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EAN : 9791032914199
288 pages
L'Observatoire (07/04/2021)
4.04/5   169 notes
Résumé :
Cléo est une jeune femme à l'image de son rire : solaire. Dès l'enfance, elle a appris à franchir d'un bond fougueux les obstacles que la vie, joueuse, lui présente. Pourtant, tout n'est pas que lumière dans son monde... Mais par-delà ses failles et ses blessures, elle avance. Lorsqu'elle croise le chemin de Théo, lui aussi accidenté de la vie, elle est bien décidée à lutter pour leur droit au bonheur. Théo est veuf ; il a deux enfants. Comment les choses pourraient... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (57) Voir plus Ajouter une critique
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Ce roman est inscrit dans la continuité du précédent de l'auteur, Il est juste que les forts soient frappés , qui racontait la mort d'une jeune femme d'un cancer, la fin d'une histoire d'amour et le début d'une autre. On y retrouve donc le personnage de Théo, le veuf, de ses enfants orphelins de mère, ainsi que Cléo sa nouvelle amoureuse rencontrée durant la maladie de son épouse. A contrecourant de l'écrasante majorité des chroniques, le premier roman n'avait pas du tout résonné en moi. J'ai nettement préféré le deuxième mais en restant une nouvelle fois à la lisière des émotions.

Ce que j'ai apprécié, c'est la plume énergique de Thibault Bérard qui vibre d'une sincérité touchante et fait montre d'une belle sensibilité pour décrire la délicate recomposition d'une famille touchée par une tragédie et la mue toute aussi délicate opérée par Cléo pour se transformer en belle-mère puis mère. La thématique de la maternité, et plus largement de la famille est traité avec tendresse avant de se déployer en ode solaire à la vie. Cette humanité bienveillante et optimiste qui infuse dans chaque page réchauffe les coeurs, d'autant plus qu'elle distille sans aucune mièvrerie son discours de gratitude en la beauté de la vie. Oui, on peut se relever d'épreuves, oui on peut être heureux après avoir perdu sa maman, son épouse.

Mes réserves viennent de la narration qui reprend le même procédé que dans Il est juste que les forts soient frappés : faire parler un mort ( le père de Cléo ) ou une personne très éloignée de la vie des personnages racontés ( sa mère ). Une nouvelle fois, cela m'a agacé, trop superficiel du point de vue formel et n'apportant pas une plus value dingue au récit.

Passé ce désagrément très subjectif, en ce qui concerne le fond, la première moitié qui décrit l'enfance singulière dans son atypique famille avant sa rencontre avec Théo m'a embarquée par sa justesse. Et puis, mon intérêt s'est progressivement délité jusqu'à un certain ennui lorsqu'il s'agissait de décrire les événements domestiques du nouveau foyer familial Théo-Cléo. En fait, si Cléo est un personnage intéressant par son parcours cabossé, ce n'est pas elle qui m'a intéressé mais ses parents : ce père au grand coeur qui fait office de mère, et surtout la mère indigne, formidable personnage fantasque qui abandonne ses enfants tout en ayant beaucoup d'emprise sur eux à ses retours. D'eux, j'aurais vraiment aimé en connaître plus.

Lu dans le cadre de la sélection des 68 Premières fois 2022 #8
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Suite et complément du bouleversant Il est juste que les forts soient frappés, Les Enfants véritables reprend l'histoire de Cléo, en alternant le passé de celle ci jusqu'à sa rencontre avec Théo et l'époque post-Sarah, dans la famille reconstituée.

L'émotion est moindre car si le drame vécu apparait en filigrane, avec toutes les séquelles qu'il a laissées, les problèmes sont plus d'ordre psychologique. L'histoire du personnage de Cléo ne manque pas de drame non plus, elle nous avait d'ailleurs avertis qu'elle avait perdu son père à l'âge de 17 ans. On en saura plus sur les circonstances de ce deuil.

Il est difficile d'être mère, quel que soitle contexte, et pour Cléo, hormis le fait qu'elle vient s'intégrer dans une histoire familiale dramatique, on peut comprendre aussi que le modèle que lui a fourni sa propre mère ne soit pas un guide fiable.

Questions multiples autour de la parentalité, et des angoisses d'enfant, Les Enfants véritables surfe sur une thématique très contemporaine . On s'attache toujours autant à ces personnages malmenés par la vie.

Une remarque : l'année 2020 ne semble pas avoir été marquée par quoi que ce soit qui pourrait bouleversé le fonctionnement d'une société ! Ecrit avec cette période particulière ou volonté de l'auteur d'occulter l'actualité mondiale ?
Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Cléo et Théo, entre chaos et brio

Après Il est juste que les forts soient frappésThibault Bérard nous offre une suite au drame de Théo. Après avoir perdu son épouse, il va tenter de construire un nouveau cocon à ses enfants avec Cléo.

C'est l'histoire d'une famille recomposée ou plutôt d'une tribu constituée au fil des ans et des vicissitudes de la vie. Si sa narratrice s'appelle Diane Chastain et a été durant son heure de gloire une actrice reconnue, elle n'est pas au centre du récit, ne retrouvant qu'épisodiquement Paul, son mari. Ce montagnard, le coeur sur la main, à renoncer à mener le bal. du coup, c'est leur fille Cléo qui va se trouver un centre du récit. Elle est l'aînée d'une fratrie ou figurent sa soeur Solène et son frère César, même si leurs parents biologiques sont différents. le garçon a été recueilli par Paul après la mort de ses parents et a été naturellement adopté.
En grandissant Cléo s'est nourrie des valeurs de son père et, quand elle a rencontré Théo, n'a pas hésité à vouloir construire à son tour une famille déjà durement marquée. Théo, qui a huit ans de plus qu'elle, vient en effet de perdre son épouse, qui a lutté contre une longue maladie.
Ceux qui ont découvert Thibault Bérard avec son premier roman, l'émouvant Il est juste que les forts soient frappés, auront fait le lien. Ce second roman nous permet de retrouver Théo dans un nouveau rôle. du mari éploré, il devient celui qui doit se construire un avenir, qui doit tenter de mettre de côté la douleur pour offrir un doux cocon à ses deux enfants, Simon et Camille.
Avec beaucoup de sensibilité et de sincérité, l'auteur raconte les difficultés de la pièce rapportée à intégrer une famille, quels efforts Cléo doit faire pour apprivoiser ces deux enfants, pour en faire ses deux enfants. Une sorte d'épreuve à plusieurs inconnues, car Simon et Camille ont chacun leur histoire et une relation bien différente à leur mère défunte, cette absente toujours présente dans leurs coeurs et qu'il ne saurait être question d'évincer. Entre un sentiment de trahison et un besoin d'affection, la voie est étroite. Mais Théo et Cléo sont bien décidés à l'emprunter, malgré les aspérités, malgré les risques de dérapages.
S'inscrivant à la fois dans une thématique très actuelle et dans une universalité des sentiments paternels et maternels vis à vis des enfants, l'auteur nous offre une formidable leçon d'humanité, une belle démonstration de résilience.

Lien : https://collectiondelivres.w..
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J'ai découvert la plume de Thibault Bérard avec Il est juste que les forts soient frappés, et « je me suis pris une claque ». L'histoire m'a ébranlée, retournée, renversée. Dans les dernières pages, Sarah, le personnage principal, décède d'un cancer en laissant derrière elle Théo, son mari, et leurs deux jeunes enfants.

Dès la première page de Les enfants véritables, j'ai su que j'allais de nouveau être bouleversée.

Nous retrouvons ici Théo et ses enfants, mais aussi Cléo, dont Théo est tombé amoureux peu avant la disparition de Sarah. Cléo qui va être successivement racontée par sa mère Diane, femme tellement éprise de liberté qu'elle a déserté le nid familial et laissé à son conjoint Paul Le soin et la responsabilité de leurs trois enfants, par Paul, puis par Cléo elle-même. Ces chapitres alternent avec la Cléo d'aujourd'hui, qui aux côtés de Théo apprend le rôle de Maman.

Au tout début du roman, la petite Cléo, demande à son père si elle est son « enfant véritable » : cette interrogation sera au coeur du roman, qui questionne la primauté des liens du sang sur les liens affectifs. Cléo est-elle davantage l'enfant de ses parents que sa demi-soeur ou son frère adopté ? Comment devient-on le parent d'enfants orphelins ? Est-on davantage parent lorsque l'on est physiquement présent que lorsque l'on est loin ?

Dans le premier roman, l'écriture était fébrile, chargée en émotions mais également en acrobaties stylistiques pour faire (peut-être ?) mieux passer le drame.
Ici l'écriture est différente (plus mature ?) en tout cas apaisée, mais la charge émotionnelle est aussi forte. Les enfants véritables est un roman « fort » mais doux, sur l'amour, la vie, la famille. Une famille semblable à un jeu de construction, dans laquelle chacun a une place et un rôle nécessaire.

À mon tour je vous invite à tendre les bras à ces Enfants véritables que vous aurez comme moi envie d'adopter.
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****

Cléo est amoureuse de Théo. Théo est le père de Simon et Camille. Sarah est l'ange parti trop tôt. de ces cinq âmes sensibles, fonceuses, artistes, prévoyantes et généreuses éclot une famille au grand coeur. Même s'il n'est pas toujours simple de trouver sa place, de laisser de l'espace à l'autre, de vivre avec les blessures du passé ou d'accepter ses peurs, chacun peut compter sur une épaule solide, une main tendue, une oreille attentive. Cette confiance en l'avenir et en l'amour qui les unit rendent la vie plus lumineuse…

J'avais fermé les dernières pages du premier roman de Thibault Bérard les larmes plein les yeux. Il avait réussi, avec ses mots, à faire jaillir ce trop plein d'émotions.
C'est donc avec beaucoup de tendresse que je suis partie une nouvelle fois à la rencontre de ses personnages.

Même si la lecture de Il est juste que les forts soient frappés n'est pas nécessaire pour aimer Les enfants véritables, retrouver Théo et Cléo a une saveur différente quand on connaît leur histoire.

Une fois encore, on est bercé par leurs petites voix, celles qui se glissent doucement à notre oreille pour nous parler de vie, d'amour, de courage.
Une fois encore c'est avec le ton juste, des mots qui sonnent, qui chantent, que Thibault Bérard nous offre sa petite mélodie fragile et sincère de nos vies.

Il est souvent question de places dans ce roman. Celle qu'on cherche, celle qu'on perd, celle qu'on nous attache. La notre, en tant que lecteur, est plutôt douce et apaisante. Il suffit de se laisser porter et de laisser le charme opérer…

Merci aux 68 premières fois pour ces pages hors du temps, ces mots lumineux et cette histoire qui viendra éclairer mes nuits sombres…
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critiques presse (1)
LeFigaro
15 avril 2021
L’auteur publie son second roman. Une belle ode à la vie.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
— Et Papa nous a montré plein de films qui ne sont pas pour les enfants, mais moi ça ne me fait jamais peur, on a vu Terminator 2 et Gremlins 1 et 2, et on a vu aussi Qui veut la peau de Roger Rabbit ?, et on…
— Roger Rabbit, ça fait pas peur, décrète Camille, fusant hors de son silence avec cette rapidité qui, encore une fois, fait sursauter Cléo.
— Elle a raison, enchaîne Théo avec un hochement de tête pour sa fille. On ne peut pas mettre Terminator 2 et Roger Rabbit sur le même plan.
À cet instant, Cléo sent son cœur frémir, parce que la façon dont Théo s’adresse aux petits, avec cette décontraction affichée, cette volonté claire de les traiter en êtres pensants et agissants, lui rappelle les manières de Paul avec ses enfants. Elle sent un hoquet de rire la traverser, comme ça, d’un coup.
— Quoi, t’es pas d’accord ? lui lance Théo, heureux que la discussion circule.
— Pourquoi t’es pas d’accord ? rebondit Simon pour passer à autre chose, la rebuffade paternelle l’ayant un peu vexé.
Cléo réatterrit, se sent à nouveau prise en faute. Ce n’est pas dans une galère qu’elle se trouve, certes non – elle vit sans doute le moment le plus fort et le plus excitant de toute sa vie –, mais ce goûter n’a vraiment rien de reposant !
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(Les premières pages du livre)
MAMAN PAR ACCIDENT (CAMILLE)
— Diane —
Les enfants véritables
11 juin 1995
— Mais Papa, on est d’accord, c’est moi ton enfant véritable ?
Paul sourit sous son bonnet. « On est d’accord. » Cette gamine, elle ne s’arrête jamais. Va savoir où elle est allée chercher cette histoire d’enfant véritable… Peut-être sur le dos d’un livre, dans la bibliothèque ? Ça lui dit vaguement quelque chose. De sa main gauche, il serre plus fort le morceau de bois qu’il sculpte et, de l’autre, il jette trois coups de canif rapides sur l’écorche tendre, afin de se donner une idée de la forme voulue, pour plus tard. Entre ses doigts de bûcheron, la figurine paraît minuscule… Il la fait tourner un moment sous le soleil d’été, devinant du coin de l’œil les montagnes qui les entourent, lui et sa fille. Sa Cléo.
Cléo s’est juchée sur un rocher plat bien chaud, au-dessus de lui, ses chaussures de randonnée délassées dans l’air – elle les agite comme deux petites balles au bout de ses mollets rondelets, pour faire sentir à son père qu’elle est impatiente d’entendre sa réponse. Il parle peu, elle le sait, mais quand les mots viennent, il faut se tenir prête. Car les choses qu’il dira, elle ne les entendra de personne d’autre.

Et certainement pas de moi. C’est-à-dire sa mère. Je ne suis pas dans le paysage, ni au sens propre ni au figuré : en ce moment, je dois me trouver quelque part entre Paris et Trouville, enfin à plusieurs centaines de kilomètres du petit village perdu dans la vallée de l’Ubaye où Paul élève notre fille.
Du reste, même si j’avais été physiquement présente, comme cela m’arrive quatre ou cinq fois par an (avec, à bien y réfléchir, une certaine régularité dans la saisonnalité de mes retours au foyer), je resterais étrangère au monde intérieur de Cléo. Je n’en suis pas fière – comment le pourrais-je –, mais je me targue au moins d’être lucide. Tout comme elle, du reste. Du haut de ses sept ans, elle a très bien compris qu’elle avait un père-chêne, sur lequel elle peut s’appuyer pour grandir, et une mère-herbe-folle, dont elle ne peut que suivre du regard les gracieux envols et les atterrissages en catastrophe, sans espérer beaucoup plus qu’une conversation sur le dernier roman qu’elle a lu ou des conseils sur la façon de se tenir à un dîner. Pour ce que Cléo connaît des dîners…
Je ne peux certainement pas dire que ma fille me comprenne ; à son âge, ce serait impossible. Et puis, me comprendre, c’est la spécialité de Paul. Tout, de ses bras immenses lorsqu’ils s’ouvrent pour encore une fois me recueillir à son front qui reste droit comme pour m’indiquer qu’il n’attend pas d’excuse ni même d’explication, semble dire cela de lui : Paul accepte tout, comprend tout, les bonnes et les mauvaises surprises de la vie – et cette femme bizarre qui est la sienne.
Je me dis parfois que, s’il avait eu le choix, il aurait préféré tomber amoureux d’une autre que moi, une personnalité plus à son image, stable, fiable ; mais voilà, ça ne s’est pas présenté ainsi.
En pur montagnard, Paul sait que la seule manière de survivre à un environnement hostile est de s’y adapter.

Contrairement à moi, sa fille n’a rien d’un environnement hostile ; aussi, s’adapter à elle ne lui cause-t-il aucune difficulté. Avec des gestes lents (la petite le soupçonne d’en faire un peu trop, pour coller à son image de Levine sculpteur), il repose la figurine de bois entre ses pieds nus, orteils en éventail.
Il a choisi de s’asseoir dans ce trou d’ombre, sous le rocher où trépigne sa gamine, pour la qualité de l’herbe qu’il offre ; cela lui fait un coussin de verdure acceptable pour travailler. Il n’aime rien tant que façonner au milieu de ses montagnes.
Un soupir, très doux. Il regarde ses mains, ses grandes mains qui le font vivre et lui permettent d’assurer la subsistance de son foyer, entre travaux de charpente, bidouillages divers, maçonnerie fine et traite des brebis, sans oublier la modique somme qu’il perçoit en tant que pompier volontaire. Il les regarde longtemps, ces mains dont il dépend, et puis il dit :
— « Véritable », qu’est-ce que ça signifie, selon toi ?
Cléo lève les yeux au ciel. Dans sa tête, du matin au soir, elle passe son temps à faire des paris.
Si je vois une marmotte, il y aura de la tarte aux mûres pour le dessert.
Si le voisin vient nous emprunter des œufs, l’école sera fermée demain.
Si je pose une question à Papa, il répondra d’abord par une autre question.
Elle attend, docile.

Pour tout ce qui compte, Paul est une personne assez irréprochable, mais je suppose que notre petite Cléo pourrait trouver qu’il lui fait un peu trop souvent gagner ce dernier pari avec elle-même. Au-delà du fait que ça la met en colère, cela vient précisément contrarier l’un des rares traits de caractère qu’elle tient de moi : son goût de l’inattendu. Sa passion pour l’aventure – celle qui l’attend peut-être, partout, au saut du lit, quelque part dans ces montagnes qu’elle connaît par cœur mais aussi, pourquoi pas, bien au-delà, « par-delà les vallées et les montagnes », comme disait ce conte que lui racontait son père !…
— Papa ! se contente-t-elle de dire d’un air faussement fâché, sachant bien que cela suffira.
Et en effet, ça suffit : Paul réprime un rire sec, une sorte de hennissement tranché à la racine, et plaque ses deux mains sur ses cuisses. En pensée, Cléo gagne un nouveau pari, mais celui-là la ravit : Si Papa pose les mains sur ses cuisses, il dira les choses que personne d’autre ne dit. La vérité, en somme.
— Cette famille compte trois enfants, Cléo, tu le sais. Et je peux t’assurer, gredine grenadine, que ton frère et ta sœur sont tout aussi « véritables » que toi.
Elle fronce son nez rond en signe de désapprobation muette. Cléo n’a rien d’une rebelle, et il ne lui viendrait jamais à l’esprit de s’opposer à son père, qu’elle vénère. En revanche, à vivre toute l’année dehors comme, disons, une sauvageonne, elle n’a guère l’habitude de camoufler ses impatiences.
Paul s’en rend compte, bien sûr ; il a choisi d’entrer dans le sujet en enfonçant la première porte ouverte, et il se doutait que Cléo s’en irriterait. Mais il feint de ne rien voir, sachant qu’il a le temps avec lui. C’est sa plus grande force : il a appris, Dieu sait comment, à faire du temps un allié. J’avoue que ce secret-là, j’aurais aimé le mettre en bouteille pour mes vieux jours, moi qui ai tant perdu de temps.
Mais chut, Paul reprend :
— Si tu dis « véritable » parce que c’est de mon sperme que tu es née, je ne peux pas te contredire, reprend-il de sa voix calme. C’est bien de moi que ce sperme est sorti, un jour que je faisais l’amour avec Diane, c’est-à-dire ta mère, et c’est dans l’ovule de ta mère qu’un spermatozoïde est allé se nicher, pour…
— Papa !
Ce « Papa » est différent du précédent. J’y perçois de la Cléo enjôleuse, cette fois, ou du moins théâtrale – ce qui, forcément, m’intéresse au plus haut point puisque cela nous fait un autre lien possible. Elle feint la gêne, et même l’agacement, pour ne pas dire ce que hurlent ses mignonnes chaussures délassées en se balançant en rythme avec le vent du soir : qu’elle est terriblement fière d’avoir un père qui l’éduque de cette manière-là, sans jamais rien lui cacher des choses de la vie, un père brut de fonderie. Quand elle évoque des sujets d’adultes, ses copines de l’école lui paraissent tellement gourdes, en comparaison !
Paul ne ment pas. Dire « jamais » serait excessif, cependant – mais nous y reviendrons.
— Bon, tu as compris ce que je veux dire. Donc, si c’est ça que tu entends par « véritable », alors d’accord, tu es la seule. L’unica, comme aurait dit ton grand-père !
Dans l’élan, il donne libre cours à cette joie de vivre qu’il porte en lui comme un trésor trop précieux pour être fréquemment dévoilé, se mettant à chanter de sa voix de marbre « Figlia ! Mio Padre ! » sur l’air de Rigoletto, un opéra qu’il adore depuis toujours. Main sur le cœur, il envoie à sa princesse des hauteurs quelques tonnantes bouffées de tendresse, jusqu’à ce qu’elle capitule en éclatant de rire.
— Voilà, reprend-il. En revanche, si, avec ton « véritable », tu emploies le mot pour ce qu’il est, comme un marteau qu’on utilise comme un marteau et rien d’autre, alors je dois te dire, ma fille, que tu te mets le doigt dans l’œil ». Et même pire !
— Je voulais juste dire…
— Je comprends ce que tu voulais dire. Maintenant, explique-moi : comment une petite tête si bien faite peut-elle abriter une question aussi stupide que celle qui consiste à savoir si elle est ma véritable enfant ? C’est une question à récolter une gifle, ça !
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Je suis, du fait de ma propre histoire chaotique, bien placée pour savoir que les enfants mettent parfois du temps à identifier l'objet de leur tristesse, et plus encore à exprimer celle-ci. Quand elle jaillit enfin, il faut se tenir prêt à la recevoir- en priant pour en être capable, car c'est un jet de lave qui vous submerge. Un jet de lave, rien de moins, qui peut vous démolir.
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La montagne m'a tout appris... Cheminer d'un pas lent, sans jamais se laisser à tendre le regard vers le sommet; accepter et endurer, attendre et espérer. Être racine, poids. Se faire ancre.
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Personne ne peut passer son existence à regarder par-dessus son épaule pour prévoir le danger : personne ne peut cheminer en gardant les yeux fixés sur les sources noires qui l'escortent, c'est bien là le drame de l'existence ; on ne peut qu'accueillir la chute quand elle surgit, faute de courir à côté de sa vie en prétendant veiller sur elle.
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Vidéo de Thibault Bérard
Durant l'automne 2023, les élèves de 4eB du collège La Carraire, à Miramas, ont écrit collectivement une nouvelle, accompagnés par Thibault Bérard, auteur. Cette nouvelle est en lice pour la 6e saison du concours littéraire Des nouvelles des collégiens. La remise des prix aura lieu pendant la 8e édition du festival Oh les beaux jours ! (22-26 mai 2024).
Lire les nouvelles du concours 2024 : https://ohlesbeauxjours.fr/des-nouvelles-des-collegiens/ma-classe-vote/ _____________________ le projet Des nouvelles des collégiens mené en collaboration avec l'Académie d'Aix-Marseille reçoit le soutien, en 2023-2024, du département des Bouches-du-Rhône et de la Fondation La Poste.
_____________________ Retrouvez Oh les beaux jours ! sur : acebook https://www.facebook.com/festivalohlesbeauxjours nstagram https://www.instagram.com/oh_les_beaux_jours/ witter https://twitter.com/festival_OLBJ eb http://ohlesbeauxjours.fr
_____________________ Organisation et production : Des livres comme des idées, Marseille Coordination du projet : Maïté Léal, Émilie Ortuno Réalisation vidéo : Manon Gary Graphisme: Dominique Herbert, Manon Sahli © Des livres comme des idées, 2024
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