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Anna Hurwic (Traducteur)
EAN : 9782207260623
528 pages
Denoël (20/01/2011)
3.67/5   3 notes
Résumé :
Jedwabne 1941, la mémoire d'un pogrom dans la Pologne aujourd'hui

Le 10 juillet 1941, quelques semaines après que l'Allemagne a attaqué l'URSS, la quasi-totalité des Juifs de Jedwabne, petite ville de l'est de la Pologne, ont été massacrés par leurs voisins. Alors que la propagande communiste imputait ce massacre aux nazis, on sait désormais grâce aux travaux de Jan T. Gross qu'il a été perpétré par des Polonais.
Une remise en cause de l'histo... >Voir plus
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La Pologne entretient avec son histoire un rapport paradoxal. D'un côté, le secret longtemps occulté de l'identité des bourreaux de Katyn nourrit sa méfiance atavique à l'égard du voisin russe. de l'autre, la Pologne assume avec difficulté son passé antisémite.
Durant l'été 1941, après le déclenchement de l'opération Barbarossa, les populations juives de la Pologne orientale furent victimes de pogroms meurtriers. le 10 juillet 1941, la quasi-totalité de la population juive du petit village de Jedwabne, en Mazurie, fut brûlée vive. La thèse officielle a longtemps tenu responsables les seules troupes allemandes. Dans un livre paru en 2001 (traduction française : « Les Voisins, 10 juillet 1941, un massacre de Juifs en Pologne », Fayard, 2002), l'historien américain d'origine polonaise Jan T. Gross a soutenu que le rôle des Allemands dans le pogrom de Jedwabne était marginal et que la population polonaise était bel et bien responsable.
La thèse de Jan Gross a provoqué un débat très vif en Pologne, caractéristique d'une sorte de « Katyn à l'envers ». Si la révélation de l'identité des assassins de Katyn avait exalté le sentiment national polonais autour du souvenir glorifié de ses officiers tombés sous les balles soviétiques, la révélation de celle des antisémites de Jedwadne l'a au contraire fragilisé, obligeant la Pologne et les Polonais à se confronter à un « passé qui ne passe pas ».
Témoin engagé de ces polémiques, Anna Bikont, journaliste à Gazeta Wyborcza, a tenu un journal des années 2000-2003. Ecrit à la première personne, ce journal narre sa quête obsessionnelle des derniers témoins qu'elle traque en Israël, aux Etats-Unis et jusqu'au Costa Rica. Elle rencontre des rescapés qui, au soir de leur vie, se délivrent d'un trop lourd secret, des bourreaux qui crânement continuer à nier, mais aussi quelques Justes, peu nombreux, qui renâclent à témoigner de peur des représailles de leurs voisins antisémites. Les pages de son journal alternent avec des chapitres plus historiques où elle retrace l'enchaînement des faits. Des faits qu'une enquête exhaustive de l'Institut de la mémoire nationale (IPN) permettent désormais de reconstituer de façon quasi-certaine.
La démarche n'est pas sans rappeler « Les disparus » (Flammarion, 2007), cette exceptionnelle enquête où Daniel Mendelsohn partait à la recherche de ses origines juives dans cette même région de Pologne. Hélas, trop long, mal traduit, le livre de Anna Bikont n'atteint jamais la finesse de celui de Mendelsohn.
Il n'en fait pas moins froid dans le dos par ce qu'il révèle de l'antisémitisme, toujours vivace, qui prévaut dans ces marches défavorisées de la Pologne orientale. Certes, le président Kwasniewski a participé aux commémorations du 10 juillet 2001 et y a présenté les excuses du peuple polonais. Mais l'Eglise catholique, qui encouragea dans les années 30 le programme antisémite de la Ligue nationale de Roman Dmowski, a cultivé l'ambiguïté. Plus inquiétant encore, Anna Bikont montre l'hostilité vénéneuse que ce geste suscite dans le village de Jedwadne où le maire courageux, qui avait accepté cette démarche repentante, est désavoué par ses concitoyens. Et dans la postface rédigée à l'été 2010, elle estime que si le pays a évolué, « à Jedwadne (…) rien n'a changé ».
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A Jedwabne, petite ville de l'est de la Pologne, le 10 juillet 1941, les habitants polonais ont rassemblé sur la place du marché leurs voisins juifs et les ont persécutés toute la journée. le soir les survivants ont été enfermés dans une grange à laquelle le feu a été mis. Plusieurs centaines de personnes ont été assassinées ce jour-là. Dans les alentours des pogroms similaires ont eu lieu à la même époque. Les Allemands n'étaient pas présents sur place ou en nombre très limité.

Après la guerre le pouvoir communiste a jugé quelques uns des meneurs. Ils ont été condamnés à de courtes peines ou acquittés. Petit à petit l'idée s'est imposée en Pologne que ce crime avait été organisé et encadré par les Allemands. A Jedwabne tout le monde connaissait la vérité mais la loi du silence régnait. Les assassins tenaient le haut du pavé, ceux qui avaient caché des Juifs rasaient les murs.

En 2000 Jan Gross, écrivain américain d'origine polonaise, publie Les voisins. En s'appuyant sur le témoignage d'un des rares rescapés il assure que les coupables sont bien les habitants polonais de Jedwabne. En Pologne, l'ouvrage de Gross a un grand retentissement et déclenche la polémique. Anna Bikont, journaliste à Gazeta Wyborcza, part enquêter à Jedwabne et dans les environs où elle rencontre des acteurs du pogrom : rescapés, témoins, bourreaux. Elle s'interroge aussi sur la mémoire des événements : comment les habitants de Jedwabne vivent-ils aujourd'hui avec l'accusation qui frappe leur communauté ?

Le résultat est un ouvrage passionnant qui alterne journal (il s'étale du 28 août 2000 au 30 juin 2003) où l'auteur relate ses rencontres à la recherche de la vérité et parties plus historiques. A Jedwabne le sentiment qui domine est un antisémitisme forcené qui me fait froid dans le dos et qui rend Anna Bikont physiquement malade. Elle-même est juive, information qui ne tarde pas à se répandre dans cette communauté obsédée par l'origine réelle ou supposée de ses interlocuteurs. Elle doit rendre visite en cachette à certains témoins pour qu'ils ne soient pas victimes de malveillances (coups de téléphone en pleine nuit). Heureusement elle rencontre aussi des personnes capables d'évoluer, ainsi le maire de la ville, finalement obligé de démissionner après avoir organisé une cérémonie commémorative du pogrom.

Le crime et le silence est paru en Pologne en 2004 et vient seulement d'être traduit en français. Que s'est-il passé à Jedwabne depuis que l'affaire a éclaté il y a dix ans ? Une postface nous en informe : rien n'a changé, l'antisémitisme domine encore.
Lien : http://monbiblioblog.revolub..
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