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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Quelques années auparavant, Alison Bechdel avait éprouvé le besoin d'écrire sur son père, homosexuel refoulé décédé prématurément après avoir été emporté par un camion, devant chez lui. Ce roman graphique lui avait offert les portes de la notoriété et permis de vivre de son art, il s'appelle Fun Home.
Dans C'est toi ma Maman? Alison Bechdel veut maintenant écrire sur sa mère, mais la tâche s'avère plus compliquée. Suivie depuis des années par analystes et psychanalystes, Alison a bien conscience que toutes ses difficultés émotionnelles viennent de cette relation distante et conflictuelle qu'elle a avec sa mère depuis son enfance. Celle-ci a toujours montré plus d'affection envers ses deux petits frères et a arrêté de l'embrasser, ou tout simplement de la toucher quand Alson avait sept ans, la considérant trop grande pour les câlins.
Dans cette tentative de biographie, Alison abolit le temps et passe sans cesse d'un passé à l'autre par effet de réminiscence, associant par un travail de mémoire des événements qui n'ont à priori pas de lien, ce qui donne une lecture plus complexe, sur plusieurs niveaux, où se mêle les propos de ses différentes analystes et de ses nombreuses lectures (notamment Winnnicott et Virginia Woolf, omniprésents ici).
Elle revient en particulier sur les quatre années d'écriture de Fun Home où elle échange avec sa mère sur ce récit dont sa mère accepte la publication avec, on s'en doute, beaucoup d'appréhension. Toutes les deux partagent des valeurs culturelles et artistiques qui leur permet, visiblement, de garder une relation proche que l'amour simplement ne peut pas: on ne parle pas de ses sentiments.
Ce roman graphique dense est moins, finalement, une biographie que la genèse de cette tentative et du travail qu'Alison fait sur elle-même pour trouver son vrai-self. Un vrai travail d'introspection et d'auto-analyse, même si on adhère ou pas à toutes ces réflexions psychanalytiques qui ponctuent le roman. Les graphismes sont toujours aussi clairs et subtils, et la construction du roman très élaborée.

P.S: Alison est à l'origine de la Règle de Bechdel qui permet d'identifier facilement les films sexistes. Je partage la règle avec vous:
- Il doit y avoir au moins deux femmes nommées (nom/prénom) dans l'oeuvre,
-qui parlent ensemble,
- et qui parlent de quelque chose qui est sans rapport avec un homme.
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Après être revenue sur le cas de son père dans Fun Home, Alison Bechdel s'est lancée le défi d'élucider la nature de ses rapports avec sa mère. Elle franchit une nouvelle étape dans l'introspection familiale puisque, si son père était déjà mort au moment de la production de Fun Home, sa mère est encore vivante lors de l'écriture du livre qui lui sera consacré et la rédaction se fait à l'aventure. le point de départ de l'introspection s'ancre dans ce moment qui recueille l'avis de la mère concernant ce projet de biographie familiale et l'écriture se poursuit au fil des coups de téléphone échangés entre la mère et la fille, mais aussi au fil des aventures amoureuse, professionnelle et psychanalytique d'Alison Bechdel. Cette trame quotidienne de premier plan permet d'explorer les strates de la mémoire et de faire surgir des niveaux de signification plus complexes. On ne s'étonnera donc pas de voir souvent apparaître Virginia Woolf dont la technique du flux de conscience à l'oeuvre dans ses romans, ainsi que l'oeuvre vaste de ses journaux intimes, semblent avoir formé la démarche introspective d'Alison Bechdel.


Sur le mode du paradoxe, on découvre avec un peu de surprise qu'Alison Bechdel suit une thérapie psychanalytique pour élucider les raisons qui l'empêchent d'écrire facilement son livre –ce livre qu'on tient entre les mains et qui semble si fluide et passionnant. Mais on remarquera un peu plus tard qu'Alison Bechdel a moins écrit sur sa mère que sur l'impossibilité d'écrire à son propos. Quelques livres marquants surgissent au même moment pour soutenir la réflexion, débloquant au passage quelques sas insalubres pour les rendre mieux praticables. Alice Miller et Donald Winnicott entre autres lui fourniront les concepts qui lui manquaient pour appréhender sa relation avec sa mère sous un autre angle et, mieux encore, ils agissent comme réfracteurs de passé. Puisqu'Alison Bechdel n'arrive pas à regarder directement ses souvenirs pour expliquer l'état présent de ses relations, elle devra se servir d'un intermédiaire qui témoignera de son passé par ses actes présents. Ainsi, l'hyper-intellectualisation dont Alison Bechdel fait preuve dans son analyse témoigne en tant que vestige d'un mode de fonctionnement utilisé au cours de son développement précoce. Elle s'aide ici de Donald Winnicott pour résumer :


« La mère « suffisamment bonne » minimise les conséquences de la faim, du mouillé et du froid. Mais elle n'est pas obligée de s'adapter parfaitement aux besoins du bébé. Ainsi, un bébé qui a faim peut-il se consoler momentanément en se rappelant ou en imaginant son expérience d'avoir été nourri. Mais si pour une raison ou une autre, la mère est préoccupée, le bébé risque de devoir trop compter sur sa propre aptitude à comprendre. »


Elle le cite : « Plus couramment aux stades très précoces lorsque cette caractéristique des soins infantiles reste très marquée, nous observons que le fonctionnement mental devient une chose en soi, qui remplace pratiquement la mère et la rend superflue » avant de transposer de manière impersonnelle cette réflexion à son propre cas : « Au lieu de dépendre de la mère, le bébé apprend à dépendre de son propre esprit. C'est un déni de la dépendance, un fantasme d'autosuffisance ».


Alison Bechdel progresse par énigmes. Elle décortique son âme comme un palimpseste, renvoyant chaque épaisseur au passé dans ses relations avec sa mère. Rien n'est laissé au hasard dans cette étude riche et passionnante dans laquelle Alison Bechdel se présente adorable à son insu, exprimant sans le vouloir ce qu'il y avait peut-être de plus important à dire sur l'influence formatrice de sa mère, et témoignant de la grande faculté que celle-ci lui aura permis de développer dans l'exercice de son esprit critique sur sa propre histoire.
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Voici encore un album très personnel et touchant d'Alison Bechdel. Comme le mentionne si bien le titre, le focus est mis sur sa mère et sa relation avec elle, avec en arrière plan, le père toujours présent malgré son absence. Comme son père est le sujet de l'album précédent, il est préférable de lire Fun Home avant C'est toi ma maman, question de mieux comprendre le lien ravageur qui les uni.

Quelle famille!

Après Joyce et Proust, voici qu'Alison Bechdel s'inspire de Virginia Woolf, du pédopsychiatre Donald Winnicott et de l'auteur pour enfants Dr. Seuss, afin d'illustrer les « tourments d'une artiste à la poursuite de la vérité et les errements d'une vie. »
Ce n'est pas peu dire que cette mère, qui a élevé ses enfants de façon particulière, avec un mari gay inavoué qui met fin à ses jours de façon dramatique, qui vie intensément sa passion pour le théâtre, qui rejette l'homosexualité de sa fille et qui a arrêté de la serrer dans ses bras à sept ans, est vraiment clivante. Elle inspire à prendre un abonnement à des séances de thérapie et psychothérapie à vie.
Ce ce que fait Alison et elle partage son cheminement à nous lecteurs, de bien brillante façon dans son roman graphique de plus de 300 pages de délire maternel.
« Dans ma « lutte » contre ma mère, j'avais libéré mon self. »
« Elle était déjà tellement sollicitée… La seule chose dont elle avait besoin de ma part, c'est que je n'aie pas besoin d'elle. »
« Elle voyait mes blessures invisibles parce qu'elles étaient aussi les siennes. »

Voilà, c'est tragi-comique mais tellement désennuyant. le rêve se mêle à la réalité et les deux se valent, croyez-moi. Ne pas lire si on a des comptes à régler avec ses parents mais plutôt pour apprécier ceux « assez ordinaires »qu'on peut avoir!
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Vous pensez que la psychanalyse, c'est vraiment du flan, et vous maudissez ces intellectuels qui s'expriment de manière "compliquée"? Circulez.

Voici une BD très dense, très analytique, à propos d'une relation mère-fille, et rythmée par le travail de Donald Winnicott.

Alors au début je me suis dit que oh non pfff, j'ai pas envie. Mais par le plus grand des hasards, il se trouve que je suis la fille d'une mère et la mère d'une fille, et qu'en plus j'aime beaucoup Winnicott. Alors j'ai lu.
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Première lecture de l'année, et je suis bien heureuse que ce soit Alison Bechdel !

Plusieurs années après la sortie de Fun Home, consacré à son père, Bechdel décide d'écrire sur sa mère. L'écriture de cette BD lui prendra de nombreuses années, car contrairement à son père, sa mère est encore vivante à ce moment-là.

Prenant appui sur les théories de Winnicott, pédiatre et psychanalyste, elle essaie de comprendre la relation qui l'unit à sa mère - de son enfance jusqu'à l'âge adulte. Cela donne une grande richesse à la BD, qui ne se contente pas de faire défiler les souvenirs. Non, Bechdel analyse ses rêves, utilise les concepts de la psychanalyse et nous raconte longuement ses autres relations : amoureuses, mais aussi avec les différentes psy qui l'ont suivie au fil des années.

Son esprit est bouillonnant, comme toujours, et c'est un plaisir de la lire même si ce n'est pas toujours simple ni de tout repos !
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Extrait de chronique :
"Qu'il se manifeste dans la retranscription d'extraits de livres ou de lettres personnelles, ou tout simplement dans les cartouches, on assiste ici à une véritable incursion de l'écrit dans le dessin, à une prédominance de la pensée intérieure sur le dialogue. Dans C'est toi ma maman, cette intertextualité et cette superposition des voix, des images et des temps de la narration s'intensifient, menant à un véritable enchevêtrement du récit dont il faut démêler les fils. le roman graphique, sous nos yeux, se complexifie, s'enrichit, dépassant ses limites de papier pour s'immiscer dans notre esprit et s'y fixer. Subtile, fort, infiniment intime, il crée en nous un bouleversement sublime, perturbant mais lumineux, alors que l'histoire familiale d'Alison Bechdel prend une dimension plurielle, lorsque s'y superposent ses rêves, ses séances de psychanalyses et, cette fois, non plus les lectures de son père mais les siennes." (...)
Lien : https://lesfeuillesvolantes...
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Les relations maternelles, sujet de prédilection, conscient ou inconscient, de bien des auteurs, est le coeur de cet ouvrage qui s'est avéré beaucoup plus complexe que je ne l'aurais cru, largement entrecoupé d'extraits de Virginia Wolfe et de textes psychanalytiques du Britannique Winnicott. En écrivant ce livre, Bechdel confirme la coupure et la résilience que des années, voire des décennies, de thérapie lui ont finalement permis d'obtenir.
L'attrait des autobiographies sous forme de roman graphique vient pour moi de cette double opportunité de pouvoir choquer, ou d'exprimer avec candeur, autant avec les mots qu'avec les images. Ainsi, l'effet d'un texte de plaisir peut se voir décupler pendant un instant éphémère, souvent à la toute première lecture, puisqu'accompagné par la surprise des oeuvres (planches ou cases dans ce cas-ci) illustrant le propos, ou n'en tenant pas compte. Néanmoins, lorsque l'étonnement des images s'estompe, les mots restent pour ancrer notre réaction initiale, un peu comme le décrit Barthes.

…ces productions de l'art contemporain, qui épuisent leur nécessité aussitôt qu'on les a vues (car les voir, c'est immédiatement comprendre à quelle fin destructive elles sont exposées : il n'y a plus en elles aucune durée contemplative ou délectative), une telle introduction ne pourrait que se répéter sans jamais rien introduire. (Barthes, 1978,p. 32)

Paradoxalement, à travers le texte et les images d'une de ces planches en particulier, une scène anodine familiale ( p.169), Bechdel a su saisir un je-ne-sais-quoi, un souvenir de ma propre enfance que je ne saurais décrire, autant par la parole que par impressions mémorielles. Lire le texte séparément, sans y juxtaposer les cases, n'aurait pas déclenché une émotion qu'on pourrait qualifier de quasi destructive. Les images, malgré qu'elles soient indissociables du propos dans ce cas-ci, dépassent la force du contenu littéraire. L'atteinte du « Cela » n'aurait pu être possible pour moi, et ce, de façon répétée, si le texte n'avait pas été supporter des dessins.
Ainsi, à elle seule, cette planche eut sur moi le même effet d'un texte jouissif,'' à la façon d'un scandale'' (Barthes, 1978, p. 35), indescriptible et troublante, et est devenu ce qu'on qualifie de case mémorable, décrite en ces termes par Peeters; ‘'…la dimension picturale domine la fonction narrative au point de la supplanter totalement'' ( Peeters, 1998, p.18)
Cette symbiose indescriptible de la plume lyrique de Bechdel se retrouve à travers le roman graphique Are you my mother ? , lui conférant une unicité touchante, malgré la certaine lourdeur des propos, qui a l'avantage de garder le lecteur actif tout au long de sa lecture, ce qui est aussi « Cela » pour moi.

Références :
• Peeters, B. (1998). Lire la bande dessinée (2e éd.) France : Flammarion.
• Barthes, R. (1973). le plaisir du texte (p. 23–36). Paris: Éditions du seuil.
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La construction de ce roman graphique introspectif est complexe, mais contrairement à la plupart des critiques proposées à ce jour sur babelio, il me semble que l'on y dépasse largement le cadre de l'étalage égocentrique. C'est un livre très dense, qui utilise l'exemple pour ensuite accéder à une portée universelle : éclairant ainsi sur la construction psychologique de l'enfant et de l'adulte, en lien avec les échanges mère / enfant. Une oeuvre assez exceptionnelle, qui invite le lecteur à se positionner aussi bien du point de vue de l'enfant que dans le rôle de la mère, sans forcément chercher à en tirer certaines conclusions hâtives. Après tout, peu importe de savoir qui est bon ou mauvais, on évoque là les réactions et leurs influences, qui peuvent se transmettre au sein d'une famille, pour les comprendre et s'en libérer.
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