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Covid oblige, deux familles dont cinq enfants quittent Montréal pour vivre au milieu de la forêt canadienne. L'autrice hérite de Mary sa maison bleue du même genre que celle de San Francisco, dans la chanson de Maxime le Forestier : elle est ouverte sur la nature, la forêt, les arbres et les plantes, les animaux et les gens, tout ce qui bouge, vit et meure.

Mais si l'hymne s'adresse aux vivants, la mort, son corollaire, côtoie le quotidien dans le règne animal autant que dans celui des humains. Elle est dure, souvent violente. Que ce soit un effet de ce que la pandémie a insufflé de peur dans la société ou simplement la découverte que l'« on est des sauvages » (p 92), la mort atteint les hommes, les femmes, les animaux, les insectes, les arbres... : « Comme un tout. La mort avec nous » (p163).
La pierre tombale de Jeanne d'Arc Morency, une « milkweed woman » ou femme-asclépiade (plante herbacée vivace et résistante au froid), une « heartbreaker » (briseuse de coeur) « trop libre » (p88) sert de fil conducteur, en quelque sorte, à l'histoire. La recherche de son histoire et du pourquoi la stèle est retrouvée dans le jardin ne verra sa résolution qu'à la fin, où l'on apprendra comment elle fait le lien avec les vivants.

Pendant ce temps, Berthold, le vieil érable noir, rare et fort, l'emblème de la maisonnée reste debout. C'est un bateau, une île, une cabane : il veille et protège. L'imagination des enfants entraîne cet élan vital, débridé, qui ramène toujours le récit à la vie. Les rêves et les cauchemars se mêlent, s'emmêlent et se démêlent. Les souvenirs aussi. La parole fragmente en épisodes un feuilleton parfois décousu, souvent poétique.

La langue se nourrit de son environnement et célèbre le végétal, du petit au plus grand spécimen, dans une prose pleine d'images vernaculaires et d'associations savoureuses. L'autrice québécoise narre les « miracles ordinaires » (p151)par bribes délicates et souvent intenses, les détails et sensations par touches colorées, chantantes ou criantes selon le cas, qu'elle éclaire de réflexions anodines et parfois érudites. Elle cristallise ce moment si particulier que fut le confinement de 2020 et le manque vivement ressenti de contact, de confiance et de liberté. En « touriste de la ruralité » (p 163), elle apprend à manger les plantes trouvées dans la nature, enseigne à ses enfants leurs bienfaits et les dangers (p 126) ; et la lecture est un sauvetage.

"Femme-forêt" parle de l'expérience de l'autrice face aux circonstances.. Il y a de l'amour, de la sensualité et de l'érotisme qui me font penser, par-delà le titre, au roman de René Depestre : « Alléluia pour une femme-jardin », dix nouvelles empreintes d'un érotisme caribéen, ainsi qu'à Anaïs Nin, au-delà du prénom commun (p 45). Il y a un retour aux instincts et aux pulsions primaires, à la part intrinsèque de chacun, féminine en ce qui concerne l'autrice, et qui justifie le titre de son récit : « il n'y a plus de peau entre les arbres et moi. » (p 142).

« On est des sauvages » (p92), « le sauvage l'emporte » (p171), le mot « sauvage » revient souvent sous la plume de l'écrivaine. Mais ce qui semble moins sauvage que le monde « sauvage » est la notion d' « ensemble» cultivée par les végétaux, mais que l'individualisme humain ne sait pas reproduire avec un plus grand succès : l'individu humain est indivisible, l'arbre est divisible, mais « il est un, ensemble » (p152).

anne.vacquant.free.fr/av/
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Une belle réussite que ce livre avec une écriture soignée, alternant les phrases courtes, les développements plus longs, les propositions sans verbe, avec des mots choisis pour désigner le moindre objet, animal, arbre, tout ce qui émerge tant de la nature sauvage de la forêt que de celle domestiquée du jardin.

C'est un texte plein de nostalgie où le deuil est accepté, le chagrin respecté et discret, les moments saisis au vol à toute heure de la journée, avec de belles évocations des crépuscules, de la rivière où le corps se laisse glisser, chaque chose paraissant à sa place malgré le temps qui s'écoule inexorablement.

C'est aussi un texte où l'enfance tient une large place, enfance des souvenirs et enfance du présent avec les découvertes qui correspondent à cet âge pas forcément sans pitié à contrario de ce qu'affirmait La Fontaine. Ce sont les plantations, les poules et leurs oeufs, les insectes qui vont passionner les enfants et ils apprendront ainsi le véritable équilibre de la vie.

La forêt est salvatrice de quasiment tout, elle guérit tous les maux, et cette image récurrente, proclamée par cette femme habitée par les arbres et toutes les créatures vivant dans la nature, donne au fil des pages toute sa dimension à un roman tissé "au reste des vivants".
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Anaïs Barbeau-Lavalette, Femme-forêt - 2021 -

Journal de lecture - 26- 27 avril 2024 -

C'est la douceur qui me frappe en premier, la douceur et la poésie simple de ses mots. Tout n'est pas rose, mais le plus difficile se vit avec sens et grandeur. le livre se découpe en petites tranches de vie. J'aime beaucoup aller d'un moment à l'autre avec elle et ses proches. Les passages avec les enfants me semblent les plus beaux. le style s'y fait joueur et taquin. J'aime ces oeuvres où l'on peut se reposer de temps en temps pour mieux aller à la rencontre d'un autre moment sorti de la monotonie du quotidien. Cela ressemble à ce que nous-mêmes nous retenons de certains instants du jour avant d'aller dormir. J'ai beaucoup aimé.

« L'enfant traite le merveilleux avec la délicatesse des sages. »
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« Les rituels sont comme les cailloux d'Hansel et Gretel. Ils tracent un chemin vers la maison. Ils ponctuent une vie comme autant de petites bouées qui empêchent de s'y noyer. Ils sont les repères essentiels, les attaches au temps. »
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Un joli roman plein de poésie pour décrire cette nature dans laquelle la narratrice vit cette période difficile que fut le confinement dû au covid 19.
L'autrice nous donne envie de s'inscrire dans cette nature qui a déjà survécu à de nombreux événements dévastateurs.
L'autrice montre aussi une grande érudition sur de nombreux petits détails de la vie de cette nature. Et cela avec au centre de cette dernière, l'arbre. Ce pilier fort et robuste qui renaît toujours.
Merci pour ce partage.
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A l'instar de la femme qui fuit et dans un tout autre registre, Anaïs Barbeau-Lavalette m'a conquis une fois de plus. Cette fois-ci, elle raconte son vécu au coeur de la forêt en famille pendant le Covid et sa relation symbiotique avec les plantes, les arbres, les fleurs, les animaux et les êtres humains.
Ses mots, les émotions qu'elle décrit me touchent tout particulièrement. Sa connaissance de la nature et de ses interactions est grande.
J'ai découvert le Lomatia Tasmanica, le pin de Bristlecone, le dernier tableau de van Gogh, la Desmodium gyrans et bien d'autres.
C'est une poète et pour la célébrer je vais ajouter quelques citations qui parleront mieux que je ne le ferais. Elle possède la liberté de sa grand-mère mais d'une autre façon. C'est solaire et éblouissant.
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J'ai lu ce livre comme on boit en été: d'un trait, sans pause et sans respirer. J'ai été happé.e par la sensorialité du texte, sa vivacité et la résonance qu'il a fait vibrer en moi. J'en reste marqué.e, pour mon plus grand bonheur!

Les mots ont pris vie, ils ont ondulé comme les feuilles des arbres et les cils des enfants au réveil. Ils ont frissonné comme cette femme au centre de ce qui n'est pas une intrigue tout en restant captivant.

Les pages se sont tournées, vite, régulièrement, comme des bourrasques fraîches venues d'un autre pays pourtant très familier.

Tout semblait là, à portée de main, au creux d'une oreille, à l'ombre d'un arbre: un sourire, une tapisserie qui s'épluche comme une pomme fripée par le temps.

Tout prend vie l'espace d'un instant appelé confinement. Confinement du lecteur ou de la lectrice dans une bulle de verdure sauvage salvatrice.
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Un titre qui m'a attirée dans une librairie, une autrice dont j'ai vu d'excellents avis sur les blogs amis, il ne m'en a pas fallu plus pour repartir avec.

J'ai plongé dans la lecture sans trop savoir à quoi m'attendre, hormis un retour à la nature. En fait, nous sommes au Québec, pendant la pandémie, évoquée juste en passant. Deux familles quittent la ville et ses interdits pour se retrouver en forêt, dans deux maisons. C'est le lieu ou la narratrice passait ses vacances dans son enfance.

Je retiens surtout la plume très poétique, d'une beauté qui emporte. Il n'y a pas véritablement d'histoire, plutôt des fragments de vie au jour le jour. Quatre adultes et cinq enfants la cohabitation n'est pas toujours facile. Ce qui importe le plus pour la narratrice c'est d'entrer en osmose avec tout ce qui l'entoure, les arbres, le ciel, l'eau, tout ce qui la recharge et la fait vibrer.

Elle initie ses petits aux joies simples, aux merveilles qui les entourent, sans cacher son ras-le-bol parfois, mais elle a l'amour chevillé au corps. Sa description des humains qui les entourent en est baigné.

On devine que son mari ne va pas bien tous les jours, on sent que ça vient de loin, elle s'échappe quand il le faut et rejoint des amants de passage, sans y accorder trop d'importance.

La narratrice fait souvent référence à des textes littéraires, notamment ceux de Francis Ponge.

Malgré l'écriture magnifique, au bout d'un moment, il m'a manqué une histoire plus construite. Il semblerait que ce soit presque une suite à "la femme qui fuit" que je n'ai pas lu. J'aurais peut-être mieux compris si j'avais commencé par là.

Je ne regrette cependant pas de l'avoir lu, c'est un roman original et l'écriture est superbe et lumineuse.
Lien : http://legoutdeslivres.haute..
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Dans les profondeurs des Cévennes, sous l'ombre des arbres et la présence des brebis, j'ai plongé dans ce roman, un livre méconnu de la toile, ou du moins de mes yeux.. Je ne savais pas à quoi m'attendre ! La couverture me plait : dommage que la photo ne soit pas réellement sur la couverture.

L'autrice, explore inlassablement les thèmes de la femme, de la nature, des liens humains et naturels. Un territoire fertile pour son imagination débordante d'après ce que j'ai cru comprendre.

Ce texte, tel un petit voyage onirique, m'a transporté dans un monde où les mots se mêlent à l'environnement, où la nature et l'âme féminine dialoguent. Cette immersion m'a questionné. Avec cet ouvrage, j'ai eu l'impression de plonger dans un recueil de poésies.

Pourtant, la structure atypique m'a désarçonné. Des chapitres sans repères, comme les pages d'un journal intime.. Les émotions affleurent, les souvenirs s'entrelacent, une vie se dévoile sous une forêt intimiste.

L'émotion est palpable, les souvenirs se nasse en nombre et toute sa vie nous est dévoilées au fil des pages. Des bribes par-ci et par-là, sous un récit pouvant rappeler un journal intime. La femme qui se trouve dans la forêt y séjourne avec sa famille et d'autres personnes durant une pandémie.

Vivre avec autant de personnes dans ce petit espace n'est pas évidant pour tout le monde. le style intimiste plaira à certains, mais après un moment, j'ai ressenti comme un décrochage.

Une lecture qui m'a laissé en suspens, incapable de donner une note appropriée. C'est un avis en demi-teinte.
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Quelle a été votre stratégie pour vivre durant le confinement ? L'autrice livre un roman nourri de sa propre expérience sur son retour aux sources. Ainsi, la narratrice emménage avec sa famille et des amis dans la maison de son enfance au coeur de la forêt loin de leur quotidien de Montréal. Cette parenthèse est l'occasion d'évoquer les souvenirs d'une histoire familiale riche et tournée vers la nature. Avec des accents oniriques, le récit est une bulle d'oxygène dans un monde alors anxiogène.

Après le triomphe de la femme qui fuit, ce roman explore la femme qui reste, enracinée, vivante. Elle donne sa vision de la filiation et évoque les bienfaits d'être attentif à ce qui nous entoure : la nature et les proches. Et si le temps était venu de regarder vraiment le monde avec lenteur, délectation et un brin de nostalgie ?
Un roman qui plaira aux contemplatifs !
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Chemin faisant forêt commune...Un roman où nombre d'entre nous se donnerons rendez-vous. L'écriture est belle, elle parle aux arbres, à l'enfance de nos mondes, de nos ombres. Poétique, stellaire, sylvestre, amoureuse.
C'est beau, ce n'est pas le bonheur, c'est la vie, si simplement.
Prendre racines, le tronc, les branches, les épines, et caresser les cimes.
C'est le talent d'Anaïs Barbeau-Lavalette.
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