Le grand
Pierre Benoit, celui de «
L'Atlantide » et de «
Koenigsmark » (en gros celui d'avant-guerre), a laissé la place à un romancier toujours aussi intéressant mais beaucoup plus prévisible : il y a toujours chez lui une femme aussi belle que dangereuse, et des hommes qu'elle mène par le bout du nez. Seul change le décor, et le cadre de l'aventure.
Le désert de Gobi, si vous n'êtes pas familier de la région, se trouve quelque part en Extrême-Orient. Pour vous situer, c'est là que l'on retrouve un cargo disparu en 1925 dans le Triangle des Bermudes, dans les premières séquences de « Rencontres du troisième type ». Un endroit pas très hospitalier à cheval (ou à chameau) entre le nord de la Chine et le Sud de la Mongolie.
Le héros s'appelle Michel. Ce n'est pas Michel Strogoff bien qu'il soit russe et lieutenant dans l'armée impériale. Lui, c'est un aventurier à la petite semaine, qui n'a d'yeux que pour la belle Alzire. Celle-ci, une Eve sans feuille de vigne, (les plus dangereuses), se joue de lui comme de tous les hommes, et, câline et machiavélique, le pousse à sortir de lui-même (ce qui n'est pas une mauvaise chose en soi tant le personnage est peu intéressant). L'occasion est toute trouvée, une chasse au tigre blanc dans les étendues désolées du Désert de Gobi. Accompagné de Sanders, un véritable aventurier, celui-là, Michel part à la rencontre du félin mythique.
Sur ce canevas,
Pierre Benoit nous concocte une de ces aventures exotiques dont il a le secret : une bonne leçon de géographie, des retournements de situations, des personnages que l'on croit figés et qui changent de visage… On ne s'ennuie pas (la magie du décor y est pour beaucoup) mais la grandeur épique fait quand même défaut : « on ne sent pas souffler l'épopée » comme on dit chez Audiard. Cela dit, le rythme est soutenu, l'histoire tient la route, et les personnages, sans être des plus attachants, ne manquent pas de relief.
Ce qui fait que
Pierre Benoit continue, roman après roman, à entretenir et captiver un public fidèle c'est sans doute ce souci d'exotisme ou de dépaysement (sortir de chez soi), mais c'est pour une bonne part cette qualité d'écriture, fluide et élégante, charmeuse et magnétique, qui saisit le lecteur dès les premières lignes, et qui d'une certaine façon, aide à « faire passer » le convenu des situations, et pour nous lecteurs du XXIème siècle, le malaise que font naître les mentalités machistes, racistes colonialistes, qui avaient cours au siècle dernier. La façon dont
Pierre Benoit décrit les femmes, et celle dans un autre débat, dont il décrit les indigènes, seraient mal vues aujourd'hui si on ne les replaçait pas dans le contexte…
Pierre Benoit est un conteur, un raconteur d'aventures, il n'est rien d'autre. En tous cas dans ce genre d'ouvrage. En revanche, dans ses oeuvres plus psychologiques (qui se déroulent en France métropolitaine) il fait preuve d'un bon sens de l'analyse de l'âme humaine (féminine, notamment) qui le rapproche des grands écrivains de son époque.
«
le Désert de Gobi » ne vous laissera pas un souvenir impérissable, mais c'est un bon moment de lecture, que vous apprécierez, j'en suis sûr, si vous n'êtes pas trop chinois.