J'ai pouffé plusieurs fois en lisant cette chronique qui se moque, avec une ironie corrosive, du snobisme de ceux qui se proclament de la bonne société anglaise dans les années vingt. Commérages, petits potins, mesquineries et situations pleines de ridicule s'enchaînent et occupent tous les chapitres de ce roman à l'humour décapant.
« Tel un grand oiseau de proie, elle était assise, par cette chaude matinée de juillet, à la fenêtre si pratique de son pavillon dont le vaste oriel constituait un point stratégique de premier ordre. »
S'y dissimulant ou pas derrière le rideau,
Miss Mapp épie l'heure d'arrivée de son jardinier, les entrées à l'église, et en règle général « tous les faits et gestes de la société de Tilling».
Ne vous fiez pas au physique plutôt jovial de cette grande dame un peu replète. Cachée derrière un petit sourire et une affabilité trompeuse, elle peut décocher, mine de rien, une remarque cinglante, appuyer sur une faiblesse de son interlocuteur ou interlocutrice. Tantôt suave, tantôt hautaine, enjôleuse ou outrée, son meilleur passe-temps est d'attiser la jalousie de ses amies, s'attirer tous les regards, devancer ses voisines et avoir la primeur de tous les évènements plus ou moins importants susceptibles de traverser ce petit bourg. de petits coups perfides en petites méchancetés, elle ne manque cependant pas de se fourvoyer parfois dans des situations absurdes. Son imagination fertile au service de sa curiosité perverse lui fait émettre des hypothèses plus ou moins saugrenues pour tenter d'expliquer une observation faite de son mirador.
Chaque matin, tout en jetant un coup d'oeil au journal avant que la rue ne s'anime, elle scrute les deux maisons d'en face qui abritent deux célibataires dans la force de l'âge, un major et un capitaine, deux fieffés mystificateurs. D'ailleurs, la veille, un filet de lumière à une heure bien tardive a éveillé sa curiosité et en connaître la cause devrait occuper une partie de sa journée. Après ces premières observations de chez elle, il est temps de descendre dans la Grand'Rue et lorgner dans les paniers des femmes faisant leurs emplettes matinales pour savoir ce qu'elles achètent.
Miss Mapp n'est pas la seule à propager les nouvelles mais elle met toute son énergie à couper l'herbe sous le pied d'une de ses voisines qui aime tant les commérages. Toutes deux se bataillent aussi au sujet de la mode et
Miss Mapp détient bien souvent l'avantage grâce à de sacrées méthodes d'espionnage comme seule une femme perfide peut les imaginer.
Les mesquineries entraînent parfois des brouilles mais celles-ci ne doivent pas durer trop longtemps, il ne faudrait pas désorganiser les tables de bridge. Parce qu'ici, se présente toute l'hospitalité à l'anglaise dans la bonne société : inviter pour le thé et jouer au bridge. Et gare si l'on fait l'affront à
Miss Mapp de l'inviter en dernière !
Sinon, Tilling, est une petite ville d'Angleterre au charme pittoresque que des peintres amateurs viennent saisir sur leurs toiles.
Miss Mapp figure sur certaines. Quel savoureux plaisir pour elle de se laisser saisir sur le vif, après s'être bien installée en évidence devant sa fenêtre et avoir adopté un air pensif en faisant semblant d'ignorer qu'elle sera immortalisée sur une toile. le narcissisme d'époque…
Dans cette petite société des gens de Tilling, l'auteur nous sert une adorable galerie de personnages dont le tandem major et capitaine qui s'emportent à chaque partie de golf, s'envoient avec morgue des remontrances acides et finissent autour d'un whisky. Aucun fair-play anglais pour les défaites.
Les rivalités entre voisins donnent quelques exquises vengeances alors que certains échanges font polémique comme l'heure d'été ou la façon de jouer au bridge.
Toutes ces petites mondanités tournées en ridicule prêtent vraiment à rire ou à sourire et la vie locale de cette bourgade anglaise offre une lecture comique, légère et très plaisante.