Ravage paraît en 1943, et est un des premiers romans de
Barjavel, écrit comme une réponse à l'absurdité de la guerre à laquelle se livrent les hommes. Au delà de son message contre la stupidité de l'homme,
Ravage est un roman qui permet d'enrichir la littérature française d'un genre qui en est à ses débuts: la science-fiction. Certes, déjà présente aux États-Unis sous forme de pulp,
Ravage donne à cette littérature des codes et des fondations qui feront de la science-fiction un genre noble et a contribué à lui donner un élan florissant.
En 2052,
François Deschamps est un jeune adulte venu à Paris pour les résultats du concours de l'école de chimie agricole. Il est ami avec Blanche qui est sur le point de devenir une artiste célèbre comme chanteuse à Radio 300, grâce à l'appui de Jérôme Seita, directeur de cette radio. Mais subitement toutes les technologies vont cesser de fonctionner, plongeant l'humanité dans le chaos. On suit alors la lente déshumanisation qui s'empare des hommes, qui ne vont faire qu'ajouter du
ravage au
ravage.
Cette déconstruction de la civilisation s'appuie d'abord sur la toute puissance qu'elle semblait avoir atteint au début du roman. La première partie est consacrée à la description du monde en 2052: c'est cette partie qui en fait une oeuvre visionnaire et qui constitue la science-fiction du livre.
Barjavel en décrit avec une grande imagination, les multiples inventions (quelque-unes ont vieillit et prêtent à sourire) et imagine les cités de notre futur. Celles-ci se sont construites en hauteur, et des villes dans la ville sont apparues, ces « Villes Radieuses » de 300 étages, abritant 100 000 personnes, inspirées de la cité Radieuse de le Corbusier. Les cités sont épurées: l'humanité semble avoir atteint la perfection, il n'y a plus d'élevage ni d'agriculture car tout est fabriqué en usine.
Barjavel peint avec beaucoup de poésie la ville utopique qu'est devenue Paris et à travers de merveilleuses descriptions de ses lieux connus de tous, il attache le lecteur à cette nouvelle Paris.
Cette civilisation inébranlable subit alors un terrible cataclysme: toute technologie s'arrêtent de fonctionner. le choc est d'autant plus violent que la technologie était puissante et que l'origine de cette interruption n'est jamais révélée dans le livre. L'homme se retrouve impuissant face à un phénomène qu'il ne parvient pas à expliquer, et cet évènement que la science ne comprend pas le saisit d'un profond vertige. le monde est redevenu à l'échelle de l'être humain: il est redevenu immense comme à l'époque où l'homme n'avait que ses jambes pour le parcourir.
Barjavel présente ici une critique du progrès, pas comme un problème en soi, le problème venant plutôt du décalage entre les progrès moraux de l'homme et le progrès scientifique. La vraie nuisance vient toujours de l'homme d'après le roman, sa stupidité revenant cycliquement.
La fin du roman semble optimiste et prône un retour à la simplicité, certes poussée à l'extrême, mais qui a comme bénéfice de toujours éloigner l'homme de ses mauvais instincts.
Barjavel fait l'éloge du travail manuel qui éduque l'homme (il parle d'intelligence de la main). Cependant il concède amèrement que le progrès et la technologie seront toujours intrinsèquement liés à l'homme et que celui-ci cherchera toujours, par l'intermédiaire de quelque esprit brillant, à créer de nouvelles technologies.
Barjavel livre avec
Ravage un classique de la science-fiction et de la littérature française, car il ne remplit pas seulement le rôle de divertissement du roman, mais ajoute une réflexion à ses propos.