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« Magic Kingdom », titre de la v.o. du dernier livre de Russell Banks parle d'une Amérique assez spéciale celle du Sud , celle des Shakers, du début du siècle dernier, en Floride , une région qui accueillie à l'époque tout le détritus humain des États Unis . Aujourd'hui se trouve au même emplacement que celui de la communauté Shaker , le Disney World d'Orlando, d'où le titre, V.o. (Disney's) “Magic Kingdom”, qui se réfère aussi au Royaume Magique que les Shakers promettaient à leurs adeptes. On dirait une plaisanterie du destin.

L'histoire est celle de la famille Mann, de Waycross à Rosewell, racontée 70 ans après les faits , à travers les enregistrements de Harley, un des fils Mann, une famille de Ruskinite , secte basée sur les principes anticapitalistes du philosophe John Ruskin. Cette famille qui se sentait moralement et culturellement supérieur, se retrouve à la mort du père décédé du typhus, à Rosewell, une exploitation aux conditions de travail égalant l'esclavage. Suivra leur migration à New Bethany, une implantation de Shaker, et leur à peu près conversion au shakerisme. D'un camp d'esclavage à un autre, conséquences d'une folle croyance au Ruskinisme et au rêve utopique d'une nouvelle nation…..

Ruskiniste, Shaker…..sectes vampires qui suceront leurs adeptes jusqu'à la moelle en faisant briller l'appât dans la réalité inexistante d'un gain moral et matériel, suscité par la méthode du « carotte et du bâton » et construit sur une base fantoche, qui baigne dans l'illusion mirage d'une vie parfaite d'égalité , d'honnêteté et de pureté, 😊😊😊. Je souris car même dans les rêves ce genre de sociétés utopiques n'existent pas,'elles finissent toutes par devenir des dictatures sous le joug d'un ou plusieurs âmes, emprisonnant leurs membres à vie. C'est ainsi que notre narrateur Harley avec la conversion de sa mère au Shakerisme , à treize ans deviendra automatiquement « la propriété » de la communauté Shaker ( en faites d'un seul homme plus ou moins), jusqu'à ses dix-huit ans….

Cette communauté descendant d' immigrés pauvres venus d'Irlande, les Shakers, se comptera par milliers et continuera à se développer. Leurs recrues étant principalement des orphelins et des enfants nés hors mariage, des nourrissons et des jeunes littéralement laissés à leurs portes, et des hommes et des femmes spirituellement nécessiteux, arrachés aux vagues croissantes et décroissantes d'enthousiasme religieux qui balayaient la nation toutes les quelques années, des âmes perdues au sens figuré. abandonnés par leur religion.Donc pour ces miséreux la communauté était la garantie d'une famille stable et solidaire, une éducation pratique et une religion durable – sécurité physique, mentorat et élévation spirituelle, du moins en apparence, pour qui n'avait nul envie de se perdre dans les dédales de la Vie qu'il ou elle avait déjà très mal initiée. Cette communauté perfectionniste soit disant modèle faisait cependant travailler des enfants de 10-12 ans 6 heures par jours 6 jours par semaine, gratis. Cet îlot de vie artificielle , isolé du reste du Monde frustrera l'ado Harley dont le coeur à treize ans bat déjà pour une jeune femme dans sa vingtaine, et lui fera commettre l'indicible ….
Même si le style Shaker, uniquement le style c'est-à-dire meubles, ustensiles… à une époque m'attirait, les trouvant simple , beau et fonctionnel , ne m'interpelle plus depuis bon temps , surtout ayant pris connaissance de l'idéologie derrière cette pureté, qui aujourd'hui me fait sourire par son ingénuité et m'énerve par ses artifices et ses contraintes . Ces sociétés utopiques qui attiraient souvent des personnes voulant recommencer des vies nouvelles pour divers raisons, nécessitaient en faites les mêmes compétences qui permettaient simplement de survivre en prison, dans l'armée ou à des conditions de travail insensées, similaire à l'esclavage ( Rosewell) .

Ce livre que Russell, décédé au début de cette année, a écrit et publié l'année d'avant est une profonde réflexion sur l'hypocrisie humaine, la vérité , l'éthique et les principes manipulées selon les exigences de chacun. Pourrait-il être considéré comme une sorte de testament vu le sujet abordé et les nombreuses questions qu'ils nous posent à travers cette histoire complexe, particulièrement celle de Harley ? D'autant plus qu'aujourd'hui la manipulation de la vérité et de l'éthique n'a plus besoin de sectes comme les Shakers vu qu'à travers les réseaux sociaux on peut atteindre presque tout le monde et une majorité est facilement manipulable, rien qu'à voir le dernier Zozo élu démocratiquement à la tête de l'Argentine. Je cite cet exemple politique car ce livre est un livre à forte connotation politique. Il sera trés prochainement publié par Actes Sud, je vous conseillerez de ne pas passer à côté !


« We judge and refuse to judge others the same as we judge and refuse to judge ourselves. The liar thinks that everyone lies, and the truth teller believes that everyone is honest. »
On juge et refuse de juger les autres comme on juge et refuse de juger soi-même. le menteur pense que tout le monde ment, et celui qui dit la vérité croit que tout le monde est honnête ».
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Dans son ultime roman, publié juste avant sa mort en janvier 2023, Russell Banks poursuit son questionnement du rêve américain au travers d'un paradis perdu, domaine d'une modeste communauté shaker en Floride, devenu aujourd'hui miroir aux alouettes de l'industrie du loisir.


L'auteur qui, dans ses livres, a si souvent adopté le point de vue des laissés pour compte en Amérique s'attaque cette fois au mythe du self-made-man au travers d'un récit désespérément nostalgique. Au soir de son existence depuis longtemps solitaire, un homme décide de se confier à des bandes magnétiques. L'on découvre son histoire depuis l'enfance, en une narration sans faux-semblants révélant une âme déchirée et sans plus d'illusions face à son combat d'une vie avec le Bien et le Mal.


Né au tournant du XXe siècle, Harley Mann a connu la misère la plus noire avant de faire fortune dans la spéculation immobilière. Son dernier coup fut la vente à l'empire Disney des terres qui devaient servir à l'implantation du grand parc d'Orlando. Des terres sur lesquelles il avait fait main basse après avoir contribué à la déroute de leurs propriétaires, une communauté utopiste de shakers, proches des quakers, qui l'avait charitablement recueilli avec les siens quand ils étaient littéralement au fond du trou.


Ce n'est qu'après les avoir trahis parce qu'irrésistiblement attiré par l'amour et l'argent, que Harley devait réaliser la bonté des shakers et son bonheur perdu, lui qui par avidité et vanité s'était exclu tout seul de leur « royaume enchanté », ce jardin d'Eden certes régi par des règles austères, entre chasteté, dévotion et communisme, mais pourvoyant simplement aux besoins de chacun.


Une infinie tristesse imprègne le récit de cet homme, enferré par de mauvais choix dans une voie sans retour dont il a pu, depuis, longuement mesurer tout ce qu'elle lui a fait perdre, à lui mais aussi, par sa faute, à d'autres qui ne demandaient rien. A travers cette utopie humaniste détruite au profit d'un matérialisme bassement individualiste, c'est ni plus ni moins ce que nous avons appelé le progrès de la civilisation et qui a abouti à la société de consommation et à ses nouveaux modes d'asservissement, à la disparition de la nature sauvage et à la mise en péril de la planète, que questionne Russell Banks dans ce chant du cygne parabolique.


Écrivain connu pour ses engagements humanistes, Russell Banks nous livre une dernière histoire crépusculaire, à la fois fresque intense et envoûtante traversée par un puissant souffle narratif, et réflexion mélancolique sur ce que nous coûte l'avidité matérielle de notre civilisation. A nous prendre pour des dieux, égoïstes et souverains, nous ne nous contentons pas de nous exclure nous-même du paradis terrestre, nous faisons tout pour le détruire. Coup de coeur.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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La famille Mann n'avait pas atterri par hasard en Floride. Soixante-dix ans auparavant, ses ancêtres s'étaient installés en Géorgie dans la colonie utopiste de Waycross fondée par des adeptes radicaux de la doctrine anticapitaliste de John Ruskin. Une colonie que la famille avait quittée, en raison des conditions communautaires devenues sordides, pour pire encore, la plantation Rosewell, où elle avait fort heureusement fini par entrer en relation avec les shakers.

Ces shakers étaient les membres d'une branche du protestantisme, issue des quakers, née au début du XVIIIe siècle, qui en raison de la persécution dont ils avaient fait l'objet en Angleterre avaient émigré aux États-Unis. Si leurs moeurs particulièrement austères (célibat obligatoire, propriété privée interdite, frugalité, chasteté, égalitarisme) n'avaient pas empêché leur mouvement de connaître un succès assez rapide, le renouvellement biologique impossible serait à l'origine de leur déclin inexorable.

Pourtant après leur expérience désastreuse à la plantation de Rosewell, cette organisation n'était pas pour déplaire à la famille Mann, désormais composée de la mère et de ses cinq enfants, le père étant mort peu de temps avant leur installation à Rosewell. Toutefois au fil du temps l'aîné des garçons en s'enticheant d'une jeune femme allait braver l'interdit absolu des shakers...

À la lecture de ce récit de Russel Banks écrit au crépuscule de sa vie, inspiré de la véritable histoire d'une colonie shaker installée en Floride il y a presque un siècle, on peut s'interroger sur les raisons pour lesquelles les communautés religieuses ou séculières séduisent autant d'Américains, et ce malgré leur caractère utopique, leurs contraintes et pour certaines, qui s'apparentent franchement à des sectes, leurs manipulations évidentes. Peut-être est-ce une recherche de valeurs et d'idéaux auxquels se raccrocher dans une société tournée vers le dieu argent, ou qui sait ? pour certains est-ce un reste du Pacte du Mayflower et du puritanisme des Pilgrims Fathers. En tous les cas un questionnement pour moi qui ne suis pas américaine et qui suis attachée à ma liberté 😊
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Un grand merci à Babelio et aux éditions Actes Sud...

En 1971, alors âgé de 81 ans, Harley Mann décide non pas d'écrire mais de raconter sa vie sur des bandes magnétiques. Quinze bobines que Russell Banks a, par un heureux hasard, récupéré des années plus tard... Né en 1890, Harley Mann passe ses premières années, avec ses frères, son père et sa mère, dans la colonie originelle des Ruskinites, celle de Graylag, avant de partir pour Waycross. Si les conditions de vie sont parfois difficiles, entre liberté et ordre, jeu et travail, l'enfant s'épanouit et n'aura jamais été aussi heureux. Mais la colonie de Waycross se vide peu à peu, notamment à cause d'une épidémie de typhus, appauvrissant les colons. Son père, malade lui aussi, veut emmener sa famille à la plantation Rosewell. Malheureusement, il en mourra et, pour respecter ses dernières volontés, toute la famille s'en va. Traitée tels des esclaves, exploitée et brutalisée, elle n'y restera que quelques mois avant de s'installer chez les Shakers de la Nouvelle-Béthanie, en 1902. Une communauté pieuse et abstinente, avec mise en commun des biens et séparation des genres, gérée par l'Aîné John Bennett et l'Aînée Mary Glynn. Si Harley s'y sent comme au paradis, sa rencontre avec Sadie Pratt va bouleverser ses projets et ses ambitions...

Au crépuscule de sa vie, Harley Mann, cet homme solitaire, décide de raconter ses premières années sur des bandes magnétiques. Quinze bobines que Russell Banks transpose au coeur de ce roman, le dernier publié avant sa mort en janvier 2023. Un groupe de Shakers, à la fin du 19ième siècle, fonde la colonie de la Nouvelle-Béthanie, en Floride, là où, quelques années plus tard, s'érigera Disney World, des terres que Harley, devenu spéculateur immobilier, leur vendra. Des colons utopistes vivant à l'écart du Monde, croyant en la réincarnation de Jésus en Mère Ann Lee, et prônant l'abstinence sexuelle. Installé parmi eux avec sa mère, son jumeau et ses frères également jumeaux, le jeune Harley, s'il s'épanouit les premières années, va, peu à peu, penser par lui-même et voir autrement la vie proposée par les Shakers. Cette confession, empreinte de regrets, de remords parfois, d'excuses murmurées, déroule la vie d'un homme, d'un pays en proie à ses travers, ses manquements, son racisme, son individualisme, son matérialisme, son avidité, son hypocrisie... En conteur engagé, si le personnage d'Harley reste fictif, Russell Banks s'est basé sur des faits historiques réels. Une confession, dense, fouillée, mélancolique qui, bien que passionnante, manque parfois de rythme, de dynamisme et d'émotion...
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En 1971, Harley Mann, octogénaire , vivant à St Cloud en Floride se décide à enregistrer les événements qu'il a vécu dans son enfance et sa jeunesse dans cette région , alors qu'il revient de l'inauguration du Parc de loisirs de Walt Disney , le Magic Kingdom ...

Ses parents faisaient partie de la communauté des Ruskinites , adeptes de la doctrine anti-capitaliste d'un certain John Ruskin lorsque son frère jumeau et lui sont nés .
Ont suivi deux autres jumeaux puis , plus tard, une petite Rachel.

Lorsque son père meurt de maladie, sa mère part avec ses enfants dans la plantation Rosewell, pensant y trouver un refuge et un travail correct mais la famille se retrouve au milieu des anciens esclaves noirs à travailler dans les champs comme au meilleur temps de l'esclavage avec un salaire n'arrivant pas à compenser ce qui est retenu pour le minimum de survie : logement, nourriture et vêtements.
Les conditions de vie sont terrifiantes et l'avenir bien sombre .

Grâce à l'intervention du chef d'une autre communauté religieuse sollicitée par la mère et qui va racheter la dette (mais on verra à quel sacrifice ...) la famille peut donc rejoindre la communauté des Shakers dans un domaine appelé La nouvelle Bethanie en Floride.

Contrairement aux Ruskinites , ce mouvement pratique un prosélytisme religieux intense et un endoctrinement permanent avec des règles d'austérité strictes et une abstinence sexuelle complète .
Les hommes et les femmes sont séparés , les enfants dès qu'ils sont sevrés sont enlevés à leur mère .

Pour la famille Mann, l'arrivée dans ce qui se veut d'ailleurs être un royaume enchanté, cela ressemble à un paradis et c'est comme cela que le ressent Harley même s'il n'est et ne deviendra pas croyant.

Le travail est indispensable mais l'exploitation sous l'habileté et l'intelligence des Ainés, l'Ainé John et l'Ainée Mary est tout à fait rentable .

Harley fait la rencontre qui va changer non seulement sa vie mais celle de toute la communauté d'une jeune femme, Sadie, soignée pour tuberculose dans le sanatorium dont s'occupe l'Ainée Mary .

Il en tombe éperdument amoureux. C'est cet amour interdit , d'abord unilatéral et chaste mais qui va se transformer qui conduit à la fin de la Nouvelle-Bethanie.

C'est le dernier roman de Russel Banks, décédé il y a un an.
Il y aborde le sujet de la collusion entre mouvements religieux sectaires et capitalisme , une hypocrisie évidente ainsi que la main-mise des chefs sur leurs ouailles, leurs biens, leurs enfants, leurs pensées .
Les shakers pratiquant la totale abstinence même chez les couples mariés avaient besoin de recruter pour pouvoir continuer de prospérer , les adhésions devenant de plus en plus rares, le mouvement a périclité .

L'auteur , par l'intermédiaire des actes de Harley se penche aussi sur la notion de liberté et de discernement .

Harley croit détenir sa vérité mais elle est confrontée à celle de l'Ainé et des autres membres de la communauté puis à celle que chacun croit connaitre .
Déjà la diffusion par la presse écrite de nouvelles fausses ou tronquées pouvait dès cette époque rejeter , à tort ou à raison, une personne . Que dire de ce qui se passe actuellement ...

Un excellent roman .

Je pensais avoir déjà lu un livre de cet auteur mais cela devait être dans une autre vie , je vais réparer cela !


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Un Magic Kingdom (titre de l'oeuvre originale) construit comme un parc à thèmes. Un Disney World façon Banks.

Russel Banks nous a quitté en janvier 2023 en nous laissant avec cet ultime livre paru aux Etats-Unis peu avant sa mort et en France en janvier 2024. Pour ce livre il est pleinement dans le frictionnel. Il a un plan pour le lecteur, un plan pour l'hameçonner. Pour ceci il part d'une archive audio du début des années 1970. Il va l'utiliser pour dérouler ensuite sa fiction. Il agence son histoire de façon anachronique, tout est rangé, organisé, ordonné comme à l'époque du document audio dont il est question.
Il m'a un peu rappelé ‘'Pourfendeur de nuages'' paru en 1998, mais en moins pénitent puisqu'il parlait des abolitionnistes de l'esclavage et davantage la tête dans les souvenirs. On sent qu'il ne peut, ne veut pas laisser s'en aller le passé. Ses récits s'y accrochent avec toute la ferveur d'un écrivain du siècle passé mais qui parle aux lecteurs du siècle présent. On a l'impression d'être dans les années 1970, tant les détails sont chiadés.

Les thèmes sont ceux annoncés en 4eme de couv., l'amour, la foi, la mémoire et l'imagination. Rien de moins dans ce livre de près de 400 pages, et pourtant aucun excès de zèle, aucun essai d'emprise sur notre cerveau ; juste une fiction, juste un rappel de ce qui a existé et dont on a peu ou pas assez parlé. Un récit tout en équilibre et modestie mais une histoire puissante de son pays. Des histoires qui permettent de mesurer le chemin parcouru depuis.

L'histoire se base sur des enregistrement d'un certain Harley Mann qui enregistre sa propre histoire. Il en entend parler en 1999 lors de l'ouragan Irène qui a fait des ravages te causé un grand nombre de morts. Un demi-siècle plus tard, à 81 ans, le narrateur est emporté vers ses souvenirs à lui. Il évoquera sa vie, ses origines de son enfance dans le Sud à Orlando à ses transferts de Géorgie vers la Floride, de la vie des quakers à celle des shakers, du dur labeur des uns à celle des croyants que la foi transcende. « Des puits de sagesse et de pitié ».
On chemine ainsi à ses côtés en abordants de grands sujets sociétaux dont cette histoire d'esclavage qu'il n'a toujours ni rangé, ni digéré, ni ôté à sa honte d'homme. Poignantes évocations.

Pierre Furlan, le traducteur, a rendu ce texte fluide, juste quelques tournures de phrases qui m'ont laissées quelque peu perplexe. On finit par s'y habituer en se disant que le traducteur à très certainement voulu se coller au style choisi par Russell Banks. Je crois me souvenir que c'est lui qui a traduit la majorité des Banks en français.

Honte à moi, je n'ai toujours pas lu ‘'American Darling''. Faut quand même que je pousse mamie dans les orties et que je le note dans ma PAL.

Citations :
« Je suis le genre de Républicain ou de Démocrate qui s'inscrit en tant qu'Indépendant, le protestant ou le catholique qui ne pratique plus et coche la case ‘'chrétien'', l'Anglo-Américain qui se voit comme simplement Américain, l'être humain de sexe mâle qui se croit juste humain, Le Blanc qui ne pense pas avoir de couleur.  Telle est la personne que j'ai été pendant la plus grande partie de ma vie d'adulte et dont, au fil des ans, j'ai pris la voix.»
« J'ai appris que ceux qu'on fait travailler presque littéralement à mort ne désirent que très peu la compagnie des autres. Tels des animaux blessés, ils veulent surtout qu'on les laisse tranquilles, qu'ils puissent se blottir dans un coin pour tenter de récupérer assez d'énergie pour continuer à vivre un jour de plus. »
« Harper's Greek où rugit la lumière,
Là, ma chérie, pour toujours on vivra.
Et puis dans la nation des Indiens on ira.
Tout c'que je veux dans c'te création
C'est jolie femme et grande plantation. »
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Une plongée dans la vie de la communauté religieuse des Shakers, en Floride, au début du siècle dernier. Roman richement documenté où l'auteur lui-même semble éprouver une certaine fascination pour ladite communauté. Russell Banks a découvert les Shakers pendant ses études et il avait déjà écrit une première ébauche du roman dans les années soixante.
J'ai souvent pensé à Proust. Non pas pour la forme, mais pour les thèmes de la mémoire et de la jalousie. Cette plongée dans le passé, via des souvenirs du principal narrateur, explore avec justesse les processus par lesquels nous nous remémorons notre jeunesse.
Lien : https://bw.heraut.eu/user/Ba..
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Harley Mann est né en fin de 19e siècle au sein d'une communauté dans laquelle ses parents se consacrent à une idéologie socialiste utopique. Les conditions de vie y sont rudes mais l'enfant n'est pas malheureux. Alors qu'il est âgé d'une petite dizaine d'années, la décrépitude de la colonie pousse son père à déserter pour vendre sa force de travail dans une plantation. Malgré la mort soudaine du père, la mère et les enfants s'y installent comme prévu. Ils se retrouvent prisonniers d'un système vicieux et extrêmement violent qui les oblige à trimer comme des bêtes pour pas un sou. Pour s'en échapper la famille n'a d'autre solution que de se réfugier chez les Shakers de la Nouvelle-Béthanie, une secte protestante dont la doctrine de perfection impose la confession des péchés, la communauté des biens, le renoncement au monde et l'abstinence sexuelle totale. A la Nouvelle-Béthanie, après l'enfer de la plantation Harley a l'impression de se retrouver au paradis d'autant plus que, dès son arrivée, il tombe sous le charme de celle qui deviendra l'amour de sa vie. S'il se plie bien volontiers aux règles et rituels imposés par la communauté et aspire à devenir un vrai Shaker, son obsession pour la jeune fille risque fort de perturber ses projets ainsi que ceux de la communauté.

D'après Russel Banks, ce roman est la transcription d'une quinzaine de bandes enregistrées en 1971 par Harley alors qu'il est très âgé. Après avoir assisté à l'inauguration du "royaume enchanté" de Disney implanté sur le terrain qui a été le royaume des Shakers, il éprouve le besoin de se confier à son magnétophone pour faire connaitre l'histoire de sa vie liée à celle des colons de la Nouvelle-Béthanie.
Bien que parfaitement intégré à sa communauté, Harley n'est pas croyant, ce qui lui permet de pouvoir garder un certain recul et d'analyser de façon critique le fonctionnement du groupe qui, loin de respecter le principe d'éloignement du monde, se livre à de nombreux et fructueux échanges commerciaux. Ses observations dénoncent l'intrication entre religion et capitalisme, les deux mamelles du rêve américain. Son récit en forme de mea culpa montre également que dans un lieu où tout et chacun est censé être parfait, la nature humaine par essence imparfaite ne peut s'accommoder de la perfection.
A la Nouvelle-Béthanie la vanité, la duplicité et la jalousie vont faire autant de ravages que les ouragans, les incendies ou les inondations...

La trajectoire de vie d'Harley est un exemple de parfaite réalisation du rêve américain: prospérité et ascension sociale accessibles à tous. Parti de rien, il a fini par s'enrichir considérablement grâce à la spéculation immobilière. Mais cette réussite a un goût amer puisqu'elle s'est faite sur un échec, celui d'une utopie, dans lequel il a eu le rôle principal. Par sa faute, le petit village idéal, niché dans les marécages du Sud de la Floride, disparait pour laisser place à un parc d'attractions. Adieu les colons, bonjour les hordes de touristes et leurs dollars. Adieu les sentiers en coquillages concassés, les vergers d'agrumes, les moulins, le rucher, le jardin d'agrément et les hectares de champs et de prairies; désormais les vingt sept tours du kitchissime château de Cendrillon remplacent le temple aux proportions parfaites...
Du royaume des cieux au royaume du fric, l'ultime roman de Russell Banks livre le portrait troublant d'un homme dont le parcours démontre que la trahison et la chute font autant partie de l'histoire américaine que la foi et la fortune.

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Ce livre bénéficie de très bonnes critiques dans la presse, et également sur Babelio. En outre la thématique (les sectes protestantes aux Etats Uns, j'histoire de la Floride) est prometteuse.
Autant de raisons d'entreprendre la lecture de ce livre, qui a priori avait beaucoup pour me plaire.
Il est vrai que j'ai appris beaucoup de choses, notamment sur les Shakers, dont j'ignorais tout (enfin non, à la réflexion, je savais vaguement qu'il existait un style de mobilier de ce nom; je viens de regarder les images sur Google, on pourrait croire que ce sont les Shakers qui ont fondé IKEA)
Mais je ne suis pas parvenu à entrer vraiment dans l'intrigue, et pour tout dire je me suis beaucoup ennuyé; aussi j'ai abandonné aux alentours de la page 150.
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A travers de ce roman fleuve, Russell Banks nous narre, l' histoire d'Harley Mann qui, après un court passage dans la communauté des Ruskins va vivre avec frères, soeur et sa mère dans la rigoriste communauté des shakers. Comme dans beaucoup de sectes, les relations sexuelles sont interdites mais Harvey Mann tombe éperdument amoureux de Sadie Pratt, jeune femme tuberculeuse. Russel Banks s'est beaucoup documenté sur cette communauté aux dérives sectaires qui fut cependant très influente. Il utilise un procédé narratif original : il s est imaginé retrouvant des enregistrements des témoignages d'un personnage qui demeure cependant fictif...et c'est bien là que réside le talent de ce grand écrivain américain disparu dernièrement de nous donner le sentiment d'avoir vécu lui-même la vie d'un jeune homme dans une communauté austère.
Lien : https://www.babelio.com/livr..
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