« Dès qu'il le pouvait, Cédric revenait en Bretagne, chez son grand-père, dans cette bâtisse qui surplombait la mer, à la croisée des plages. » Délaissé par une mère avare de gestes tendres, il a, heureusement, son grand-père, notaire de l'endroit, qui lui apprend à naviguer et lui transmet sa sagesse. La grand-mère, austère et muette, semble s'être recroquevillée à l'intérieur d'elle-même.
Après la disparition de Jacques le Garrec, Cédric va découvrir des secrets enfouis dont il n'avait jamais soupçonné l'existence.
Je l'ai déjà dit : les îles m'intriguent et m'attirent. C'est donc avec beaucoup de plaisir que j'avais découvert les superbes bandes dessinées de Weber et Nicoby consacrées à Belle-Ile et Ouessant, des endroits que j'espère bien visiter un jour. le roman de
Laurence Bertels me paraissait donc alléchant. J'y subodorais une histoire de secrets de famille, un thème qui me plaît aussi.
Dès les premières pages, le lecteur fait la connaissance de Cédric le Garrec. Celui-ci n'est pas tellement comblé : un métier qui l'assomme, un ménage qui bat de l'aile... Par chance, il y a « Kenavo », la maison bretonne dans laquelle, enfant, il a coulé des jours heureux. le notaire
De Saint Pierre et Quiberon, Jacques le Garrec, est un excellent navigateur . Il rêve de transformer Cédric en un nouvel
Eric Tabarly. Pas de chance, l'enfant n'a pas le pied marin. En revanche, il ne refuse jamais les balades, par tous les temps, sur « cette côte inhospitalière, cette succession de falaises déchiquetées, cette alternance de grottes, de crevasses et d'anses de sable ». Il aime regarder les vagues se fracasser sur les rochers, découvrir la flore ou la faune. Une mouette « d'apparence dodue, le bec dans une flaque d'eau, recommençait l'opération à plusieurs reprises, imperturbable. » Sa présence suffit au promeneur solitaire qui n'a guère besoin de bavardages avec ses congénères.
A travers ses descriptions, à la fois précises et pittoresques,
Laurence Bertels fait ressentir à son lecteur la beauté, le calme, la majesté des lieux. On a l'impression d'entendre le ressac, de humer l'air marin, de frissonner sous les rafales.
Deux pages plus loin, pourtant, Cédric plonge dans le drame. En rentrant d'une promenade, il trouve mort ce grand-père adoré, qui a certainement anticipé sa fin, puisqu'il lui a transmis ses dernières volontés.
Le jeune homme va donc passer cinq jours dans un silence oppressant, à veiller le défunt, en compagnie de sa gouvernante, guère plus causante que celui-ci.
Elle s'appelle Clarisse, et c'est à travers le regard de Cédric que nous la découvrons. Depuis vingt ans, elle est au service de Jacques. Elle nous donne l'impression d'être une vieille fille austère, habillée de sombre, au chignon strict. Et pourtant, comme elle a été engagée alors qu'elle était âgée d'à peine vingt ans , elle a seulement la quarantaine. Et, hors des quatre murs de Kenavo, elle se transforme en une autre femme. Cédric tente de percer son secret. Il la harcèle de questions, la suit, n'a aucun respect pour sa vie privée. Je n'aime pas ce personnage hargneux, qui se dispute avec tous ceux qui l'entourent, se réfugie dans l'alcool, buvant plus que de raison, se met en colère lorsqu'il découvre que d'autres que lui hériteront de Jacques le Garrec
Ce dernier n'apparaît qu'en creux, à travers les souvenirs de son petit-fils, le journal de sa femme, les anecdotes rapportées par l'entourage : commissaire, médecin, jeune notaire. Lui, au contraire, est très attachant. C'est un homme qui m'a touchée.
Si Cédric me crispait, l'atmosphère, les paysages tourmentés de la presqu'île qu'il arpente en tous sens, accompagné de Billie, le chien, m'ont séduite. J'ai retrouvé, en lisant ce roman, des endroits qui apparaissent dans « Belle-Ile en père » : la Pointe des Poulains, avec le fort où habitait
Sarah Bernhardt, les menhirs Jean et Jeanne, dont
Laurence Bertels nous raconte la légende. Cela donne très envie de voir tout cela de ses propres yeux. le roman met en avant, outre les silences et les secrets, les solitudes vécues par chacun des protagonistes et les liens du coeur, bien plus puissants que ceux du sang. C'est pourquoi je l'ai beaucoup aimé.