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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Je ne mets que très rarement cinq étoiles à un livre. Pour moi, mettre la note maximale équivaut à une certaine perfection. Mais la perfection n'existe pas... Cependant, je ne me voyais pas mettre un simple "quatre" pour toute la globalité de l'oeuvre, et puis en un sens "Soie" n'est peut-être pas parfait, mais il reste un gros coup de coeur et un petit bijou que je suis très heureuse d'avoir reçu de la part des Editions Tishina et de Babelio.

Je viens juste de finir le livre, il est donc assez difficile d'écrire cette critique sur le chaud, mais je vais essayer d'être le plus explicite possible. Commençons déjà par le texte en lui-même. J'ai beaucoup aimé le style de l'auteur. Un côté très poétique, très vaporeux, et en même temps parfois drôle, triste, poignant. L'amour est au centre de cette histoire de soie, mais d'une façon à peine effleurée. Il est abordé avec élégance et douceur, son rapport avec la soie japonaise est d'ailleurs très présent. Cette douceur ambiante est ce qui rend l'oeuvre très poétique. La lecture de la lettre de l'inconnue à la fin du livre, et les illustrations qui l'accompagnent faisant état des sentiments du héros sont probablement la partie la plus évocatrice de cela. On voit ainsi la profondeur de certaines personnages grâce aux travaux mêlés de Alessandro Baricco et Rebecca Dautremer. Les quelques passages humoristiques sont ainsi très plaisants, et donnent un nouveau souffle à la mélancolie qui s'accentue au fil des pages.

J'ai lu certaines critiques assez négatives sur le texte de l'oeuvre, et je ne vais pas dire qu'elles sont injustifiées ou bien que ces lecteurs n'ont pas compris le livre. Je pense seulement que Soie fait partie des livres que l'on aime ou que l'on n'aime pas. Il peut toucher son lecteur comme le rendre imperméable à l'histoire. Pour ma part, j'ai été touché par le texte de Alessandro Baricco. Et cela n'était pas forcément gagné, car je n'ai pas l'habitude de lire spontanément ce genre de livre. C'est aussi pour cela que j'apprécie beaucoup les masses critiques privées. J'ai toujours l'occasion de découvrir de nouveaux horizons littéraires.

J'avoue que les répétitions de certains passages peuvent se révéler ennuyeux. Pour moi, ils étaient plutôt le synonyme d'un état d'esprit du personnage. Tantôt la mélancolie, tantôt l'envie que tout aille plus vite. Je les ai trouvées importantes pour comprendre l'état d'esprit d'Hervé Joncour.

Pour ce qui est des illustrations... Je suis une grande fan de Rebecca Dautremer depuis des années. Je l'ai découverte grâce à la littérature de jeunesse et aux albums qu'elle avait illustré. J'ai toujours adoré son style unique, poétique, et si expressif. La voir travailler dans un domaine plus adulte était une très belle expérience. Même si je retrouve une part enfantine dans ses dessins, le travail y est plus adulte surtout pour le choix des couleurs et des ombres. Les illustrations ont donné un tout autre sens au texte, plus de profondeur aussi. Je n'ai cependant pas trop accroché aux croquis et dessins plus excentriques. Trop décalés pour ces derniers, et un goût d'inachevé pour les croquis que j'aurais préféré plus aboutis.

En conclusion, une très très jolie découverte. Et je vais probablement suivre de très près les éditions Tishina qui vont, si je ne me trompe pas, éditer d'autres livres sous le même principe.
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Cette histoire est narrée comme un conte à la poésie langoureuse. La langue est simple mais méticuleuse. le récit est court et pourtant, en tournant la dernière page, on garde l'impression d'avoir vécu une vie, ses longueurs et ses impatiences, ses merveilles et ses émois, d'avoir vu les saisons défiler et les années marquer leur empreinte dans les coeurs. Une nostalgie douloureuse habite cette histoire, similaire à la nostalgie qui hante son personnage principal, Hervé Joncour, qui achète et vend des vers à soie, enchaîne les voyages à l'autre bout du monde, depuis la France jusqu'à ce Japon qui s'ouvre à peine et gronde de querelles intestines. En France, Hervé Joncour, qui vend des vers à soie, abandonne derrière lui à chacun de ses voyages une épouse aimante à la voix de velours, et qui l'attend toujours. Au Japon, Hervé Joncour, qui achète des vers à soie, découvre un désir interdit, se charge d'une attente impossible, s'abandonne à la mélancolie de ce qui ne peut exister. Tiraillé entre les deux pôles d'une existence dont il est le témoin passif et contemplateur, Hervé Joncour amasse en richesse ce qu'il perd en joie. Ce récit d'une finesse rare se déroule tel un fil de soie et se conclut dans une poésie tragique qui rappelle la fragilité des êtres, des liens, et du temps qui passe.

Cette magnifique histoire racontée par Alessandro Baricco est sublimée par le travail d'artiste de Rébecca Dautremer dans sa version illustrée aux Éditions Tishina. le livre-objet qui en résulte est un écrin à la hauteur de l'imaginaire qu'il déploie.
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Seta
Je découvre enfin ce très beau texte, dans une magnifique édition. Chaque lecteur peut y appliquer sa propre grille de lecture, le contexte historique, les premières relations commerciales entre la France et le Japon se font autour de l'élevage et la transmission des vers à soie, la figure de Pasteur, le processus de fabrication est en lui-même fascinant de la préparation des cocons à la filature. On peut y rechercher et décortiquer le texte du point de vue de sa symbolique, ou même d'un point de vue psychanalytique, pourquoi pas ? C'est aussi un conte philosophique, autre lecture possible. L'écriture est minimaliste et sensuelle, le fil de l'histoire est tout simple, un effet de répétition lors de la description des allers puis retours de Joncour sert de ponctuation. C'est aussi une histoire d'amour, mais pas vraiment, une parabole sur le désir et la mélancolie qui accompagne inévitablement son assouvissement ? Un amour rêvé qui devient plus fort que l'amour, réel, de la femme qui partage sa vie. Comment un livre aussi court peut-il être aussi difficile à résumer et faire naître autant de spéculations sur ses intentions ? Mais l'auteur lui-même balaye
tout cela d'une main dès l'ouverture du texte. Il est préférable de le savourer sans analyse, de le sentir dans ses mains, ce papier n'a t'il pas la douceur de la soie ? Sa lecture, le seul fait de l'ouvrir et de le lire, le temps qu'on y consacre, est en lui-même magique. C'est comme faire un rêve éveillé, le texte prend vie à travers nous, il vous traverse, et vous effleure avant de disparaître, et vous restez là, une fois le livre refermé, mais vient t'il donc de se passer ?
Un mot sur les dessins tout de même, les aficionados vont s'écrier que le texte se suffit à lui-même,
mais je n'en fait heureusement pas parti puisque je viens de le découvrir pour la première fois. Je trouve que c'est une réussite parce que les illustrations préservent le mystère du texte, ils sont dans l'évocation et pas dans l'interprétation, pas une simple mise en image, mais beaucoup plus que ça. L'emplacement des illustrations est fait de manière très intelligente, ne venant jamais parasité ou prendre le pas sur le texte. Et puis on peut très bien lire le texte en faisant abstraction des images, ou reprendre le livre après coup pour ne regarder qu'elles.
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A 32 ans, plutôt que d'entreprendre une carrière militaire comme le désirait son père, Hervé Joncour a choisi d'élever des vers à soie. Mais en 1861, une épidémie se répand en Europe et au nord de l'Afrique, rendant inutilisables les oeufs des élevages de vers. Seule solution pour ne pas faire faillite : entreprendre un périple au Japon afin d'acquérir les précieux insectes qui sauveront son commerce. Un voyage long et dangereux qui mènera Hervé Joncour dans des contrées inconnues et qui ne le laissera pas indemne. Sa rencontre avec la concubine de son interlocuteur et l'amour qu'il développera pour elle imprimeront en lui une marque indélébile, qui tournera à l'obsession...
Alessandro Baricco nous offre avec « Soie » un très beau texte, certes court, mais plein de sensualité, de douceur et de poésie. Les illustrations de Rebecca Dautremer sont magnifiques et permettent de mettre en valeur cette histoire empreinte de nostalgie et de sensibilité. Un bijou !
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Hervé Joncour n'a pas dirigé ses pas vers la carrière militaire que son père lui souhaitait. Par un hasard bienheureux, lors d'une permission, il fait la connaissance d'un propriétaire de filatures, Baldabiou, qui a vu en lui le voyageur qui lui ramènerait des oeufs de vers à soie.

Huit ans plus tard, en 1861, Hervé a trente-deux ans, est marié à Hélène et n'a pas d'enfant. A la recherche des minuscules oeufs qui font sa fortune, il parcourt de lointaines contrées et revient toujours émerveillé. Il enchante alors son mentor Baldabiou de ses visions exotiques.
Cette année, une épidémie décime les oeufs de tous les éleveurs, faisant des ravages bien au-delà des mers. Baldabiou raconte alors, qu'il est une île où le fléau n'a pas encore sévi. Ce pays est bien plus distant que les quelques milliers de kilomètres déjà parcourus. Ce pays est le Japon.

"- Et il est où, exactement, ce Japon ?
Baldabiou leva sa canne de jonc en l'air et la pointa par-delà les toits de Saint-Auguste.
- Par là, toujours tout droit.
Dit-il.
- Jusqu'à la fin du monde."

Cette île, dans toutes ses complexités, ses terreurs, ses humeurs, est prête à être séduite. Elle n'est plus si hostile au monde étranger et même si elle se montre possessive de son capital, son patrimoine, elle pourrait partager ses larves précieuses.
C'est le début de l'année, Hervé part. Il traverse des villes, des pays, des eaux qui laissent rêveurs... "Wurtemberg, la Bavière, l'Autriche, Budapest, Kiev, le lac Baïkal, le fleuve Amour, la frontière chinoise, Capo Teraya, Ishikawa, Toyama, Niigata, Fukushima, Shirakawa..."
Les yeux bandés, il arrive dans un village où le maître suprême Hara Kei, l'invite à se raconter. Les mots, un peu hésitants au début, s'écoulent comme une eau fluide et charment le seigneur qui n'est pas le seul à l'écouter. Une jeune fille dans son giron, dont le regard n'est pas asiatique, est attentive. L'abandon de son corps est très sensuel, il inspire Hervé qui se questionne sur son mystère. Regards modérés, endigués, mais éloquence très bavarde, Hervé se voit inviter pour un autre séjour. Il repart avec l'amitié de Hara Kei, les inestimables oeufs et le souvenir d'un regard troublant.

De retour chez lui, sa femme l'accueille avec beaucoup de joie et d'amour. Elle est Pénélope qui espère le retour d'Ulysse. Douce femme dévouée, un peu austère, silencieuse, en attente de son mari, d'un enfant, elle représente la sérénité, le repos du voyageur, l'âme stable, immuable.
A Baldabiou, il dira que la fin du monde est "invisible".


1862, le temps du périple est venu. Il doit retourner au village de Hara Kei... Ainsi, sa vie est établie, de départs et de retours. le chemin est le même, mais à son intérêt d'explorateur s'ajoute une fébrile aspiration. Il n'a pas oublié l'illusion, l'émotion qui l'avait étreint.


Plus qu'une mission, c'est la quête d'un désir. Hervé ne le soupçonne pas, il n'émet même pas le fantasme... il se laisse guider et nous le suivons à travers ses voyages, ce deuxième, un troisième, jusqu'au quatrième, l'ultime pour cette partie du globe car l'équilibre de la nation est éphémère comme les murs d'une maison en papier.


Il est le novice qui s'initie, il est le contemplateur qui suspend des instants de vie et qui amasse les idées, la beauté, il est l'aveugle égoïste qui ne discernera jamais le vrai secret de la passion et de l'amour.
"Revenez, où je mourrai." défie le "Promets-moi que tu reviendras."
.
.
Cette histoire est un conte poétique sur l'amour, ses obsessions et ses tentations. D'une beauté mélancolique, nostalgique, épique, elle offre aussi une "douce insensibilité". Hervé qui aime l'exotisme, partir, respirer l'aventure, oublie dans ses missions, sa maison et la femme qui l'habite ; il sait qu'elle sera toujours là, aimante, fidèle, petite ombre noire. Il est envoûté par le Japon... par ses images, sa délicatesse, son expérience, son lyrisme, ses mystères, ses sourires, sa magie, sa cruauté, ses oiseaux, ses rituels... tout un monde qui le trouble et qui chante la volupté.
L'histoire nous révèle une fin qui ne m'a guère surprise, car j'avais découvert où se cachait l'amour... bien à l'abri d'un cocon, invisible, timide, et riche comme les fils de soie qu'il libère. Cette fin me laissera le souvenir d'une lettre, avec ses mots superbes.

Cette lecture n'aurait pas été la même sans les magnifiques illustrations de Rébecca Dautremer. J'avais depuis longtemps noté ce petit roman d'Alessandro Baricco. Asphodèle avait écrit un billet émouvant. Je voyais des estampes que je mariais à des étendards soyeux et colorés, des kimonos légers comme des pétales, des vues de monts et de lacs... A présent, ce sont les dessins de Rébecca...
Comment vous les décrire ? Comment trouver les mots pour rendre le grain de certains pastels ? Les premières pages sont des esquisses crayonnées, des collages, on en retrouve par la suite... puis apparaît le portrait de Hervé Joncour, aux traits fins presque féminins et d'une austère sobriété . On ne peut s'empêcher de tourner les pages, de caresser le papier d'un doigt et de pénétrer l'histoire avant sa lecture. Les dessins parlent. de façon discrète, parfois cruelle, intime, légère... ils sont le complément des mots. Les couleurs sont souvent des sépias, des gris et des verts, un rendu mat, crayeux, pourtant si lumineux et intense. Chaque dessin tire une émotion. J'ai été très réceptive aux portraits d'Hélène ainsi qu'aux planches qui racontent une nuit d'apprentissage. Dans ces réalisations, c'est la pudeur qui est soulignée, ainsi que les sentiments d'abandon et de confiance.
A l'heure où j'écris ce billet, je ne sais plus combien de fois j'ai feuilleté ce livre, revenant sur les dessins, cherchant des détails, admirant la finesse, sa soie, et revivant ma lecture. Sans eux, je n'aurais pas eu ce noeud à la gorge qui fait mal.

Pour ce coup de coeur littéraire et artistique, pour la qualité de ce livre-bijou, pour le voyage, pour la lettre, je vous le conseille... plus que tout.
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Texte d'une très grande poésie, je suis rentré dans l'histoire comme happé du charme de cette rêverie ! Ses allés retours de Paris au Japon, les mêmes chemins, les mêmes strophes noués comme la soie visible et invisible ou l'histoire de cet aventurier applique avec un grand soin le cérémonial d'accueil du peuple Japonais, de sagesse et d'amour enrobé d'illustrations aussi gracieuse que l'écriture... ils étaient fait pour ce retrouver dans ce magnifique livre cet auteur et cette illustratrice !
Parlons enfin de l'aspect graphique, très belle qualité d'impression du livre, de sa jaquette imprimée de part et d'autre avec un pliage savant. Chaque dessin émane une idée, un ressenti ou un trait d'humour mais en aucun cas j'ai retrouvé une illustration classique copié collé d'un texte imagé. Et c'est bien là toute la force de ce livre un roman à quatre mains. Bravo très fier de retrouver ce magnifique livre sur mon étagère et d'en faire la promo à mes élèves adultes peintres.
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ce roman raconte l'histoire d'Hervé Joncour, il vit dans le sud de la France avec sa femme Hélène Joncour, et pour gagner sa vie il cultive les vers à soie dont il ramène les oeufs du Japon. Nous sommes dans la deuxième moitié du XIXème siècle. le voyage qu'il entreprend chaque année dure plusieurs mois, et chaque voyage est l'occasion d'étranges rencontres avec le vendeur d'oeufs et l'étrange femme qui l'accompagne. L'écriture d'Alessandro Baricco est très particulière : par exemple,lorsque j'ai lu Océan mer, c'était la première fois que je lisais un roman aussi halluciné, déconnecté de la réalité, dans mon souvenir il est comme flottant hors du temps humain. Soie est un peu plus réaliste, mais j'y retrouve cette distance : le protagoniste observe sa vie, il vit des aventures remarquables pour son époque et ne semble pas s'en soucier, il est parfois surpris ou intrigué, mais se pose finalement toujours en observateur. Je trouve l'effet produit extrêmement apaisant.
Je me demande tout de même comment j'aurais vécu ce livre, si je ne l'avais pas lu à travers l'interprétation de Rébecca Dautremer. Son empreinte est si forte ! Rien que la couverture avec l'homme japonais tatoué nous entraîne déjà très loin du sud de la France, je crois que si j'avais lu ce roman « seule », le Japon ne m'aurait pas autant marqué.
L'association du coup de crayon de Rébecca Dautremer et de la plume d'Alessandro Baricco apporte également une touche érotique à l'ensemble qui n'est pas non plus pour me déplaire.
Lien : https://synchroniciteetseren..
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Une petite merveille aussi bien pour le texte de Baricco qui est sublime que pour les illustrations de Dautremer qui apportent un nouvel éclairage au texte. Une très belle association à offrir sans réserve pour le plaisir des sens.
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1861. le jeune Hervé Joncour se voit proposer un métier des plus surprenants : acheteur & vendeur de vers à soie. Cette profession voyageuse le conduit à chercher les précieux insectes jusqu'au Japon, quand une terrible épidémie s'abat sur les vers à soie européens. Là, dans ce pays reclus depuis plus de deux siècles, il trouvera la source de ces voiles de néant et celle d'un amour muet.

C'est une histoire qu'on lit comme un conte initiatique : les voyages de Joncour s'apparentent à autant d'épreuves symboliques, les apparences se dévoilent progressivement dans les replis du texte et, si l'on ne finit par sur la ritournelle familière du « ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants », la sensation de leçon à retenir est bien présente.

L'écriture, musicale, déploie avec sensibilité, justesse et élégante, les mystères du Japon, la délicatesse de la soie, les profondeurs des non-dits. le texte s'organise comme une partition, égrenant refrains, contrepoints, accélérations, chants (magnifique lettre finale au rythme pressé de dévoiler ses vérités, respiration retenue puis hachée, suffoquée par le poids des silences retenus !), notes lancinantes, soupirs et mots tantôt dévalant comme des double-croches, tantôt durant, rondes piquées, clés musicales de la succession de plis-mystères que tisse le texte.

A cette soie filante de mots répondent, dans cette très belle édition, les dessins de Rebecca Dautremer, rencontre fructueuse qui démultiplie les échos sensibles et les non-dits du texte. Les illustrations se font ici mise en lumière du texte : défilent, en fils de soie, des crayonnés délicats ; des portraits aux allures de conte ; des collages qui mettent à nu l'élégant patchwork musical du texte ; des clins d'images qui déclinent les petits refrains du récit (les aller-retour France-Japon d'Hervé, la figure tutélaire de Ste Agnès) ; de beaux jeux d'ombre qui mettent en exergue les jeux de voilé-dévoilé de l'histoire.

Il y a, dans les traits, toujours une infime distorsion – que cela soit dans le rendu flou de certaines images, la légère disproportion de certains traits ou regards, la saturation de certaines couleurs- qui rappelle que, sous ses airs réalistes, cette fiction prend des allures de conte étrange ; que, sous sa perfection métrique, cette musique ment-vrai et brouille les sens comme le fait cette soie, qui glisse, comme absente, de la main d'Hervé ; que, sous sa maîtrise, cette langue conte l'histoire de langues qui se rencontrent sans jamais tout à fait se comprendre.

Rébecca Dautremer, en brouillant les frontières, les couleurs et les traits et en mêlant dans ses images différentes techniques, propose en cela, au-delà du caractère purement illustratif du texte, une interprétation, un écho personnel à l'écriture de Baricco. A lire ses images, on lit un texte recomposé, aux mystères éclairés et renouvelés dans un même élan.

Saluons, pour finir, le très beau travail d'édition des toutes jeunes éditions Tishina : élégante jaquette-kimono qui se déplie pour révéler une belle affiche, couverture pistache marquée à chaud, papier au grammage doux, livre cousu (si rare !), illustrations photogravées au rendu de qualité, mise en page raffinée… C'est un superbe objet, qui démultiplie le plaisir de lecture.

A offrir – car qui a dit que les livres illustrés devaient être réservés aux enfants ?

Vous pouvez découvrir quelques images de ce bel ouvrage sur le site des éditions Tishina.

Livre reçu dans le cadre d'une masse critique sur Babelio.
Lien : http://www.delitteris.com/au..
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J'ai beaucoup aimé ce court roman, d'une grande beauté et tout en douceur. le style de Baricco est maitrisé à la perfection et nous y sentons une simplicité poignante, un rythme élégant et une sensualité tout en retenue. Certains passages reviennent, notamment les trajets pour aller au Japon, comme un refrain, sorte de cycles, de boucles qui se referment, de recommencement éternel. 
Cette version illustrée de "Soie" rend à merveille l'ambiance et la beauté du texte. Nous nous plongeons avec délice dans les maginifiques illustrations de Rebecca Dautremer, dans la finesse de ses traits, dans sa perception des émotions et dans son choix ingéniueux des couleurs. Elle a son propre style, reconnaissable entre tous. Rebecca Dautremer mêle différentes techniques, alternant parfois entre des illustrations en couleurs et d'autres au crayon papier. Certaines scènes sont tout particulièrement bien rendues, avec pudeur et élégance. 
Ces deux artistes aux styles prononcés forment un duo exceptionnel pour une oeuvre exceptionnelle, les illustrations mettant le texte en lumière. 
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