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EAN : 9782246457329
554 pages
Grasset (14/09/2006)
4.4/5   15 notes
Résumé :

Publié en 1939, " Le Volcan " fut écrit dans la fièvre des événements. Il s'agissait pour le fils aîné de Thomas Mann de combattre le nazisme qui l'avait contraint à quitter son pays en 1933, et l'avait déchu de la nationalité allemande l'année suivante. De Paris à Vienne en passant par New York, Mans Mann peint avec une extraordinaire acuité l'Internationale des proscrits, la résistanc... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Der Vulkan
Traduction : Jean Ruffet

ISBN : 2855651964


Moins maîtrisé - en tous cas à notre sens - que "Méphisto", "Le Volcan", sous-titré : "Un Roman de l'Emigration Allemande (1933 - 1939), n'en occupe pas moins une place importante dans l'oeuvre de Klaus Mann en ce sens qu'il dépeint sur le vif les comportements, à vrai dire très divers, qu'engendra en Allemagne l'arrivée au pouvoir des nationaux-socialistes.

L'action se situe pourtant presque entièrement à l'étranger, essentiellement à Paris et, dans la dernière partie, aux Etats-Unis. Dans la capitale française - qu'il semble avoir beaucoup aimée - Mann recrée tout un groupe d'exilés, de ceux qui quittèrent l'Allemagne soit dès 1933, soit un peu avant, soit un peu après. Les deux figures marquantes en sont Marion von Kammer, jeune comédienne en qui on peut sans doute retrouver quelques traits d'Erika, la soeur de Klaus, et Martin Korella, ex-comédien homosexuel que ses tendances autodestructrices conduiront à sombrer dans l'héroïne. Ce mal de vivre, qui est comme la ligne directrice du personnage, fait penser de son côté au destin personnel de l'auteur, lequel se suicida en 1949.

Autour d'eux gravite une foule de personnages : Kikjou, jeune mystique partagé entre l'homosexualité et la foi, la mère Schwalbe, dont le restaurant qu'elle a rouvert à Paris est devenu l'un des points de ralliement des émigrants allemands, Dora Proskauer, jeune femme qui fait des pieds et des mains pour faire sortir d'Allemagne nombre de Juifs et de personnes suspectées par le gouvernement nazi, Marcel Poiret, écrivain français et amant épisodique de Marion, qui finira par mourir en Espagne, en combattant aux côtés des Républicains, et bien d'autres.

De temps à autre, en Suisse, nous retrouvons la mère et la soeur de Marion, Tilly von Kammer. Elles ont dû fuir leur pays parce que Marie-Louise, la mère, avait épousé un Juif et que, ce faisant, ses filles n'étaient plus en sécurité dans le Reich. le destin de Tilly n'en sera pas moins tragique : elle se suicidera après un avortement raté. Quelques scènes en Hollande nous font apercevoir celui qui deviendra le grand amour de Marion, le professeur Abel, universitaire juif évidemment chassé d'Allemagne en raison de ses origines ethniques.

La majeure partie de ces personnages sont ou franchement communistes, ou fortement orientés à gauche. Ces choix politiques, que l'on peut comprendre en se remettant dans la perspective de l'époque - et bien que Mann ne fasse pas allusion au pacte germano-soviétique ou encore aux querelles terribles qui, à l'intérieur du parti républicain espagnol, permirent à Franco de prendre le pas sur ses ennemis - sont malheureusement très mal gérés par l'auteur.

Cela commence à déraper au dernier tiers du livre, dans des réunions politiques où l'on voit un Kikjou à demi illuminé s'enflammer tellement à la tribune pour le Parti communiste qu'il en vient à brandir le poing - un geste beaucoup moins anodin à l'époque qu'il ne l'est devenu. Klaus Mann bascule dans l'écriture engagée ... et perd le contrôle d'un attelage fringant et bien mené.

Mais pires que l'engagement politique - bien pires - les interpellations semi-mystiques aux personnages principaux, sur Dieu et sur la foi, rendent la fin du "Volcan" pratiquement imbuvable, non pour tous les lecteurs sans doute, mais pour une certaine catégorie d'entre eux. Ce mélange politique-foi crée un cocktail tout à fait indigeste qui, bien loin d'éblouir et d'enivrer, s'évapore dans un "pshitt" d'eau gazeuse mal conditionnée à la fermeture. On le déplore avec d'autant plus de tristesse que "Le Volcan", dans ses deux premiers tiers, tient du "grand livre" et révèle, chez son auteur, une tendance à manier la fresque au moins égale à celle manifestée par son père, Thomas Mann, dans l'inoubliable "Montagne Magique."

Et puis, répétons-le, Klaus Mann nous dépeint l'Allemagne et les Allemands - les exilés et les autres - tels qu'il les a connus et pratiqués à l'époque, donc avant que L Histoire ne soit réécrite par les vainqueurs. Même si on peut l'accuser de subjectivité, cette vision n'en demeure pas moins précieuse. Et puis, l'on sent bien que le sérieux de l'écrivain l'emporte sur sa subjectivité - sur son désir d'oublier ou de ne pas mentionner certaines choses. Il va même jusqu'à évoquer les paroles de Juifs allemands de province, estimant (nous citons de mémoire) que "les Juifs de Berlin étaient allés trop loin et qu'Hitler avait bien raison de les traiter comme il le faisait."

Pour lire "Le Volcan" jusqu'à sa fin ouverte, il faut donc ou bien témoigner d'une remarquable imperméabilité au pathos, ou bien se sentir assez de courage pour y plonger sans s'y noyer. Nous l'avouons, la chose nous fut difficile. Surtout que l'écriture s'en ressent : Mann ne s'en rendait peut-être pas compte mais la dernière partie de son livre est pesante, il peine à l'achever et, pour résumer l'affaire, il fait rejaillir là-dedans ce qu'il y a de pire dans la littérature allemande : le romantisme échevelé et larmoyant.

Doit-on pour autant laisser de côté "Le Volcan" ? Non, ce serait une erreur. Après tout, certains lecteurs apprécieront et d'autres feront la part des choses. Seuls quelques irréductibles s'agaceront et auront des petits boutons - au dernier tiers seulement. En outre, la sincérité de Klaus Mann est patente et, rien que pour cela, son livre mérite d'être lu. Son livre ? Que dis-je ? Son oeuvre entière plutôt. A bon entendeur. ;o)
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Paru en 1939 "Le volcan " est un récit sans fioritures, net, précis de ce que furent les années 30 pour les exilés allemands fuyant le régime nazi . Une chronique des souffrances , des errements et des espoirs des exilés .
Si son père Thomas Mann a pris conscience tardivement des dangers du nazisme Klaus Mann lui au contraire avait très tôt alerté ses compatriotes contre le danger mortel que représenterait l'arrivée du NSDAP au pouvoir. Contraint à l'exil Klaus Mann a tiré de son expérience un roman choral " le Volcan" moins connu que son autobiographie " le tournant " mais d'une puissance narrative semblable.
C'est toute l'émigration allemande d'avant-guerre qui peuple ce roman les Juifs, les communistes, les artistes etc
Klaus Mann aborde aussi bien les récits qu'apportent les rescapés des camps de concentration ou leurs proches que l'espoir et la volonté de mettre un terme à la barbarie nazie .
A lire sans modération .
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Magnifique fresque qui nous plonge parmi les émigrants allemands ayant choisi l'exil plutôt que la vie sous le Troisième Reich. le récit est parfois longuet, mais l'impression d'ensemble est forte, puissante.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
[...] ... Soudain [l'écrivain] se mit à parler. Marion eut presque peur lorsqu'elle entendit sa voix douce et hésitante.

- "Il y a quelque chose qui m'a choqué dans votre manière de dire la poésie. C'est le ton guerrier que vous employez parfois, comme si vous vouliez appeler au combat. Ca me met mal à l'aise. La violence, ce sont les autres qui s'en réclament et en usent. Nous, il faut que nous soyons l'inverse. Notre but n'est pas la vengeance, la lutte, mais la réconciliation.

- La réconciliation ?" répéta Marion, agacée. "Il existe des gens et des principes avec lesquels il ne saurait être question de se réconcilier. Il me semble que nous avons été conciliants trop longtemps. En face d'un gangster qui tient une grenade ou un revolver à la main, il est tout à fait ridicule de se dire pacifiste.

- Il ne faut pas le dire, il faut le crier," dit l'écrivain. "Et même si le bandit se met à rire, qu'est-ce que ça peut faire ? Peut-être oubliera-t-il de lancer la grenade ? Ca n'est jamais ni une honte, ni un crime de se réclamer de la paix !"

Marion, dont les longs doigts flexibles cherchaient quelque chose à briser, dit :

- "Il y a des situations où la peur du combat est non seulement blâmable, mais fatale.

- Je n'ai pas parlé de la peur du combat mais de l'amour de la paix," répondit l'écrivain avec sincérité.

Elle haussa les épaules.

- "Cela revient souvent au même," dit-elle, agacée. "Une attitude tolérante en face du Mal ne s'explique jamais par des motifs nobles, mais par la lâcheté."

Décontenancé par son emportement, il sourit aimablement.

- "Le Mal ? ... Ca n'existe pas plus que le Bien. La nature humaine, c'est quelque chose de composite. Ce que nous appelons le Bien, n'a de sens que si, nous-mêmes, nous nous efforçons de rester bons ..."

Marion bouillait. Elle se mordilla la lèvre, parvint à se contrôler et dit :

- "Les socio-démocrates allemands et les autres partis de notre république, aujourd'hui défunte, se sont efforcés de rester "bons" ; ils se déclaraient prêts à négocier, prêts à pardonner. Voyez à quoi cela a mené ! Les autres démocraties, en Europe, doivent-elles recommencer la même erreur ?

- J'espère," dit-il simplement. "Les démocraties sont accablées de dettes. Il faut qu'elles expient. Tout le mal en Europe vient du Traité de Versailles !"

Marion était presque à bout.

- "Croyez-vous que les Allemands auraient imposé un traité meilleur, s'ils avaient été vainqueurs ?" ... [...]
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[...] ... - "Mon ami et moi, nous avions vécu à Göttingen des moments vraiment merveilleux. Nous lisions Hölderlin, George et aussi Rilke, mais celui-là, nous l'aimions moins. George, disait mon ami, a toute la rudesse du Deutschtum, Hölderlin toute son insondable profondeur. C'est ainsi qu'il s'exprimait. Il avait de telles trouvailles, mon ami ! Vous ne pouvez pas vous imaginer à quel point il était attaché à l'Allemagne. Il aimait l'idée allemande, les poètes allemands, le paysage allemand ...

- Est-il possible ?" demanda Martin, un peu distrait , car il observait Kikjou qui parlait avec Mme Schwalbe.

- "Oui, il l'aimait passionnément !" dit gravement Helmut Kündiger. "Bien qu'il ne fût pas "aryen" ... Là-dessus, nous n'avons jamais eu de doute. Mais soudain, il apparut qu'il avait quatre-vingts-pour-cent de sang juif. Ses amis se mirent à le bouder. Moi-même, je connus des désagréments parce que je continuais à le fréquenter. C'était sans importance. Mais le plus grave, ce fut pour moi de devoir être le témoin de son naufrage. Il ne parvenait pas à s'habituer à son nouveau statut. Lui, qui avait été un admirateur fervent de la dureté, de la profondeur de l'homme allemand, dut désormais se considérer comme un étranger - pire encore, comme un être nuisible. Il fut terriblement humilié. Lorsque des jeunes gens, qui avaient autrefois appartenu à notre petit cercle d'amis, l'offensèrent en pleine rue, il connut alors un total désespoir. Représentez-vous ce que fut pour lui un accident comme celui-là. Nous avions lu ensemble Hölderlin et George et maintenant on lui criait : "Cochon de Juif !" Bien sûr, nos amis étaient ivres ... J'ignore où il avait pu se procurer un revolver. Il s'est tiré une balle en plein coeur. Il m'avait laissé un billet sur lequel il avait écrit : "Je ne veux pas t'être plus longtemps à charge." ... [...]
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Camarades , dit-il, la guerre d'Espagne n'est qu'une répétition générale.Nous verrons pire. Aujourd'hui les fascistes avec leurs avions bombardent Barcelone, Valence, Madrid , les plus belles villes de ce courageux pays.Mais bientôt ils bombarderont les nôtres. De lourds nuages s'amoncellent à l'horizon...
Camarades , nous ne mourrons pas de mort naturelle. Notre génération sera sacrifiée.
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Vidéo de Klaus Mann
Homosexuel, toxicomane, citoyen allemand déchu, exilé puis engagé contre l’idéologie nazie, écrivain prolifique et visionnaire, résolument contemporain, il est l’un des plus éminents représentants de la littérature allemande… MAIS QUI EST KLAUS MANN ?
Après "Contre la barbarie" et "Point de rencontre à l'infini", paraîtront le 3 février 2011 aux Éditions Phébus "Aujourd'hui et demain" (http://bit.ly/h0er3J) et "Speed" (http://bit.ly/fMP5tS).
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