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Pierre Furlan (Traducteur)
EAN : 9782330185374
Actes Sud (03/01/2024)
3.74/5   116 notes
Résumé :
En 1971, Harley Mann revisite son enfance et raconte l'installation de sa famille dans les marécages de Floride, à quelques encâblures de ce qui allait devenir Disney World, pour rejoindre une communauté de Shakers – utopiste, pieuse, abstinente. Au cœur de son récit, l'amour interdit du garçon qu'il était et d’une jeune femme nommée Sadie, qui conduira la communauté à la perte et à la destruction.
Une éblouissante tapisserie entremêlant amour et foi, mémoire... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (22) Voir plus Ajouter une critique
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« Magic Kingdom », titre de la v.o. du dernier livre de Russell Banks parle d'une Amérique assez spéciale celle du Sud , celle des Shakers, du début du siècle dernier, en Floride , une région qui accueillie à l'époque tout le détritus humain des États Unis . Aujourd'hui se trouve au même emplacement que celui de la communauté Shaker , le Disney World d'Orlando, d'où le titre, V.o. (Disney's) “Magic Kingdom”, qui se réfère aussi au Royaume Magique que les Shakers promettaient à leurs adeptes. On dirait une plaisanterie du destin.

L'histoire est celle de la famille Mann, de Waycross à Rosewell, racontée 70 ans après les faits , à travers les enregistrements de Harley, un des fils Mann, une famille de Ruskinite , secte basée sur les principes anticapitalistes du philosophe John Ruskin. Cette famille qui se sentait moralement et culturellement supérieur, se retrouve à la mort du père décédé du typhus, à Rosewell, une exploitation aux conditions de travail égalant l'esclavage. Suivra leur migration à New Bethany, une implantation de Shaker, et leur à peu près conversion au shakerisme. D'un camp d'esclavage à un autre, conséquences d'une folle croyance au Ruskinisme et au rêve utopique d'une nouvelle nation…..

Ruskiniste, Shaker…..sectes vampires qui suceront leurs adeptes jusqu'à la moelle en faisant briller l'appât dans la réalité inexistante d'un gain moral et matériel, suscité par la méthode du « carotte et du bâton » et construit sur une base fantoche, qui baigne dans l'illusion mirage d'une vie parfaite d'égalité , d'honnêteté et de pureté, 😊😊😊. Je souris car même dans les rêves ce genre de sociétés utopiques n'existent pas,'elles finissent toutes par devenir des dictatures sous le joug d'un ou plusieurs âmes, emprisonnant leurs membres à vie. C'est ainsi que notre narrateur Harley avec la conversion de sa mère au Shakerisme , à treize ans deviendra automatiquement « la propriété » de la communauté Shaker ( en faites d'un seul homme plus ou moins), jusqu'à ses dix-huit ans….

Cette communauté descendant d' immigrés pauvres venus d'Irlande, les Shakers, se comptera par milliers et continuera à se développer. Leurs recrues étant principalement des orphelins et des enfants nés hors mariage, des nourrissons et des jeunes littéralement laissés à leurs portes, et des hommes et des femmes spirituellement nécessiteux, arrachés aux vagues croissantes et décroissantes d'enthousiasme religieux qui balayaient la nation toutes les quelques années, des âmes perdues au sens figuré. abandonnés par leur religion.Donc pour ces miséreux la communauté était la garantie d'une famille stable et solidaire, une éducation pratique et une religion durable – sécurité physique, mentorat et élévation spirituelle, du moins en apparence, pour qui n'avait nul envie de se perdre dans les dédales de la Vie qu'il ou elle avait déjà très mal initiée. Cette communauté perfectionniste soit disant modèle faisait cependant travailler des enfants de 10-12 ans 6 heures par jours 6 jours par semaine, gratis. Cet îlot de vie artificielle , isolé du reste du Monde frustrera l'ado Harley dont le coeur à treize ans bat déjà pour une jeune femme dans sa vingtaine, et lui fera commettre l'indicible ….
Même si le style Shaker, uniquement le style c'est-à-dire meubles, ustensiles… à une époque m'attirait, les trouvant simple , beau et fonctionnel , ne m'interpelle plus depuis bon temps , surtout ayant pris connaissance de l'idéologie derrière cette pureté, qui aujourd'hui me fait sourire par son ingénuité et m'énerve par ses artifices et ses contraintes . Ces sociétés utopiques qui attiraient souvent des personnes voulant recommencer des vies nouvelles pour divers raisons, nécessitaient en faites les mêmes compétences qui permettaient simplement de survivre en prison, dans l'armée ou à des conditions de travail insensées, similaire à l'esclavage ( Rosewell) .

Ce livre que Russell, décédé au début de cette année, a écrit et publié l'année d'avant est une profonde réflexion sur l'hypocrisie humaine, la vérité , l'éthique et les principes manipulées selon les exigences de chacun. Pourrait-il être considéré comme une sorte de testament vu le sujet abordé et les nombreuses questions qu'ils nous posent à travers cette histoire complexe, particulièrement celle de Harley ? D'autant plus qu'aujourd'hui la manipulation de la vérité et de l'éthique n'a plus besoin de sectes comme les Shakers vu qu'à travers les réseaux sociaux on peut atteindre presque tout le monde et une majorité est facilement manipulable, rien qu'à voir le dernier Zozo élu démocratiquement à la tête de l'Argentine. Je cite cet exemple politique car ce livre est un livre à forte connotation politique. Il sera trés prochainement publié par Actes Sud, je vous conseillerez de ne pas passer à côté !


« We judge and refuse to judge others the same as we judge and refuse to judge ourselves. The liar thinks that everyone lies, and the truth teller believes that everyone is honest. »
On juge et refuse de juger les autres comme on juge et refuse de juger soi-même. le menteur pense que tout le monde ment, et celui qui dit la vérité croit que tout le monde est honnête ».
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Dans son ultime roman, publié juste avant sa mort en janvier 2023, Russell Banks poursuit son questionnement du rêve américain au travers d'un paradis perdu, domaine d'une modeste communauté shaker en Floride, devenu aujourd'hui miroir aux alouettes de l'industrie du loisir.


L'auteur qui, dans ses livres, a si souvent adopté le point de vue des laissés pour compte en Amérique s'attaque cette fois au mythe du self-made-man au travers d'un récit désespérément nostalgique. Au soir de son existence depuis longtemps solitaire, un homme décide de se confier à des bandes magnétiques. L'on découvre son histoire depuis l'enfance, en une narration sans faux-semblants révélant une âme déchirée et sans plus d'illusions face à son combat d'une vie avec le Bien et le Mal.


Né au tournant du XXe siècle, Harley Mann a connu la misère la plus noire avant de faire fortune dans la spéculation immobilière. Son dernier coup fut la vente à l'empire Disney des terres qui devaient servir à l'implantation du grand parc d'Orlando. Des terres sur lesquelles il avait fait main basse après avoir contribué à la déroute de leurs propriétaires, une communauté utopiste de shakers, proches des quakers, qui l'avait charitablement recueilli avec les siens quand ils étaient littéralement au fond du trou.


Ce n'est qu'après les avoir trahis parce qu'irrésistiblement attiré par l'amour et l'argent, que Harley devait réaliser la bonté des shakers et son bonheur perdu, lui qui par avidité et vanité s'était exclu tout seul de leur « royaume enchanté », ce jardin d'Eden certes régi par des règles austères, entre chasteté, dévotion et communisme, mais pourvoyant simplement aux besoins de chacun.


Une infinie tristesse imprègne le récit de cet homme, enferré par de mauvais choix dans une voie sans retour dont il a pu, depuis, longuement mesurer tout ce qu'elle lui a fait perdre, à lui mais aussi, par sa faute, à d'autres qui ne demandaient rien. A travers cette utopie humaniste détruite au profit d'un matérialisme bassement individualiste, c'est ni plus ni moins ce que nous avons appelé le progrès de la civilisation et qui a abouti à la société de consommation et à ses nouveaux modes d'asservissement, à la disparition de la nature sauvage et à la mise en péril de la planète, que questionne Russell Banks dans ce chant du cygne parabolique.


Écrivain connu pour ses engagements humanistes, Russell Banks nous livre une dernière histoire crépusculaire, à la fois fresque intense et envoûtante traversée par un puissant souffle narratif, et réflexion mélancolique sur ce que nous coûte l'avidité matérielle de notre civilisation. A nous prendre pour des dieux, égoïstes et souverains, nous ne nous contentons pas de nous exclure nous-même du paradis terrestre, nous faisons tout pour le détruire. Coup de coeur.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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La famille Mann n'avait pas atterri par hasard en Floride. Soixante-dix ans auparavant, ses ancêtres s'étaient installés en Géorgie dans la colonie utopiste de Waycross fondée par des adeptes radicaux de la doctrine anticapitaliste de John Ruskin. Une colonie que la famille avait quittée, en raison des conditions communautaires devenues sordides, pour pire encore, la plantation Rosewell, où elle avait fort heureusement fini par entrer en relation avec les shakers.

Ces shakers étaient les membres d'une branche du protestantisme, issue des quakers, née au début du XVIIIe siècle, qui en raison de la persécution dont ils avaient fait l'objet en Angleterre avaient émigré aux États-Unis. Si leurs moeurs particulièrement austères (célibat obligatoire, propriété privée interdite, frugalité, chasteté, égalitarisme) n'avaient pas empêché leur mouvement de connaître un succès assez rapide, le renouvellement biologique impossible serait à l'origine de leur déclin inexorable.

Pourtant après leur expérience désastreuse à la plantation de Rosewell, cette organisation n'était pas pour déplaire à la famille Mann, désormais composée de la mère et de ses cinq enfants, le père étant mort peu de temps avant leur installation à Rosewell. Toutefois au fil du temps l'aîné des garçons en s'enticheant d'une jeune femme allait braver l'interdit absolu des shakers...

À la lecture de ce récit de Russel Banks écrit au crépuscule de sa vie, inspiré de la véritable histoire d'une colonie shaker installée en Floride il y a presque un siècle, on peut s'interroger sur les raisons pour lesquelles les communautés religieuses ou séculières séduisent autant d'Américains, et ce malgré leur caractère utopique, leurs contraintes et pour certaines, qui s'apparentent franchement à des sectes, leurs manipulations évidentes. Peut-être est-ce une recherche de valeurs et d'idéaux auxquels se raccrocher dans une société tournée vers le dieu argent, ou qui sait ? pour certains est-ce un reste du Pacte du Mayflower et du puritanisme des Pilgrims Fathers. En tous les cas un questionnement pour moi qui ne suis pas américaine et qui suis attachée à ma liberté 😊
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Un grand merci à Babelio et aux éditions Actes Sud...

En 1971, alors âgé de 81 ans, Harley Mann décide non pas d'écrire mais de raconter sa vie sur des bandes magnétiques. Quinze bobines que Russell Banks a, par un heureux hasard, récupéré des années plus tard... Né en 1890, Harley Mann passe ses premières années, avec ses frères, son père et sa mère, dans la colonie originelle des Ruskinites, celle de Graylag, avant de partir pour Waycross. Si les conditions de vie sont parfois difficiles, entre liberté et ordre, jeu et travail, l'enfant s'épanouit et n'aura jamais été aussi heureux. Mais la colonie de Waycross se vide peu à peu, notamment à cause d'une épidémie de typhus, appauvrissant les colons. Son père, malade lui aussi, veut emmener sa famille à la plantation Rosewell. Malheureusement, il en mourra et, pour respecter ses dernières volontés, toute la famille s'en va. Traitée tels des esclaves, exploitée et brutalisée, elle n'y restera que quelques mois avant de s'installer chez les Shakers de la Nouvelle-Béthanie, en 1902. Une communauté pieuse et abstinente, avec mise en commun des biens et séparation des genres, gérée par l'Aîné John Bennett et l'Aînée Mary Glynn. Si Harley s'y sent comme au paradis, sa rencontre avec Sadie Pratt va bouleverser ses projets et ses ambitions...

Au crépuscule de sa vie, Harley Mann, cet homme solitaire, décide de raconter ses premières années sur des bandes magnétiques. Quinze bobines que Russell Banks transpose au coeur de ce roman, le dernier publié avant sa mort en janvier 2023. Un groupe de Shakers, à la fin du 19ième siècle, fonde la colonie de la Nouvelle-Béthanie, en Floride, là où, quelques années plus tard, s'érigera Disney World, des terres que Harley, devenu spéculateur immobilier, leur vendra. Des colons utopistes vivant à l'écart du Monde, croyant en la réincarnation de Jésus en Mère Ann Lee, et prônant l'abstinence sexuelle. Installé parmi eux avec sa mère, son jumeau et ses frères également jumeaux, le jeune Harley, s'il s'épanouit les premières années, va, peu à peu, penser par lui-même et voir autrement la vie proposée par les Shakers. Cette confession, empreinte de regrets, de remords parfois, d'excuses murmurées, déroule la vie d'un homme, d'un pays en proie à ses travers, ses manquements, son racisme, son individualisme, son matérialisme, son avidité, son hypocrisie... En conteur engagé, si le personnage d'Harley reste fictif, Russell Banks s'est basé sur des faits historiques réels. Une confession, dense, fouillée, mélancolique qui, bien que passionnante, manque parfois de rythme, de dynamisme et d'émotion...
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En 1971, Harley Mann, octogénaire , vivant à St Cloud en Floride se décide à enregistrer les événements qu'il a vécu dans son enfance et sa jeunesse dans cette région , alors qu'il revient de l'inauguration du Parc de loisirs de Walt Disney , le Magic Kingdom ...

Ses parents faisaient partie de la communauté des Ruskinites , adeptes de la doctrine anti-capitaliste d'un certain John Ruskin lorsque son frère jumeau et lui sont nés .
Ont suivi deux autres jumeaux puis , plus tard, une petite Rachel.

Lorsque son père meurt de maladie, sa mère part avec ses enfants dans la plantation Rosewell, pensant y trouver un refuge et un travail correct mais la famille se retrouve au milieu des anciens esclaves noirs à travailler dans les champs comme au meilleur temps de l'esclavage avec un salaire n'arrivant pas à compenser ce qui est retenu pour le minimum de survie : logement, nourriture et vêtements.
Les conditions de vie sont terrifiantes et l'avenir bien sombre .

Grâce à l'intervention du chef d'une autre communauté religieuse sollicitée par la mère et qui va racheter la dette (mais on verra à quel sacrifice ...) la famille peut donc rejoindre la communauté des Shakers dans un domaine appelé La nouvelle Bethanie en Floride.

Contrairement aux Ruskinites , ce mouvement pratique un prosélytisme religieux intense et un endoctrinement permanent avec des règles d'austérité strictes et une abstinence sexuelle complète .
Les hommes et les femmes sont séparés , les enfants dès qu'ils sont sevrés sont enlevés à leur mère .

Pour la famille Mann, l'arrivée dans ce qui se veut d'ailleurs être un royaume enchanté, cela ressemble à un paradis et c'est comme cela que le ressent Harley même s'il n'est et ne deviendra pas croyant.

Le travail est indispensable mais l'exploitation sous l'habileté et l'intelligence des Ainés, l'Ainé John et l'Ainée Mary est tout à fait rentable .

Harley fait la rencontre qui va changer non seulement sa vie mais celle de toute la communauté d'une jeune femme, Sadie, soignée pour tuberculose dans le sanatorium dont s'occupe l'Ainée Mary .

Il en tombe éperdument amoureux. C'est cet amour interdit , d'abord unilatéral et chaste mais qui va se transformer qui conduit à la fin de la Nouvelle-Bethanie.

C'est le dernier roman de Russel Banks, décédé il y a un an.
Il y aborde le sujet de la collusion entre mouvements religieux sectaires et capitalisme , une hypocrisie évidente ainsi que la main-mise des chefs sur leurs ouailles, leurs biens, leurs enfants, leurs pensées .
Les shakers pratiquant la totale abstinence même chez les couples mariés avaient besoin de recruter pour pouvoir continuer de prospérer , les adhésions devenant de plus en plus rares, le mouvement a périclité .

L'auteur , par l'intermédiaire des actes de Harley se penche aussi sur la notion de liberté et de discernement .

Harley croit détenir sa vérité mais elle est confrontée à celle de l'Ainé et des autres membres de la communauté puis à celle que chacun croit connaitre .
Déjà la diffusion par la presse écrite de nouvelles fausses ou tronquées pouvait dès cette époque rejeter , à tort ou à raison, une personne . Que dire de ce qui se passe actuellement ...

Un excellent roman .

Je pensais avoir déjà lu un livre de cet auteur mais cela devait être dans une autre vie , je vais réparer cela !


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critiques presse (10)
Culturebox
23 avril 2024
Ce grand roman testament du romancier américain est tout simplement passionnant.
Lire la critique sur le site : Culturebox
LeJournaldeQuebec
19 mars 2024
Avant de tirer sa révérence, le grand Russell Banks a signé une autobiographie fictive tout à fait enchanteresse.
Lire la critique sur le site : LeJournaldeQuebec
LePoint
20 février 2024
Le grand écrivain nous a quittés il y a un an. Son ultime roman, « Le Royaume enchanté », dévoile les mystères d’une secte protestante.
Lire la critique sur le site : LePoint
FocusLeVif
13 février 2024
Récit initiatique doublé d'une autobiographie fictive, Le Royaume enchanté de Russell Banks est profondément mélancolique.
Lire la critique sur le site : FocusLeVif
LaLibreBelgique
05 février 2024
Avec "Le royaume enchanté", Russel Banks secoue nos esprits une ultime fois avec une réflexion profonde sur l'hypocrisie.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
LeFigaro
02 février 2024
Le portrait touchant d'un jeune quaker et de sa communauté, au début du siècle dernier
Lire la critique sur le site : LeFigaro
LaCroix
01 février 2024
Traversant le XXe siècle, le roman posthume du géant de la littérature américaine mêle une dernière fois utopies collectives et destins individuels.
Lire la critique sur le site : LaCroix
Marianne_
31 janvier 2024
Un testament social qui interroge la quête de liberté au sein d'une secte religieuse.
Lire la critique sur le site : Marianne_
Bibliobs
31 janvier 2024
Le grand écrivain s’est éteint en janvier 2023. Son ultime roman, qui raconte une communauté shaker au début du XXᵉ siècle en Floride, témoigne de son génie réaliste et de son goût pour les narrations amples.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
LesInrocks
03 janvier 2024
L’ultime roman de Banks dévoile bien des cauchemars américains où l’hypocrisie, les faux-semblants et le racisme sont érigés en mode de vie. L’Americana en fresque de haute intensité, emportée par la magie narrative.
Lire la critique sur le site : LesInrocks
Citations et extraits (26) Voir plus Ajouter une citation
Le maître de toute cette vaste plantation ressemblait plus à un garçon de onze ans qu'à un homme adulte ! Jusqu'à ce moment, la figure imaginaire de M. Hamilton Couper occupait une place importante et sombre dans mon esprit et dans toutes mes journées et nuits de travail. Cela m'a choqué de voir qu'un homme miniaturisé pouvait exercer autant de pouvoir sur la vie de centaines d'êtres humains et d'animaux, de milliers d'acres de terre, de dizaines de bâtiments et d'énormes machines et installations industrielles. Parce que nous ne l'avions pas vu dans les champs, dans les ateliers ou dans les quartiers des ouvriers et que nous ne savions pas que nous l'avions déjà rencontré, j'avais imaginé que M. Couper était un homme de grande taille, aussi grand que frère John, et aussi vieux, sauf qu'il était féroce. et calculateur, cruel et impitoyable. Comment expliquer autrement son pouvoir sur nous ? Je voyais maintenant que le pouvoir de M. Couper venait uniquement de l’argent, de son contrôle d’une abondance inimaginable d’argent et de notre manque d’argent et de la distance terrible, presque insondable, qui les sépare.
(The master of the whole vast plantation more closely resembled an eleven-year-old boy than a grown man! Until this moment the imagined figure of Mr Hamilton Couper had loomed large and dark over my mind and all my workdays and nights. It shocked me to see that a miniaturized man could wield so much power over the lives of hundreds of human beings and animals, thousands of acres of land, dozens of buildings and huge machines and industrial installations. Because we had not seen him in the fields or workhouses or the workers’ quarters and did not know that we had already met him, I had imagined that Mr Couper was a large man, as large as Elder John, and as old, except fierce and calculating, cruel and unforgiving. How else to explain his power over us? I now saw that Mr Couper’s power came only from money, his control of an unimaginable abundance of money and our lack of it and the terrible, almost unfathomable distance between the two.)
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Les Shakers détestaient l'hypocrisie avec autant de ferveur que moi, ou avec autant de ferveur que tout enfant réfléchi déteste l'hypocrisie, même si à cette époque je n'avais pas encore de nom pour cela. Quand j’étais encore enfant, ce n’était pas tant que j’aimais la justice que je détestais l’injustice. Je n’aimais pas tellement la vérité que je craignais qu’on me mente. Et je n’aspirais pas tant à l’égalité qu’à l’élimination des inégalités.
(« The Shakers hated hypocrisy as fervently as I did, or as fervently as every thoughtful child hates hypocrisy, though I did not at that time have the name for it. When I was still a child, it wasn’t so much that I loved justice as that I loathed injustice. I didn’t so much love truth as I feared being lied to. And I didn’t so much aspire to equality as I desired to eliminate inequality.« )
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Durant ma propre vie, ce sont les réfugiés des guerres et des pogroms d’Europe, les survivants des camps de concentration qui ont émigré en Floride. Quelques décennies plus tard, ceux qui fuyaient Cuba, Haïti et l’Amérique centrale ont débarqué sur ces côtes, alors que depuis toujours des retraités en provenance des États du Nord viennent ici, en quête d’un endroit au soleil où finir les quatre-vingt-dix ans qui leur sont alloués et se retrouvent à somnoler sur le banc d’un parc ou à lancer des appâts depuis un bateau à moteur en alu de chez Sears, Roebuck voguant sur des eaux peu profondes, ou encore à frapper des balles de golf pendant que, derrière eux, enfants et petits-enfants – les leurs comme ceux de tous les autres – arrivent dans des breaks, attirés vers le sud comme par une doline de la taille de l’État tout entier, doline qui les verse dans le monde du rêve américain, le Royaume enchanté, la plantation récréative de Disney.
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Au fil du temps, nous avons appris indirectement, par des rumeurs et des commérages, que les Blancs, hommes et femmes, qui vivaient et travaillaient avec nous étaient presque tous des gens condamnés pour crime et qui avaient avec eux leurs enfants illégitimes. Il s’agissait de petits voleurs, de pickpockets, de prostituées, ou de Blancs et de Blanches arrêtés pour avoir cohabité avec une Noire ou un Noir, ou encore de ces gens qui étaient ce qu’on appelait à l’époque des sodomites. Ils étaient tous pauvres, incapables de s’acquitter de leurs amendes ou de leurs frais de justice. Ces frais et amendes avaient été payés aux shérifs de comté et aux juges dans tout l’État de Géorgie et même jusqu’au Mississippi et en Alabama par M. Couper lui-même. La dette devrait être remboursée par le condamné, homme ou femme, au taux d’un dollar par jour jusqu’à ce que la somme due soit égale à zéro. Échéance qui pouvait facilement être repoussée jusqu’à un futur indéfini, comme Mère s’en rendit compte à la fin du premier mois lorsque le coût de la nourriture, de l’hébergement et des articles indispensables qu’elle avait achetés à crédit au magasin de la compagnie pour nourrir, habiller et loger ses enfants fut déduit de notre salaire. Le solde était toujours négatif. Ce solde négatif était considéré comme un prêt de la part de la plantation, et Mère devait payer un intérêt sur la somme globale. Mois après mois, sa dette augmentait. Elle n’a jamais diminué d’un iota.
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Une personne qui a réussi à créer une fausse identité sera rapidement amenée à remettre en question l’authenticité de l’identité de quelqu’un d’autre. On ne peut pas vivre dans le mensonge sans croire qu’on est entouré de menteurs et que rien n’est ce qu’il paraît et que personne n’est celui qu’il prétend être.
(A person who has successfully created a false identity will be quickly led to question the authenticity of everyone else’s identity. One cannot live a lie without believing that one is surrounded by liars and nothing is what it seems and no one is who he or she claims to be.)
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Vidéo de Russell Banks
Russel Banks est mort le 8 janvier 2023. Cet écrivain, très apprécié en France, était un ardent critique des dérives de l'Amérique contemporaine. "Le Royaume enchanté", son dernier roman vient de paraître aux éditions Actes Sud dans une traduction de Pierre Furlan.
Nos deux critiques littéraires l'ont lu et vous en parle.
#critique #litterature #russellbanks
__________ Livres, films, jeux vidéo, spectacles : nos critiques passent au crible les dernières sorties culturelles par ici https://youtube.com/playlist?list=PLKpTasoeXDrosjQHaDUfeIvpobt1n0rGe&si=ReFxnhThn6_inAcG une émission à podcaster aussi par ici https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-midis-de-culture
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