Le moment où l'on fait le point, au début de l'été, est un moment assez calme dans le domaine du roman, ce qui a des avantages et des inconvénients. La fièvre plus ou moins artificielle des compétitions littéraires est tombée, le pourcentage d'éclosion publicitaire de jeunes génies est nettement inférieur à celui d'autres époques, on peut déjà prendre un certain recul. Mais, en prenant ce recul, nous avons aussi l'impression, peut-être injuste, que bien des livres sont déjà retournés au néant, que, sur 300 à 400 romans qui ont eu leur heure de chance, 30 à 40 ont eu leur heure de notoriété, tandis que l'oubli se referme déjà sur tous les autres, souvent à jamais. Constatation banale, dont je me dispenserais si, cette année, elle ne prenait une force particulière du fait des événements de ce printemps (mai 68), si nous n'avions l'impression que, du fait d'une vertigineuse accélération de l'histoire, les romans de l'année sont déjà ceux d'un lointain passé.
1908 - [p. 224]