Après avoir lu A prix d'or, dans un tout autre registre, je me relance dans le monde de la mine, de l'écocide et de l'avilissement des hommes avec «
Environnement toxique »...
...Un roman graphique qui a eu beaucoup de succès de l'autre côté de l'Atlantique, moins sur le vieux continent, l'esthétique du livre ainsi que son titre n'ayant pas attiré les foules.
Car, si
Kate Beaton s'est fortement employée pour ce pavé, son trait simple et ses têtes carré-rond ne cassent pas trois pattes à un canard. Des irrégularités dans le dessin m'ont fait sortir plusieurs fois du livre, comme à la page 75 où je venais pourtant de m'habituer au style de l'autrice. Heureusement, la BD a d'autres atouts et ses dessins renforcent tout de même l'empathie et l'identification aux personnages, le beau et le moche se diluant, se rapprochant.
L'ambiance grisâtre et fatigante des villes champignons, ou autres camps de travail, m'a régulièrement fait penser à un jeu sérieux sur Arte, Fort McMoney (2013), avec des témoignages vidéos... Un reportage particulièrement innovant.
Mais cessons les digressions et revenons à nos canards : la jeune
Kate Beaton doit maintenant travailler pour payer son prêt étudiant (le futur de la France néolibérale...). Elle se retrouve employée dans une mine de pétrole de l'Alberta, à plusieurs milliers de kilomètres de chez elle, bon gré mal gré...
Et, en plus des difficultés du travail, pas facile de s'intégrer... « J'aimerais bien avoir des potes. Mais ils ne veulent pas être mes potes. » (p. 137). Certains travailleurs, car il y a une très grande majorité de mecs, la voient surtout comme une source de réconfort, une poulette, de la chair fraiche...
C'est aussi ce qui explique la réplique suivante : « Là où je vais, dans le meilleur des cas, je serai une gonzesse ! Et le reste, vous ne voulez pas savoir ! » (p. 268). En effet, comme d'autres femmes partout dans le monde, elle est victime de lourdeurs récurrentes, pour ne pas dire de harcèlement, de viols...
Si l'un de ses « amis » lâche dans une de ses conversations « Les féministes, c'est juste un tas de salopes tarés qui savent pas de quoi elles parlent ! », il est rapidement blacklisté, sans qu'il ne comprenne vraiment pourquoi d'ailleurs (pages 289 et 373)... Ce ne sera pas une grosse perte.
Cependant, l'histoire de Kate Beacon est plein de relief. Sa formation d'anthropologue lui permet de décrire avec justesse cette société de mineurs, avec qui elle partage les peines et les joies. le titre original, « Ducks », évoque la mort de centaines de canards dans des mares de pétrole... Symbole de la surmortalité des peuples autochtones et par ricochet des hommes et des femmes piégés par la violence du système capitaliste... Déshumanisant.
Une certaine expérience du Far West, bien loin de Blueberry...