confirmer par nos yeux que la deuxième a inspiré la première, mais qu'il ne s'agit pas d'un rudimentaire plagia. La démonstration apparaît clairement à la lecture.

Le Chef-d'Oeuvre Inconnu place l'action à Paris au temps de la régence de Marie de Médicis, un jeune peintre qui veut réussir, Nicolas Poussin, ose se présenter à un maître, Franz Porbus, à l'entrée du domicile d'un vieil homme qui se considère lui-même comme une autorité suprême en la matière, Frenhofer. Poussin ne tarde pas à saisir l'incommensurable étendue du savoir de Frenhofer, et quelques coups de pinceaux bien placés sur un tableau de Porbus prouvent que ce savoir n'est pas que théorique. Et pourtant… Frenhofer bute sur l'oeuvre suprême depuis dix ans, et ne veut montrer le résultat à personne. Pourquoi ?

La Leçon de Violon se passe à Berlin. Un jeune violoniste apprend auprès de maître Haak. Ce dernier se décide à le présenter au Baron, un vieil érudit au savoir musical incommensurable. le jeune homme est impressionné, mais il se passe quelque chose de curieux dès que, quittant la théorie pour la pratique, le Baron fait glisser l'archer sur son violon favori.

Il y a assurément filiation, non seulement dans la présentation que je viens de faire, mais dans la conclusion qui chaque fois frôle le fantastique. Chaque fois le vieil homme semble accaparé par l'ombre de la caverne de Platon, ne vois plus que cette forme, n'écoute plus que sa mélodie intérieure, et reste sourd et aveugle à ses vrais sens.
Cependant, si le récit d'Hoffmann, plus court, se limite à présenter ce sujet, Balzac l'enrichit d'une relation amoureuse entre Nicolas et Gilette ; une relation qui souffrira de la situation, quand Gilette comprendra que l'amour que peut donner Poussin sera toujours rivalisé par son amour de l'art.

L'une et l'autre nouvelle sont agréables, celle de Balzac utilisant tout de même un vocabulaire artistique assez technique et un peu difficile à mettre en image pour un profane. Elles sont cependant trop brèves pour que je me fasse une idée réelle des auteurs ; pour ne serait-ce que décider si je les aime ou pas.
De ce que j'ai lu je ne les déteste pas.
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Ce court roman fait partie des études philosophiques de l'immense chantier de la Comédie humaine. Un peintre débutant y rencontre un collègue établi et un maître qui travaille depuis dix à un tableau qui sera l'apogée de sa carrière. On parle beaucoup de technique du portrait dans ce livre, mais, bien que je n'y connaisse strictement rien, ce n'est pas vraiment agaçant, d'abord parce que s'y cache une conception de l'art assez intéressante: “La mission de l'art n'est pas de copier la nature, mais de l'exprimer” comme dit le maître. Ensuite et surtout, la fougue avec laquelle Frenhofer énonce sa vision, la passion qu'il y met, les élans quasi mystiques qui l'emportent sont un délice en soi. le conte n'est pas inoffensif non plus; le conflit de Nicolas entre son amour pour Gillette et celui pour son art fait réfléchir, de même que la fin abrupte questionne la relation entre ambition démesurée et folie. Bref, une courte, mais enrichissante lecture.
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Ah ! J'avoue, ça faisait des lustres que je n'avais pas lu De Balzac. Bien que j'en ai plutôt apprécié la lecture "obligatoire" de lycée, c'était "le père Goriot" je m'en souviens encore. Oui oui quand j'étais ado j'ai aimé Balzac !
Bon j'aimais Victor Hugo aussi. Sauf que j'ai continué à en lire, lui, car avec ses poésies il était un peu "abordable".

Mais ça c'était avant. Vive les liseuses, et vive les éditions de nouvelles "indépendantes".
ça permet de découvrir des pépites...

Celle-là, je l'ai adorée. Vous le savez (pour mes amis. Et ou pas pour les autres, lol), j'ai repris le dessin depuis 2 ans. (Après un arrêt total pendant toute ma vie d'adulte). Enfin en ce moment je "sèche" un peu, je ne fais que des esquisses et des croquis, je me cherche un brin, mais c'est une autre histoire...

Alors toutes ces questions sur l'art, sur le dessin, sur la beauté, ces réflexions, ça m'a beaucoup, beaucoup parlé. Car une de mes préoccupations principales, sur un dessin "définitif", c'est de savoir quand m'arrêter de retoucher, de reprendre, de perfectionner. Et que c'est difficile !

Je me suis retrouvée dans cette magnifique nouvelle, qui ne parlera peut-être pas autant à un "non-artiste". Mais je pense que poète, écrivain, dessinateur, enfin, quiconque essaie de créer de belles choses, y récoltera quelque "identification" évidente !

Pour ma part, c'est juste un magnifique moment de lecture ! (presque trop court, ah ben mince alors, j'aurais jamais cru dire ça de ce cher Balzac ! Mdrrrrr !)
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Il faut aux meilleurs peu de pages pour atteindre au sublime.
Ce que le grand Balzac démontre, porté par son sujet : Ayant détecté son potentiel de talent, le vieux maître Frenhofer accepte de montrer au jeune Poussin, peintre en herbe, la toile sur laquelle il a jeté toute son âme et que depuis toujours il garde jalousement cachée des regards impurs.
Ce que Poussin y découvrira, je vous laisse le soin de le découvrir dans ce court texte somptueux et inspiré sur le sens de l'art, et qui défend une position d'une étonnante modernité.
Magnifique!
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