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EAN : 9782070361823
154 pages
Gallimard (23/08/1972)
3.46/5   168 notes
Résumé :
Approche-toi.
Tire un peu sur les manches, et sur le col. Ca va. Je te fais officier de la Légion d'honneur. Ne me remercie pas ! Tout le monde en ferait autant à ma place... Comme tu es grand, assez maigre, et que tu as le nez rouge, que ton faciès présente quelque chose à la fois de bilieux et d'alcoolique, tu seras mon attaché militaire. Quel grade veux-tu ? Colonel ? Tu es un peu jeune ! Commandant ! Je t'appellerai " Commandant ! " Tu m'appelleras : " Mo... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (27) Voir plus Ajouter une critique
3,46

sur 168 notes
Ce fut ma première lecture de Jules Romains, voici bien longtemps.
La farce était fort sympathique, qui ridiculisait pas trop méchamment le Politique, l'Armée et le Clergé.
Ce sont Ambert et Issoire, imprudemment ostentatoires sur la carte de France, qui feront les frais de ce canular minutieusement concocté.
Le livre est aimable, donc, et j'en relirai volontiers quelques bon morceaux bien savoureux dans mon souvenir.
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Une lecture que j'ai engagée contrainte et forcée (par les lois de la camaraderie), à cause du désagrément très prononcé que j'avais eu à regarder le film avec Claude Rich, Noiret et consorts. Film ouvertement franc-maçon (pour ceux qui l'ont vu: "Vous êtes maçon, Monsieur? - Moi aussi, je suis maçon!" etc.) qui évoque une volonté morbide de subversion destructrice par haine de la société française, et nous rappelle les dignes origines de mai 68 et du Syndicat de la Magistrature.

Eh bien, rassurez-vous: c'est une récupération et un détournement. Chez Jules Romains, rien de tel. L'esprit, tout différent, est celui d'une bande d'amis qu'emmerdent les conventions, les idées reçues, les allocutions officielles, lesquelles sans doute - à la différence du "politiquement correct" - n'étaient pas intrinsèquement toxiques, venimeuses et suicidaires, mais dont la médiocrité et "l'esprit de sérieux" n'en étaient - évidemment - pas moins ressentis comme épisodiquement asphyxiants par les jeunes gens intelligents, surtout s'ils aimaient la fantaisie.

Alors, tout y passe: les politiciens de province, l'Armée, les curés, mais il n'y a aucune haine, c'est drôle comme un monôme de potaches qui s'amuse sans intention de faire mal ou de mal faire. Le sermon du curé était ce que je redoutais le plus parce que je l'avais trouvé écoeurant dans le film. Or il est ici à se rouler par terre. C'est de la farce, et le cataclysme orgiaque en guise d'ite missa est relève de Rabelais ou Brassens (*). Un grand moment d'anthologie.

Cette lecture m'a poussée à une réflexion un peu plus profonde à partir du contraste entre le film et le roman. En effet, les dialogues, les scènes, et même le sermon du film sont étrangement fidèles à ceux de Jules Romains. Et cependant le film est répugnant et sinistre tandis que le livre est joyeux et optimiste. le tout, une fois de plus, n'est pas la somme des parties. C'est l'esprit qui fait l'oeuvre. L'âme au sens d'Aristote, le principe de mouvement qui la transcende et la fait vivre.

Je terminerai en ajoutant cette autre réflexion personnelle, qui, oh! sans doute ne casse pas non plus trois pattes à un canard (mais bon je n'ai jamais prétendu au génie): impossible de "citer des extraits"! Par définition, dans un grand roman, qu'il soit tragique, comique, les deux ou ni l'un ni l'autre, il n'y a rien à jeter, et toute citation paraît dérisoire au regard de l'ensemble. Il faudrait pouvoir tout citer, et comme dans une nouvelle de Borges, on se retrouverait à réécrire tout le bouquin!

Ah, si peut-être, l'appel à l'autorité de saint Pie X pour justifier le sermon... Mais non, lisez tout.^^

-
(*) On apprend par René Fallet que Brassens avait détesté le film. Pour quelle raison? C'est ce que Fallet ne dit pas. Mais je me plais à imaginer que Brassens était trop "sain" pour apprécier la subversion vicieuse; sa "subversion" à lui étant d'une toute autre nature, et certainement incompatible avec la haine sordide du film.
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Des livres, même en édition de poche, ont des vies courtes (les traductions des romans de Steven Saylor par exemple) et d'autres comme Les copains de Jules Romains ont une longue vie.
Jules Romains tourne en dérision trois institutions : l'armée, le clergé , les représentants de la vie politique. N'ayant aucun rapport avec ces institutions, je n'ai pas pu apprécier à leur juste valeur, les farces qu'il proposait.
La longue vie de l'édition cette étude de moeurs m'étonne, car le livre est politiquement incorrecte : Les copains se sentent heureux que lorsqu'ils ont bu plus de raison, les copains sont des parisiens qui jugent la province avec beaucoup de morgue.
Jules Romains qui s'est bien moqué des travers de la société, et il s'est fait élire à l'académie française, haut lieu de la société dont il s'est moqué. « Les copains » est sans doute une oeuvre de jeunesse.
Il y a eu deux éditions « des copains », une avant et après la première guerre mondiale, malgré cette guerre, le texte reste intemporelle, seule l'amour de la bicyclette permet de situer l'époque du roman.
L'édition de poche n'a pas de préface pour présenter le texte, c'est dommage car peut être que j'aurais pu être plus sensible à l'ambiance des "Copains".
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Je n'ai pas pour habitude d'abandonner une lecture mais ce roman avait une fâcheuse tendance à me tomber des mains dès les premières pages. J'ai pourtant trouvé l'écriture riche et les descriptions très imagées… C'est le sujet du roman qui ne m'intéressait pas et je me demande encore en quoi les farces de ces étudiants peuvent avoir un impact positif sur les institutions qu'ils ridiculisent. Les protagonistes ne m'ont nullement été sympathiques et leur philosophie qui fait l'apologie de l'acte gratuit, de l'acte pur (qui n'est pas sans rappeler Les caves du Vatican) est loin de m'avoir convaincue de son intérêt. Bref, je trouve que le livre a très mal vieilli, ce qui ne m'empêchera pas revenir à cet auteur à l'écriture très accomplie.
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Livre que je vais oublier rapidement. Je n'ai pas été emballée, j'ai trouvé cela fade sans grand intérêt. L'Odyssée de farceurs, qui ne m'aura pas amusée. Déçue quand même j'avais apprécié Knock du même auteur.
Lien : http://araucaria20six.fr/
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Citations et extraits (27) Voir plus Ajouter une citation
Quand ils eurent déjeuné, Bénin réclama la note.
— C’est facile à compter. Vous avez d’abord la chambre, à cinquante centimes par personne…
Les copains échangèrent un regard évangélique, et considèrent l’hôtesse avec affection.
— Ça fait un franc… Puis les deux guignolets à soixante centimes chaque, ce qui nous fait un franc vingt, plus un franc, deux francs vingt…
Les copains échangèrent un deuxième regard qui voulait dire : « Le guignolet est un peu cher. Mais ça doit tenir au climat, et nous aurions tort de nous plaindre. »
— Puis deux cafés au lait à un franc chaque, ce qui nous fait deux francs. Deux francs et deux francs vingt, ça nous fait quatre francs vingt.
Bénin se hâta de tendre une pièce de cinq francs, et il ouvrait la main pour recueillir la monnaie.
— Ça fait juste le compte : trente centimes pour l’éclairage… quatre francs vingt et trente quatre francs cinquante… et cinquante centimes pour les deux bicyclettes… Vous ne laissez pas un petit pourboire ?…
— Mais… je n’ai pas vu de bonne… vous êtes bien la patronne ?
— Oui ! Faut vous dire, ma bonne est à la noce d’un de ses cousins ; mais elle rentrera demain… ça lui aurait sûrement fait plaisir…
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Vercingétorix avait une pose simple, mais belle : la main gauche sur la cuisse, la main droite tenant les rênes de son cheval.
Vercingétorix était nu. Il avait pour tout équipage un bouclier, pendu à son dos; une sorte de sac, de musette gonflée, sur le flanc gauche; et des brodequins.
Vercingétorix avait une tête martiale, certes, mais singulièrement poilue; sa barbe lui remontait jusque sous les yeux, lui inondait les joues, et confluait avec une épaisse tignasse.
Il avait le corps poilu comme la tête; la toison longeait le sillon de la poitrine, s'épandait sur le ventre, et foisonnait plus bas. Cheveux et poils, d'ailleurs, parfaitement imités.
Son sexe, bien étalé sur l'échine du cheval, frappait à la fois par sa grosseur et par son naturel. Les dames, et plus d'une jeune fille, n'en finissaient pas de l'admirer.
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LES COPAINS
Chapire VIII - Les copains

— Bénin !

— Quoi ?

— Tu es bien sûr de ta route ?

— Mais oui !

— Parce que je trouve que ça monte de plus en plus. Tu n’as pas l’intention de nous faire bivouaquer sur une montagne ?

— Je t’ai déjà dit que la maison est sur la pente même du Testoire, à douze cent cinquante, ou treize cents… Tu n’y arriveras pas en te mettant sur le cul et en te laissant glisser.

De vrai, ça commençait à grimper assez dur. On ne savait plus guère où on mettait le pied, et on butait à chaque instant. Puis il y avait de plus en plus d’eau. Des filets invisibles gargouillaient un peu partout.

— J’ai les chaussettes mouillées.

— Tu les sécheras au feu.

— Ne récrimine pas contre cette eau ! Quand tu l’auras goûtée, tu m’en diras des nouvelles ! Ah ! ce n’est pas du pipi de robinet ! Les roches du Meygal lui donnent une saveur unique.

— Quand j’ai de l’eau dans mes chaussettes, je me fiche bien du goût qu’elle a.

Le terrain était si pénible que la file tendait à se disloquer. Chacun se tirait d’affaire de son côté, et comme il pouvait, au milieu des ronces, des chicots et des trous. On s’ingéniait à préserver les bouteilles et la vaisselle. Les personnes elles-mêmes avaient moins d’importance.

Bénin s’arrêta :

— Ne nous lâchons pas !… ne semons pas les derniers !… ça serait affreux. Tout le monde est là ?

Les traînards se rapprochèrent.

— Quatre… cinq… six… Et Martin ? Où est Martin ?

— Tiens ! c’est vrai !
— Toi, Omer, tu étais l’avant-dernier… qu’est-ce que tu as fait de Martin ?

— Ma foi… il marchait encore derrière moi il y a trois minutes… je pensais qu’il me suivait.

— Oh ! le pauvre diable ! Il est peut-être tombé, ou il nous a perdus… Il y a eu un petit tournant tout à l’heure…

Tous se mirent à crier :

— Martin ! Martin !

Leurs cœurs battaient vite ; leurs gorges se serraient. Ils avaient beaucoup de peine, soudainement.

— Martin ! Hé ! Martin !

— Attendez !… je vais redescendre un peu… Vous, continuez à crier !…

Omer, dégringolant la pente, disparut bientôt derrière les feuillages. De temps en temps, les copains poussaient un appel. Lesueur avait posé son sac sur une roche moussue.

— Les voilà !

C’était Martin, et Omer à ses trousses, comme un mouton que le chien ramène.

— Alors, mon vieux ! Qu’est-ce qui t’est arrivé ?

— Rien de grave, hein ?

On lui tapait sur l’épaule ; on le regardait avec affection. Lui souriait, mais ses lèvres tremblaient visiblement, et ses yeux en amande s’étaient un peu dilatés. Il finit par dire, d’une voix d’enfant qui a eu peur :

— Vous alliez plus vite que moi… je suis resté en arrière… et au tournant, je me suis trompé… il y avait une petite éclaircie… j’ai cru que c’était le chemin…

— Oui, je l’ai trouvé en plein fourré, immobile. Il ne savait plus que faire. Pauvre vieux !

— Il est peut-être fatigué. On va lui décharger son sac !

— Merci… non ! non !

— Tu nous ennuies… Et puis tu marcheras en tête, entre Bénin et Broudier. Ton ancien ministre te surveillera.
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LES COPAINS

Chapitre VII

DESTRUCTION D’ISSOIRE

L’après-midi de ce même jour, entre trois heures et quatre heures, la matière d’Issoire subit des changements profonds.
Elle se contracta et acquit en densité ce qu’elle perdait en volume.
Les maisons de la périphérie se vidèrent d’abord ; les portes faisaient un à un des hommes vêtus de noir, comme une chèvre fait ses crottes, et jusqu’à épuisement. Cette espèce d’envie gagna les maisons de proche en proche. À quatre heures toutes s’étaient soulagées.
Une fois dehors, les hommes se mettaient en marche. Il n’y avait qu’un sens et qu’une vitesse.
De carrefour en carrefour les itinéraires convergeaient. Il se formait ainsi des rues de plus en plus épaisses, de plus en plus lentes.
Cependant que, vers le centre de la ville, la place Sainte-Ursule gonflait comme un biniou.
À quatre heures Issoire était devenu la place Sainte-Ursule.



On allait inaugurer au milieu de la place la statue équestre de Vercingétorix.
La chose avait traîné longtemps. Une première souscription nationale, organisée sept ans plus tôt, n’avait produit que la somme de soixante-seize francs vingt. Avec cette somme, le Comité d’initiative fit établir un modeste terre-plein sur la place Sainte-Ursule.
La vue de ce terre-plein finit par provoquer, au bout d’un an, l’ouverture d’une souscription régionale. L’élan de la région fut tel que l’on recueillit huit cent trente-deux francs. Avec cette somme, le nouveau Comité fit construire sur le terre-plein un socle de granit.
La vue de ce socle eut le meilleur effet sur un riche entrepreneur de démolitions, originaire du pays, et qui passait à Issoire un mois de vacances. Il offrit à la ville un cheval de bronze qui provenait de la démolition du Palais de l’Industrie.
Le cheval de bronze fut amené à Issoire aux frais du donateur. Il ne manquait plus que Vercingétorix. En attendant, on logea le cheval à l’Hôtel de Ville, dans la salle des mariages.
Et voilà qu’au commencement même du mois d’août un jeune sculpteur parisien, qui se disait « admirateur passionné du héros arverne », avait écrit au conseil municipal pour lui proposer de parachever le monument, et de donner au cheval un cavalier digne de lui. Il ne voulait aucun salaire. L’honneur lui suffirait.
C’était une aubaine. Les journaux locaux se montrèrent enthousiastes. On forma hâtivement un Comité d’honneur et un Comité d’action. Dans une seconde lettre, le jeune sculpteur annonça que son œuvre, ébauchée depuis plusieurs mois, ne réclamait plus que quelques jours d’un travail fiévreux. On l’avait invité à se rendre à Issoire « pour prendre des mesures ». Il répondait que c’était inutile ; qu’au cours d’un voyage « incognito », il avait examiné de près le socle et le cheval de bronze ; qu’il possédait à ce sujet, des notes abondantes et précises, et que tout irait parfaitement. Il se bornait à demander qu’on installât d’avance le cheval sur son socle, pour qu’il n’eût pas à s’en occuper. La veille, ou le matin de l’inauguration, Vercingétorix serait apporté place Sainte-Ursule, par les soins mêmes de l’artiste, et fixé sur sa monture. Un voile recouvrirait l’ensemble de la statue jusqu’à l’heure des discours. Le maire avait offert au sculpteur l’hospitalité de sa maison pour la durée de son séjour à Issoire. Il remerciait avec beaucoup de politesse. Il préférait descendre chez un sien ami, dans la demeure de qui il trouverait des commodités particulières pour certains apprêts techniques de la dernière minute.
De fait tout avait bien marché. On avait installé, non sans peine, le cheval sur son socle. Le socle était un peu petit, mais solide. Pour aiguiser la curiosité publique, on avait jeté une bâche sur le cheval.
Le jeune sculpteur parisien était arrivé à Issoire, mais si discrètement que personne ne l’avait vu. On n’avait pas remarqué davantage que le chemin de fer eût livré une caisse ou un ballot de taille à contenir Vercingétorix. Mais on n’en conçut que plus d’estime pour un artiste qui aimait moins le bruit que la besogne.
Le dimanche de l’inauguration, vers midi, quand les rues sont vides, un camion chargé était venu s’arrêter place Sainte-Ursule, contre le terre-plein. Trois aides, en blouse blanche, avaient hissé rapidement Vercingétorix sur son cheval, sans le sortir de l’appareil qui le protégeait : une sorte de châssis de bois qu’une toile recouvrait de toutes parts. Vercingétorix échappait ainsi aux yeux des hommes et au contact de la toile.
« Vous comprenez, dit un des aides aux quelques badauds rassemblés, la dorure n’est pas encore bien sèche, et la toile, en frottant dessus, ferait du dégât. »



À quatre heures, la place Saint-Ursule avait accaparé la substance d’Issoire, et la soumettait à un ordre nouveau.
Le centre d’Issoire, le nombril du monde, le siège de la divinité, c’était la statue.
On ne la voyait pas encore, mais on l’imaginait. Tous les esprits projetaient au même point une vision de Vercingétorix à cheval, dix mille fantômes s’entre-choquaient, se pénétraient, s’identifiaient.

En face de la statue voilée, une petite tribune, tendue d’étoffe tricolore, prenait racine dans l’épaisseur d’une musique militaire.
Autour de la statue, en rangs concentriques où la musique militaire faisait comme une nodosité, les notables, vêtus de leur costume d’enterrement, les fesses épatées sur des chaises.
Autour du disque noir des notables, une zone mince et transparente : les enfants des écoles, sur des bancs.
Autour d’eux, un cercle de gens debout, des invités de seconde classe : une espèce de remblai en terre bien tassée.
Autour des gens debout, un cordon de fantassins, l’arme au pied.
Derrière les fantassins, la foule amorphe.
Au plus obscur de la foule amorphe, Bénin, Broudier, Huchon, Omer, comme un calcul dans un rognon.
Omer chuchotait :
« Ça ne peut pas réussir. Personne n’y coupera une minute. »
Broudier répondait :
« Pas sûr, mon vieux ! Il a fait ce métier-là dans les baraques foraines, du temps qu’il battait la purée. »
Huchon essuyait ses lunettes.



Le programme de la cérémonie comportait, d’abord :
La Marseillaise, par la musique militaire ;
Le Soleil d’Espagne, chœur, par les enfants des écoles ;
Tic, toc, tin, tin, tin, pas redoublé avec chants, par la musique militaire.
Dans les halliers, chœur, par les enfants des écoles ;
Puis les discours.
La série en était ouverte par M. Cramouillat, député d’Issoire et conseiller général, président du Comité d’action. C’était même à la fin de son premier mouvement oratoire, sur les mots : « Te voici, Vercingétorix ! » que la statue devait soudain apparaître aux yeux.
On avait dressé comme un treuil, derrière la statue. Il suffirait qu’un manœuvre tirât sur une corde pour que le léger appareil qui cachait l’effigie s’enlevât d’un coup et vînt se poser sur le sol. Les notabilités ne laissaient pas d’admirer ce dispositif, qui leur remettait en mémoire les trucs les plus fameux du théâtre de Clermont.
Après le dernier refrain de Dans les halliers, et quand se furent éteints les bravos de la foule, M. Cramouillat prit la parole.
Il commença par quelques souhaits de bienvenue aux autorités et notabilités. Puis il rappela la longue gestation du monument. Il le montra, sortant du sol de la place Sainte-Ursule, grandissant d’année en année avec force et patience, comme un chêne d’Auvergne. Il salua au passage toutes les initiatives, tous les dévouements, toutes les générosités, qui se partageaient le mérite de cette œuvre presque décennale. Et c’est alors seulement qu’il s’écria :
« Te voici, Vercingétorix ! »
La corde grinça ; l’appareil s’enleva ; Vercingétorix apparut.
La foule fit un vaste applaudissement.
Vercingétorix éblouissait les regards ; il luisait comme un chaudron neuf. On ne voyait que cela, d’abord.
Vercingétorix avait une pose simple, mais belle : la main gauche sur la cuisse, la main droite tenant les rênes de son cheval.
Vercingétorix était nu. Il avait pour tout équipage un bouclier, pendu à son dos ; une sorte de sac, de musette gonflée, sur le flanc gauche ; et des brodequins.
Vercingétorix avait une tête martiale, certes, mais singulièrement poilue ; sa barbe lui remontait jusque sous les yeux, lui inondait les joues, et confluait avec une épaisse tignasse.
Il avait le corps poilu comme la tête ; la toison longeait le sillon de la poitrine, s’épandait sur le ventre, et foisonnait plus bas. Cheveux et poils, d’ailleurs, parfaitement imités.
Son sexe, bien étalé sur l’échine du cheval, frappait à la fois par sa grosseur et par son naturels Les dames, et plus d’une jeune fille, n’en finissaient pas de l’admirer.
Bref, l’impression était excellente. Chacun disait :
« Ce que c’est réussi ! Ce que c’est vivant ! Ce que c’est craché ! Il ne lui manque que la parole ! »
M. Cramouillat reprit :
« Te voici, Vercingétorix ! Désormais ta noble stature va dominer notre forum. Tu contempleras d’un œil bienveillant nos tra vaux et nos luttes. Du haut de ton cheval, tu nous mèneras au bon combat. Ah ! il me semble que j’entends les exhortations que tu nous adresses, les conseils que tu nous donnes. Il me semble que j’entends ta voix rude. Tu nous dis : « Enfants d’Auvergne ! Mes enfants ! j’ai peiné, j’ai souffert, je suis mort pour la liberté, pour les droits du peuple. Avec ma sueur, avec mon sang, j’ai cimenté les bases de la démocratie. J’ai… »
Alors, il se produisit quelque chose de si effrayant, de si miraculeux, de si impossible que chacun douta de sa raison, et pâlit.
La statue ouvrit la bouche, la statue cria :
« C’est pas vrai ! »
Elle se tut, puis cria encore :
« J’ai jamais parlé de ça ! Et d’abord, je te défends de me tutoyer ! C’est pas devant moi qu’il faut sortir tes boniments. Vieille lope ! Tête de chou ! Fatigué ! Tu vas me faire rendre ma nourriture ! Fous le camp ! que j’te dis ! Fous le camp ! plus vite que ça !
Sur ces mots, Vercingétorix, fouillant dans sa musette, en tirait quelque chose q
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« Ah, Vercingétorix! Il me semble que j’entends ta voix rude. Tu nous dis: « Enfants d’Auvergne, avec ma sueur, avec mon sang, j’ai cimenté les bases de la démocratie. J’ai... ». Alors il se produisit quelque chose de si effrayant, de si miraculeux, de si impossible que chacun douta de sa raison et pâlit. La statue ouvrit la bouche. La statue cria: - C’est pas vrai! Elle se tut, puis cria encore: - J’ai jamais parlé de ça! Et d’abord je te défends de me tutoyer! C’est pas devant moi qu’il faut sortir tes boniments! Vieille lope! Tu vas me faire rendre ma nourriture! Fous le camp que je te dis! Fous le camp !
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Dans l'Allemagne exsangue et tumultueuse des années 1920, le Bauhaus est plus qu'une école d'art. C'est une promesse. Une communauté dont le but est de mettre en forme l'idée de l'Homme nouveau. En 1926, l'école s'installe à Dessau. Dans le grand bâtiment de verre et d'acier, Clara, Holger et Théo se rencontrent, créant une sorte de Jules et Jim. À Berlin, toute proche, le temps s'assombrit. Les convictions artistiques ou politiques ne sont pas les seuls facteurs qui décident du cours d'une vie. Ce sont aussi, entre rêves d'Amérique et désirs de Russie, d'autres raisons et déraisons. Lorsque l'école sera prise dans les vents contraires de l'Histoire, les étudiants feront leurs propres choix. À qui, à quoi rester fidèle, lorsqu'il faut continuer ?
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