Après
un roman français en 2009, le tome 2 voit le jour au Cap Ferret « grâce » à la pandémie où le monde se fermait à
Frédéric Beigbeder et à tant d'autres.
J'aime les écrivains qui prennent des risques.
J'aime ceux qui déconstruisent.
J'aime ceux qui ont de l'autodérision et une lucidité à toute épreuve sur ceux qu'ils sont.
Alors oui,
Frédéric Beigbeder ne plaît pas à tout le monde et tant mieux, que de tristesse qu'un auteur puisse ne générer qu'admiration tel un dictateur coréen.
N'est-ce pas la preuve de notre diversité et de nos richesses culturelles.
J'aime
Frédéric Beigbeder et j'aime aussi les auteurs confidentiels.
J'aime sa façon de parler de ses livres et sa carapace qui me fait penser à la mienne ne pouvant être brisée que par certains proches.
J'aime sa façon de dire le monde, de révéler à tous sa nature par l'écrit.
J'aime qu'il soit un écorché littéraire tout en respectant ses pairs.
J'aime sa tendresse sur les femmes qu'il a aimées.
J'aime sa faculté à tirer du « juste » dans chaque fait anodin.
Il est bien l'un des plus grands talents pour écrire sur des détails éveillant nos sens.
Avec
un barrage contre l'Atlantique il déconstruit le roman, pourrait-on dire il
l'anéantît.
« Nous devons réinventer notre façon d'écrire pour éviter que la littérature disparaisse au XXI ème siècle ».
Seule la phrase compte, dénuée de surplus.
Vous comprenez à présent pourquoi je saute une ligne à chaque fois, le talent en moins.
Le roman est ainsi écrit avec des blancs entre chaque phrase, des blancs qui diminuent au fil du récit, « les blancs qui entourent les phrases leur donnent une majesté comme un cadre autour d'un tableau » pour retrouver peu à peu l'idée de roman.
Dès le début,
Frédéric Beigbeder prend à parti son lecteur et joue avec lui, tel un toréador dans l'arène il vous devance.
« La littérature est un corps à corps entre deux cerveaux »
J'ai aimé ses contradictions et son absence de prise au sérieux.
J'aime que cette chronique soit inutile car il fait les questions et les réponses dans ce roman.
J'aime que la mémoire soit une « promesse fragile ».
J'ai surtout beaucoup aimé avoir une tendinite à force de souligner plusieurs phrases par page voire toute la page.
J'ai aimé son amour pour ses parents qui pourtant, ne l'ont pas forcément épargné mais ont réussi leur divorce.
J'ai aimé la pudeur qu'il a avec son père atteint de Parkinson.
J'ai googlé Olivia Berghauer, elle va bien.
Les Pezz et les mentos sont encore dans mon tiroir.
Je n'ai connu que quelques slows comme vous Frédéric mais j'y ai ressenti exactement les mêmes sensations.
Comment est-il possible que nous soyons aussi similaires dans nos sens ?
Cette émotion collective est surprenante, nous pensions être les seuls à avoir connu certaines situations et pourtant nous étions bien plus nombreux.
Présomptueux que nous sommes.
J'ai eu envie de vous partager chaque phrase ou presque car elles sont quasiment des
aphorismes.
« Depuis
Victor Hugo, toute personne qui écrit devant l'océan est ridicule ».
« Mes ennemis rêvent de votre dépravation alors qu'en réalité vous ramassez toute la journée des figurines en plastique de Zorro, avant de caresser un lapin noir dont c'est le nom »
J'ai aimé sa paternité et son coeur qui saigne en voyant sa fille partir alors qu'il espérait une grève des cheminots.
J'ai aimé ses pères de substitution comme Benoit Bartherotte, le « collectionneur de ciels » qui se bat pour que sa digue continue de résister.
J'ai aimé sa protection de la nature sans condamner le dandysme, avec toutes ses facettes parfois contradictoires mais pour le moins attachantes, que vivent « les aigles dans l'écume ».
« L'auteur tente de survivre, le lecteur de ne pas s'emmerder »
J'ai aimé sa manière de parler de l'ennui, notion devenue péjorative et ingrate en 2022 alors qu'elle est une vertu.
J'ai aimé sa désobéissance et sa manière d'être un enfant dans un corps adulte.
Je me suis souvenu de la manière dont il parle du rapport à la sexualité dans son enfance et des prédateurs dans nos vies auxquels nous avons échappé par prudence de nos parents.
J'ai aimé Mademoiselle Beucler qui lui a enseigné un poème de
Baudelaire sur l'inceste et le féminicide en comparant aux insultes qu'elle aurait reçues aujourd'hui.
J'ai aimé sa manière de condamner les réseaux sociaux et la technologie qui éloignent les Hommes et de s'y tenir.
J'ai aimé sa relation avec
Laura Smet et sa condamnation personnelle en transformant « l'or en boue », oui, j'aime quand on a autant de lucidité sur ses propres actes et autant de clairvoyance sur son rapport aux autres.
J'ai aimé le voir se comparer à Sim en discothèque ou se cacher dans un placard pour… non cela doit rester dans ce livre mais c'est croustillant.
Et puis il y a cette dernière phrase, celle pour laquelle le roman est écrit, celle qui définit tout et qui fera pleurer certains d'entre vous.