« Magic Kingdom », titre de la v.o. du dernier livre de
Russell Banks parle d'une Amérique assez spéciale celle du Sud , celle des Shakers, du début du siècle dernier, en Floride , une région qui accueillie à l'époque tout le détritus humain des États Unis . Aujourd'hui se trouve au même emplacement que celui de la communauté Shaker , le Disney World d'Orlando, d'où le titre, V.o. (Disney's) “Magic Kingdom”, qui se réfère aussi au Royaume Magique que les Shakers promettaient à leurs adeptes. On dirait une plaisanterie du destin.
L'histoire est celle de la famille Mann, de Waycross à Rosewell, racontée 70 ans après les faits , à travers les enregistrements de Harley, un des fils Mann, une famille de Ruskinite , secte basée sur les principes anticapitalistes du philosophe
John Ruskin. Cette famille qui se sentait moralement et culturellement supérieur, se retrouve à la mort du père décédé du typhus, à Rosewell, une exploitation aux conditions de travail égalant l'esclavage. Suivra leur migration à New Bethany, une implantation de Shaker, et leur à peu près conversion au shakerisme. D'un camp d'esclavage à un autre, conséquences d'une folle croyance au Ruskinisme et au rêve utopique d'une nouvelle nation…..
Ruskiniste, Shaker…..sectes vampires qui suceront leurs adeptes jusqu'à la moelle en faisant briller l'appât dans la réalité inexistante d'un gain moral et matériel, suscité par la méthode du « carotte et du bâton » et construit sur une base fantoche, qui baigne dans l'illusion mirage d'une vie parfaite d'égalité , d'honnêteté et de pureté, 😊😊😊. Je souris car même dans les rêves ce genre de sociétés utopiques n'existent pas,'elles finissent toutes par devenir des dictatures sous le joug d'un ou plusieurs âmes, emprisonnant leurs membres à vie. C'est ainsi que notre narrateur Harley avec la conversion de sa mère au Shakerisme , à treize ans deviendra automatiquement « la propriété » de la communauté Shaker ( en faites d'un seul homme plus ou moins), jusqu'à ses dix-huit ans….
Cette communauté descendant d' immigrés pauvres venus d'Irlande, les Shakers, se comptera par milliers et continuera à se développer. Leurs recrues étant principalement des orphelins et des enfants nés hors mariage, des nourrissons et des jeunes littéralement laissés à leurs portes, et des hommes et des femmes spirituellement nécessiteux, arrachés aux vagues croissantes et décroissantes d'enthousiasme religieux qui balayaient la nation toutes les quelques années, des âmes perdues au sens figuré. abandonnés par leur religion.Donc pour ces miséreux la communauté était la garantie d'une famille stable et solidaire, une éducation pratique et une religion durable – sécurité physique, mentorat et élévation spirituelle, du moins en apparence, pour qui n'avait nul envie de se perdre dans les dédales de la Vie qu'il ou elle avait déjà très mal initiée. Cette communauté perfectionniste soit disant modèle faisait cependant travailler des enfants de 10-12 ans 6 heures par jours 6 jours par semaine, gratis. Cet îlot de vie artificielle , isolé du reste du Monde frustrera l'ado Harley dont le coeur à treize ans bat déjà pour une jeune femme dans sa vingtaine, et lui fera commettre l'indicible ….
Même si le style Shaker, uniquement le style c'est-à-dire meubles, ustensiles… à une époque m'attirait, les trouvant simple , beau et fonctionnel , ne m'interpelle plus depuis bon temps , surtout ayant pris connaissance de l'idéologie derrière cette pureté, qui aujourd'hui me fait sourire par son ingénuité et m'énerve par ses artifices et ses contraintes . Ces sociétés utopiques qui attiraient souvent des personnes voulant recommencer des vies nouvelles pour divers raisons, nécessitaient en faites les mêmes compétences qui permettaient simplement de survivre en prison, dans l'armée ou à des conditions de travail insensées, similaire à l'esclavage ( Rosewell) .
Ce livre que Russell, décédé au début de cette année, a écrit et publié l'année d'avant est une profonde réflexion sur l'hypocrisie humaine, la vérité , l'éthique et les principes manipulées selon les exigences de chacun. Pourrait-il être considéré comme une sorte de testament vu le sujet abordé et les nombreuses questions qu'ils nous posent à travers cette histoire complexe, particulièrement celle de Harley ? D'autant plus qu'aujourd'hui la manipulation de la vérité et de l'éthique n'a plus besoin de sectes comme les Shakers vu qu'à travers les réseaux sociaux on peut atteindre presque tout le monde et une majorité est facilement manipulable, rien qu'à voir le dernier Zozo élu démocratiquement à la tête de l'Argentine. Je cite cet exemple politique car ce livre est un livre à forte connotation politique. Il sera trés prochainement publié par
Actes Sud, je vous conseillerez de ne pas passer à côté !
« We judge and refuse to judge others the same as we judge and refuse to judge ourselves. The liar thinks that everyone lies, and the truth teller believes that everyone is honest. »
On juge et refuse de juger les autres comme on juge et refuse de juger soi-même. le menteur pense que tout le monde ment, et celui qui dit la vérité croit que tout le monde est honnête ».