Un flux qui emporte les notations plus ou moins précises, les souvenirs rageurs non dépourvus d'une tendresse pour les hommes et un métier, des « Arts et métiers » , la formation aux techniques et la formatisation sociale par les anciens bizuteurs et l'encadrement conseiller, les projets et rêves de tous ceux côtoyés, l'usine maintenant fermée (ou presque) et destinée à faire place à un quartier de bureaux – et puis les différentes usines, et le travail d'une machine à retaper l'autre, d'un pays à l'autre, d'un univers à l'autre avec cette permanence : la machine (et suis fascinée). La dureté du travail, les rapports, les hiérarchies, l'importance des commerciaux ou gens de bureaux. Des silhouettes rencontrées, des histoires, des amitiés.
Assemblage de textes divers unis par le travail des mains, ceux qui le font et les machines, le métal. Déplacements dans l'espace, et dans le temps aussi, avec le grand-père et la permanence du travail et surtout les changements du monde. Leur désuétude, et la colère que c'est.
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L’image au début de siècle d’une coutellerie où un train de roues au plafond, par autant de courroies, entraîne une batterie de grosses meules parallèles, la table de bois réglable où les hommes se couchent, la tête en avant comme à la guillotine, pour avoir les bras devant les courroies, au-dessus de la meule, et sur l’ancienne photographie le contremaître en arrière, appuyé à la cloison, un geste comme de se curer les ongles et ce qui de tout ça, loi physique d’un homme sur d’autres hommes pour un inégal profit n’a pas varié d’un poil malgré leurs cols blancs et leurs mots de caricature.
on vendait à Rolls-Royce comme on vendait à Lada et fiers de ça nous tous plus que le vieux Mario Sciaky qu’on voyait une fois le mois faire son tour des établis, fantômes les neuf cents (comme alors on disait un « cent » d’écrous de huit) câbleurs, tuyauteurs, ajusteurs, chaudronniers, dessinateurs, tout aussi de ce qui les entourait de professions mineures, magasiniers aux doigts mutilés, pointeaux et ramasseurs de copeaux, il y avait même un photographe attaché à l’usine pour faire mémoire des machines neuves et deux infirmières.
Le grand poème lyrique qu’était tout ceci, poème en acte et son équivalent de création d’images. Le jamais vu de ce qu’ici l’homme au quotidien accomplissait en promenant dans les allées anneau à l’oreille et bouteille pansue de limonade au citron.
Bizarrerie que c’est de penser à la fabrication par électro-érosion des poinçons et malheureux ceux qui pour marcher leur vie d’homme n’ont pas perdu deux heures une fois pour regarder le travail en bain de l’érosion électrique, la haute tension délivrée dans l’huile isolante, la forme découpée sans contact à l’acier dur et le déploiement de telles forces dans une telle immobilité.
À Longwy le jour de l’écrasement vingt pas devant soi des quarante tonnes de la cage à rouleaux, le cassement des élingues sous le pont roulant et le monde entier qui tombe : l’instant qu’il fallut pour savoir s’il y avait quelqu’un là-dessous ou personne, les claquements de la boucle brillante sur le laminoir
A l'occasion du salon "Rendez-vous de l'histoire" à Blois, rencontre avec François Bon autour de son ouvrage "Sapiens à l'oeil nu" aux éditions CNRS.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2323506/francois-bon-sapiens-a-l-oeil-nu
Note de musique : © Scott Holmes
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