Un homme accidentel

Nous n'aurions jamais dû nous rencontrer.

Quand l'après midi s'achève,il m'arrive d'aller marcher sur la jetée.Le plus souvent,l'air est doux et étrangement parfumé.Mais pour moi,rien n'est plus comme avant....Cette douceur ,cette enivrante douceur des étés pacifiques ,me fait incroyablement mal.

Ce matin, je vais plutôt mieux que les jours d'avant : cette nuit, j'ai rêvé de lui. Jack Bell. Enfoiré de Jack Bell. Je me suis réveillé avec le souvenir de son visage. C'était incroyablement doux.
Dans mon rêve, Jack souriait. Pourtant, il était plutôt du genre taciturne. J'ai jeté un coup d'oeil à l'heure qui s'affichait en cristaux liquides sur le cadran de la radio et appuyé mécaniquement sur le bouton "on". Aussitôt, j'ai entendu la voix martiale de George Bush, il se félicitait une fois de plus d'avoir écrasé les troupes de Saddam en six semaines. Le sourire de Jack s'est évaporé.
Et puis, avant de lancer la pub, l'animatrice a dit, avec l'intonation langoureuse d'une hôtesse de l'air : "Vous écoutez Sky One, nous sommes le 17 juin 1991, il est 8 h 15, la température est de 19°, je vous souhaite une excellente journée." J'ai pensé : c'est un anniversaire. Il y a un an exactement, je faisais la connaissance de Jack. A croire que nos rêves ne doivent rien au hasard.

Dans les étreintes, il y a tout ce qu'on abandonne.

... on pourrait imaginer que je regrette cette tranquillité, le calme plat d'avant la tempête. On se tromperait. Pour sûr, je n'étais pas taillé pour les turbulences mais aujourd'hui, je me mettrais à genoux j'implorerais d'être foudroyé à nouveau.

Ce baiser avait un avant-goût de suicide.

Voici le tout début du roman:
"Ce matin, je vais plutôt mieux que les jours d'avant: cette nuit, j'ai rêvé de lui. Jack Bell. Enfoiré de Jack Bell. Je me suis réveillé avec le souvenir de son visage. C'était incroyablement doux."

J'ai dit ici des moments crus, j'ai dit les corps affamés, offerts, épuisés, j'ai dit les bouches qui se mordent, les mains qui s'affolent, les peaux qui se confondent, les bras qui se nouent, les hanches qui cognent, les sexes qui pénètrent, j'ai dit cela sans tabou, sans retenue, pour qu'on comprenne la frénésie, je ne renie rien ...

Je ne me rendais pas compte qu'à ma façon, je venais d'entamer une parade amoureuse. J'avais envie de plaire à ce type-là. J'aurais dû le mépriser ou l'ignorer. Et cependant, je cherchais, de fait, à établir un lien avec lui.

J'ai envisagé, il n'y a pas longtemps, d'aller faire un tour par là-bas, pour voir à quoi ça ressemblait, l'enfance de Jack. J'ai fini par renoncer. La nostalgie ne me le rendra pas.