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Citations sur Le royaume enchanté (26)

La vieillesse venue, les actes que nous regrettons le plus sont ceux que nous avons commis dans notre jeunesse moins par bêtise que par colère et par le sentiment d'être blessés.
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La vieillesse venue, les actes que nous regrettons le plus sont ceux que nous avons commis dans notre jeunesse moins par bêtise que par colère et par le sentiment d’être blessés. Trop aveuglés par la rage et la douleur pour percevoir la cause formelle de notre action, nous n’agissons que sur sa cause matérielle.
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Au fil du temps, nous avons appris indirectement, par des rumeurs et des commérages, que les Blancs, hommes et femmes, qui vivaient et travaillaient avec nous étaient presque tous des gens condamnés pour crime et qui avaient avec eux leurs enfants illégitimes. Il s’agissait de petits voleurs, de pickpockets, de prostituées, ou de Blancs et de Blanches arrêtés pour avoir cohabité avec une Noire ou un Noir, ou encore de ces gens qui étaient ce qu’on appelait à l’époque des sodomites. Ils étaient tous pauvres, incapables de s’acquitter de leurs amendes ou de leurs frais de justice. Ces frais et amendes avaient été payés aux shérifs de comté et aux juges dans tout l’État de Géorgie et même jusqu’au Mississippi et en Alabama par M. Couper lui-même. La dette devrait être remboursée par le condamné, homme ou femme, au taux d’un dollar par jour jusqu’à ce que la somme due soit égale à zéro. Échéance qui pouvait facilement être repoussée jusqu’à un futur indéfini, comme Mère s’en rendit compte à la fin du premier mois lorsque le coût de la nourriture, de l’hébergement et des articles indispensables qu’elle avait achetés à crédit au magasin de la compagnie pour nourrir, habiller et loger ses enfants fut déduit de notre salaire. Le solde était toujours négatif. Ce solde négatif était considéré comme un prêt de la part de la plantation, et Mère devait payer un intérêt sur la somme globale. Mois après mois, sa dette augmentait. Elle n’a jamais diminué d’un iota.
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Quand j’y repense, je suis encore stupéfait par le pouvoir coercitif de ceux qui, généralement par hasard, en viennent à nous entourer. Les humains ne sont ni rigoureusement des animaux de meute comme les loups, ni des animaux de troupeau comme les moutons, mais quand ils se rassemblent en groupes unis par des liens très forts, ils se conduisent autant comme des meutes que comme des troupeaux. Ils s’organisent instinctivement de telle sorte qu’un ou deux d’entre eux soient placés au sommet, comme dans une meute, tandis que le reste s’entasse dessous selon des degrés toujours plus faibles d’autorité et d’indépendance. En même temps, ils adoptent les buts et les besoins plus généraux du troupeau. Bien que fondamentalement instable, cette façon est néanmoins celle par laquelle s’organisent les sociétés humaines – adhésion simultanée à l’autorité et au groupe.
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J’ai appris que ceux à qui on a tout volé voleront n’importe lequel de ceux à qui on n’a pas tout volé. Dans des conditions de vie dégradante, il n’y a pas de solidarité. C’est pourquoi, après notre deuxième journée de travail, quand nous sommes rentrés d’un pas pesant des champs de coton, nous avons découvert que nos tentes avaient été vidées, qu’on nous avait volé tout ce que nous avions transporté de Waycross. Même nos couvertures s’étaient envolées, et si nous n’avions pas suivi les instructions du surveillant nous demandant d’apporter aux champs, avec nous, nos couverts et notre assiette, eux aussi auraient disparu. Mère s’est rendue à l’intendance pour demander à l’intendant de remplacer les couvertures volées, et leur coût – soit cinq jours de travail pour chacun de nous, les cinq Mann – est venu s’ajouter à son compte. L’intendant lui a déclaré que dorénavant, si elle et ses enfants voulaient conserver leurs couvertures, il faudrait que nous les prenions avec nous chaque fois que nous quittions la tente.
J’ai appris que ceux qu’on fait travailler presque littéralement à mort ne désirent que très peu la compagnie des autres. Tels des animaux blessés, ils veulent surtout qu’on les laisse tranquilles, qu’ils puissent se blottir dans un coin pour tenter de récupérer assez d’énergie pour continuer à vivre un jour de plus. De toute façon, la société n’existait pas, à la plantation Rosewell, sauf dans les champs ou sur le chemin qui y menait, ou parfois au début de la journée quand nous échangions quelques saluts rapides en grimpant à bord des wagons branlants qui nous transportaient vers nos lieux de labeur. Personne ne révélait quoi que ce soit de son passé ni de ce qui l’avait amené à se retrouver emprisonné à la plantation Rosewell. Ceux qui ne peuvent pas s’imaginer d’avenir ont du mal à se remémorer leur passé, ou du moins à en parler, car le passé ne peut pas avoir été pire que le présent et, par conséquent, le décrire et se le remettre complètement en tête serait une affaire douloureuse qu’on évite.
J’ai appris que les enfants comme les adultes, les femmes aussi bien que les hommes, les Blancs autant que les Noirs, en situation de dégradation vont entraîner tous ceux qu’ils peuvent dans cette dégradation. C’est du haut vers le bas que s’exercent alors la violence et le vol, la domination et les abus sexuels, la manipulation et le contrôle, la tromperie, l’escroquerie, le sadisme.
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Je crois que la plupart des gens gardent un souvenir détaillé d’un lieu lorsqu’il s’y est produit un événement qui a changé leur vue sans qu’ils comprennent le sens sur le moment, un lieu où régnait la confusion et se manifestaient de turbulentes émotions, où tout était pris sauf le lieu lui-même…..Tout ce qui appartient à ce moment remémoré dans ce lieu remémoré est chargé de sens, de signification. Tout est enrobé d’émotion et de mystère.
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(…) la Floride, dès ses débuts, avait servi de réceptacle aux détritus du monde. C’était là qu’allaient ceux qui n’avaient plus de perspectives ailleurs et qui ne s’étaient pas encore installés dans le désespoir, qui croyaient qu’il existait toujours une faible chance de pouvoir repartir de zéro et que personne ne remarquerait leurs échecs passés ni ne leur en tiendrait rigueur le temps qu’ils retrouvent leurs repères et tentent un nouveau départ.
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C’est ce qui se produit chez ceux qui sont totalement vaincus. Ils cessent de parler. Se plaindre serait exprimer l’espoir que la situation s’améliore. Nous n’avions pas cet espoir.
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Je devrais probablement m’abstenir de le dire ici, mais j’ai vu et entendu des choses au cours de ma vie – et je les ai vues et entendues ici, dans ma ville de St. Cloud, Floride – qui me poussent parfois à me demander si l’esclavage est vraiment fini aujourd’hui. Ou si les Blancs n’ont pas réussi à simplement lui donner un autre nom. Quand ils défendaient leur fidélité à l’égard de leur credo socialiste façon Ruskin, mes parents fustigeaient constamment ce qu’ils appelaient le “capitalisme à salaire d’esclave”. S’ils étaient vivants aujourd’hui, quel nom donneraient-ils à l’entreprise de M. Walt Disney, ici, au sud-ouest d’Orlando, où il est inutile pour un Noir, homme ou femme, qui cherche un emploi légitime de se présenter avec son visage à la peau sombre ? Tout change, et pourtant, comme disent les Français, tout reste pareil. L’esclavage, c’est ce qui produit les effets de l’esclavage, voilà ce que je dis. Les Blancs arrivent à échanger leur labeur contre un paiement, même si c’est contre une fraction minuscule de ce que vaut leur labeur, et les Noirs sont enchaînés et forcés à travailler pour rien dans les prisons et dans des équipes employées au bord des routes que les gens dépassent chaque jour à toute vitesse dans leurs voitures climatisées.
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Rien qu’en nous présentant à la porte de la maison de maître et en demandant du travail et un abri, nous avions soumis nos vies aux besoins, aux règles, aux protocoles et aux priorités de la plantation Rosewell. Nous avions franchi une ligne qui séparait deux mondes, comme si nous avions échangé une planète contre une autre, et désormais nous n’avions plus qu’un souci, celui d’apprendre les règles et les principes qui gouvernaient ce nouveau monde.
La planète qui avait jadis été notre chez-nous se situait dans un autre univers. C’était aussi simple que ça. Les règles, les priorités, les principes et les lois physiques d’autrefois ne s’appliquaient plus, pas même en tant que points de comparaison mesurables. Pour survivre, il nous fallait apprendre aussi vite que possible une logique et une cohérence nouvelles qui se révélaient à nous incessamment, car la plantation était rigoureusement autodéfinie, close sur elle-même selon une logique et une cohérence absolues.
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