- Tu as entendu parler de Notre-Dame des Sept Douleurs ? Son culte, dans sa version antique, est intéressant. Il y a un rituel avec sept cierges. Chaque fois que j'en allume un, ça veut dire que toi, tu franchis une nouvelle étape. Cheminer sur la voie de la lumière prend du temps. Il faut beaucoup de patience. Alors tu sais quoi, Gary ? On va dire que ta main tranchée, ça comptait pour le premier des sept cierges. C'est cadeau.
Le Chien déverse le contenu de sa boîte à outils sur le sol.
- Pour les suivants, je ne vais pas te parler de la Dame des Douleurs, je vais te la faire apparaître. C'est comme une vision céleste, tu vas voir, au bout d'un certain temps, c'est fou : on l'aperçoit.
Je ne suis peut-être pas aussi intelligente et cultivée que toi, mais je lis les journaux. Il y avait un article à-dessus la semaine dernière dans Femme actuelle.
Je regarde la vue sur Paris et les tours de la Défense. Ces lumières nous faisaient rêver. Comme dans le refrain de Téléphone, on chantait "Un jour j'irai là-bas". Sauf qu'on ne parlait pas de New York. Nos rêves n'allaient pas aussi loin.
Et il culpabilisera, bien entendu, mais il n'en montrera rien. Batista est un homme. Si un homme commence à révéler ses faiblesses, où va-t-on ?
Aujourd'hui, les medias déversent la violence de la planète directement dans votre main. La brutalité en ligne est devenue banale. En rétrécissant ainsi, est-ce que le monde est devenu fou?
Contrairement au dicton, la nuit ne porte pas conseil, je peux vous le certifier. La nuit n'est qu'une longue suite de cauchemars et d'angoisses pendant lesquels votre esprit logique bat la campagne. Si vos malheurs sont suffisamment importants, vous resterez éveiller les yeux grands ouverts, tremblant de tous vos membres, assaillis par les sueurs froides et les terreurs nocturnes.
Où est passée la petite espiègle que tout le monde adorait ? La jeune fille séduisante qui faisait sensation dans les bals ? La jeune femme dont la beauté fulgurante pouvait renverser le plus solide des mariages ? La femme mûre qui faisait tourner la tête à tant d'hommes de pouvoir ? Où sont passées toutes ces personnes ?
Elles sont présentes. En elle. A l'intérieur. Enfouies telles des poupées gigognes.
Je suis là, debout à la fenêtre. Il fait frais. Je regarde pâlir le ciel. C’est beau et triste à la fois.
L’aube se lève. Mais ce matin, je ne crois plus en rien.
Peu de gens s'en rendent compte, mais Paris n'est que le couvercle d'une autre ville aussi vaste. Entre les réseaux des égouts, du métro, du téléphone, les galeries électriques, les parkings, les innombrables caves, les abris datant de la Deuxième Guerre mondiale et les Cata[combe]s, ce sont des milliers et des milliers de kilomètres qui grignotent le sous-sol.
Catacombes n'est pas le terme exact, d'ailleurs, puisqu'il s'agit des anciennes carrières de Paris. [Il] a lu quelque part que si elles existaient, c'était parce que l'homme les avait exploitées durant deux mille ans : gypse, calcaire pour les églises (comme Notre-Dame), craie, argile pour les tuiles (qui a donné le nom des 'Tuileries'), à ciel ouvert d'abord, enterrées par la suite. Elles sont devenues les Catacombes seulement au XVIIIe siècle, lorsque les cimetières surchargés de Paris vomissaient littéralement leurs morts à la figure des habitants.
A l'époque, les gaz de décomposition étaient tels qu'ils filtraient à travers les murs et éteignaient les chandelles de suif. Les parois des caves cédaient en déversant des tonnes de cadavres. Les autorités décidèrent de transférer les corps, ou plutôt leurs restes, dans les carrières inactives.
Ainsi naquirent les Catacombes. Un empire de ténèbres à l'odeur fade d'humidité, au sol parsemé de trous et de crevasses à température constante, été comme hiver, ni trop chaude, ni trop fraîche. Une cité des morts, vingt mètres sous les vivants, totalement coupée du monde des télécommunications.
Elles se trouvaient aux Galeries Lafayette, l'un des hauts lieux de pèlerinage parisien, pour peu que l'on s'intéresse au shopping. Audrey y avait amené Rosa dans le but de lui dénicher un cadeau pour la fête des Mères.
Une mission délicate. Offrez un cadeau à Rosa et elle se plaint, assurant que tout cela est bien inutile, c'est pour les gogos, faire marcher le commerce, de toute façon elle n'a besoin d'aucune fantaisie. Mais ne lui offrez rien, et elle soupire durant des jours, se traînant tel un animal blessé, ravie de se faire plaindre par ses amies et voisines. « Ma fille a tellement de travail, que voulez-vous, c'est à peine si elle a du temps pour s'occuper d'elle-même, alors moi pensez donc, mais je ne vais pas m'en plaindre à mon âge, tout cela n'a plus d'importance. »
(p. 296-297)