J'ai ouvert ce livre avec en tête les images grandioses du film (Out of Africa de
Sydney Pollack) impatiente d'en découvrir l'origine, un récit que j'imaginais forcément aussi beau que les paysages qu'il décrit.
C'était oublier un petit détail : il s'agit d'un écrit de 1937...
Une époque où les populations d'Europe du nord, surtout si elles étaient bien nées, se pensaient naturellement supérieures au reste du monde, et ne se gênaient pas pour le faire savoir.
Je l'ai lu dans sa nouvelle traduction, directement du danois par
Alain Gnaedig chez Gallimard, apparemment plus fidèle au texte d'origine et donc au vocabulaire de l'époque (c'est à dire pas très politiquement correct selon nos critères actuels).
Toujours est-il que certains propos m'ont dérangé au point de ternir toute ma lecture, et bien que j'en connaisse le contexte, je n'ai pas pu faire abstraction des idées colonialistes de l'autrice.
C'est très dommage car les descriptions des paysages m'ont par ailleurs beaucoup plu. J'ai trouvé ce portrait des Ngong Hills très vivant, très imagé. L'amour que
Karen Blixen porte à ces terres africaines est prégnant, omniprésent dans les descriptions des paysages de montagne et des villages de la plaine, des coutumes et traditions kenyanes, qu'elle ne comprend pas mais qui semble la fasciner.
La construction est plutôt agréable à suivre, succession de portraits de personnages qui ont entouré l'autrice durant ses années d'expatriation, entre 1915 et 1930, (domestiques, amis, animaux, voisins, etc.) et de moments marquants.
Sans se préoccuper de la chronologie,
Karen Blixen raconte les événements et rencontres qui ont émaillés sa vie sous l'équateur comme on raconte aux amis ses albums photos.
Seulement elle le fait avec tout le paternalisme arrogant des colons, et j'ai finit par détester ce personnage, qui traite la population Kikuyu de fénéante, kidnappe des animaux sauvages et leur mets des clochettes pour son bon plaisir (viens dîner chez moi, j'ai une girafe apprivoisée), cours la savane avec sa carabine, en quête de trophées pour décorer sa maison, et compare les domestiques à ses lévriers écossais.
Certains y verront un témoignage historique, et j'avoue avoir été emporté, au début en tout cas, par la magie des étendues sauvages et des ciels chatoyants du Kenya, si bien décrits par celle qui les observa quotidiennement, à l'aube du xxème siècle. La fin, ou les portraits se succèdent plus rapidement, est meilleure, je trouve.
Il n'empêche, en dehors des passages poétiques sur les paysages et les animaux sauvages, le propos est un peu puant quand même... Alors amour ou condescendance ?
Et bien, les deux en fait. C'est peut-être là le grand paradoxe de l'époque coloniale...
Pour ma part, ma naïveté (quand à la teneur de ce livre) bien douchée et ma tasse de Ya bon Banania remisée au fond du placard,
je reste assez partagé :
Un livre sensible, à l'écriture souvent belle, mais malheureusement un peu daté.