Le paradoxe de l'émigré veut qu'un homme ayant quitté sa terre natale n'y sera plus jamais chez lui, comme il ne le sera jamais vraiment sur sa terre d'accueil.
En grandissant, l’idée de porter non un vrai prénom, celui d’Antonio, mais un diminutif me met mal à l’aise. Comment prendre un Tonino au sérieux ? A fortiori avec un nom à rallonge ? Aucune voyelle ne manque. Ce que je redoutais s’accomplit : quiconque s’adresse à moi le fait avec l’accent : Tonnnino Benacquiiista ! C’est gouleyant, ensoleillé, ça rappelle les vacances à Capri. Si l’on veut m’agréer, c’est raté ; je m’interroge trop sur ma « ritalité » pour céder à ce folklore, car les stéréotypes, même bienveillants – pasta, mamma, opéra, mafia, dolce vita –, restent des stéréotypes, qui renseignent avant tout sur ceux qui les véhiculent.
Faute de réparer, écrire c'est rétablir. C'est rendre dicible ce que l'on pense, ce que l'on ressent, ce que l on est.
On pense à tort que le buveur cherche l’ivresse. Il veut simplement retrouver un état normal, le point zéro de sa conscience, celui où, une fois l’inquiétude dissoute, il dispose enfin de sa propre vie. Il éprouve alors un tel soulagement qu’il veut s’y maintenir à tout prix. Et il boit ce verre de trop qui va le griser à l’excès, le pousser à fraterniser jusqu’à la gêne, ou, à l’opposé, le rendre agressif ou ressassant, et dans tous les cas pathétique aux yeux de l’abstinent.
p. 181-182
A tant regretter le passé, à tant craindre le futur, comment pourraient-ils nous faire aimer le présent ?
C'est dans cet aéropage que je puise pour créer mes personnages de fiction, volant à celui-ci un détail physique, à celle-là un trait de caractère, que j'agrège selon mes besoins et mes envies.
Le suicide du buveur est lent pour qui ne sait pas malade. p. 77
Dans la série des révélations qui jalonnent notre enfance, nul ne saurait identifier l'évènement qui nous fait basculer dans l'âge adulte. Est-ce le jour où nous nous sommes vus comme des entités pensantes ? Ou comme des poussières dans l'univers ? Est-ce le jour où nous nous avons pris conscience que nous étions mortels ? Celui où nous avons découvert le sens de l'altérité ? Celui où nous nous sommes affranchis de l'agrément des maîtres ?
Je me repasserai "2001 l'Odyssée de l'espace" tant que je n'aurai pas compris son épilogue, ce qui n'arrivera peut-être jamais.
Faute de réparer, écrire c’est rétablir. C’est rendre dicible ce que l’on pense, ce que l’on ressent, ce que l’on est.