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EAN : 9782070418626
192 pages
Gallimard (05/03/2001)
4.01/5   65 notes
Résumé :
« La porte se referma. J'étais seul avec ces trois femmes qui tenaient ma destinée entre leurs mains et pouvaient, à chaque minute, me détruire. Maintenant, il n'y avait plus rien à tenter. J'étais leur chose. »

Source : Folio, Gallimard
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Autrefois au binoclard
On vendait du polar
Maintenant, c'est plus pareil
Ca change, ca change
Pour seduire le cher ange
On lui glisse a l'oreille
Ah, Dandine
Viens me lire
Et je te servirai
Du roman noir
Du suspense politique
Des cadavres en armoire
Et du psychologique!


Je me laisse donc tenter. Encore une fois. Je suis faible. Mais je choisis. Et cette fois c'est de l'extra-fin. Vieilli en cave. Mon libraire me l'avait specialement mis de cote (qui va croire ca? Comme a mon habitude je l'ai fauche a un copain). Et qu'est-ce que c'est? Ah! Un thriller de l'epoque ou on n'employait pas encore ce mot, mais c'etait deja un suspense angoissant. Sans trop de scenes sanglantes, demontrant que la terreur n'a nul besoin de gore. Utilisant un narrateur qui devoile ses pensees les plus intimes, ses emotions, le tandem Boileau-Narcejac entraine le lecteur en une descente aux enfers, en un enfer psychologique, vers une fin qu'on peut subodorer mais n'en est pas moins cauchemardesque.


Il y a une intrigue, bien que pour moi c'est la profondeur psychologique qui a prime. Un homme se fait passer pour quelqu'un d'autre devant deux femmes qui l'acceuillent chez elles. Au debut par hasard et necessite, mais il persiste. Pourquoi? Et jusqu'ou ira-t-il pour ne pas etre demasque? Et elles, sont-elles dupes? Sinon, pourquoi continuent-elles a l'heberger? Qu'esperent-elles de lui? Que lui veulent-elles? Une troisieme femme arrive, s'embranche a leur huis-clos. Que sait-elle?
A travers quelques dialogues et les pensees de l'homme, les auteurs paufinent une danse macabre, de chat et de souris. Ou de chatte et de souris? Tous poursuivent, tous fuient. Qui sera pris?


Une vieille edition de la collection Crime-Club portait ce bandeau: “Trois femmes et un mensonge. Trois mensonges et un homme.” On n'aura pas depuis mieux depeint, sans rien reveler, cet excellent thriller. Pour moi ca a ete un page-turner: deux heures de ma nuit.
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Durant sa captivité en Allemagne pendant l'Occupation, Gervais, le narrateur, est devenu inséparable d'un certain Bernard, qui lui a appris tous les détails de sa vie, et qui partage avec lui sa correspondance avec Hélène, sa marraine de guerre. Lorsqu'il entraîne Gervais dans son évasion, Bernard entend rejoindre Hélène à Lyon, mais seul son compagnon parvient à destination. Sans ressources ni point de chute, Gervais entreprend de se glisser comme un coucou dans le nid qui s'offre à lui et usurpe l'identité de Bernard...


Claquemuré dans cet appartement lyonnais qui lui tient lieu de cache, Gervais se retrouve aux prises avec trois femmes, dans un huis-clos de plus en plus étouffant où l'on se demande très vite qui sont les chats et les souris. Entre ambiguïtés, sous-entendus et intentions cachées, un climat empoisonné, où la menace semble sourdre de chaque propos et du moindre sourire, s'épaissit peu à peu dans un suspense psychologique si magistral qu'il tiendra le lecteur en apnée jusqu'au point final. Opportunisme lâche et facile côté masculin, cupidité perfide côté féminin, enfermeront tout ce petit monde dans une vertigineuse partie d'échecs aux coups sournois et mortels, de plus en plus imparables.


Ce roman d'atmosphère excelle à transformer une poignée de personnages, a priori anodins, en monstres diaboliques emportés par leurs faiblesses dans un engrenage infernal. Sans effet spectaculaire, avec une précision calme et froide quasi chirurgicale, le récit se déploie de manière implacable, faisant preuve d'une férocité aussi glaçante que jubilatoire. Au terme des retournements incessants de ce jeu de dupes, demeure une interrogation : à qui attribuer la palme de la plus grande méchanceté ? Coup de coeur.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Nous sommes en février 1941, dans la tourmente et l'horreur de la seconde guerre mondiale. Deux hommes, deux prisonniers français, Gervais et Bernard, parviennent à s'échapper du stalag dans lequel ils étaient détenus en Allemagne. L'évasion réussie, Bernard entraîne Gervais jusqu'à Lyon afin de retrouver sa marraine de guerre, Hélène, avec laquelle il correspondait jusqu'à présent.
Jusqu'ici tout va bien...
En cherchant à se faufiler parmi les rails et les wagons en gare de Lyon, Bernard est heurté par un train de marchandises qui fait une manoeuvre. Avant de mourir sous les yeux et dans les bras de Gervais, il fait promettre par ce dernier que celui-ci retrouvera Hélène. Il lui tend son portefeuille, ses papiers avant de rendre son dernier souffle.
Gervais réussit à quitter les lieux, braver le couvre-feu, esquiver les patrouilles allemandes. La ville sous l'occupation allemande est un territoire ennemi...
Il parvient à trouver l'adresse d'Hélène... Jusqu'ici tout va bien...
Ayant en poche les papiers de Bernard, ayant peur dans ce monde hostile, étant totalement désemparé, ne sachant où aller, qu'auriez-vous fait à la place de Gervais ? Oui moi aussi je l'aurais fait. Il ne se doutait pas que c'était aussi facile de se glisser dans les pas et l'identité d'une autre personne, qui plus est, celle de son fidèle ami qui lui avait tant parlé de cette marraine de guerre durant leur détention, celle à laquelle il avait promis de la rejoindre après la guerre, et plus si affinités...
Hélène n'y voit que du feu... Et sa soeur Agnès aussi... Les deux soeurs vivent seules dans cet appartement d'un quartier cossu de Lyon... Gervais est comme un coq en pâte. Nourri, logé, blanchi, couvé, choyé, dorloté...
Jusqu'ici tout va bien...
C'est comme un huis clos, l'appartement devient ce cocon qui protège Gervais du reste du monde, de la rue, des patrouilles allemandes, de la guerre, de l'effroi du monde... C'est une cache, c'est l'enfermement nécessaire, salvateur, un enfermement de bonheur, de caresses, de promesses... Bien sûr Agnès est étrange, jalouse des sentiments qui ont éclos entre Hélène et Gervais, rôde comme une chatte aux yeux cupides... Mais elle est jeune, spontanée, si différente de sa soeur ainée.
Et puis un jour, une autre femme débarque, elle s'appelle Julia, elle est la soeur de Bernard... Mais contre toute attente, elle fait comme si Gervais était bien Bernard et lui saute au cou lors de ces retrouvailles improbables...
Jusqu'ici tout allait bien...
« La porte se referma. J'étais seul avec ces trois femmes qui tenaient ma destinée entre leurs mains et pouvaient, à chaque minute, me détruire. Maintenant, il n'y avait plus rien à tenter. J'étais leur chose. »
Les louves est ce roman qui m'a tenu en haleine, un soir rien qu'un soir car je n'ai pas pu le quitter dès que je suis entré dedans. J'ai été happé, j'ai été à mon tour enfermé dans cet appartement aux allures chaleureuses et rassurantes... J'ai été dorloté, j'ai été caressé. Je m'y suis senti bien comme Gervais... Et puis, brusquement je n'ai pas senti les murs se lézarder, le sol s'ouvrir en deux, je n'ai pas vu ce trou béant qui ressemblait à ma naïveté au milieu de ce paysage protecteur, comme la naïveté de Gervais...
Je n'ai pas vu venir ce jeu du chat et de la souris, ce jeu de dupes... Bien sûr, lorsque l'atmosphère est devenue étouffante, c'était comme si les murs se rapprochaient dans un étrange serrement de vis, une machine infernale, un mécanisme devant lequel il n'était plus possible de faire machine arrière...
Dehors, j'entendais les patrouilles allemandes avec leurs chiens, je distinguais leurs lampes la nuit, et je me demandais brusquement à quel endroit le danger était le plus fort... Dehors ou dedans ?
Il n'y a rien de spectaculaire dans ce roman d'atmosphère. Tout réside dans ce qui n'est pas dit, pas décrit, pas vu, c'est ce qui est terrible d'ailleurs.
Le huis-clos devient alors vertigineux.
Chaque chapitre se clôt sur un pas de plus, un pas de trop vers l'inévitable, dans une atmosphère qui peu à peu transforme le dedans plus terrifiant que le dehors...
Tout est ciselé dans l'écriture du récit comme un travail d'orfèvre et j'imagine ces deux-là, Boileau-Narcejac, ce tandem infernal, épris de jubilation, riant sous cape en imaginant l'effet que procurerait le texte de cette histoire à la mécanique impeccable, si bien huilée, mettant en scène des personnages attachants qui se révèlent peu à peu Les louves du récit sans qu'on n'y prenne gare...
Bien sûr, je m'y attendais, en ouvrant un roman, - de surcroît un thriller intitulé Les louves, je savais bien que je ne venais pas au pays des Bisounours. Cependant, c'est un art subtil qui est déployé ici par ces maîtres du genre pour égarer le lecteur, alors même que celui-ci s'attend cependant à entrer dans une histoire jalonnée de tensions, d'angoisse, de pièges, de chausse-trappes et pire si affinités.
La subtilité du récit n'est-elle pas aussi dans cette frontière ténue entre le bien et le mal, entre le courage et la lâcheté, à l'endroit-même où les personnages peuvent se transformer de manière à peine perceptible entre les mots, entre les phrases, dans le silence qui couture le passage d'un endroit à l'autre ?
C'est féroce et jubilatoire.
En écrivant ma chronique, j'ai découvert avec joie qu'il existait une adaptation cinématographique de ce roman, datant de 1957. Et quel casting ! Attention ! Vous êtes assis ? Dans le rôle de Gervais : François Périer. Et dans le rôle des louves : Micheline Presle, Jeanne Moreau et Madeleine Robinson... Rien que ça !
Bon, les moins de vingt ans, je sais... Mais Micheline Presle est encore pleine de vie dans ses 99 printemps ! C'est elle qui interprète le rôle d'Hélène dans le film.
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Il s'est évadé d'un stalag avec son ami Bernard. Destination Lyon où Bernard pense trouver refuge chez sa marraine de guerre. C'est à l'abri d'un wagon à bestiaux qu'ils parviennent à destination dans la nuit noire de l'occupation. Au milieu des aiguillages de la gare de triage, alors qu'ils cherchent à s'orienter, Bernard est happé par un train et succombe à ses blessures.
Désormais il est seul, désemparé, et c'est par miracle s'il parvient jusqu'à l'adresse que Bernard lui avait indiquée.
Accueilli avec chaleur par la maitresse de maison qui le prend pour Bernard, il entre dans un cercle infernal en taisant la mort de son ami.
Désormais il est Bernard et le roman va se construire sur ce postulat pour entrainer le lecteur dans un huis clos vertigineux.
Pierre Boileau et Thomas Narcejac sont deux auteurs qui possèdent toutes les clés du genre policier à suspense et leurs longues carrières sont jalonnées de grands romans psychologiques. Celui-ci ne déroge pas à la règle et tiendra le lecteur en éveil, pour son plus grand plaisir, jusqu'à tard dans la nuit.
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ISBN : ?

Incontestablement, l'un des plus clairs et aussi l'un des meilleurs ouvrages du tandem policier français. Si l'ambiance est toujours aussi écrasante - d'autant que l'action se situe sous l'Occupation nazie, à Lyon en grande partie, et que le héros s'est évadé du stalag avec son meilleur ami, Gervais Laroche - si tout le monde, ou presque, rase les murs, surtout après le couvre-feu, le Destin marque d'emblée son emprise sur la partie en nous fournissant, à nous, lecteurs, des cartes dont une seule pour une fois est biseautée. Mais laquelle ?

En effet, ayant sauté de leur train à Lyon, Bernard Pradalié, l'autre partie du binôme, qui vient d'un milieu simple mais aisé et possède deux scieries florissantes à Saint-Flour, s'aperçoit qu'il a perdu ce qu'il appelle son talisman, une médaille que lui a offerte son oncle Charles, lequel dirige lui-même, et avec succès, des exploitations forestières en Afrique de l'Ouest. Malgré les conseils de son ami Gervais le Taciturne, Gervais l'Impatient, Bernard s'entête, accroche un train, se fait une vilaine blessure et Gervais est bien obligé de l'abandonner à son sort. C'est l'aube et les premières patrouilles approchent.

Le plan concocté par Bernard et d'accord avec la principale intéressée était à la fois simple et complexe : trouver refuge chez sa marraine de guerre, Hélène Madinier, dont, de lettre en lettre, on peut dire que chacun des deux hommes était un peu tombé amoureux. Bernard redoutait bien que Hélène, élevée dans une certaine société, le trouvât un peu trop "rustre" pour elle mais, étant données les circonstances, il espérait tout de même. Et puis, que voulez-vous, c'était un incurable romantique ... Et puis, il pensait que Gervais, issu, lui, d'un milieu bourgeois, instruit, Gervais qui, enfant et adolescent, avait reçu les cours du célèbre pianiste Yves Nat, rehausserait son prestige. Précisons que, de toutes façons, bien avant qu'arrivent au stalag les premières lettres d'Hélène, Bernard, plein d'énergie, extraverti en diable et débrouillard, s'était pris d'une sincère amitié pour Gervais. Celui-ci ne la lui rendait qu'à moitié : personnage profondément introverti, secret et renfermé, adepte du calme et n'ayant que dégoût pour le bruit et l'agitation inutiles, il était souvent agacé par les débordements de son camarade. Mais le moyen de faire autrement que de le subir ? Et puis, dans un camp de prisonniers, les amis, les vrais, se comptent sur les doigts. Or, jamais Gervais ne met ou ne mettra en doute l'intégrité de Bernard.

Au départ, le plan d'évasion avait paru complètement fou à Gervais. Mais maintenant que Bernard vient de mourir, le revoici complètement déboussolé. Certes, le moribond a eu la présence d'esprit de lui donner son portefeuille et de prendre le sien mais tout de même ... Comment réagira Hélène ? Bien qu'elle n'ait jamais vu Bernard, ils se sont écrit, ils se sont fait des confidences, il y a même vu envoi de photos - il faut dire qu'on n'y voyait pas grand chose sur ces photos-là. N'empêche : le risque est grand. Et si elle s'imagine, par exemple, que c'est Gervais qui a tué Bernard ?

Ne pouvant rester à traînasser, avec une barbe d'il ne sait plus combien de jours, dans la Capitale des Gaules, avec tous ces Allemands qui passent et repassent, ces Français qui font la queue des rationnements et l'ombre de Klaus Barbie qui plane sur tout ça, Gervais se rend, on peut le dire sans exagération la mort dans l'âme, chez Hélène. Il veut s'expliquer dès les premiers instants mais la jeune femme ne lui en laisse pas le temps : pour elle, c'est indéniable, il est Bernard.

Et Bernard il restera jusqu'à la fin.

Très bien accueilli par Hélène - qui fait "un peu institutrice" mais a de la classe - et par la demi-soeur de celle-ci, Agnès, qui met un peu de beurre dans les épinards de la maison rationnée en organisant, Bernard le découvre peu à peu non sans malaise, des séances de spiritisme et de tirage de cartes, l'ancien prisonnier des Allemands se rend pourtant très vite compte que, désormais, il est pratiquement reclus entre ces deux femmes qui ne s'aiment guère et qui, toutes deux, visiblement, le veulent chacune pour soi. Or, vous l'avez sans doute compris, si notre héros est profondément introverti, la liberté, il aime ça d'autant plus qu'elle lui a manqué pendant des mois. Il n'a tout de même pas échappé aux patrouilles allemandes et à la SS pour se retrouver coincé dans un appartement lugubre, entre deux femmes qui le surprotègent, le maternent ... et lui donnent en gros l'impression de l'enrouler dans des mètres et des mètres de toile d'araignées .

Là-dessus : coup de théâtre. Julia, la soeur avec laquelle Bernard Pradalié était fâché depuis au moins vingt ans, refait surface, invitée par les soeurs Mandinier, et s'en vient poser ses valises pour quelques jours Second coup de théâtre pour un Bernard / Gervais bien près de s'effondrer : Julia lui saute au cou en l'appelant "Mon petit Bernard ! ..." Il n'y a guère qu'Agnès, personnage trouble et malicieux s'il en est - mais, on le constatera à la fin, bien moins qu'elle n'en donnait l'impression - pour trouver que le frère et la soeur ne se ressemblent guère ...

Et pour achever l'intermède en beauté, troisième et dernier coup de théâtre : alors que Bernard raccompagne sa "soeur" à la gare à la fin de son court séjour, une rafle. La jeune femme tombe sous une rafale de mitraillette tandis que son compagnon, plus chanceux, parvient à s'échapper...

Bernard, qui stresse de plus en plus, on le perçoit bien, sent sa raison chanceler. Alors, imaginez un peu sa tête lorsque, dans son lit, sur son oreiller, il découvre la photo - le tout petit cliché - du vrai Bernard. Et il comprend alors que c'est Agnès qui mène le jeu - Agnès dont, dès les premiers jours, nous avons omis de le préciser, il avait fait sa maîtresse et qui ne tient évidemment pas à ce que son amant épouse sa soeur ...

Un vrai noeud de vipères ...

... que nous vous laissons le fabuleux plaisir de délier en une fin dont, c'est vrai, certains ont pu suspecter depuis longtemps l'inéluctabilité mais qui n'en reste pas moins glaçante. Dans ce roman, la plus "loup" et le plus détraqué n'est peut-être pas celui ou celle à qui l'on pense en premier. Comme souvent, chez Boileau-Narcejac, le thème du double, de l'échange d'identité est présent mais ils s'amusent, non sans cruauté, leur "marque de fabrique" à eux, à pousser au beau milieu de la scène des personnages qui ne sont peut-être pas si dangereux que cela. Tandis que le montreur de marionnettes - celui qui tire tous les fils, et avait déjà commencé à le faire alors même que Gervais comme Bernard étaient encore au stalag et n'envisageaient même pas qu'une évasion fût possible - reste, disons, non pas dans l'ombre, mais dans le calme, la décence, la rigueur, dans la perfection pourrait-on dire.

"Les Louves", il est vrai, se termine sur une note à la fois morale et vengeresse. Mais une petite question ne cessera sans doute jamais de tarauder le lecteur : la dernière lettre de Bernard / Gervais parviendra-t-elle à qui de droit ? Là, c'est au lecteur de choisir : l'optimiste protestera que oui, bien, sûr, voyons ! le cynique ...

Mais je vous en ai assez dit. Bonne lecture. ;o)
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Plus de chefs, plus de commandements, plus de camarades; je n'appartenais plus au troupeau. Bernard ?... Je m'étais réconcilié avec lui. Je suis de ces gens qui ne savent aimer que les morts...Hélène ?...Justement ! Tant qu'elle n'avait été qu'une image, elle m'avait troublé. Depuis que je l'avais vue...elle m'intéressait moins. Je n'avais pas vraiment besoin d'elle. Mais j'étais heureux qu'elle m'aimât, ou du moins qu'elle s'appliquât à m'aimer, car il y avait, dans sa conduite à l'égard de Bernard, un peu de contrainte et comme un effort.
Devais-je lui révéler la vérité ?
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[...] ... - "Agnès !"

Etais-je assez bête ! Attendais-je, sérieusement, qu'elle vînt à ma rencontre et m'ouvrît les bras ? Mais j'avais l'oreille exercée. Et le silence des pièces vides, j'en connaissais les moindres nuances.

- "Agnès !"

Je me précipitai. La porte n'était même pas fermée. Agnès était tombée tout près du cabinet de toilette. Elle était figée dans une sorte de spasme, de secousse horrible qui la défigurait. Je touchai sa main. Elle était dure et froide comme du métal. Les morceaux d'une tassé à thé jonchaient le parquet. Le bruit de ma respiration était pire qu'une offense. Je m'éloignai du corps, essuyai mon front à la manche moelleuse du pardessus. Poison. Je chuchotai le mot pour me persuader qu'il n'y avait plus rien à tenter. Il n'y avait qu'à attendre le retour d'Hélène. Elle saurait, elle, ce qu'il convenait de faire. Je restai là, debout, les mains jointes, les yeux fixés sur la morte, dans un silence qui devait être celui du tombeau. Courageuse Agnès ! Elle avait choisi, sans hésiter, le bon parti. Et voilà que je m'en félicitais tout bas. J'étais malade de douleur et je me sentais en même temps sur le chemin de la convalescence. Avec Hélène, je m'arrangerais toujours. Et d'abord, Hélène allait faire le nécessaire. Elle saurait me délivrer de la présence de ce corps, me mettre à l'abri. Ah ! pourvu qu'elle revienne vite ! Je bougeai les yeux : la photo n'était plus sur la table mais il y avait dans la cheminée des papiers brûlés, des lettres, des feuilles de cahier ; Agnès n'avait rien voulu laisser du passé. Saisi d'une crainte qui me parut d'ailleurs vaine, je courus à la chambre d'Hélène, puis je visitai toutes les autres pièces, salon, salle à manger, cuisine ... Non, Agnès n'avait rien écrit qui pût m'accuser. Je revins auprès du corps et, à ce moment, j'entendis la clef dans la serrure. La porte se referma. J'appelai, en retenant ma voix :

- "Hélène ! ... venez ! ..."'

Je m'écartai. Elle vit Agnès avant même d'avoir franchi le seuil et son regard chercha le mien.

- "Elle est morte," murmurai-je. "Je viens juste de la trouver."

Hélène fit les gestes que j'attendais d'elle. La tasse. Elle en ramassa les morceaux, les sentit, les reposa sur le plancher. Puis elle souleva la tête de sa soeur.

- "Cela devait finir ainsi," dit-elle. ... [...]
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La porte se referma. J'étais seul, avec ses trois femmes qui tenaient ma destinée entre leurs mains et qui pouvaient, à chaque minute, me détruire. Maintenant, il n'y avait plus rien à tenter. J'étais leur chose.
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[...] ... - "Bernard ! Reviens !"

Nous étions à un carrefour de voies qui brillaient sournoisement comme une vaste rosace guidant au coeur de la nuit les convois véloces. Je vis deux wagons qui dérivaient vers nous, changeaient plus fois de direction comme pour mieux nous atteindre. Immobile, les bras tendus devant moi, je ne bougeais plus, semblable à un gibier forcé. Ils défilèrent à me toucher, mortellement lourds, choisissant leur chemin dans le dédale de fer. A l'intérieur, des bêtes respiraient, frappaient le plancher d'un sabot languissant. Le cri de Bernard m'atteignit comme une lame, suspendit ma respiration. Les wagons n'en finissaient plus de passer ; ils s'éloignèrent enfin, balançant leurs chaînes d'attelage, et je distinguai, un peu plus loin, un container qui glissait avec le moelleux d'un chaland sur une eau lisse. Au vol, j'enregistrai une inscription en lettres claires, immenses : AMBERIEUX-MARSEILLE. Bernard gémissait et je le cherchais, entre les rails, la tête perdue. Je butais ; je trébuchais. A la fin, j'avançai à quatre pattes, palpant les traverses. Je sursautai quand ma main trouva son corps ...

- "Bernard ... Mon vieux ..."

- "Je suis foutu ... " haleta Bernard, "Ma jambe ... L'hémorragie ...

- Je vais chercher du secours.

- Pour qu'ils te remettent la main dessus ... Laisse-moi ... Prends mes portefeuilles, mes papiers, tout ... Va là-bas, elle te cachera ..." ... [...]
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Elle croise ses doigts sur mes yeux, comme un bandeau, pour m'empêcher sans doute de voir plus avant et je ne m'interroge plus. Je glisse dans une sorte d'inconscience pleine de charme. A peine si je l'entends murmurer :
"Ton infusion, Bernard...Elle va être froide."
Je bois, avec une légère grimace qu'elle surprend aussitôt, car rien ne lui échappe. "Veux tu un peu de sucre ?
- S'il te plaît. C'est amer, cette camomille !"
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