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EAN : 9782130585800
240 pages
Presses Universitaires de France (20/10/2010)
4/5   1 notes
Résumé :

Avec la fuite du Dalaï-Lama en mars 1959, commence pour une partie du peuple tibétain un exil forcé qui se perpétue aujourd hui. Exil où l'Inde occupe d'emblée une place singulière : terre d'accueil du Dalaï-Lama, qui y a installé le siège de son gouvernement en exil, elle est à la fois le pays qui abrite le plus grand nombre de réfugiés tibétains un peu plus de 100 000 sur 145 000 au t... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Internationaliste formée à l'Institut des Hautes Etudes Internationales et du Développement à Genève, Anne-Sophie Bentz a consacré ses recherches doctorales à la question des réfugiés tibétains en Inde.

Capitale est sa contribution sur un sujet pour lequel les sources, même en langue anglaise, restent rares. L'auteur nous montre comment le sentiment nationaliste tibétain s'est forgé autour du charisme d'un homme, Le Dalaï Lama. Exilé en Inde en mars 1959, il installe le siège de son gouvernement en Inde. Terre d'accueil, l'Inde est à la fois le pays qui abrite le plus grand nombre de ses compatriotes – un peu plus de 100 000 sur 145 000 au total – et le grand rival stratégique de la Chine qui n'a jamais oublié la défaite humiliante qu'elle lui a infligée en 1962.

C'est ce jeu à trois qu'analyse Anne-Sophie Bentz. Malgré la disproportion des forces en présence, l'équation tibétaine est l'une des clefs qui continuera à déterminer l'état des relations sino-tibétaines, du monde himalayen en général, dans les années à venir. Au-delà de ces considérations, l'oeuvre de ce jeune chercheur, nous aide à réévaluer des notions pénétrées d'idéologie et de valeurs à l'aune de notre propre histoire.
Par la maîtrise des différents courants historiographiques relevant des Sciences Politiques dont elle fait preuve, Anne-Sophie Bentz s'interroge, à la suite de Rogers Brubaker, sur ce qu'il convient d'entendre par le terme “Nation”. Son approche s'énonce en trois points :
1. la nation est une catégorie de la pratique,
2. la nation est une forme culturelle et politique institutionnalisée,
3. la nation est un événement contingent.
Et de conclure : “la nation moderne, par opposition à une pré-nation ou à une proto-nation qui aurait existé avant elle, ne peut être que politique.” (p. 7)

C'est avec l'aide des services secrets américains que la nation tibétaine organise la résistance contre l'Armée Rouge chinoise. Paradoxal, le maoïsme aura créé un sentiment aigu d'appartenance nationale tibétaine. Dans ce contexte, s'écrivent les premiers récits d'une nation persécutée où l'ethnogenèse d'un Peuple et ses mythologies politiques se confondent, trouvant auprès des tibétologues et des intellectuels étrangers, le matériau nécessaire à l'élaboration d'un récit que diffuseront les relais d'opinion. En Inde mais aussi en Amérique du Nord ou en Europe, ils visent à sensibiliser le plus grand nombre en faveur de l'indépendance du Tibet.
Toutefois, précise Anne-Sophie Bentz, à l'issue de son enquête réalisée auprès de cette communauté en exil, “il est toutefois indéniable que les Indiens et les Tibétains ne sont pas aussi proches que voudraient le laisser entendre les responsables tibétains…Cette prétendue proximité ne se traduit ni par le développement d'amitiés durables ni par la conclusion de mariages mixtes” (p. 215).

A cette analyse de terrain, s'ajoute une connaissance détaillée des étapes qui depuis plus d'un siècle ont amené le Tibet au seuil d'une reconnaissance internationale. Anne-Sophie Bentz passe au crible le mode de fonctionnement du gouvernement en exil : son rapport avec les monastères bouddhistes, l'organisation de ses ministères, ses ramifications, l'avenir même de la fonction du Dalaï Lama tant sur le plan institutionnel que politique.

Comment la survivance de l'un des piliers de l'une des dernières théocraties du monde peut-elle s'accommoder avec la nature foncièrement démocratique de ce régime ?

Laissant le champ ouvert à tous les possibles, la contribution d'Anne-Sophie Bentz rend intelligible les enjeux qui se posent à la Chine et à sa plus proche périphérie.
Copyright Janvier 2011-Lincot/Diploweb.com

Par Emmanuel LINCOT, le 12 janvier 2011
Fondateur de la Chaire des Études Chinoises Contemporaines de l'Institut Catholique de Paris, Emmanuel Lincot est co-rédacteur en chef de la revue Monde Chinois et spécialiste d'histoire culturelle chinoise contemporaine

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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Les historiens tibétains estiment souvent que les Chinois ont tenté à plusieurs reprises de jouer la carte du Panchen Lama pour contrer un Dalaï-Lama hostile, une analyse qui est parfois partagée par les historiens occidentaux. Hugh Richardson, par exemple, est d’avis que, dans le contexte du renforcement de l’influence chinoise à Lhasa qui a suivi les invasions des Dzungars, les Mandchous ont fait en sorte de former un rival religieux qui pouvait servir de contrepoids à l’immense prestige du Dalaï-Lama – et, pour lui, « that was the beginning of a long policy of playing off the one Lama against the other ».

Il s’agit là d’une tentative des Mandchous qui vise non seulement à redistribuer le pouvoir politique au Tibet, mais également à dédoubler les allégeances religieuses des Tibétains de manière à ce que l’empire des Qing puisse s’appuyer, suivant le cas, sur l’un ou sur l’autre des chefs politiques et religieux tibétains. Ils proposent un symbole alternatif – ils cherchent donc bien à réduire l’importance symbolique du Dalaï-Lama au Tibet ou, du moins, à empêcher que le Dalaï-Lama ne devienne pour les Tibétains un symbole absolu.
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En ce sens, l’histoire n’est rigoureusement qu’un passé recomposé, constitué d’« un héritage de gloire et de regrets à partager », pour reprendre l’expression d’Ernest Renan ; il faut donc que les individus qui composent la nation aient « souffert, joui, espéré ensemble ». Or ce passé commun repose, pour Ernest Renan, autant sur la mémoire que sur l’oubli, volontaire ou non, des individus.

Ils oublient autant qu’ils se souviennent, et l’histoire, nécessairement subjective, qu’ils écrivent ne peut donc être que partielle et même erronée, car ils ont tendance à privilégier les événements qui sont susceptibles d’être interprétés dans le sens de l’existence passée, et donc présente, de la nation, et à laisser de côté les événements qui, d’une manière ou d’une autre, remettent en cause le projet national. L’histoire n’a pas à être fidèle à la réalité historique : ce n’est pas l’histoire comme enchaînement de faits bruts qui est visée dans les théories de la nation et du nationalisme, mais une histoire réflexive, c’est-à-dire une histoire interprétée dans un sens bien particulier par les nationalistes.
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Benedict Anderson fait état de trois paradoxes de la nationalité qui sont censés mettre en perspective la définition de la nation. Le premier d’entre eux, qui a trait à l’histoire, repose sur la tension entre la modernité objective des nations aux yeux des historiens et leur ancienneté subjective aux yeux des nationalistes.

Ce paradoxe appelle deux questions qui ne sont que les pendants d’un même problème. Que se passe-t-il lorsque les historiens deviennent nationalistes ? Qu’advient-il des nationalistes qui décident d’écrire l’histoire de leur nation ? Il est patent que l’historien tibétain est pris de part en part dans le paradoxe évoqué par Benedict Anderson : si l’historien qu’il est, ou qu’il prétend être, doit admettre que la nation tibétaine est une création moderne, ou, du moins, qu’elle est apparue récemment, le nationaliste qu’il est devenu ne peut plus voir en elle qu’une réalité plus ancienne.
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L’histoire de la nation tibétaine, ou l’histoire nationale, ce n’est pas l’histoire du Tibet, mais une interprétation particulière de l’histoire du Tibet qui part d’une hypothèse audacieuse, à savoir, que la nation tibétaine, qui, pour les nationalistes tibétains, existe aujourd’hui, existait déjà dans le passé.

Ce qui appelle un certain nombre de questions : quand commence l’histoire du Tibet ? Quand les nationalistes tibétains font-ils commencer l’histoire de la nation tibétaine ? Et dans quelle mesure ces deux commencements coïncident-ils ? L’historien tibétain est, suivant le paradoxe présenté par Benedict Anderson, en proie à une tension interne par rapport à la question de l’origine de la nation tibétaine. De quelle manière la résout-il ?
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“il est toutefois indéniable que les Indiens et les Tibétains ne sont pas aussi proches que voudraient le laisser entendre les responsables tibétains…Cette prétendue proximité ne se traduit ni par le développement d’amitiés durables ni par la conclusion de mariages mixtes” (p. 215).
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