De temps en temps un petit roman de littérature blanche, cela permet de varier les plaisirs, surtout quand il s'agit d'aborder une période passionnante comme celle du XIe siècle angevin.
Un sujet littéraire trop rare
Cette Lettre prend place dans un contexte historique très intéressant et bien peu mis en valeur d'habitude : l'an mil et les principautés territoriales dans le contexte angevin.
Roger Bichelberger a décidé de nous transcrire un long monologue de Foulque III Nerra, comte d'Anjou de 987 à 1040 : d'Angers à Jérusalem, en passant par le Maine, la Touraine et la Lorraine, nous suivons les états d'âme d'un prince du XIe siècle, prototype du seigneur féodal, trop souvent vu comme barbare et violence, alors qu'il est d'abord un homme de son temps. Sans trop en dévoiler à ceux qui ne connaissent pas ce personnage historique et son épouse, ils ont eu une relation très brève et il est historiquement difficile de savoir comment celle-ci est décédée.
Exercice intimiste
Roger Bichelberger a opté pour une vision très intimiste de ce personnage historique. On le suit à ressasser ses vieilles rancoeurs, alors qu'il décide d'écrire ses mémoires, forcément ce n'est pas le moment le plus enthousiasmant de sa vie mouvementée. Malgré sa relative petitesse, ce livre s'attarde longuement sur des aspects somme toute très mineurs, car le but ici n'est clairement pas de faire une biographie de Foulque Nerra ou de sa compagne, mais plutôt de faire une « évocation » d'un temps historique. On sent qu'on évoque plusieurs moments-clés comme l'apprentissage du pouvoir seigneurial, la construction d'une principauté territoriale angevine, l'usage politique et religieux du départ en croisade, mais ce n'est jamais très précis ni vraiment l'intérêt d'un ouvrage qui survole beaucoup d'aspects qui auraient pu diablement intéressant en s'y plongeant plus sérieusement. C'est d'ailleurs sûrement rentrer trop dans le détail de le préciser, mais citer en bibliographie finale un ouvrage très daté d'Alexandre Salies est assez dommageable, car il y a eu bien d'autres études depuis.
Ces écrits qui nous Bern
À l'image des émissions de
Stéphane Bern (Secrets d'Histoire),
Christine Bravo (Sous les jupons de l'histoire) ou de
Franck Ferrand (L'ombre d'un doute), ce roman mise avant tout sur l'histoire people. Non seulement, on tourne constamment autour du trio sexe, argent et pouvoir, mais surtout on ne prend le point de vue que de ceux qui ont le pouvoir justement. Ce manque de pluralisme ou de diversité sociale tient avant tout aux sources utilisées, sources qui sont parfois juste décalquées, certaines phrases étant vraiment très proches de la redite de certaines synthèses historiques ou de la traduction pure de passages écrits au XIe siècle (je suis bien placé pour le savoir, j'ai commis un double mémoire de Master avec quelques traductions des dites sources). Il n'empêche que se consacrer ainsi sur le seul point de vue d'un pouvoir oligarchique, militaire, religieux, masculin, mène forcément à quelque chose d'assez restreint.
Cette
Lettre à une trop jeune morte est donc une curiosité sur le fond, mais une large déception sur la forme, trop courte et caricaturale.