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Après avoir accompagné Jeanne d'Arc jusqu'au bucher (1431) dans « Le bon coeur » et l'avoir réhabilitée lors du procès (1456) dans « Le bon sens », Michel Bernard poursuit l'étude la Guerre de cent ans en faisant revivre « Les bourgeois de Calais » (1347), en décrivant le projet d'un monument en leur hommage prévu en 1889 pour célébrer la fusion des villes de Calais et De Saint-Pierre à l'occasion du centenaire de la révolution.

Détaillant le délicat partenariat entre la municipalité de Calais, maitre d'ouvrage, et le sculpteur, maitre d'oeuvre, le romancier, par ailleurs préfet, plonge dans les arcanes politiques, économiques et médiatiques d'un dossier compliqué par un contexte sanitaire qui évoque l'actuel COVID.

L'intrigue débute en 1884, d'un coté Oscar Dewarin (1837/1904), notaire et maire de Calais, de l'autre Auguste Rodin (1840/1917), alors âgé de 44 ans, à la notoriété naissante. Dès leur première rencontre, le courant passe, et Rodin propose rapidement une maquette originale, moderne, en rupture avec les codes de l'époque. le conseil municipal vote un accord quasi unanime.

Les années passent, les élections se suivent et Paul Gustave van Grutten succède à Dewavrin, pendant que Rodin modifie son esquisse, est abandonnée par Camille Claudel et que les délais dérapent alors que l'artiste, mis sur orbite par Claude Monet, et honoré soudain de multiples commandes, se disperse. L'objectif 1889 s'évapore …

Une crise économique survient qui fragilise la prospérité du port de Calais, ruine la banque où étaient placés la souscription finançant le monument, et contraint le notaire Dewarin à vendre son étude.

Mais les électeurs l'élisent à nouveau maire de Calais et Léonine son épouse le remotive. le choléra s'abat en octobre 1892 sur les quartiers défavorisés de Calais, Oscar et son épouse prennent le problème à bras le corps et éradiquent le mal en quelques jours ce qui permet de relancer le projet qui est finalement inauguré en juin 1895.

Michel Bernard romance ces onze années et ressuscite Rose Beuret, la compagne dévouée de Rodin, Rainer Maria Rilke, son secrétaire, et dévoile progressivement la mystérieuse alchimie propre à la création d'un chef d'oeuvre aujourd'hui mondialement apprécié, mais dont la naissance fut entourée de polémiques comparables à celles qui vilipendèrent le Monument à Balzac commandé par Zola et La Société des Gens de Lettres.

Une fois encore Michel Bernard s'impose avec un ouvrage aussi instructif que passionnant rédigé d'une plume classique et élégante qui livre un émouvant mémorial au couple Dewavrin.
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« Tout nuds en leurs chemises, la hart au col, et les clefs de la ville en leurs mains »

Agréable surprise que la découverte de l'écriture fluide et érudite de Michel Bernard. Raconter la genèse de cette oeuvre importante de Rodin n'est pas chose aisée si l'auteur ne possède pas une solide connaissance historique, accompagnée d'une grande fibre artistique, pour lui permettre d'écrire un roman passionnant sur l'élaboration d'un des chefs d'oeuvre les plus connus de Rodin : « Les Bourgeois de Calais ».

J'ai admiré la narration et l'imagination créatrice de l'auteur qui s'est inspiré des lettres échangées entre Rodin et Omer Dewavrin quant à la réalisation de l'oeuvre. Il a enfilé le costume des personnages principaux. Il a choisi de sortir de l'ombre un couple, Léontine et Omer Dewavrin, sans la ténacité duquel, cette oeuvre ne serait pas devenue le symbole de la ville de Calais dans le monde entier, sachant qu'il en existe douze exemplaires dans le monde.

Pour les cent ans de la Révolution, Omer Dewavrin, maire de la ville de Calais, notaire de profession, grand amoureux de l'histoire locale de sa région, imagine d'élever sur la place d'Armes, un monument en hommage aux six bourgeois qui se sont offerts en otages au Roi d'Angleterre Edouard III, lors de la reddition de la ville de CALAIS, après onze mois de siège long et cruel, au début de la Guerre de Cent ans, de septembre 1346 à août 1347.

« Eustache de Saint-Pierre, Pierre de Wissant, Jean d'Aire, Jacques de Wissant, Jean de Fiennes, Andrieu d'Andres ».

L'ambiance de la création est parfaitement restituée avec les hésitations de Rodin, ses exigences, son insatisfaction, ses projections sur la représentation de ses personnages selon leur situation sociale et la dramaturgie des évènements. On pénètre les pensées intimes d'Omer, ses méditations lorsqu'il admire les ruelles de la ville de Calais comme lorsqu'il se rend à Paris, assis dans le train, pour visiter Auguste Rodin. Rien n'échappe à l'auteur et de ce fait, rien ne nous échappe. On se met à table avec nos deux amis dans les gargotes comme dans les restaurants de meilleure réputation. On suit leurs échanges, l'enthousiasme d'Omer comme celui de Rodin : ce dernier cherchant à donner un nouveau souffle à la sculpture, sortir du classicisme. Puis viennent les découragements devant les difficultés qui s'amoncellent, l'incompréhension d'une oeuvre que l'artiste souhaite non académique, les désaccords politiques, la crise économique de 1885 qui sera suivie de la période tragique de l'épidémie du choléra.

C'est aussi la rencontre de deux hommes, Auguste et Omer, que tout sépare mais qui vont se lier d'une très forte amitié sans oublier Léontine, l'épouse d'Omer, qui prendra sa part de soutien dans les moments difficiles.

Les pensées intimes des personnages leur donne une belle consistance. Ils prennent vie sous nos yeux. On visualise parfaitement Omer pénétrer dans l'atelier d'Auguste découvrant Camille qu'il a déjà aperçue lors d'une visite précédente :

« Il reconnut, assise devant une sorte d'établi, la jeune fille toujours appelée Melle Claudel par Rodin, ce qui ne trompait personne. Elle posa sur lui un regard bleu marine avant de le reporter sur l'objet que manipulaient ses doigts graissés par l'argile mouillée. Concentrée sur la tâche, sa pensée appliquait la même force que ses mains sur la matière. Ses lèvres serrées barraient d'un trait dur, étrangement sensuel, le bas de son visage. le Maître n'était peut-être pas celui que l'on croyait ».

On a plaisir à retrouver Monet, Rainer Maria Rilke et la compagne conciliante de Rodin, Rose Beuret.

C'est un joli voyage dans le temps, sur onze ans, entre 1884 et 1895 auquel nous convie l'auteur de sa plume élégante, un récit qui s'adresse à un large publique, un roman riche d'enseignements. Vous ne regarderez plus les « Bourgeois de Calais » de la même façon sans repenser à ce livre !

« Parfois il se demandait s'il était bien l'artiste qui avait sculpté ces six figures. Il n'aurait pas sur les refaire, il ne savait plus comment il les avait faites. L'avait-il jamais su ? Son oeuvre lui échappait. Ce que ses amis appelaient son génie n'était qu'une énigme dont il cherchait en lui-même les contours, à tâtons. Il regardait ses mains, ses doigts, comme un prolongement mystérieux de son esprit. Cet assemblage de petits os et de cartilages sous le fin réseau des muscles et des nerfs, sous la peau épaissie par l'âge, polie par le travail, savait toujours ce qui était bien, ce qui serait beau, émouvant, et trouvait le moyen de le représenter. Ses mains travaillaient, habiles et précises. Elles avaient la foi. »
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Quel plaisir de rencontrer une jolie plume comme celle de Michel Bernard. Je sais que, pénétrée de ce roman sur Les Bourgeois de Calais, j'aurai hâte demain de découvrir cet auteur plus avant. Omer Dewavrin, maire de Calais va rencontrer le Maître, Auguste Rodin, pour la réalisation d'un monument en hommage aux six Bourgeois de Calais de la guerre de Cent Ans. Nous allons ainsi rebrousser chemin jusqu'en 1884 pour assister à cette rencontre. le projet de départ est centré sur un seul homme mais c'était sans compter sur la conception artistique du sculpteur car il y a l'oeuvre et la mise en oeuvre, un cheminement complexe vers l'aboutissement artistique. Rodin veut d'abord s'imprégner de sa mission et il va lire la chronique de Jean Froissart, laquelle écrite en vieux français, lui reste, assez hermétique. C'est ainsi que, accompagné de son ami Octave Mirbeau, lequel s'en remettait à Villon, le poète maudit, ils en vinrent à consulter le concierge de langue picarde et bientôt, la femme du concierge, Pas-de-Calaisienne, qui elle, étant toujours imprégnée du patois d'antan vint à bout de ces emprunts aux mots anciens. C'est alors que, magnifiquement, nous assistons à la communion des savoirs et à la réalité de notre identité culturelle. Nous allons rencontrer de hauts personnages, Camille Claudel, Claude Monet, Rilke, Balzac, suivre les impulsions d'un grand créateur et les aléas de vie des uns et des autres avec dans les murs la crise épidémique de choléra-morbus. Mais rien ne verra l'amitié décroître entre Omer Dewavrin, et Auguste Rodin et rien n'empêchera l'avènement des six Bourgeois de Calais d'accéder enfin à la reconnaissance.
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Omer Dewavrin est le maire de la ville de Calais, et il a un projet : célébrer un épisode historique de la Guerre de Cent Ans dans la ville du Nord.

Nous sommes en 1347. La ville est assiégée par l'ennemi anglais, et malgré le courage des Calaisiens, les Anglais sont plus forts. C'est donc le sacrifice de ces six hommes, contraints de remettre les clefs de leur ville à leurs assaillants pour laisser la vie sauve à l'ensemble des habitants de la ville, qui va marquer les esprits : Calais doit avoir sa statue pour commémorer cet épisode.

Mais Omer Dewavrin voit loin. Il lance un concours auprès de grands sculpteurs, et se rend à Paris pour rencontrer un sculpteur prometteur : Auguste Rodin. Nous sommes en 1884 et l'artiste a son atelier rue de l'Université au coeur de Paris. Rodin lui fait les honneurs de son atelier : il y a là une jeune femme nue, qui pose près du poêle. Il y a aussi « La Porte de l'Enfer » qui est en cours d'élaboration. Et encore la « République appelant aux armes », ou enfin « L'âge d'airain », qui marque profondément l'esprit du maire de Calais.

En repartant vers le Nord, il est décidé : ce sera Rodin le sculpteur des Bourgeois, et personne d'autre.

Toute l'originalité de l'auteur, Michel Bernard, c'est ce pas de côté : imaginer la relation d'amitié qui va lier le commanditaire et le sculpteur, à partir de la correspondance retrouvée entre les deux protagonistes, y compris celle de l'épouse du maire, Léonine Dewavrin, qui jouera un rôle prépondérant dans cette aventure, par sa ténacité à toute épreuve.

Car rien ne sera simple dans cette décision : il faudra affronter le goût classique des conseillers municipaux, qui ont du mal avec le génie du parisien, il y a les souscriptions à aller chercher, l'opposition d'un autre maire avec qui Dewavrin doit composer, et les hésitations de Rodin avant de décider quelle apparence donner aux 6 Bourgeois de la Guerre de Cent Ans.
Tout cela prendra donc dix ans, mais l'intuition initiale d'Omer Dewawrin ne sera jamais démentie : au fond de lui il est convaincu du génie de cet artiste devenu au fil du temps un ami, et il est convaincu que Rodin est le mieux placé pour exécuter le souvenir de cet épisode historique : l'avenir dira combien il avait raison.

Au passage on aura approché la vie du sculpteur : enthousiaste à l'idée du projet de Calais, profitant plus tard de la renommée qui va lui échoir, et enfin mélancolique quand une certaine apprentie s'est enfuie de l'atelier… Car oui, on croisera aussi une jeune femme sur qui le regard d'Omer va tomber, et qui semble faire beaucoup d'effet à Rodin : il s'agit de Camille Claudel bien sûr.

Merci à Masse Critique pour l'envoi de ce récit : au final Michel Bernard nous livre ici une histoire touchante, pleine de sensibilité, et qui montre la valeur de l'amitié entre un commanditaire et son artiste : un regard plein de délicatesse.


Lien : http://versionlibreorg.blogs..
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Il fallait tout le talent d'écriture de Michel Bernard pour se lancer dans un tel projet, celui de faire revivre, grâce à ses mots, la fièvre créatrice d'Auguste Rodin. Un homme est à l'origine de la demande faite à Rodin de créer le fameux monument des "Bourgeois de Calais", il s'agit d'un notaire, maire de Calais en 1884 : Omer Dewavrin. C'est à cette date qu'il choisit de confier à Rodin, lui qui n'était encore qu'un sculpteur comptant des disciples mais n'ayant pas la notoriété qu'il acquit par la suite, la création de cette oeuvre majeure. Il fallut dix années d'âpres luttes pour que surgissent, des affres de la créativité sans limite de Rodin, et de la patience, de l'énergie de Dewavrin, Les "Bourgeois de Calais" inauguré en 1895 à Calais. le succès de l'oeuvre est phénoménal. Douze exemplaires seront par la suite commandés dans le monde entier. C'est un roman élégant, puissamment enraciné dans le terreau fécond et nourricier du génie de Rodin. Celui-ci le dit, son génie est une énigme, ses mains et ses doigts étant le prolongement mystérieux de son esprit. On touche ici à ce qui est presque ineffable, la force créatrice, cette énergie, cette folie pour certain(e)s qui pousse l'artiste à aller toujours chercher à s'élever pour purifier, magnifier son art. Michel Bernard réussi son pari tant l'écriture est à la hauteur du sujet. Les mots sont ciselés, magnifiés, décortiquant les évolutions, les étapes depuis la commande de l'oeuvre jusqu' à son terme. En toile de fond, l'histoire qui depuis plusieurs livres passionnent Michel Bernard et ses lecteurs : la guerre de Cent-Ans. Ici, l'héroïsme de six riches habitants de Calais qui se livrèrent au roi d'Angleterre Edouard III pour que leurs concitoyens soient épargnés suite à ce siège qui a épuisé la patience de ce roi.
Nous sommes à la fin du XIXème siècle, en pleine création de ce que l'on appellera le mythe du "roman national." "Les Bourgeois de Calais" montre l'utilisation politique, l'instrumentalisation à des fins autres que le simple fait d'exposer l'art pour l'art. Mais depuis tout temps, c'est le cas, l'art est politique et il est, en quelque sorte, le fruit des consciences, des rapports de force qui traversent la société. A 35 ans, Rodin était pauvre, sans protecteur, sans mécène, jamais reçu dans les salons, pas dans les petits papiers des puissances établies de la sculpture officielle. Rodin le sait, son art dérange et s'est justement pour cela qu'il croit en son génie et que d'autres sont époustouflés par son art. Parmi eux, l'un des tous premiers n'est autre qu'Omer Dewavrin, . le style d'écriture est pleins de lyrisme, envoûtant, et fait de ce roman une puissante réflexion sur l'art.
Merci à Babelio ainsi qu'aux Editions "La Table Ronde" pour cette lecture et leur confiance.
Lien : https://thedude524.com/2021/..
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Quand le temps se fait art

Plus de 10 ans, c'est le temps qu'il a fallu entre la commande et l'inauguration de cette sculpture exceptionnelle qui fait aujourd'hui la fierté des calaisiens.

Dix années d'une histoire mouvementée, aux multiples imprévus qui n'auront finalement pas raison de l'opiniâtreté d'Omer Dewavrin, le maire Calais, qui pour fêter le centenaire de la révolution française tient à honorer le glorieux sacrifice des six notables qui ont accepté en 1347 de livrer en même temps que les clés de la ville leur propre vie au roi Edouard III en guise de soumission.

Omer Dewavrin contacte ainsi plusieurs sculpteurs dont Auguste Rodin à la réputation naissante et qu'une visite dans ses ateliers de la rue de l'université à Paris suffira à convaincre.
Auguste Rodin lui propose un projet en rupture avec le classicisme contemporain en s'inspirant des écrits de l'historien Jean Froissart pour que son oeuvre restitue le plus fidèlement possible le sacrifice de ces notables.
Son projet sera finalement accepté à la quasi unanimité par le conseil municipal.

De sa plume élégante et raffinée Michel Bernard va nous faire vivre ces dix longues années qui verront l'éclosion d'un artiste en quête permanente de perfection.
Un récit ciselé qui met également en relief l'amitié naissante entre le maire et le sculpteur. Une amitié dont la ténacité permettra de conduire leur grand projet à terme en dépit des nombreuses péripéties et réticences qu'il subira.

Ce roman au réalisme parfait dans lequel on croise également Camille Claudel, Claude Monnet, Octave Mirbeau ou encore Rainer Maria Rilke restitue à merveille ce moment important de l'histoire de l'art.
Une grande page d'histoire à laquelle a également contribué Léontine, l'épouse d'Omer au soutien indéfectible, sans laquelle la fraternité des six bourgeois ne pourrait pas s'exprimer aujourd'hui sous la protection bienveillante du beffroi de l'hôtel de ville.








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Acquis en 2021- repris fin juin 2023

Lecture des plus captivantes nous faisant vivre la genèse complète d'une oeuvre d'art , du désir d'un commanditaire à sa naissance...avec tous les aléas, doutes, obstacles causés par l'artiste ou par les partenaires- mécènes...et divers intermédiaires, dont le très précieux " Fondeur"...en fin de parcours !

Pour cet incroyable groupe des
" Bourgeois de Calais " , il aura fallu 10 longues années, pour ne pas dire " interminables " pour le commanditaire de l'Oeuvre : le maire de Calais, Omer Dewavrin...

Ayant toujours et définitivement " les yeux plus gros que le ventre", J'avais choisi ce roman à sa parution, et injustement l'ai abandonné...cette fois, je l'ai repris remplie d'une motivation chargée à bloc, venant de redécouvrir le Musée Rodin...Ai ainsi pu contemplé à nouveau ces " Bourgeois de Calais" fort bien exposé dans le parc.( admiré aussi il y a longtemps dans sa ville calaisienne!)


À peine rentrée, je me suis précipitée sur le texte de Michel Bernard, qui nous retrace très précisément, avec force conviction et enthousiasme l'"Épopée", veritablement, qui dura 10 années avant que le projet réalisé soit officiellement inauguré dans la ville de Calais !

Récit à moult rebondissements...

Michel Bernard nous entraîne acec lui...au long de ses dix années , dans la complexe entreprise de la réalisation d'une commande publique faite à un artiste sur un sujet donné : du choix délicat du candidat idéal, à la présentation d'une maquette préparatoire, à la persuasion délicate de tous les élus et partenaires financiers, sans omettre ensuite les exigences, caprices, retards, doutes, reports de l'artiste lui-même !!?

Nous ne pouvons donc être qu'infiniment reconnaissants à la détermination sans faille et à la patience inégalée de " notre" maire- notaire, Omer Dewavrin, qui en a fait le projet d'une vie...

Incroyable personnage qui pourrait pu paraître
" falot" de par sa fonction peu palpitante de
" notaire", dont il s'est d'ailleurs lassé au fil des années...
Omer D. se révèle de surcroît un maire bienveillant et énergique ; les Calaisiens le solliciteront d'ailleurs
( alors qu'il s'était retiré) pour un assurer un mandat supplémentaire, afin de faire face à une situation alarmante d'épidémie de choléra...Ce qu'il parviendra à résoudre énergiquement tout en ne perdant pas de vue l'avancée du monument de Rodin, qui avec ce énième contretemps tragique...finira par être inauguré avec succès !

Ce fonctionnaire, en plus de ses compétences d'élu, se dévoile également, avec bonheur être un homme de goût ,un esprit éclairé...avec ses audaces et sa conviction quasi- immédiate que Rodin est l'Artiste avec lequel il se sent en résonance ; ce qui est d'autant plus audacieux , que Rodin est loin encore , de faire l'unanimité....

À tel point, que l'auteur décrit une scène hilarante : À la présentation première de " son groupe de bourgeois " aux élus calaisiens, les compliments ne font que fuser.D'abord euphorique de cet accueil, l'artiste rentre à Paris...et là...Patatras...il déprime, remet tout en question et se dit que quelque chose
" cloche"vraiment...Pas une critique: cela doit signifier que c'est trop conventionnel ou plat , ou il ne sait ??!
Toutes ses sculptures ont provoqué " critiques, polémiques..."et parfois plus...Alors, tout va décidément trop bien...

Ainsi, Rodin repensera très différemment " ses Bourgeois "....et là, l'artiste sera rassuré ; les critiques et les remarques de rejet abonderont....ce Cher Omer devra batailler encore et encore..Il aura heureusement beaucoup d'opiniâtreté et
d' arguments pour tenter de convaincre ses interlocuteurs, afin que le projet, devenu " obsession de sa vie" ne soit surtout pas abandonné !

"Les attitudes des six Bourgeois étaient jugées trop consternées, trop désespérées, trop misérables, pas assez fières, pas assez altières, pas assez héroïques en somme.

(...) Mais c'était parce qu'ils avaient essayé de comprendre sur-le- champ, de raisonner sur ce que leurs yeux leur montraient, qu'ils avaient cherché le sens de l'oeuvre avant de la laisser agir sur eux, qu'ils passaient à côté. Il fallait s'abandonner, se laisser charmer par l'harmonie du groupe, son mouvement, cette chanson de gestes. (...)
Oui, si on regardait vraiment, si on laissait ses yeux se rassasier de ce qui était devant eux, la vie était là : un désordre et une harmonie. "

Une lecture irrésistible qui m'a appris de multiples choses sur l' incroyable " parcours du combattant" que représente la concrétisation d'une oeuvre artistique pour " une commande publique "...

Un style fluide, agréable, tellement " partie
prenante "qu'on est " embarqué " dans l'aventure, sans s'en rendre compte ! Bravo et Merci au talent de Michel Bernard.

J'achève ce billet par un extrait fort émouvant concernant le succès et le brillant destin de ce groupe sculpté , unique en son genre :

"Au roi De Belgique qui venait d'acquérir un exemplaire du groupe pour son Musée à Bruxelles, Rodin avait recommandé de le surélever le moins possible. Celui présenté dans les collections du Musée royal de Copenhague depuis deux ans était à la hauteur du public, conformément à son souhait, et produisait le meilleur effet.Des institutions ou des mécènes d'autres pays désiraient aussi en faire l'acquisition. C'était flatteur pour lui, pour l'art français, mais il veillait à ce que la reproduction soit exceptionnelle. " Les Bourgeois " ne pouvaient être un objet manufacturé de luxe.Il était surpris du succès international d'une oeuvre commandée par une petite ville française pour célébrer à l'endroit où il avait eu lieu un événement local. En tout cas, Omer Dewavrin serait content et fier de voir ses " Bourgeois " peupler le monde."

** In- fine , extraits de la Correspondance entre le maire de Calais et Rodin ; Correspondance sur laquelle l'écrivain s'est appuyé avec brio pour la composition de ce roman si bien documenté ...Il me reste à corriger un dernier grand retard: la lecture des " Deux remords de Monet"...













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Magistral, ou comment la genèse d'une oeuvre devient sujet de roman sans ennuyer une seconde le lecteur.
Il est dans l'air du temps de s'immiscer dans les coulisses d'une production artistique. Netflix en fait sa fortune avec la série « The movies that made us ». Mais en élucidant les mystères d'une création, on risque de la désenchanter, de lui ôter la grâce qui lui confère son immortalité. Michel Bernard ne tombe pas dans ce travers. L'accouchement d'une sculpture est douloureux, magnifique, fait de douleurs, de sueur et de cris, d'autant plus intense qu'il est confié aux mains d'un homme qui rendait la matière brute plus vivante que son modèle. « C'est que lui, Auguste Rodin, voulait donner une âme au bronze, et que le bronze soit une âme pour les yeux et les mains qui le caresseraient ».
Rodin n'est pas seul responsable de ce miracle. Il reçoit le soutien inconditionnel d'un commanditaire qui se passionna pour l'entreprise du maître, le notaire Omer Dewavrin, sans la persévérance duquel « Les Bourgeois de Calais » n'auraient jamais vu le jour. On l'oublie trop souvent, derrière une oeuvre exceptionnelle, il y a le génie de l'artiste, mais il y aussi le flair d'un donneur d'ordre.
Dans une langue admirable, Michel Bernard nous fait visiter l'atelier du peintre (p20), revivre l'histoire de ces bourgeois héroïques (p70) qui ont inspiré la statue, partager les états d'âme et les exigences de l'artiste (p73, p89, p91) ou déambuler dans un Paris du XIXème à son apogée, centre de toutes les attentions.
Le succès s'acquière dans l'épreuve du refus : « Rien de grand ne s'était jamais élevé sans créer la surprise ». Il aura fallu dix ans pour que s'érige enfin le monument de Calais. Ce roman est aussi une histoire de foi et de résilience.
Bilan : 🌹🌹🌹
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En 1884 le maire de Calais, Omer Dewavrin, décide de faire fabriquer une sculpture en hommage à l'histoire de sa ville. Cette sculpture deviendra la célèbre oeuvre Les Bourgeois de Calais

Lors de sa rencontre avec Rodin, Omer Dewavrin sera envoûté par le talent de cet homme. Un artiste qui sculpte selon ses propres règles et qui délaisse les méthodes traditionnelles. Lorsqu'ils échangent sur l'événement des bourgeois de Calais, la perception qu'a Rodin de l'histoire de la ville convainc immédiatement le maire.

Le 28 janvier 1885, la Ville de Calais passe ainsi la commande officielle auprès du sculpteur Auguste RODIN pour la réalisation d'une oeuvre dédiée au dévouement des six bourgeois (Eustache DE ST PIERRE, Jacques et Pierre DE WISSANT, Jean DE FIENNES, Andrieus D'ANDRES et Jean D'AIRE), héros, lors du siège de la ville par les Anglais en 1347. S'ensuit un long combat, autant politique qu' économique pour permettre à Calais d'avoir les moyens d'accéder à un artiste qui commence à se faire un beau nom dans le milieu de l'art.

Ce parcours semé d'embuches est raconté avec énormément brio par un Michel Bernard qui s'est longuement documenté et qui s'est appuyé sur les échanges épistolaires entre le sculpteur et le maire.

Michel Bernard plonge le lecteur au coeur de l'élaboration d 'un chef-d'oeuvre de la sculpture avec finesse et 'humanité et raconte comment la petite histoire peut servir les intérêts de la grande.

Une histoire courte, bien narrée, détaillée et vraiment instructive, pour un roman très prenant à conseiller aux lecteurs passionnés d'art et d'histoire

En somme, "Les Bourgeois de Calais" est un nouvelle pièce d'art à mettre au crédit de la formidable oeuvre de Michel Bernard .
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Aller à la rencontre d'un nouveau romancier, c'est découvrir une nouvelle langue, plus que de nouvelles histoires. Michel Bernard écrit bien. Il a débarrassé sa langue des souillures du temps présent, il l'a purifiée et lui a redonné une tenue classique, au service du lecteur assoiffé de bon français et de littérature lisible. Il raconte l'amitié entre le sculpteur Rodin et le maire de Calais, Omer Dewavrin, nous ramène à la fin du XIX°s et parle de l'art, de la création et de leur place dans la cité ; le lecteur retrouve sans peine, confortablement, des échos familiers du Zola de "L'oeuvre" , du Huysmans romancier de l'art chrétien, de Proust enfin faisant place aux artistes dans sa Recherche du Temps Perdu.

Michel Bernard écrit "comme si de rien n'était" : comme si notre langue et notre univers littéraire n'étaient pas affectés par l'ignorance, les gros sous, le désastre de l'école et le Wokisme. Tranquillement, l'auteur raconte l'érection du groupe statuaire des Bourgeois de Calais, sous l'impulsion du maire de la ville, à des lecteurs habitués au déboulonnage des statues, au ressentiment des maires et à la culture officielle de l'effacement. Il ose parler des mains de l'artiste, rappelant les fameux autoportraits de Courbet, à nous, habitués à des artistes contemporains qui ne font plus rien de leurs propres mains, mais parlent beaucoup. Il se permet, en pleine "déconstruction" générale, d'utiliser sans grandiloquence des mots comme "grandeur", "vérité", "honneur de vivre". Et à ceux qui ajoutent foi à l'opposition mythologique du Bourgeois borné et de l'Artiste incompris, il relate l'amitié tenace d'un bourgeois calaisien capable de comprendre Rodin, et d'un sculpteur, "homme de ce qui demeure" (p. 154), qui s'embourgeoise sans se trahir ni se renier. Ce roman est donc un pavé dans la mare, ce qui explique le relatif silence qui l'a accueilli, comme ceux qui l'ont précédé, silence noté dans l'émission Répliques de France-Culture, où Alain Finkielkraut recevait l'auteur.

Les écrivains du tout venant sont animés d'un profond ressentiment contre la langue qu'ils écrivent et la culture qu'ils déconstruisent : l'idéologie affecte leur style, leur vocabulaire, leur imagerie, quand ils en ont une. Dans le cas de Michel Bernard, c'est l'inverse : il assume tout, depuis Froissart dont les Chroniques racontent l'histoire des Bourgeois de Calais et fécondent l'imagination de Rodin, jusqu'à cette France de la III° République qu'il met admirablement en scène, avec ses combats et ses préjugés, mais aussi sa profonde unité culturelle et nationale, au-delà des oppositions de parti. On voit bien à la langue de l'auteur, qu'il est dépourvu d'hostilité et de ressentiment, qu'il ne cherche pas à brutaliser son lecteur, ni à l'éveiller à on ne sait quelles vérités progressistes. Il cherche seulement à lui procurer le plaisir intelligent de la beauté, et à lui faire mesurer comment la langue et les histoires qu'elle transmet se changent en statues de bronze durables, en poèmes ou en tableaux. D'autre part, Michel Bernard est un remarquable paysagiste...

La sculpture s'inscrit ici dans la durée, pas dans la provocation dérisoire de l'idéologie. On voit bien avec Michel Bernard que la littérature en fait autant.
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